C’est probablement un signe de l’époque: l’annonce du nouveau lauréat du prix Nobel de la paix tourne de plus en plus souvent au scandale. De toute l’histoire de plus de 100 ans du prix Nobel, le monde est devenu plus complexe et irascible: il reste de moins en moins de personnes respectées de tout le monde. Le 7 octobre, le nom du nouveau lauréat sera annoncé.
L’intrigue de cette année est l’éventuelle remise du prix aux organisateurs des révolutions arabes sur internet. Bien que leur victoire soit loin d’être garantie (selon les rumeurs, le fondateur de WikiLeaks Julian Assange fait partie des prétendants), la possibilité même a provoqué une explosion de débats perceptible même dans le contexte généralement tumultueux du Nobel.
A Oslo il existe aussi des bizarreries
Depuis plusieurs décennies le comité norvégien du Nobel s’attire périodiquement les foudres de la communauté internationale par ses décisions controversées.
On se souvient de l’attribution du prix au président américain Barack Obama en 2009. A l’époque, Obama avait investi la Maison blanche depuis moins d’un an, et toutes ses initiatives se réduisaient aux intentions honorables.
Le prix Nobel de la paix en 1990, remis au président soviétique Mikhaïl Gorbatchev, a également laissé un arrière-goût amer. Quelque mois après la remise du prix, l’armée soviétique et les forces spéciales ont mené des opérations sanglantes à Vilnius et à Riga.
Il est également douloureux de se souvenir du prix Nobel de la paix en 1994, attribué au Palestinien Yasser Arafat, ainsi qu’aux Israéliens Yitzhak Rabin et Shimon Peres pour les accords de paix de 1993 qui n’ont jamais été respectés. Comme nous le savons, le "processus de paix" à l’époque s’est conclu par l’escalade de la violence, une nouvelle intifada en 2000 et la confrontation actuelle entre les Israéliens et les Palestiniens, avec le Hamas au pouvoir à Gaza.
Le temps nous jugera
Toutefois, Le Comité Nobel norvégien peut se référer aux nombreux cas où l’histoire lui donnait raison.
Le premier lauréat du prix Nobel de la paix, le Suisse Henri Dunant, l’a reçu en 1901 pour la fameuse Convention de Genève, qui exigeait de traiter avec respect les soldats blessés. Aujourd’hui, c’est difficile à croire, mais à l’époque le comité avait des adversaires, affirmant qu’en réalité Henri Dunant attisait la guerre en rendant ses conséquences moins horribles qu’auparavant.
Ces opposants seraient d’avis de ceux qui espéraient que l’invention de la mitrailleuse empêcherait la Première guerre mondiale d'éclater, car cette arme effrayait par la capacité d’un seul homme la possédant de tuer une centaine de ses semblables en une minute. L’histoire a montré que Dunant avait raison, et que ses opposants avaient tort.
L’histoire a également confirmé le bon choix des visionnaires méconnus dans leurs propres pays au moment de la remise du prix, tels qu’Andreï Sakharov (lauréat en 1974) et le leader de Solidarnosc Lech Walesa (1983).
Par ailleurs, l’attitude envers l’héritage de Gorbatchev change actuellement en bien. La Russie commence peu à peu à apprécier les traits de caractère de cet homme complexe, à l’époque admirés par l’Occident: sa capacité de laisser un opposant s’expliquer, son caractère démocratique, le respect des résultats du vote et des élections.
En fin de compte, l’histoire remet tout à sa place, la démocratie est appréciée lorsqu’elle commence à manquer. Il est possible qu’avec le temps les souvenirs d’Arafat et de Rabin ne soient plus aussi douloureux. Les Palestiniens et les Israéliens n’ont qu’une seule issue vers une vie décente: un accord de paix. Et Rabin et Arafat ont tenté de le signer, même s’ils ont échoué.
L’histoire des blogueurs arabes qui pourraient remporter le prix Nobel de la paix pour l’organisation des manifestations de masse en Tunisie et en Egypte suscite le doute en raison de la foi aveugle du comité en caractère résolument progressiste des technologies internet.
Facebook et Twitter sont des inventions technologiques remarquables, peut-être méritant le prix Nobel attribué en Suède pour les réalisations dans le domaine scientifique. Mais le prix Nobel de la paix remis en Norvège implique également le haut degré de moralité du lauréat.
Les jeunes fondateurs égyptiens du Mouvement du 6 avril, qui ont mobilisé grâce à Facebook des dizaines de milliers de manifestants sur la place Tahrir ne sont pas des grands hommes. La cybermilitante égyptienne Israa Abdel Fattah, qui a mobilisé l’auditoire des réseaux sociaux au service de la révolution n’est pas nouvelle en politique. Son groupe d’alliés s’est formé dès 2008 en prônant le rejet de la politique "pro-israélienne" du président Hosni Moubarak, qui préférait ne pas faire la guerre avec Israël, mais lui vendre du gaz.
Le plus important est le rêve
Dans l’histoire il est arrivé à plusieurs reprises que les plans des lauréats du prix Nobel de la paix ne se réalisent pas. Il n’y a eu aucune "convergence" entre le socialisme soviétique et la démocratie américaine, dont parlait l’académicien Andreï Sakharov. La carrière politique de Lech Walesa a échoué: il a perdu la présidentielle après son premier mandat, car pour être un chef de l’Etat l’électricien de Gdansk manquait d’éducation, de respectabilité extérieure et de talent politique pour créer des coalitions.
Mais personne ne peut douter de leur disposition morale. Sakharov rêvait sincèrement d’un monde sans antagonisme entre le socialisme et le capitalisme. Lech Walesa servait du mieux qu’il pouvait l’idéal de la Pologne démocratique et indépendante.
Mais qu’en est-il des blogueurs égyptiens qui appellent aujourd’hui à lyncher l’ex-président de leur pays?
On pourrait accuser Hosni Moubarak de corruption, de dispositions antidémocratiques et d’une propension prononcée au népotisme. Il répond actuellement au tribunal pour tous ses péchés. Mais c'est à lui que revient le mérite de la paix entre l’Egypte et Israël.
Et la récente "invasion populaire" de l’ambassade israélienne au Caire est un phénomène honteux et dangereux. Peu importe de savoir si Facebook ou Twitter ont été utilisés à cette fin. Il serait préférable que ce ne soit pas le cas. Car un barbare "armé" de Twitter est plus dangereux qu’un barbare dépourvu cet outil.
( Rian )
L’intrigue de cette année est l’éventuelle remise du prix aux organisateurs des révolutions arabes sur internet. Bien que leur victoire soit loin d’être garantie (selon les rumeurs, le fondateur de WikiLeaks Julian Assange fait partie des prétendants), la possibilité même a provoqué une explosion de débats perceptible même dans le contexte généralement tumultueux du Nobel.
A Oslo il existe aussi des bizarreries
Depuis plusieurs décennies le comité norvégien du Nobel s’attire périodiquement les foudres de la communauté internationale par ses décisions controversées.
On se souvient de l’attribution du prix au président américain Barack Obama en 2009. A l’époque, Obama avait investi la Maison blanche depuis moins d’un an, et toutes ses initiatives se réduisaient aux intentions honorables.
Le prix Nobel de la paix en 1990, remis au président soviétique Mikhaïl Gorbatchev, a également laissé un arrière-goût amer. Quelque mois après la remise du prix, l’armée soviétique et les forces spéciales ont mené des opérations sanglantes à Vilnius et à Riga.
Il est également douloureux de se souvenir du prix Nobel de la paix en 1994, attribué au Palestinien Yasser Arafat, ainsi qu’aux Israéliens Yitzhak Rabin et Shimon Peres pour les accords de paix de 1993 qui n’ont jamais été respectés. Comme nous le savons, le "processus de paix" à l’époque s’est conclu par l’escalade de la violence, une nouvelle intifada en 2000 et la confrontation actuelle entre les Israéliens et les Palestiniens, avec le Hamas au pouvoir à Gaza.
Le temps nous jugera
Toutefois, Le Comité Nobel norvégien peut se référer aux nombreux cas où l’histoire lui donnait raison.
Le premier lauréat du prix Nobel de la paix, le Suisse Henri Dunant, l’a reçu en 1901 pour la fameuse Convention de Genève, qui exigeait de traiter avec respect les soldats blessés. Aujourd’hui, c’est difficile à croire, mais à l’époque le comité avait des adversaires, affirmant qu’en réalité Henri Dunant attisait la guerre en rendant ses conséquences moins horribles qu’auparavant.
Ces opposants seraient d’avis de ceux qui espéraient que l’invention de la mitrailleuse empêcherait la Première guerre mondiale d'éclater, car cette arme effrayait par la capacité d’un seul homme la possédant de tuer une centaine de ses semblables en une minute. L’histoire a montré que Dunant avait raison, et que ses opposants avaient tort.
L’histoire a également confirmé le bon choix des visionnaires méconnus dans leurs propres pays au moment de la remise du prix, tels qu’Andreï Sakharov (lauréat en 1974) et le leader de Solidarnosc Lech Walesa (1983).
Par ailleurs, l’attitude envers l’héritage de Gorbatchev change actuellement en bien. La Russie commence peu à peu à apprécier les traits de caractère de cet homme complexe, à l’époque admirés par l’Occident: sa capacité de laisser un opposant s’expliquer, son caractère démocratique, le respect des résultats du vote et des élections.
En fin de compte, l’histoire remet tout à sa place, la démocratie est appréciée lorsqu’elle commence à manquer. Il est possible qu’avec le temps les souvenirs d’Arafat et de Rabin ne soient plus aussi douloureux. Les Palestiniens et les Israéliens n’ont qu’une seule issue vers une vie décente: un accord de paix. Et Rabin et Arafat ont tenté de le signer, même s’ils ont échoué.
L’histoire des blogueurs arabes qui pourraient remporter le prix Nobel de la paix pour l’organisation des manifestations de masse en Tunisie et en Egypte suscite le doute en raison de la foi aveugle du comité en caractère résolument progressiste des technologies internet.
Facebook et Twitter sont des inventions technologiques remarquables, peut-être méritant le prix Nobel attribué en Suède pour les réalisations dans le domaine scientifique. Mais le prix Nobel de la paix remis en Norvège implique également le haut degré de moralité du lauréat.
Les jeunes fondateurs égyptiens du Mouvement du 6 avril, qui ont mobilisé grâce à Facebook des dizaines de milliers de manifestants sur la place Tahrir ne sont pas des grands hommes. La cybermilitante égyptienne Israa Abdel Fattah, qui a mobilisé l’auditoire des réseaux sociaux au service de la révolution n’est pas nouvelle en politique. Son groupe d’alliés s’est formé dès 2008 en prônant le rejet de la politique "pro-israélienne" du président Hosni Moubarak, qui préférait ne pas faire la guerre avec Israël, mais lui vendre du gaz.
Le plus important est le rêve
Dans l’histoire il est arrivé à plusieurs reprises que les plans des lauréats du prix Nobel de la paix ne se réalisent pas. Il n’y a eu aucune "convergence" entre le socialisme soviétique et la démocratie américaine, dont parlait l’académicien Andreï Sakharov. La carrière politique de Lech Walesa a échoué: il a perdu la présidentielle après son premier mandat, car pour être un chef de l’Etat l’électricien de Gdansk manquait d’éducation, de respectabilité extérieure et de talent politique pour créer des coalitions.
Mais personne ne peut douter de leur disposition morale. Sakharov rêvait sincèrement d’un monde sans antagonisme entre le socialisme et le capitalisme. Lech Walesa servait du mieux qu’il pouvait l’idéal de la Pologne démocratique et indépendante.
Mais qu’en est-il des blogueurs égyptiens qui appellent aujourd’hui à lyncher l’ex-président de leur pays?
On pourrait accuser Hosni Moubarak de corruption, de dispositions antidémocratiques et d’une propension prononcée au népotisme. Il répond actuellement au tribunal pour tous ses péchés. Mais c'est à lui que revient le mérite de la paix entre l’Egypte et Israël.
Et la récente "invasion populaire" de l’ambassade israélienne au Caire est un phénomène honteux et dangereux. Peu importe de savoir si Facebook ou Twitter ont été utilisés à cette fin. Il serait préférable que ce ne soit pas le cas. Car un barbare "armé" de Twitter est plus dangereux qu’un barbare dépourvu cet outil.
( Rian )
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