Fondateur de la mythique revue Hérodote, le Professeur émérite, Yves Lacoste, recommande, chaque matin, de regarder la mappemonde. Geste éminemment instructif ! En effet, un regard appuyé et insistant sur la partie maghrébine de la carte de l’Afrique génère un « Gros Plan » sur l’Algérie. Immense, peuplé et riche pays qui borde la Méditerranée au Nord, délimite la Tunisie à l’Est, fixe le Maroc à l’Ouest, l’Algérie étend singulièrement sa vaste superficie (2 380 000 km2) jusqu’aux confins de la Mauritanie (Tindouf), aux limites extrêmes du Nord-Mali (Tamanrasset) et aux bornes frontalières nigéro-libyennes de Djanet et d’In Amenas. Un Etat si central et un socle territorial si névralgique peuvent-ils être en déséquilibre sans déstabiliser alentour ?
Le vide – en vue – au sommet de l’Etat algérien est vertigineux, au plan intérieur, et dangereux hors des frontières. Quant à la redoutée implosion (scénario de type syrien) elle donne des frayeurs vives et des sueurs froides aux diplomates, aux observateurs et aux spécialistes. Bref, à tous ceux qui ont un « appétit pour l’avenir » : j’ai nommé la prospective. A cet égard, la réflexion est d’office happée par le Sahel qui compte, au moins, trois Etats fragiles ou en dérive. Même le G5 Sahel, en entier, ne supportera pas sans ébranlement ni craquement, les ondes de choc d’une secousse institutionnelle à grande magnitude de l’Algérie. Pour des raisons multiples, car Alger est – par la géographie, la diplomatie et les services secrets – au cœur des enjeux saharo-sahéliens.
Le flanc sud de l’Algérie correspond aux régions septentrionales du Mali que sont Kidal, Gao, Tombouctou et Taoudenni. Une proximité voire une imbrication qui n’est pas étrangère au repli des islamistes des GIA algériens dans les sanctuaires montagneux et limitrophes du Mali, où ils ont fait la jonction et, parfois, la collusion avec les irrédentistes Touaregs dont certains ont longtemps servi dans des Légions auxiliaires ou supplétives de l’armée libyenne du Colonel Kadhafi. Ce concentré de djihadistes, de rebelles, de condottiere et de trafiquants est évidemment surveillé, complètement infiltré, souvent manipulé et sporadiquement décimé par le DRS algérien, successivement commandé par le Généraux Mediène Toufik et Bachir Tartag. Diplomatiquement, c’est Alger qui a assuré la médiation, abrité les négociations et parrainé l’Accord éponyme du 15 mai 2015, pour la Paix et la Réconciliation. La présidence du Comité de suivi du dit Accord est d’ailleurs confiée à l’ambassadeur d’Algérie à Bamako, son Excellence Ahmed Boutache. Déduction logique et conséquence automatique : le Mali déjà éprouvé sera sûrement disloqué par l’implosion de son puissant voisin (le pays de Bouteflika) lourdement associé à son futur voire tributaire de son destin. Au moment où ces lignes sont écrites, la Ministre des Affaires Etrangères, Mme Kamissa Camara, séjourne – malgré la crise – à Alger, à l’invitation du Vice-Premier ministre et nouveau Ministre des Affaires Etrangères, Ramtane Lamamra. N’est-ce pas révélateur de l’étroitesse des rapports bilatéraux et géostratégiques ?
A côté du maillon malien sérieusement fêlé, survit cahin-caha le maillon faible burkinabé. Un Burkina Faso affaibli et fatigué par les rodéos des djihadistes et les irruptions d’agresseurs inclassables (déserteurs du défunt RSP ou bandits invétérés ?) qui répandent l’insécurité. D’où une course-poursuite infernale et meurtrière avec les unités motorisées de l’armée burkinabé. Accrochages sans fin qui provoquent la fermeture des écoles et réduisent la présence de l’Etat comme une peau de chagrin, dans toute la zone semi-désertique du Burkina Faso. Une montée des périls qui déboussole un régime orphelin de son stratège Salif Diallo, décédé le 19 août 2017. L’autre tombeur emblématique de Blaise Compaoré, le Ministre d’Etat Simon Compaoré, est rongé par la maladie. Quant au Président Roch Marc Christian Kaboré (un bon banquier formé à Dijon), il n’est ni mentalement taillé dans le roc ni politiquement préparé à faire face à l’orage. La mobilité à la tête de l’Etat-major des Armées, les changements répétés des titulaires de la Défense nationale au sein du gouvernement et les performances mitigées des services de renseignement laissent les observateurs pantois sur les lendemains du Burkina, dans un prévisible scénario de regain de violences et de terreurs, à l’échelle du Sahel, induites par les contrecoups d’une éventuelle aggravation de la crise en Algérie. Plus loin, c’est l’écran territorial burkinabé qui sécurise peu ou prou la Côte d’Ivoire, notamment sur l’axe Bobo-Dioulasso-Korhogo Si le Burkina s’écroule, la Côte d’Ivoire, située en bordure du Sahel, vacillera.
Le Niger ne sera évidemment pas à la fête, au cas où tout bascule à Alger. Sa longue frontière avec l’Algérie est longée par la fameuse passe de Salvador que l’opération BARKHANE contrôle difficilement à partir de la base avancée de Madama, implantée dans le désert du Ténéré. Salvador (couloir marqué au crayon rouge sur les cartes militaires) est emprunté par les terroristes qui convoient des armes et des hommes vers le Nord-Mali. Certes, le Niger est intact. Il n’est pas cassé comme le Mali amputé de facto de Kidal, au nord, et déchiqueté, au centre, par le brasier intercommunautaire dogons-bambaras-peuls qui calcine la belle région de Mopti, jadis appelée la Venise du Mali. Mais Niamey, ses élites et son gouvernement sont alarmés silencieusement, profondément par les effectifs en augmentation constante d’armées étrangères (française, suédoise, allemande, américaine etc.) sur le sol national. Au train où vont les choses, les soldats non nigériens seront bientôt plus nombreux que tous les jeunes Nigériens sous les drapeaux. C’est la souveraineté du pays qui s’effiloche ou s’étiole à vue d’œil. C’est dire combien le spectre d’un chaos algérien hante le sommeil du Président Issoufou et les nuits de son dauphin, Mohamed Bazoum.
Pays sahélien sans siège au G5 Sahel, le Sénégal suit et surveille forcément la complexe conjoncture politique en Algérie, évalue ses inévitables répercussions dans son voisinage immédiat : le Mali et la Mauritanie. Deux Etats membres de l’OMVS – l’un est aussi un partenaire dans l’exploitation du pétrole – qui jouent stratégiquement des rôles de glacis momentanément protecteurs pour le territoire sénégalais. La Mauritanie est militairement robuste, tandis que le Mali demeure branlant. Le temps post-électoral doit donc vite basculer vers l’heure de l’analyse prospective. Car la « syrianisation » de l’Algérie post-Bouteflika correspondra à l’âge d’or ou à l’apogée du terrorisme dans le Sahel. Et, en cas de défaillance ou de destruction du verrou mauritanien, l’armée sénégalaise sera au contact direct des djihadistes.
PS : Les terroristes et autres djihadistes n’attendent pas le naufrage du système en Algérie, pour se déchainer et, surtout, balayer les camps et autres cantonnements de l’armée malienne dans le Delta central du fleuve Niger et sur l’ensemble du Macina. L’attaque foudroyante, ce dimanche 17 mars, de la garnison de Dioura – assaut ponctué par la débandade des défenseurs de la caserne – ruisselle de leçons. 200 soldats maliens dotés de canons et de Toyota ont décampé et abandonné tout le matériel à 40 assaillants. Vous avez bien lu : 40 hommes armés. Il a fallu la colère du Président IBK, pour qu’une colonne mixte de militaires, de gendarmes et d’éléments de la Garde réoccupât le camp vers 16 heures. Avec l’appui des avions d’attaque Tucano, livrés récemment par le Brésil à l’armée de l’Air. Preuve que l’armée (actuelle) du Mali est commandée par des Généraux d’opérette, plus à l’aise dans les célébrations d’anniversaires fastueux et coûteux que dans les manœuvres opérationnelles sur les champs de batailles. Derrière le rempart mauritanien, les Diambars bénéficient encore d’un répit. Pour combien de temps ?
Le vide – en vue – au sommet de l’Etat algérien est vertigineux, au plan intérieur, et dangereux hors des frontières. Quant à la redoutée implosion (scénario de type syrien) elle donne des frayeurs vives et des sueurs froides aux diplomates, aux observateurs et aux spécialistes. Bref, à tous ceux qui ont un « appétit pour l’avenir » : j’ai nommé la prospective. A cet égard, la réflexion est d’office happée par le Sahel qui compte, au moins, trois Etats fragiles ou en dérive. Même le G5 Sahel, en entier, ne supportera pas sans ébranlement ni craquement, les ondes de choc d’une secousse institutionnelle à grande magnitude de l’Algérie. Pour des raisons multiples, car Alger est – par la géographie, la diplomatie et les services secrets – au cœur des enjeux saharo-sahéliens.
Le flanc sud de l’Algérie correspond aux régions septentrionales du Mali que sont Kidal, Gao, Tombouctou et Taoudenni. Une proximité voire une imbrication qui n’est pas étrangère au repli des islamistes des GIA algériens dans les sanctuaires montagneux et limitrophes du Mali, où ils ont fait la jonction et, parfois, la collusion avec les irrédentistes Touaregs dont certains ont longtemps servi dans des Légions auxiliaires ou supplétives de l’armée libyenne du Colonel Kadhafi. Ce concentré de djihadistes, de rebelles, de condottiere et de trafiquants est évidemment surveillé, complètement infiltré, souvent manipulé et sporadiquement décimé par le DRS algérien, successivement commandé par le Généraux Mediène Toufik et Bachir Tartag. Diplomatiquement, c’est Alger qui a assuré la médiation, abrité les négociations et parrainé l’Accord éponyme du 15 mai 2015, pour la Paix et la Réconciliation. La présidence du Comité de suivi du dit Accord est d’ailleurs confiée à l’ambassadeur d’Algérie à Bamako, son Excellence Ahmed Boutache. Déduction logique et conséquence automatique : le Mali déjà éprouvé sera sûrement disloqué par l’implosion de son puissant voisin (le pays de Bouteflika) lourdement associé à son futur voire tributaire de son destin. Au moment où ces lignes sont écrites, la Ministre des Affaires Etrangères, Mme Kamissa Camara, séjourne – malgré la crise – à Alger, à l’invitation du Vice-Premier ministre et nouveau Ministre des Affaires Etrangères, Ramtane Lamamra. N’est-ce pas révélateur de l’étroitesse des rapports bilatéraux et géostratégiques ?
A côté du maillon malien sérieusement fêlé, survit cahin-caha le maillon faible burkinabé. Un Burkina Faso affaibli et fatigué par les rodéos des djihadistes et les irruptions d’agresseurs inclassables (déserteurs du défunt RSP ou bandits invétérés ?) qui répandent l’insécurité. D’où une course-poursuite infernale et meurtrière avec les unités motorisées de l’armée burkinabé. Accrochages sans fin qui provoquent la fermeture des écoles et réduisent la présence de l’Etat comme une peau de chagrin, dans toute la zone semi-désertique du Burkina Faso. Une montée des périls qui déboussole un régime orphelin de son stratège Salif Diallo, décédé le 19 août 2017. L’autre tombeur emblématique de Blaise Compaoré, le Ministre d’Etat Simon Compaoré, est rongé par la maladie. Quant au Président Roch Marc Christian Kaboré (un bon banquier formé à Dijon), il n’est ni mentalement taillé dans le roc ni politiquement préparé à faire face à l’orage. La mobilité à la tête de l’Etat-major des Armées, les changements répétés des titulaires de la Défense nationale au sein du gouvernement et les performances mitigées des services de renseignement laissent les observateurs pantois sur les lendemains du Burkina, dans un prévisible scénario de regain de violences et de terreurs, à l’échelle du Sahel, induites par les contrecoups d’une éventuelle aggravation de la crise en Algérie. Plus loin, c’est l’écran territorial burkinabé qui sécurise peu ou prou la Côte d’Ivoire, notamment sur l’axe Bobo-Dioulasso-Korhogo Si le Burkina s’écroule, la Côte d’Ivoire, située en bordure du Sahel, vacillera.
Le Niger ne sera évidemment pas à la fête, au cas où tout bascule à Alger. Sa longue frontière avec l’Algérie est longée par la fameuse passe de Salvador que l’opération BARKHANE contrôle difficilement à partir de la base avancée de Madama, implantée dans le désert du Ténéré. Salvador (couloir marqué au crayon rouge sur les cartes militaires) est emprunté par les terroristes qui convoient des armes et des hommes vers le Nord-Mali. Certes, le Niger est intact. Il n’est pas cassé comme le Mali amputé de facto de Kidal, au nord, et déchiqueté, au centre, par le brasier intercommunautaire dogons-bambaras-peuls qui calcine la belle région de Mopti, jadis appelée la Venise du Mali. Mais Niamey, ses élites et son gouvernement sont alarmés silencieusement, profondément par les effectifs en augmentation constante d’armées étrangères (française, suédoise, allemande, américaine etc.) sur le sol national. Au train où vont les choses, les soldats non nigériens seront bientôt plus nombreux que tous les jeunes Nigériens sous les drapeaux. C’est la souveraineté du pays qui s’effiloche ou s’étiole à vue d’œil. C’est dire combien le spectre d’un chaos algérien hante le sommeil du Président Issoufou et les nuits de son dauphin, Mohamed Bazoum.
Pays sahélien sans siège au G5 Sahel, le Sénégal suit et surveille forcément la complexe conjoncture politique en Algérie, évalue ses inévitables répercussions dans son voisinage immédiat : le Mali et la Mauritanie. Deux Etats membres de l’OMVS – l’un est aussi un partenaire dans l’exploitation du pétrole – qui jouent stratégiquement des rôles de glacis momentanément protecteurs pour le territoire sénégalais. La Mauritanie est militairement robuste, tandis que le Mali demeure branlant. Le temps post-électoral doit donc vite basculer vers l’heure de l’analyse prospective. Car la « syrianisation » de l’Algérie post-Bouteflika correspondra à l’âge d’or ou à l’apogée du terrorisme dans le Sahel. Et, en cas de défaillance ou de destruction du verrou mauritanien, l’armée sénégalaise sera au contact direct des djihadistes.
PS : Les terroristes et autres djihadistes n’attendent pas le naufrage du système en Algérie, pour se déchainer et, surtout, balayer les camps et autres cantonnements de l’armée malienne dans le Delta central du fleuve Niger et sur l’ensemble du Macina. L’attaque foudroyante, ce dimanche 17 mars, de la garnison de Dioura – assaut ponctué par la débandade des défenseurs de la caserne – ruisselle de leçons. 200 soldats maliens dotés de canons et de Toyota ont décampé et abandonné tout le matériel à 40 assaillants. Vous avez bien lu : 40 hommes armés. Il a fallu la colère du Président IBK, pour qu’une colonne mixte de militaires, de gendarmes et d’éléments de la Garde réoccupât le camp vers 16 heures. Avec l’appui des avions d’attaque Tucano, livrés récemment par le Brésil à l’armée de l’Air. Preuve que l’armée (actuelle) du Mali est commandée par des Généraux d’opérette, plus à l’aise dans les célébrations d’anniversaires fastueux et coûteux que dans les manœuvres opérationnelles sur les champs de batailles. Derrière le rempart mauritanien, les Diambars bénéficient encore d’un répit. Pour combien de temps ?
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