La mise à mort sauvage du journaliste et opposant saoudien, Jamal Khashoggi, allonge la lugubre liste des victimes de sanglantes pratiques d’Etat. Elle rappelle que les assassinats politiques méthodiquement planifiés et exécutés par les services spéciaux (les barbouzes) sont légion et presque…routinières. Pire, la liquidation physique d’adversaires coriaces ou de gêneurs tenaces n’est pas l’apanage des régimes autoritaires, fascistes et dictatoriaux. L’Algérie, la France, le Maroc, la Guinée-Conakry, le Cameroun, le Togo, le Burkina, la Libye du Colonel Kadhafi, le Tchad etc. ont commandité, téléguidé ou perpétré de tels crimes. Ironie ou grimace de l’Histoire, la plupart des exécuteurs – ou des exécutants – ont été, par la suite, exécutés par leurs Etats respectifs.
Maroc. La plus retentissante des disparitions est incontestablement celle du chef de l’opposition marocaine, Mehdi Ben Barka. Nationaliste ardent et gauchiste invétéré, le Professeur Ben Barka a enseigné les mathématiques au jeune Prince Moulay Hassan et futur Roi Hassan II. Il a lutté contre le Protectorat français et milité pour la restauration de la Monarchie et le retour de Mohamed V, exilé et interné à Madagascar. Puis, les divergences avec Hassan II n’ont cessé de croitre. D’autant plus vite que l’aura et l’audience de l’opposant marocain grandissaient dans le tiers-monde. La menace d’une élimination est à peine voilée, lorsque son ancien élève en mathématiques, Hassan II, lui dit : « Professeur Ben Barka, je n’accepterai jamais que mon Trône soit mis en équation ». Ainsi dit, ainsi fait. Le Général Mohamed Oufkir, ministre de l’Intérieur, met en branle le « Cab 1 » : cabinet numéro un du ministère de l’Intérieur en charge des services spéciaux à Rabat, en 1965. Le Colonel Dlimi (futur Général) et le Commissaire Chtouki (un pseudonyme jamais percé) entrent en action. La manœuvre d’approche et la capture sont facilitées par des truands issus de la pègre parisienne. Des policiers français sont également mouillés. D’où la grosse colère du Général De Gaulle. Mehdi Ben Barka sera tué, au soir du 29 octobre 1965, à Fontenay-le-Vicomte, une commune située à trente-cinq kilomètres de Paris, dans l’Essonne. Ironie du sort, tous ceux qui avaient trempé dans l’élimination de Ben Barka, furent éliminés par Hassan II : exécution d’Oufkir, accident mortel de Dlimi et peloton d’exécution pour les truands français repliés au Maroc, après le boulot bien payé. Personne n’a survécu au Roi, pour raconter ou publier des mémoires.
Algérie. Deux éliminations cruelles et emblématiques – toutes deux opérées en Europe – portent les signatures associées du Président Houari Boumediene et du Colonel Kasdi Merbah, directeur de la Sécurité Militaire rebaptisée Département du Renseignement et de la Sécurité (DRS). Il s’agit des assassinats de Mohamed Khider, ex-ministre des Finances du GPRA et, surtout, détenteur du fabuleux Trésor du FLN. Radicalement opposé au coup d’Etat de Houari Boumediene contre Ben Bella et à la dictature militaire, Mohamed Khider fut abattu, en 1967, à Madrid, par un voyou notoire du nom de Dakhmouch Youcef. Un porte-flingue de la Sécurité Militaire. Son officier traitant pour le crime fut un certain Rabah Boukhalfa, officiellement attaché culturel à l’ambassade d’Algérie en Espagne, mais réellement chef d’antenne des services de renseignement algériens dans la Péninsule Ibérique. L’assassin de Mohamed Khider put rentrer miraculeusement en Algérie. Cruelle grimace du sort, le tueur Dakhmouch Youcef a été écrasé « accidentellement » par un char de l’armée algérienne lors d’un défilé à Sidi Bel Abbès. Donc exécuteur exécuté. Trois ans après Mohamed Khider, ce fut au tour de l’illustre et historique chef du FLN, Krim Belkacem, d’être étranglé avec un fil d’acier, par une barbouze de la Sécurité Militaire. La tragique scène se déroula dans une chambre d’un hôtel de Francfort, en Allemagne. Etrangeté et sévérité du destin, le tout-puissant directeur des Services Spéciaux algériens, Kasdi Merbah, sera, vingt ans après, tué par l’unité la secrète de l’armée algérienne (l’unité 192), sur ordre de la caste militaire coiffée, à l’époque, par le Général Khaled Nezzar.
France. En 1960, l’Afrique anciennement française vit une ébullition nationaliste voire révolutionnaire. Le prestige de Sékou Touré et le « NON » de la Guinée répandirent partout des ondes de choc menaçantes pour les intérêts français sur une bonne partie du continent. Notamment au Cameroun où la guérilla non encore vaincue de l’UPC de Ruben Um Nyobe et de Félix Moumié, pouvait contaminer des enclaves riches et vassalisées comme le Gabon, la Centrafrique etc. Plus insupportable encore pour Jacques Foccart, les intellos et résistants camerounais (Félix Moumié et sa femme Marthe en tête) firent de Conakry le refuge et le foyer politiquement incandescent de la révolution africaine. Les directives tombèrent. Le SDECE envoya, à Genève, l’agent secret William Bechtel qui empoisonna au thallium, le Secrétaire général de l’UPC, Félix Moumié. Nous sommes en novembre 1960. Le poison mal dosé tua presqu’immédiatement le Camerounais anti-français. Ce qui faussa, d’ailleurs, le calcul du commanditaire qui programmait une mort lente au bout de trois ou quatre jours. Empoisonné à la veille de son retour sur Conakry, le décès sur le sol guinéen aurait permis d’accuser le Président Sékou Touré, en le présentant comme le tuteur-tueur des anticolonialistes. Même la grande démocratie française a tué à la manière du Prince héritier Mohamed Ben Salman.
Guinée. Justement, le « Responsable Suprême de la Révolution », Ahmed Sékou Touré, était un grand commanditaire et manipulateur de tueurs à gages. Le plus célèbre, d’entre eux, se nommait Momo Jo. Pour les une, il était originaire de la Sierra-Léone, pour d’autres, il était natif de la Guinée Forestière, une région frontalière du Libéria et de la Sierra-Léone. En tout cas, il était fanatiquement et férocement au service de Sékou Touré. Il fut plusieurs fois envoyé à l’Etranger, pour tuer des opposants notoires comme le célèbre Ibrahima Baba Kaké. Au cours d’une mission en France, il tira sur un militant de l’Organisation Unifiée pour la Libération de la Guinée : OULG. Grand loubard, Momo Jo était, dès le mois de juillet 1954, en première ligne dans les violences ou contre-violences orchestrées par le PDG de Sékou Touré aux prises avec le BAG de Barry Diawandou. Peu avant sa mort, Sékou Touré avait dépêché quelques malabars de sa Police politique, à Kinshasa, pour « dessouquer » (tuer en créole haïtien) son irrécupérable ennemi : l’ex-ambassadeur Naby Youla. L’équipe de sicaires guinéens, très vite repérée par la Sécurité de Mobutu, a été stoppée net et discrètement expulsée du Zaïre.
Libye. Chez le Colonel Mouammar El Kadhafi, l’autoritarisme et la dictature étaient ouvertement et courageusement assumés. En effet, le Guide libyen abhorrait la démocratie d’inspiration occidentale. Conséquence : Kadhafi exécrait l’opposition et envoyait ses opposants en enfer via une double machine à tuer constituée par les services secrets commandés par Abdallah Senoussi et par les fameux « Comités Révolutionnaires », un véritable vivier de sbires drogués au « Livre Vert », le bréviaire de la Jamahiriya. Effacés sur le sol libyen, les opposants ont été traqués et neutralisés aux quatre coins du monde. Attardons-nous sur deux victimes de grande envergure que sont l’ambassadeur Mansour Khikhia et le Colonel Omar Al Meheichi, longtemps proches de Kadhafi ! Ex-Représentant de la Libye à l’ONU, Mansour Khikhia fut enlevé nuitamment au Caire (en 1993) ramené à Tripoli et froidement tué. Douze ans plus tard, en 2012, son corps est retrouvé dans une villa appartenant aux services spéciaux. Modus operandi différent pour le Colonel Omar Al Meheichi qui a été proprement livré par Hassan II, à bord d’un avion de la Royal Air Maroc. En échange, le Roi du Maroc obtint la cessation immédiate de l’aide financière et militaire de la Libye au Front POLISARIO. Kadhafi est mort de mort violente comme ses victimes. Exécuteurs, exécutants et exécutés d’Etat. Que les méandres de l’Histoire sont terribles !
Cameroun. Derrière ses apparences fossilisées, le régime de Paul Biya est funeste et féroce. Le sort réservé au Capitaine Guerandi Goulongo Mbara est tragiquement illustratif des mœurs policières de l’Etat camerounais. Unique survivant du putsch manqué d’avril 1984 (le coup d’Etat des officiers nordistes pro-Ahidjo), le Capitaine Guerandi Mbara s’était réfugié à Ouagadougou, chez Blaise Compaoré, son camarade de promotion de l’Ecole Militaire Interarmes de Yaoundé. Vingt-huit ans d’exil durant lesquels, il a réactivé des branches éparses de l’opposition camerounaise. Parallèlement, le capitaine d’artillerie Guerandi Mbara aidait opérationnellement le rebelle Charles Taylor (poulain de Blaise) pendant la guerre civile libérienne. Il entretenait des relations suivies avec certains chefs de partis au Sénégal. Directeur de la rédaction du journal burkinabé « Le Pays », entre 1992 et 1993, j’ai souvent échangé avec le Capitaine camerounais, chez un ami commun, l’ambassadeur d’Algérie à Ouagadougou. En 2013, Guerandi Mbara a imprudemment contacté un marchand d’armes portugais au parcours aussi plein de trous (noirs) qu’un gruyère. D’après l’ex-Commissaire Christophe Junior Zogo (radié de la Police camerounaise pour escroquerie puis exilé à Paris), le Capitaine Guerandi Mbara préparait une insurrection armée à partir de la frontière centrafricaine. Le pauvre officier-opposant a été kidnappé à Sofia (Bulgarie) puis ramené au pays et enfin assassiné par les hommes de Léopold Eko Eko, le chef de la DGRE, un service très, très spécial, directement rattaché à la Présidence de la république du Cameroun.
En vrac et en conclusion, on peut évoquer – sans s’y appesantir – d’autres crimes d’Etat assimilables au traitement réservé à Jamal Khashoggi. En février 1973, le communiste tchadien Outel Bono a été abattu par un tueur professionnel (de race blanche) grassement payé par le Président François Tombalbaye qui sera, lui-même, tué par une fraction séditieuse de son armée, en avril de la même année. Plus chanceux, le Docteur Abba Siddick, co-fondateur du FROLINAT a échappé de justesse à la mort, dans le quartier Hydra, à Alger, grâce à la vigilance du Contre-Espionnage algérien qui a intercepté le commando. Au Togo, le jeune opposant Amorin, blessé par balle, a été achevé dans l’ambulance par un membre de la Garde Présidentielle, déguisé en sapeur-pompier. Au Burkina Faso, le journaliste Norbert Zongo a été criblé de balles puis brûlé. L’un des auteurs, le Sergent Otis Ouédraogo a été lui-même tué dans un mystérieux accident d’automobile. A l’instar de l’un des assassins du journaliste saoudien. Moralité : le Prince Mohamed Ben Salman a perpétré un crime à Istanbul et perpétué une tradition largement partagée par beaucoup d’Etats démocratiques comme non démocratiques.
Maroc. La plus retentissante des disparitions est incontestablement celle du chef de l’opposition marocaine, Mehdi Ben Barka. Nationaliste ardent et gauchiste invétéré, le Professeur Ben Barka a enseigné les mathématiques au jeune Prince Moulay Hassan et futur Roi Hassan II. Il a lutté contre le Protectorat français et milité pour la restauration de la Monarchie et le retour de Mohamed V, exilé et interné à Madagascar. Puis, les divergences avec Hassan II n’ont cessé de croitre. D’autant plus vite que l’aura et l’audience de l’opposant marocain grandissaient dans le tiers-monde. La menace d’une élimination est à peine voilée, lorsque son ancien élève en mathématiques, Hassan II, lui dit : « Professeur Ben Barka, je n’accepterai jamais que mon Trône soit mis en équation ». Ainsi dit, ainsi fait. Le Général Mohamed Oufkir, ministre de l’Intérieur, met en branle le « Cab 1 » : cabinet numéro un du ministère de l’Intérieur en charge des services spéciaux à Rabat, en 1965. Le Colonel Dlimi (futur Général) et le Commissaire Chtouki (un pseudonyme jamais percé) entrent en action. La manœuvre d’approche et la capture sont facilitées par des truands issus de la pègre parisienne. Des policiers français sont également mouillés. D’où la grosse colère du Général De Gaulle. Mehdi Ben Barka sera tué, au soir du 29 octobre 1965, à Fontenay-le-Vicomte, une commune située à trente-cinq kilomètres de Paris, dans l’Essonne. Ironie du sort, tous ceux qui avaient trempé dans l’élimination de Ben Barka, furent éliminés par Hassan II : exécution d’Oufkir, accident mortel de Dlimi et peloton d’exécution pour les truands français repliés au Maroc, après le boulot bien payé. Personne n’a survécu au Roi, pour raconter ou publier des mémoires.
Algérie. Deux éliminations cruelles et emblématiques – toutes deux opérées en Europe – portent les signatures associées du Président Houari Boumediene et du Colonel Kasdi Merbah, directeur de la Sécurité Militaire rebaptisée Département du Renseignement et de la Sécurité (DRS). Il s’agit des assassinats de Mohamed Khider, ex-ministre des Finances du GPRA et, surtout, détenteur du fabuleux Trésor du FLN. Radicalement opposé au coup d’Etat de Houari Boumediene contre Ben Bella et à la dictature militaire, Mohamed Khider fut abattu, en 1967, à Madrid, par un voyou notoire du nom de Dakhmouch Youcef. Un porte-flingue de la Sécurité Militaire. Son officier traitant pour le crime fut un certain Rabah Boukhalfa, officiellement attaché culturel à l’ambassade d’Algérie en Espagne, mais réellement chef d’antenne des services de renseignement algériens dans la Péninsule Ibérique. L’assassin de Mohamed Khider put rentrer miraculeusement en Algérie. Cruelle grimace du sort, le tueur Dakhmouch Youcef a été écrasé « accidentellement » par un char de l’armée algérienne lors d’un défilé à Sidi Bel Abbès. Donc exécuteur exécuté. Trois ans après Mohamed Khider, ce fut au tour de l’illustre et historique chef du FLN, Krim Belkacem, d’être étranglé avec un fil d’acier, par une barbouze de la Sécurité Militaire. La tragique scène se déroula dans une chambre d’un hôtel de Francfort, en Allemagne. Etrangeté et sévérité du destin, le tout-puissant directeur des Services Spéciaux algériens, Kasdi Merbah, sera, vingt ans après, tué par l’unité la secrète de l’armée algérienne (l’unité 192), sur ordre de la caste militaire coiffée, à l’époque, par le Général Khaled Nezzar.
France. En 1960, l’Afrique anciennement française vit une ébullition nationaliste voire révolutionnaire. Le prestige de Sékou Touré et le « NON » de la Guinée répandirent partout des ondes de choc menaçantes pour les intérêts français sur une bonne partie du continent. Notamment au Cameroun où la guérilla non encore vaincue de l’UPC de Ruben Um Nyobe et de Félix Moumié, pouvait contaminer des enclaves riches et vassalisées comme le Gabon, la Centrafrique etc. Plus insupportable encore pour Jacques Foccart, les intellos et résistants camerounais (Félix Moumié et sa femme Marthe en tête) firent de Conakry le refuge et le foyer politiquement incandescent de la révolution africaine. Les directives tombèrent. Le SDECE envoya, à Genève, l’agent secret William Bechtel qui empoisonna au thallium, le Secrétaire général de l’UPC, Félix Moumié. Nous sommes en novembre 1960. Le poison mal dosé tua presqu’immédiatement le Camerounais anti-français. Ce qui faussa, d’ailleurs, le calcul du commanditaire qui programmait une mort lente au bout de trois ou quatre jours. Empoisonné à la veille de son retour sur Conakry, le décès sur le sol guinéen aurait permis d’accuser le Président Sékou Touré, en le présentant comme le tuteur-tueur des anticolonialistes. Même la grande démocratie française a tué à la manière du Prince héritier Mohamed Ben Salman.
Guinée. Justement, le « Responsable Suprême de la Révolution », Ahmed Sékou Touré, était un grand commanditaire et manipulateur de tueurs à gages. Le plus célèbre, d’entre eux, se nommait Momo Jo. Pour les une, il était originaire de la Sierra-Léone, pour d’autres, il était natif de la Guinée Forestière, une région frontalière du Libéria et de la Sierra-Léone. En tout cas, il était fanatiquement et férocement au service de Sékou Touré. Il fut plusieurs fois envoyé à l’Etranger, pour tuer des opposants notoires comme le célèbre Ibrahima Baba Kaké. Au cours d’une mission en France, il tira sur un militant de l’Organisation Unifiée pour la Libération de la Guinée : OULG. Grand loubard, Momo Jo était, dès le mois de juillet 1954, en première ligne dans les violences ou contre-violences orchestrées par le PDG de Sékou Touré aux prises avec le BAG de Barry Diawandou. Peu avant sa mort, Sékou Touré avait dépêché quelques malabars de sa Police politique, à Kinshasa, pour « dessouquer » (tuer en créole haïtien) son irrécupérable ennemi : l’ex-ambassadeur Naby Youla. L’équipe de sicaires guinéens, très vite repérée par la Sécurité de Mobutu, a été stoppée net et discrètement expulsée du Zaïre.
Libye. Chez le Colonel Mouammar El Kadhafi, l’autoritarisme et la dictature étaient ouvertement et courageusement assumés. En effet, le Guide libyen abhorrait la démocratie d’inspiration occidentale. Conséquence : Kadhafi exécrait l’opposition et envoyait ses opposants en enfer via une double machine à tuer constituée par les services secrets commandés par Abdallah Senoussi et par les fameux « Comités Révolutionnaires », un véritable vivier de sbires drogués au « Livre Vert », le bréviaire de la Jamahiriya. Effacés sur le sol libyen, les opposants ont été traqués et neutralisés aux quatre coins du monde. Attardons-nous sur deux victimes de grande envergure que sont l’ambassadeur Mansour Khikhia et le Colonel Omar Al Meheichi, longtemps proches de Kadhafi ! Ex-Représentant de la Libye à l’ONU, Mansour Khikhia fut enlevé nuitamment au Caire (en 1993) ramené à Tripoli et froidement tué. Douze ans plus tard, en 2012, son corps est retrouvé dans une villa appartenant aux services spéciaux. Modus operandi différent pour le Colonel Omar Al Meheichi qui a été proprement livré par Hassan II, à bord d’un avion de la Royal Air Maroc. En échange, le Roi du Maroc obtint la cessation immédiate de l’aide financière et militaire de la Libye au Front POLISARIO. Kadhafi est mort de mort violente comme ses victimes. Exécuteurs, exécutants et exécutés d’Etat. Que les méandres de l’Histoire sont terribles !
Cameroun. Derrière ses apparences fossilisées, le régime de Paul Biya est funeste et féroce. Le sort réservé au Capitaine Guerandi Goulongo Mbara est tragiquement illustratif des mœurs policières de l’Etat camerounais. Unique survivant du putsch manqué d’avril 1984 (le coup d’Etat des officiers nordistes pro-Ahidjo), le Capitaine Guerandi Mbara s’était réfugié à Ouagadougou, chez Blaise Compaoré, son camarade de promotion de l’Ecole Militaire Interarmes de Yaoundé. Vingt-huit ans d’exil durant lesquels, il a réactivé des branches éparses de l’opposition camerounaise. Parallèlement, le capitaine d’artillerie Guerandi Mbara aidait opérationnellement le rebelle Charles Taylor (poulain de Blaise) pendant la guerre civile libérienne. Il entretenait des relations suivies avec certains chefs de partis au Sénégal. Directeur de la rédaction du journal burkinabé « Le Pays », entre 1992 et 1993, j’ai souvent échangé avec le Capitaine camerounais, chez un ami commun, l’ambassadeur d’Algérie à Ouagadougou. En 2013, Guerandi Mbara a imprudemment contacté un marchand d’armes portugais au parcours aussi plein de trous (noirs) qu’un gruyère. D’après l’ex-Commissaire Christophe Junior Zogo (radié de la Police camerounaise pour escroquerie puis exilé à Paris), le Capitaine Guerandi Mbara préparait une insurrection armée à partir de la frontière centrafricaine. Le pauvre officier-opposant a été kidnappé à Sofia (Bulgarie) puis ramené au pays et enfin assassiné par les hommes de Léopold Eko Eko, le chef de la DGRE, un service très, très spécial, directement rattaché à la Présidence de la république du Cameroun.
En vrac et en conclusion, on peut évoquer – sans s’y appesantir – d’autres crimes d’Etat assimilables au traitement réservé à Jamal Khashoggi. En février 1973, le communiste tchadien Outel Bono a été abattu par un tueur professionnel (de race blanche) grassement payé par le Président François Tombalbaye qui sera, lui-même, tué par une fraction séditieuse de son armée, en avril de la même année. Plus chanceux, le Docteur Abba Siddick, co-fondateur du FROLINAT a échappé de justesse à la mort, dans le quartier Hydra, à Alger, grâce à la vigilance du Contre-Espionnage algérien qui a intercepté le commando. Au Togo, le jeune opposant Amorin, blessé par balle, a été achevé dans l’ambulance par un membre de la Garde Présidentielle, déguisé en sapeur-pompier. Au Burkina Faso, le journaliste Norbert Zongo a été criblé de balles puis brûlé. L’un des auteurs, le Sergent Otis Ouédraogo a été lui-même tué dans un mystérieux accident d’automobile. A l’instar de l’un des assassins du journaliste saoudien. Moralité : le Prince Mohamed Ben Salman a perpétré un crime à Istanbul et perpétué une tradition largement partagée par beaucoup d’Etats démocratiques comme non démocratiques.
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