DAKARACTU.COM - Son destin aurait été tout autre si le chef de l'Etat, Abdoulaye Wade, ne l'avait pas éjecté brutalement du perchoir de l'Assemblée nationale. Il aurait été aujourd'hui un paisible militant du Parti démocratique sénégalais (PDS, au pouvoir) à l'Hémicycle si la tendance pathologique de Wade à broyer ses numéros deux n'avait pas eu raison de lui, à la suite de Fara Ndiaye, Boubacar Sall, Serigne Diop, Ousmane Ngom et Idrissa Seck.
Macky Sall, car c'est de lui qu'il s'agit, a pris à son corps défendant une autre trajectoire politique. Après avoir démissionné du PDS ainsi que de ses fonctions de président de l'Assemblée nationale, de député, de conseiller municipal et de maire de Fatick, le 9 novembre 2008, le jour même où a été votée une réforme constitutionnelle destinée à le déchoir du perchoir, Macky Sall a créé l'Alliance pour la République (APR) le 1er décembre suivant.
Depuis, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts. L'ancien ministre de l'Energie puis de l'Intérieur, devenu Premier ministre avant de se retrouver à la tête de l'Assemblée nationale, s'est mué en un opposant déterminé, à la tête d'une formation qui, lors des élections locales du 22 mars 2009, a remporté toutes les localités de Fatick, son fief, la ville de Gossas, douze collectivités locales au nord du pays, trois au sud... Mais aussi toutes les grandes villes du pays dans le cadre d'une coalition formée avec les autres partis membres de Bennoo Siggil Senegaal.
Depuis qu'il a été bouté hors du pouvoir, "Macky", comme l'appellent ses compatriotes, mène une opposition franche, sans compromis ni compromission avec Wade. Pape Samba Mboup, chef du cabinet présidentiel, le colonel Malick Cissé, un proche d’Abdoulaye Wade, Serigne Abdoul Aziz Sy Junior, porte-parole de la famille maraboutique de Tivaouane, ont tour à tour échoué à le convaincre de retourner auprès de Wade. Sous des dehors nonchalants et faibles se cache un homme à poigne. Macky Sall est un vrai timide, mais un faux doux. Nombre d'observateurs sont surpris de le voir tenir tête sans fléchir en dépit de menaces d'accusations de blanchiment d'argent et d'enrichissement illicite qui ont manqué de peu de lui valoir des poursuites.
Aujourd'hui auréolé d'une véritable stature d'opposant, il est déterminé à se peser à l'occasion de la présidentielle de février 2012, ouvrant ainsi une brèche dans la dynamique de la candidature unique au sein de Bennoo Siggil Sénégal. En direction de l'échéance électorale de l'année prochaine, "Macky" a des atouts réels mais aussi des handicaps certains. Voulant être porté par une coalition la plus large possible, il va être soutenu par Tété Diédhiou de l'Union des forces démocratiques, Ibrahima Sall du Model, Magatte Ngom de Nida, Assane Dia de Soukhali Sénégal... Il est en passe de trouver des accords avec Moubarack Lô et Landing Savané, mène des discussions avec Cheikh Bamba Dièye et Cheikh Tidiane Gadio, et entretient un important carnet d'adresses qui va des guides religieux aux lutteurs les plus populaires du pays. Il s'attelle à obtenir le soutien de la mégastar, Youssou Ndour, dont l'une des soeurs est membre du directoire de l'APR.
Mais Macky Sall s'appuie surtout sur l'appareil de son parti qui comprend le redoutable concepteur intellectuel Alioune Badara Cissé (coordonnateur national), le chef de division à l'aéroport Thierno Sall (président de la cellule des cadres), le chef du département anglais à l'université Marième Badiane (responsable des femmes), le brillant théoricien politique Mahmoud Saleh (chargé des alliances), l'agitateur politique des Parcelles assainies Mbaye Ndiaye (directeur des structures), le jeune loup aux dents longues Abdou Mbow (responsable des jeunes)... Pour manager cette équipe, "le président Macky" fait preuve d'ouverture et d'esprit de concertation qui lui permettent de composer avec des égos aussi ingérables que celui de Moustapha Diakhaté, le chargé de l'orientation. Tout ce monde abat le travail politique mais également cotise pour faire face aux charges du parti. Tout comme la centaine de membres du directoire. Macky Sall a réussi à inoculer l'esprit de contribution à son groupe. Certains comme le très déterminé Abdoulaye Sally Sall, responsable du parti à Matam, homme d'affaires prospère qui a réussi au Gabon, l'aide. Tout comme les émigrés installés un peu partout dans le monde. L'APR est bien implantée au Foutah, le pays halpulaar du Sénégal, dans la région de Fatick, fief de son leader, et dans la diaspora. Amath Dansokho, qui a assisté à un meeting de "Macky" à Paris, lui a lancé : "Depuis l'indépendance, je n'ai jamais vu une telle mobilisation de nos compatriotes en France." L'ancien Premier ministre reconverti en opposant entretient des réseaux dans certains milieux parisiens comme le Sénat, l'Assemblée nationale et le Quai d'Orsay. Le sénateur Jacques Legendre l'avait d'ailleurs invité pour prononcer un discours au Sénat français, en 2008. Il avait également été convié, du 3 au 5 février 2009, à prendre part au ’’National prayer breakfast’’, une rencontre traditionnelle aux États-Unis d’Amérique organisée annuellement par une association privée, le ’’Fellowinship’’. Il y avait été invité par un de ses amis qui a voulu en profiter pour l’introduire auprès de Barack Obama qui y a pris part. En Afrique, il a des rapports notoirement bons avec le chef de l'Etat burkinabè, Blaise Compaoré, et l'opposant guinéen, Cellou Dalein Diallo. Il a été introduit quelques mois avant sa chute auprès de Laurent Gbagbo par le beau-fils de ce dernier, Stéphane Kipré.
A l'intérieur du Sénégal, le leader de l'APR mène depuis un an et demi une tournée nationale qui l'a conduit jusque dans les plus petites localités du pays. Partout où il est passé, il a établi des comités et désigné des responsables qui ont rejoint le fichier qui centralise et distille les informations et directives du parti.
Macky Sall veut aller à l'élection fort de tout cela. Mais aussi de prédications des "khoi" du pays sérère qui lui ont assuré qu'il va s'asseoir un jour dans le trône de la République.
Cette croyance mystique qui le porte n'arrive toutefois pas à masquer ses handicaps. Aux yeux de nombre de Sénégalais, Macky Sall est comptable du passif du pouvoir d'Abdoulaye Wade dont il n'est sorti que parce qu'il en a été chassé. Et certaines images lui collent obstinément à la peau : la lecture de l'acte d'accusation contre Idrissa Seck devant les ambassadeurs étrangers; les menaces contre Amath Dansokho à l'Assemblée nationale le jour de sa déclaration de politique générale; le rôle négatif qu'il a joué dans l'échec du dialogue politique initié en 2007... Il faut également que Macky Sall explique comment il a acquis un appartement aux Etats-Unis, une propriété sur la Petite-Côte, une maison à Sacré-Coeur 3 qui abrite le siège de son parti, une villa imposante à Mermoz où il a déménagé il y a quelques mois, les bolides dernier cri de son parc automobile...
Il n'est pas le seul à devoir se livrer à cet exercice. Nombre d'associations au sein du Mouvement des forces vives du 23 juin (M23) exigent d'ores et déjà des explications aux ex-collaborateurs de Wade reconvertis en opposants à la faveur de leur limogeage.
S'il a une base, une équipe et une image d'homme poli, Macky Sall ne sera pas dans une partie de plaisir à l'occasion de la prochaine présidentielle. A 50 ans, il engage le combat plus périlleux de sa vie. Ce Halpulaar, né en pays sérère d'un père agent de sécurité, qui a fait ses études supérieures en France, a gravi les échelons pour atteindre les plus hautes marches de l'Etat. Il lui faudra encore beaucoup d'énergie, de bagout et de baraka pour accéder au trône de la République.
Macky Sall, car c'est de lui qu'il s'agit, a pris à son corps défendant une autre trajectoire politique. Après avoir démissionné du PDS ainsi que de ses fonctions de président de l'Assemblée nationale, de député, de conseiller municipal et de maire de Fatick, le 9 novembre 2008, le jour même où a été votée une réforme constitutionnelle destinée à le déchoir du perchoir, Macky Sall a créé l'Alliance pour la République (APR) le 1er décembre suivant.
Depuis, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts. L'ancien ministre de l'Energie puis de l'Intérieur, devenu Premier ministre avant de se retrouver à la tête de l'Assemblée nationale, s'est mué en un opposant déterminé, à la tête d'une formation qui, lors des élections locales du 22 mars 2009, a remporté toutes les localités de Fatick, son fief, la ville de Gossas, douze collectivités locales au nord du pays, trois au sud... Mais aussi toutes les grandes villes du pays dans le cadre d'une coalition formée avec les autres partis membres de Bennoo Siggil Senegaal.
Depuis qu'il a été bouté hors du pouvoir, "Macky", comme l'appellent ses compatriotes, mène une opposition franche, sans compromis ni compromission avec Wade. Pape Samba Mboup, chef du cabinet présidentiel, le colonel Malick Cissé, un proche d’Abdoulaye Wade, Serigne Abdoul Aziz Sy Junior, porte-parole de la famille maraboutique de Tivaouane, ont tour à tour échoué à le convaincre de retourner auprès de Wade. Sous des dehors nonchalants et faibles se cache un homme à poigne. Macky Sall est un vrai timide, mais un faux doux. Nombre d'observateurs sont surpris de le voir tenir tête sans fléchir en dépit de menaces d'accusations de blanchiment d'argent et d'enrichissement illicite qui ont manqué de peu de lui valoir des poursuites.
Aujourd'hui auréolé d'une véritable stature d'opposant, il est déterminé à se peser à l'occasion de la présidentielle de février 2012, ouvrant ainsi une brèche dans la dynamique de la candidature unique au sein de Bennoo Siggil Sénégal. En direction de l'échéance électorale de l'année prochaine, "Macky" a des atouts réels mais aussi des handicaps certains. Voulant être porté par une coalition la plus large possible, il va être soutenu par Tété Diédhiou de l'Union des forces démocratiques, Ibrahima Sall du Model, Magatte Ngom de Nida, Assane Dia de Soukhali Sénégal... Il est en passe de trouver des accords avec Moubarack Lô et Landing Savané, mène des discussions avec Cheikh Bamba Dièye et Cheikh Tidiane Gadio, et entretient un important carnet d'adresses qui va des guides religieux aux lutteurs les plus populaires du pays. Il s'attelle à obtenir le soutien de la mégastar, Youssou Ndour, dont l'une des soeurs est membre du directoire de l'APR.
Mais Macky Sall s'appuie surtout sur l'appareil de son parti qui comprend le redoutable concepteur intellectuel Alioune Badara Cissé (coordonnateur national), le chef de division à l'aéroport Thierno Sall (président de la cellule des cadres), le chef du département anglais à l'université Marième Badiane (responsable des femmes), le brillant théoricien politique Mahmoud Saleh (chargé des alliances), l'agitateur politique des Parcelles assainies Mbaye Ndiaye (directeur des structures), le jeune loup aux dents longues Abdou Mbow (responsable des jeunes)... Pour manager cette équipe, "le président Macky" fait preuve d'ouverture et d'esprit de concertation qui lui permettent de composer avec des égos aussi ingérables que celui de Moustapha Diakhaté, le chargé de l'orientation. Tout ce monde abat le travail politique mais également cotise pour faire face aux charges du parti. Tout comme la centaine de membres du directoire. Macky Sall a réussi à inoculer l'esprit de contribution à son groupe. Certains comme le très déterminé Abdoulaye Sally Sall, responsable du parti à Matam, homme d'affaires prospère qui a réussi au Gabon, l'aide. Tout comme les émigrés installés un peu partout dans le monde. L'APR est bien implantée au Foutah, le pays halpulaar du Sénégal, dans la région de Fatick, fief de son leader, et dans la diaspora. Amath Dansokho, qui a assisté à un meeting de "Macky" à Paris, lui a lancé : "Depuis l'indépendance, je n'ai jamais vu une telle mobilisation de nos compatriotes en France." L'ancien Premier ministre reconverti en opposant entretient des réseaux dans certains milieux parisiens comme le Sénat, l'Assemblée nationale et le Quai d'Orsay. Le sénateur Jacques Legendre l'avait d'ailleurs invité pour prononcer un discours au Sénat français, en 2008. Il avait également été convié, du 3 au 5 février 2009, à prendre part au ’’National prayer breakfast’’, une rencontre traditionnelle aux États-Unis d’Amérique organisée annuellement par une association privée, le ’’Fellowinship’’. Il y avait été invité par un de ses amis qui a voulu en profiter pour l’introduire auprès de Barack Obama qui y a pris part. En Afrique, il a des rapports notoirement bons avec le chef de l'Etat burkinabè, Blaise Compaoré, et l'opposant guinéen, Cellou Dalein Diallo. Il a été introduit quelques mois avant sa chute auprès de Laurent Gbagbo par le beau-fils de ce dernier, Stéphane Kipré.
A l'intérieur du Sénégal, le leader de l'APR mène depuis un an et demi une tournée nationale qui l'a conduit jusque dans les plus petites localités du pays. Partout où il est passé, il a établi des comités et désigné des responsables qui ont rejoint le fichier qui centralise et distille les informations et directives du parti.
Macky Sall veut aller à l'élection fort de tout cela. Mais aussi de prédications des "khoi" du pays sérère qui lui ont assuré qu'il va s'asseoir un jour dans le trône de la République.
Cette croyance mystique qui le porte n'arrive toutefois pas à masquer ses handicaps. Aux yeux de nombre de Sénégalais, Macky Sall est comptable du passif du pouvoir d'Abdoulaye Wade dont il n'est sorti que parce qu'il en a été chassé. Et certaines images lui collent obstinément à la peau : la lecture de l'acte d'accusation contre Idrissa Seck devant les ambassadeurs étrangers; les menaces contre Amath Dansokho à l'Assemblée nationale le jour de sa déclaration de politique générale; le rôle négatif qu'il a joué dans l'échec du dialogue politique initié en 2007... Il faut également que Macky Sall explique comment il a acquis un appartement aux Etats-Unis, une propriété sur la Petite-Côte, une maison à Sacré-Coeur 3 qui abrite le siège de son parti, une villa imposante à Mermoz où il a déménagé il y a quelques mois, les bolides dernier cri de son parc automobile...
Il n'est pas le seul à devoir se livrer à cet exercice. Nombre d'associations au sein du Mouvement des forces vives du 23 juin (M23) exigent d'ores et déjà des explications aux ex-collaborateurs de Wade reconvertis en opposants à la faveur de leur limogeage.
S'il a une base, une équipe et une image d'homme poli, Macky Sall ne sera pas dans une partie de plaisir à l'occasion de la prochaine présidentielle. A 50 ans, il engage le combat plus périlleux de sa vie. Ce Halpulaar, né en pays sérère d'un père agent de sécurité, qui a fait ses études supérieures en France, a gravi les échelons pour atteindre les plus hautes marches de l'Etat. Il lui faudra encore beaucoup d'énergie, de bagout et de baraka pour accéder au trône de la République.
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