Me MARCEL CECCALDI , AVOCAT DU COLONEL KADHAFI : « En Libye, rien n’est acquis. Les faits seuls dictent les solutions »


Me MARCEL CECCALDI , AVOCAT DU COLONEL  KADHAFI : « En Libye, rien n’est acquis. Les faits seuls dictent les solutions »
LE PANAFRICAIN : Me CECCALDI, comment se porte votre client ? Compte t-il rester en Lybie jusqu’au bout ou rejoindre les membres de sa famille déjà en exil en Algérie et au Niger ?

REPONSE : Je n’ai aucun élément concernant le Colonel Kadhafi. Permettez-moi de vous dire que si j’en avais, je me garderai bien de les communiquer et je suis certain que vous ne m’en tiendrez pas rigueur.
Compte-t-il rester en Libye ?

Je vous renvoie à ses dernières déclarations : il est en Libye et restera en Libye parmi son peuple.

La mondialisation nous fait oublier trop souvent que les peuples ont une âme et une conscience collective qui constituent, l’une et l’autre, l’essence de l’Etre.
Le Colonel Kadhafi est un Touareg et il a dit, à plusieurs reprises, qu’il mourra sur la terre qui l’a vu naître.

Méconnaître cet aspect de sa personnalité, c’est ne rien comprendre au personnage et à la société qui l’a vu naître.

Vous aviez décidé récemment de porter plainte contre l’OTAN. Pourquoi l’OTAN et non les pays qui la composent pris séparément ? Contestez-vous que l’intervention ait permis d’éviter le massacre des populations de Benghazi ?

Dans tout ordre juridique certaines conséquences sont attachées aux manquements à la règle de droit.

Il en résulte que l’auteur de la violation d’une obligation doit en « répondre » à l’égard du sujet, ou des ayants droits du sujet, auquel il a causé préjudice.

L’OTAN qui est une organisation internationale, ne fait pas exception à la règle.
Je vous rappelle que la responsabilité de l’ONU, qui est une organisation internationale, a été engagée à propos des dommages causés à des ressortissants belges au Congo par les forces d’urgence qu’elle avait instituées.

La Cour Internationale de Justice a reconnu également la responsabilité d’une institution internationale en tant que sujet de droit et je vous renvoie ici à son Avis consultatif du 19 Avril 1999, et de son côté, la CEDH a retenu la responsabilité de la MINUK en Ex-Yougoslavie.
Bien mieux, la Commission du droit international, qui est un organe subsidiaire des Nations Unies, a élaboré un projet d’articles sur la responsabilité des organisations internationales, inspiré du projet sur « la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite » approuvé par l’assemblée générale le 12 Décembre 2001.

L’article 3 de ce projet d’articles est ainsi rédigé.

« Tout fait internationalement illicite d’une organisation internationale engage sa responsabilité internationale ».

Le fait de bombarder une population civile est un fait illicite.

Cet acte majeur d’une agression armée dirigée contre un pays et sa population constitue une violation de la Convention de Genève de 1949 et de son protocole additionnel de 1977.

J’ajoute que les Etats membres de l’OTAN se sont engagés dans le Traité qui les lie « à régler par des moyens pacifiques tous différends internationaux dans lesquels les membres de l’alliance pourraient être impliqués, ainsi que de s’abstenir dans leurs relations internationales de recourir à la menace (sic !) ou à la force (resic !) de toute manière incompatible avec les buts des Nations Unies ».

Le texte de l’Article 1 du Traité de l’Atlantique Nord est donc clair – mais l’expérience montre qu’il y a loin de la coupe aux lèvres !
En outre, la définition actuelle de l’agression en droit international est l’œuvre de l’assemblée générale des Nations Unies qui l’adopte par consensus à sa XXIXème session le 14 Décembre 1974.

Aux termes de l’article 1 de cette résolution l’agression s’entend de « l’emploi de la force par un Etat, et à fortiori par une coalition d’Etats, contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un Etat ».
L’article 3 énumère une série d’actes de forces qui, qu’il y ait eu ou non déclaration de guerre, constituent des actes d’agression et ces actes sont en particulier, au sens et à la lettre de cette résolution, le « bombardement par les forces armées d’un Etat, du territoire d’un autre Etat ou de l’emploi de toutes armes par un Etat contre le territoire d’un autre Etat ».

L’inventaire des résolutions de l’assemblée générale des Nations Unies qui énoncent qu’ « une guerre d’agression constitue un crime contre la paix, qui engage la responsabilité en vertu du droit international » est si long qu’il ne peut tenir dans les limites de cet article.
L’obligation de réparer est donc la conséquence logique de la responsabilité internationale et c’est en vertu de cette obligation notamment que l’Allemagne a été contrainte de payer les dommages de guerre aux alliés de la première et de la seconde guerre mondiale.
L’OTAN ne se trouve pas au dessus des lois. La possession de la personnalité n’a pas seulement pour effet de rendre les organisations internationales titulaires de droits, elle les oblige en contrepartie à respecter le droit international.

Au cas présent, les actes de l’OTAN, même s’ils résultent d’un accord de volonté de ses Etats membres, lui sont directement imputables.
Par voie de conséquence, toute action de sa part incompatible avec les normes impératives et les règles de droit internationalement reconnues, et/ou les dispositions d’un traité, qu’elle s’est engagée à respecter, constitue un fait illicite qui lui sera imputable.

La chute de Tripoli n’a pas encore permis au CNT (conseil national de la transition) de contrôler l’ensemble du territoire libyen. Il y a encore des poches de résistance. Comment analysez –vous cette situation ?

L’histoire de la guerre déclarée à la Libye par l’OTAN reste à écrire. La résistance acharnée sur plusieurs points du territoire, les combats qui éclatent à intervalles réguliers, soit à l’Est, il y a moins de 24 heures, soit à Tripoli, sont la preuve que l’insurrection armée déclenchée en Libye repose non pas sur une adhésion populaire, comme en Tunisie ou en Egypte, mais résulte directement d’une opération organisée et planifiée depuis l’étranger.
Je suis convaincu que dans les mois, voire même dans les semaines à venir, la vérité éclatera et que, notamment, le rôle central du Qatar sera révélé au grand jour.

Je ne suis pas Musulman mais il me paraît utile de rappeler à l’Emir du Qatar que lorsque « la vérité a paru, le mensonge s’est dissipé comme une vapeur légère » et dans ce cas ce que l’on sème, c’est aussi ce que l’on récolte.

Ceci étant je suis convaincu pour ma part qu’il n’a jamais entendu parler de Cicéron et c’est bien dommage pour lui car il ferait bien de méditer cette dernière maxime.

Kadhafi peut-il avoir un autre sort que celui réservé à Saddam Hussein ? Manifestement l’OTAN cherche à l’éliminer malgré ses déclarations contraires ?

Je crois avoir répondu à cette question.

Au vu des contradictions qui se font jour au sein du CNT (assassinat d’un de ses chefs militaires, combats sanglants entre factions rebelles, lutte de préséance, etc…), les Occidentaux semblent avoir ouvert la boite de Pandore comme en Irak et en Afghanistan. Qu’en pensez-vous ?

Les dirigeants occidentaux et en particulier OBAMA, CAMERON et SARKOZY sont de dangereux incompétents.
Leur politique irresponsable a pour conséquence directe de favoriser la création sur les rives de l’Europe d’un pays aux mains des islamistes, dont l’influence se propagera inéluctablement en Tunisie et en Egypte.
Les premières victimes de cette situation sont les Musulmans eux-mêmes.
En effet, quels sont les nouveaux amis du Président de la République française car c’est ainsi qu’il qualifie les gens du CNT.

Belhaj, ancien djihadiste, qui a combattu l’OTAN, et donc les soldats français en Afghanistan ?
Ali Salabi, proche d’Al-Qaradawi, lequel a été déchu de sa nationalité égyptienne par Nasser.

C’est Al-Qaradawi qui a présenté Ali Salabi à l’Emir du Qatar.
C’est Salabi qui a organisé la livraison des armes Qatariennes aux katiba islamistes sans passer par Mahmoud Jibrill.

Le 12 Septembre 2009, Ali Salabi a traité Mahmoud Jibrill « d’extrémiste laïc ».
Vous me direz que Salabi a été à la bonne école car son mentor Al-Qaradawi qui prêche toutes les semaines sur la chaîne Al Jazira a déclaré, en Janvier 2009, lors d’un prêche télévisé :

« Tout au long de l’histoire, Allah a imposé aux juifs des personnes qui les puniraient de leur corruption. Le dernier châtiment a été administré par Hitler. Avec tout ce qu’il leur a fait – et bien qu’ils aient exagéré les faits – il a réussi à les remettre à leur place. »

C’était un châtiment divin. Si Allah veut, la prochaine fois, ce sera de la main des musulmans ».
En définitive, je crois que BHL (Ndlr – Bernard Henry-Levy), notre ministre bis des Affaires étrangères, on a les auxiliaires que l’on mérite, qualifié de « roi ou de maître des falsificateurs » dans le dernier ouvrage de Pascal Boniface, a encore beaucoup à apprendre, mais ça, nous le savions déjà.

Tout le monde s’inquiète notamment de la dissémination d’énormes quantités d’armes dans le Sahara. Du pain bénit pour les terroristes d’AQMI, n’est-ce pas ?

Il est de l’ordre de l’évidence que l’AQMI dispose maintenant d’une logistique arrière lui permettant désormais de disposer d’un arsenal militaire et de réserves financières importantes.

Sa capacité de nuisance va être considérablement renforcée et l’onde de choc du renforcement de ses capacités militaires va avoir des effets directs sur la stabilité des pays subsahariens du Niger à la Mauritanie.
Que fera alors l’OTAN ? Bombarder demain ceux qu’elle a protégés hier !
Que préconisez-vous pour sauver ce qui pourrait encore l’être pour votre client ?
Attendons. Rien n’est acquis. Les faits seuls dictent les solutions.

Propos recueillis par Mouhamadou M. DIA

( LE PANAFRICAIN  ) 
Vendredi 30 Septembre 2011




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