DAKARACTU.COM - C’est finalement à la Place de l’Obélisque, et non à la Place de l’Indépendance comme initialement projeté, que va se dérouler la manifestation prévue le 23 juillet par le Mouvement des forces vives du 23 juin (M23). Ce mouvement a accepté de délocaliser l’événement officiellement « par souci d’apaisement et de responsabilité dans le contexte actuel de crise. » La réalité est toutefois plus complexe que cette explication servie à l’opinion.
On ne peut pas comprendre la reculade du M23 sans remonter à la genèse de l’action envisagée. C’est Macky Sall qui, début juillet, au cours d’une assemblée générale du mouvement, a estimé que celui-ci devait prendre une initiative importante le 23 de chaque mois pour commémorer le 23 juin et pour maintenir une pression récurrente sur le régime. Alors que les uns et les autres réfléchissaient sur l’opportunité d’appliquer cette idée, est intervenu le discours du 14 juillet d’Abdoulaye Wade que tous ont perçu comme une déclaration de guerre. En guise de riposte, les leaders du M23 ont décidé de défier le chef de l’Etat en fixant au 23 juillet, jour retenu pour un meeting du camp présidentiel, la tenue d’une contre-manifestation pour réclamer le respect de la Constitution.
Tout le monde n’était toutefois pas d’accord sur cette posture de défi. Si certains leaders radicalisés par le discours (Ousmane Tanor Dieng, Abdoulaye Bathily, Macky Sall, Moustapha Niasse…) étaient pour, d’autres (Momar Samb du RTA-S, Cheikh Tidiane Gadio du Mouvement politique citoyen, Bara Tall de l’association citoyenne « Yamalé »…) étaient contre. Ces derniers estimaient que ce n’était pas nécessaire de manifester le même jour que le camp présidentiel, et qu’il était plus sage de prendre le temps de bien organiser la prochaine action du M23 de manière à faire sinon mieux du moins aussi bien que le 23 juin.
Le 20 juillet, quand l’arrêté du ministre de l’Intérieur, Ousmane Ngom, interdisant le regroupement sur la Place de l’Indépendance est tombé, les « modérés » ont réussi à rallier les « durs » à leur argument, estimant qu’il ne fallait pas faire une fixation sur le centre-ville et que l’essentiel était de manifester. Lorsque, ce 21 juillet, Alioune Tine de la Raddho, Nicolas Ndiaye de la LD/MPT et Zahra Iyane Thiam d’UDS – Innovation se rendaient au commissariat de police du Plateau pour déférer à une convocation suite à la déclaration de manifestation, ils avaient déjà l’accord de tous les leaders du M23 pour la Place de l’Obélisque. Mais, une fois sur place, les trois émissaires ont bataillé ferme pour obtenir la Place de l’Indépendance. Devant le refus courtois du commissaire Ngom, ils ont accepté de se rabattre sur la Place de l’Obélisque. Le commissaire a demandé les motifs de la manifestation. Réponse du trio : « Nous réclamons la renonciation de Wade à la candidature en 2012, le respect de la Constitution, le limogeage du ministre de l’Intérieur, Ousmane Ngom, la démission de Karim Wade de toutes ses fonctions publiques, le retrait du découpage électoral, la réinstallation dans leurs fonctions des élus remplacés par des délégations spéciales… »
Après cette formalité requise par la loi, le commissaire Ngom a lu à ses interlocuteurs les articles 92 et suivants du Code pénal, pour leur signifier qu’ils sont responsables de tous les débordements qui pourraient avoir lieu à l’occasion de la manifestation et qu’ils seraient arrêtés s’il survenait des actes qui portent atteinte à l’ordre public ou à la sécurité des personnes et des biens.
Les trois délégués du M23 ont quitté le commissaire avec l’assurance de celui-ci que le préfet de Dakar allait suivre l’avis favorable qu’il a émis sur le dossier. Le préfet doit en effet apposer formellement son accord aujourd’hui 22 juillet.
Reste maintenant au Mouvement des forces vives du 23 juin de démontrer sa capacité d’organisation. Autorisé à occuper la Place de l’Obélisque de 9h à 18h, le M23 s’active depuis quelques jours pour relever le défi de la mobilisation. Afin d’assurer la discipline et la police, une commission sécurité a été mise en place, assignée à deux missions : protéger les personnalités qui seront présentes et empêcher toute infiltration de la manifestation par des saboteurs, des émeutiers ou des pillards. Une autre commission a déjà commencé à travailler pour louer la sono qui va égayer l’ambiance toute la journée, transporter les manifestants confrontés à des problèmes de mobilité, prévoir toutes les commodités…
Qui du pouvoir ou des forces vives sortira victorieux de cette journée du 23 juillet ? Les images de télévision le diront à ceux qui ne seront pas sur les lieux.
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