Elle s’est subitement incrustée au cœur de la scène politique sénégalaise. Directrice de campagne d’Idrissa Seck, candidat à la Présidentielle, Léna Sène, qui s’est révélée aux Sénégalais lors de la présentation de l’équipe de campagne de Rewmi le 15 octobre passé au Méridien-Président de Dakar, se raconte dans cette interview exclusive accordée à EnQuête. Elle évoque les raisons de son engagement aux côtés d’Idrissa Seck, assure croire à 100% en l’homme, avoue le poids de la famille dans sa décision d’accompagner le Président de Rewmi dans la course à la Présidentielle. Léna Sène qui a réalisé samedi cet entretien dans les locaux d’EnQuête au Point E, revient aussi sur son passé, depuis son enfance passée entre plusieurs régions du Sénégal, évoque ses racines sénégalaises, affronte le métissage, parle de ses croyances, de ses goûts et couleurs. Plein zoom sur une femme de pouvoir, nourrie entre le Sénégal et les Etats-Unis, qui valse avec aisance entre les grandes salles bruyantes de Wall Street et les ambiances plus simples de Ngaaye Mékhé…
Vous êtes la directrice de campagne du candidat Idrissa Seck à la présidentielle de 2012. Vous aviez quitté le pays il y a très longtemps. Qu’est-ce qui vous a poussée à revenir au Sénégal ?
Cela fait 16 ans, en effet, que je suis partie du Sénégal afin de poursuivre mes études aux Etats-Unis. C’est vrai que ça fait longtemps ! Cependant, toute ma famille vit ici, donc j’étais physiquement absente, mais mon cœur est là car j’ai grandi au Sénégal. La réalité est que c’est mon pays et je suis toujours restée en connexion avec mes amis, mes parents, et j’ai tout fait pour rendre visite à ma famille au moins une fois par an. Cela dit, j’ai passé beaucoup de temps à analyser la situation de mon pays, surtout ces dernières années. Et ce qui m’a poussée à revenir, c'est qu'on a besoin de changement. Et il est temps que les choses se fassent de façon différente, il est temps qu'on aide nos compatriotes à avoir une vie meilleure.
N’empêche, des Sénégalais pensent que vous êtes déconnectée des réalités locales. Peut-on avoir une idée plus précise de votre enfance et jeunesse au Sénégal ?
J’ai grandi au Sénégal alors que je n’avais que trois ans. J’ai fréquenté l'école publique, du jardin à la classe de Terminale au lycée Seydou Nourou Tall. J'ai vécu à Kaolack, à Thiès, à Dakar. (En rigolant) Man fii laa cosaanoo dé (j'ai mes racines ici), même si je suis née aux Etats-Unis.
Comment avez-vous été amenée à faire toutes les régions que vous citez ?
Mon père et ma mère, qui est ukrainienne, sont des ingénieurs agronomes, et ils ont été affectés dans différentes régions. Donc, c'est dans le cadre du travail et des déplacements de mon père, qui était inspecteur de l'agriculture, que j'ai découvert et aimé ces régions, que j’ai découvertes toute jeune, le Sénégal des profondeurs.
Que répondez-vous donc aux critiques selon lesquelles vous ne maîtrisez pas assez les réalités politiques et socioculturelles du Sénégal ?
Quoi ! (elle hausse les épaules). C'est vrai que cela fait 16 ans que je ne vis pas en permanence au Sénégal, mais je suis une femme sénégalaise avant tout et, comme beaucoup de Sénégalais de la diaspora, je suis restée très attachée à ce qui se passe dans mon pays. En plus de cela, je vous rappelle que je ne peux pas être la fille d’Ibrahima Sène et ne pas savoir ce qui se passe politiquement dans le pays. Je ne dis pas que je maîtrise tout et dans tous les aspects et détails, mais je sais qu'il y a dans notre équipe des personnes qui ont ces connaissances. Et moi, j'apprends très vite. Les gens peuvent critiquer, penser ce qu'ils veulent, c'est leur droit. Mais si j'étais aussi naïve que le pensent certains, connaissant Idrissa, je ne pense pas qu'il aurait fait ce choix de me désigner directrice de sa campagne électorale.
N'appréhendez-vous que, comme Karim Wade qui est métissée, que l'on vous regarde un peu en étrangère ?
Ecoutez ! Ma famille est de Ngaaye Mékhé, on allait célébrer les fêtes traditionnelles là-bas. Man foo fu laa jogéé (ce sont mes origines). On voit beaucoup de métisses qui perdent leurs racines, moi je n'en fais pas partie parce que depuis tout petit, mes parents nous ont inculqué l'amour de notre patrie et de nos langues ; savoir qui tu es, ton identité. Cela dit, nous passions aussi des vacances en Ukraine, et donc, je parle le Russe, je comprends l'Ukrainien. C'est comme cela qu'on a été éduqué ; maintenant si d'autres le sont de façon différente, je n'y peux rien...
Votre père est un homme de gauche qui est politiquement engagé, alors qu’Idrissa Seck est plutôt libéral. Ne craignez-vous pas de gêner votre père qui est un des leaders du Parti de l'indépendance et du travail (PIT), engagé justement dans Benno Siggil Senegal, coalition concurrente au candidat Idrissa Seck ?
Vous savez, mon père et ma mère sont les personnes que j'admire le plus au monde pour leur intelligence, leur valeur éthique et morale. Ce sont mes modèles. C’est vrai, les gens peuvent avoir des difficultés à comprendre comment une personne éduquée par des parents comme les miens peut faire le genre de choix que j'ai fait. Mais comme mon père aime le dire, nous sommes une famille d'indépendants. Et depuis notre plus jeune âge, ma sœur, mon frère et moi avons été encouragés à prendre nos propres décisions. Ce n'est pas parce qu'on vit dans un environnement donné qu'on doit absolument être conditionné par cela. J'ai été éduquée à faire librement mes choix, que ce soit en politique ou dans le domaine professionnel. Quand j'ai décidé d'aller étudier aux Etats-Unis, d'aller travailler à Wall Street ou à la Maison Blanche, mes parents n'étaient pas toujours d'accord, mais ils respectent mes choix et je les admire pour cela. On peut avoir de longs débats en famille, ne pas tomber d'accord sur beaucoup de choses, mais en fin de compte, on est très unis. On respecte les choix individuels des uns et des autres. Je pense que dans une famille, c’est ce qui est le plus important.
Mais avez-vous vraiment consulté vos parents avant de prendre la décision d’être la directrice de campagne d'Idrissa Seck ?
Oui, j'ai demandé leur conseil, mais en fin de compte j'ai pris seule ma décision.
Ah oui ? Il semble quand-même que votre père n'était pas d'accord avec vous...
(Rires). Pour ceux qui connaissent mon père, vous pouvez imaginer que oui, ce n'était pas peut-être le choix idéal de son point de vue. Mais je sais qu'il respecte Idrissa Seck et mon choix.
Dites-nous en quoi consiste exactement votre travail de directrice de campagne ?
C'est vraiment un rôle de coordination. Je me vois en tant que facilitatrice, parce que l'équipe est faite de personnes extrêmement talentueuses et très expérimentées, qui ont combattu avec Idrissa, qui sont à ses côtés et qui ont vécu avec lui des épisodes très difficiles, mais ils lui sont restés loyaux. Il a des appuis de partout dans le monde.
Dans l’équipe de campagne, il semble qu’on vous appelle, la pacificatrice...
(Rires). Je me vois comme ça en fait, j'aime rassembler les personnes qui, peut-être, ont des opinions différentes, j'aime synthétiser et organiser. C'est comme cela que j'ai été formée : cueillir les meilleures idées, les meilleures stratégies, les meilleurs talents, aider dans l'organisation de tout cela pour aller vers une victoire pour notre candidat.
N'empêche, des grincements de dents ont été notés après votre installation en tant que directrice de campagne. Certains ont même parlé de parachutage alors qu'il y a d'autres membres de Rewmi et, même des femmes, engagés ces dernières années aux côtés de M. Seck.
Je les comprends parfaitement (elle se répète). Le premier acte que j'ai posé en tant que directrice de campagne, c'est de rassurer tout le monde dans l'équipe : je ne suis pas là pour prendre leur place. Je n'ai pas leur expérience, le parcours qu'ils ont eu avec Idrissa depuis des années. Donc je ne suis pas là pour remplacer untel ou untel, je suis là pour aider toute l'équipe pour qu'on puisse réussir ensemble. C'est vrai que c'est une position visible, mais je ne vois pas mon rôle comme quelqu'un qui est juste là pour promouvoir une image du candidat... Je suis quelqu'un de très pratique, plus technocrate que politicienne. Certes, sur le plan professionnel, j'ai plus évolué dans le secteur privé, n'empêche, ce qui se passe dans la politique m'intéresse beaucoup tant au Sénégal que dans le monde. On ne peut quand-même pas être la fille d’Ibrahima Sène et ne pas s'imprégner de politique (rires) ! Donc je veux apporter ces expériences d'organisation et de management vraiment pratiques combinées à mon expérience dans le secteur public comme support pour l'équipe que Idrissa Seck a déjà autour de lui, et qui a toute les compétences et l'expérience requises, pour aider à le faire élire président.
D’ailleurs on a commencé à vous glisser des peaux de bananes. Vous ne craignez pas de glisser et de tomber ?
(Rires). Non, mais j'entends la presse en parler, moi je ne les ai pas encore vues, ces peaux de bananes. Je peux vous dire que j'ai été accueillie chaleureusement par toute l'équipe et vraiment, c'est un plaisir d'apprendre à en connaître chaque membre. Et c'est en rencontrant l'équipe que je me suis rendue compte qu'elle est au top par rapport à tout ce dont on a besoin pour aider un candidat à réussir. Donc, j'entends parler de peaux de bananes, mais je n’ai pas eu connaissance de cela et je ne pense pas que cela arrivera, car on ressent déjà cet esprit d'équipe. On sait qu'on est là pour un seul but : élire Idrissa Seck comme quatrième président du Sénégal. C'est sur cela qu'on va concentrer tous nos efforts.
Etes-vous prête à prendre des coups, puisque ce n’est surtout pas cela qui manque en politique, surtout au Sénégal ?
Absolument ! Peut-être que les gens qui ne me connaissent pas peuvent en douter, mais le fait qu’Idrissa Seck m'ait choisie n'est pas un hasard.
Vous êtes métissée, pro-américaine et fille d'un homme politique de gauche. Ne pensez-vous pas que c'est un parallèle avec Karim Wade et une sorte de paravent qui vous prémunisse des attaques politiques puisqu’on aurait des scrupules par égard pour votre père, Ibrahima Sène ?
(Rires…). Mais c'est Idrissa Seck qui a fait le choix, il faudra lui demander...
Vous ne voyez pas qu'on vous a choisie pour jouer un rôle à la fois symbolique et politique ?
Écoutez, je prends le rôle de directrice de campagne très au sérieux. Et ce n'était pas un choix facile, car j'avais beaucoup d'autres engagements et responsabilités. J'ai pris la décision de tout abandonner pour venir aider Idrissa Seck, parce que je crois en lui, j'ai appris à le connaître pendant plusieurs années, et ce que j'ai vu en lui, c'est ce je vois pour l'avenir pas seulement du Sénégal mais de l'Afrique. C'est une nouvelle génération de leaders, il sait où il va, ce qu'il veut, c'est une des personnes les plus intelligentes que j'ai jamais rencontrée de toute ma vie. Il m'a inspirée et pour cela, j'ai été prête à quitter tout ce que je faisais pour le soutenir. Et quelles que soient les raisons pour lesquelles il m'a choisie, je les respecte. Moi, je pense que c'est la personne qui va pouvoir changer le Sénégal et mieux qu'aucun autre candidat qu'on a entendu.
Vous avez parlé d'engagements que vous avez laissés tomber, mais pour en arriver là, il faut que ce que l'on vous promette soit très intéressant. Certains parlent d'un poste de Premier ministre, par exemple ?
Vous savez, c'est ça qui est dommage en politique, les gens doivent plutôt penser aux personnes qu'ils représentent, aux personnes qui n'ont même pas de quoi se nourrir ou nourrir leurs familles. Quand ta première préoccupation, c'est ''qu'est-ce qui va me revenir, quel intérêt j'ai à soutenir un candidat ?'', c'est une politique qu'on doit éviter. C'est malheureusement ce qui se passe en ce moment au Sénégal et dans beaucoup de pays dans le monde. Je pense qu'il est temps pour notre génération de prendre nos responsabilités et d'arrêter juste de critiquer la façon dont la politique est faite en ce moment, et de s'engager à mouiller le maillot et montrer qu'il y a d'autres façons de faire la politique, où il s'agit de servir les autres et non son intérêt personnel.
Justement, si vous avez suivi le parcours de votre candidat depuis 2000, vous devez être au courant de ses démêlés avec la Justice, notamment l'affaire dite des Chantiers de Thiès. Ne craignez-vous pas que cela ne déteigne sur la campagne de votre candidat ?
Il faut que l'on soit clair, Idrissa Seck a été mis en prison sans avoir eu la chance d'avoir un procès. On l'a chargé de tous les crimes et malgré tout, on l’a remis en liberté, il a été blanchi de tout. Comment vous expliquez qu'une personne qui avait tout l'appareil de l'Etat contre lui ait été complètement blanchie ? Pensez-vous que si vraiment il avait fait toutes ces choses dont on l'accusait, il ne serait pas encore en prison ? Je pense que c'est des excuses pour ternir l'image d'Idrissa, et je crois également que les gens qui sont contre lui vont continuer à les utiliser.
Vous êtes en face de plusieurs grands appareils politiques. Le Président Wade, son parti et l’Etat ; Macky Sall, Benno, etc. Etes-vous vraiment préparée à affronter cette «jungle-là»? Vous, la financière de formation…
Je suis convaincue qu'avec l'équipe de campagne qu'on a en ce moment, avec notre coalition, on pourra différencier notre candidat parmi les vingt et quelques autres prétendants déclarés. On a une équipe en place, un candidat en qui on croit, qui a fait ses preuves et qui, malgré toutes les accusations contre lui, demeure très populaire et connu. Donc je pense qu'on peut faire la différence. Mais on respecte les autres candidats, car ce qui nous rassemble tous, c'est qu'on veut servir le Sénégal et le changer. Et comme Idrissa Seck l'a dit lui-même, au premier tour, ce sera la compétition, le peuple sénégalais va choisir qui il veut, et au second tour, on doit tous se rassembler derrière le candidat de l'opposition qui aura le plus de soutien des Sénégalais. Je pense que c’est très clair…
Comment percevez-vous des leaders politiques comme Moustapha Niasse, Ousmane Tanor Dieng, Macky Sall, etc. ?
Je respecte tous ces leaders et candidats... Toutes ces personnes qui se sont sacrifiées ou qui se sacrifient depuis de longues années pour servir le Sénégal méritent le respect de chacun, et je sais que c'est le cas avec les personnes avec qui je travaille.
Quelle appréciation faites-vous de la façon dont la politique se fait au Sénégal ?
Ecoutez ! si cela marchait, le Sénégal ne serait pas dans les conditions dans lesquelles il se trouve. On n’aurait pas les problèmes qu’on rencontre dans le secteur de l’électricité. Le Sénégal ne serait donc pas dans le gouffre où il se trouve depuis 2005, date à laquelle les choses ont vraiment commencé à se détériorer. Je viens du secteur privé et plus précisément des banques et donc, je sais ce dont je parle. Vous savez, on essayait tout le temps de convaincre le secteur privé aux Etats-Unis, à investir au Sénégal. Mais la réalité, c’est qu’ils ne voulaient même pas s’approcher du Sénégal. Ils ne faisaient pas confiance au climat des affaires au Sénégal. On est classé dans les rangs des derniers pays au monde par Transparency international dont l’index surveille le niveau de gouvernance dans les pays au monde. Et on est parmi les derniers. Ça, ce sont des faits, on ne peut pas le nier. C’est pourquoi je pense qu’il serait pertinent de mettre en place un gouvernement dont le premier but serait la bonne gouvernance et l’amélioration des conditions de vie des populations. Ce sont les deux axes majeurs. Il faut aussi améliorer les conditions de vie des populations à l’intérieur du pays et rendre plus performants les mécanismes de la bonne gouvernance au Sénégal.
Et vous pensez qu’Idrissa Seck a le meilleur profil pour ce programme ?
Absolument ! Absolument ! Il n'y a pas de doute. Dans ma tête, je crois en lui à 100%.
Vous avez travaillé dans l'équipe de campagne du Président américain Barack Obama. Idrissa Seck semble bien américanophile. Quel style de campagne allez-vous donc impulser ? Ne risquez-vous de mélanger la politique telle qu’elle se fait aux Etats-Unis et au Sénégal ?
La façon dont la politique se fait aux Etats-Unis n'a rien à voir avec ce qui fait au Sénégal. Donc, on ne peut importer ou transposer les choses même si ça marche ailleurs. Il faut s'adapter, connaître les réalités du pays, le contexte culturel et social... C'est vrai que j'ai eu l'opportunité de travailler pour la campagne d'Obama et j'en ai beaucoup appris. J'ai appris beaucoup de techniques de mobilisation que je compte partager avec notre équipe. Mais la décision relative à la façon dont la campagne va se dérouler, la stratégie donc, tout ceci se fera en équipe, avec les personnes qui ont par exemple eu à vivre cette expérience avec Idrissa en 2007. On va utiliser toutes ces connaissances pour forger une stratégie et on est en train de le faire. Soyez un peu patient ! Mais je peux vous assurer que ça ne sera pas du Made in America transposé au Sénégal, pas du tout.
On vous a présentée comme pacificatrice. En même temps, on sent une forte détermination derrière. On a l’impression que Léna Sène, c’est de l’eau qui dort…
En fait, ce que j’admire beaucoup aux Etats-Unis, c’est que c’est une méritocratie. Cela veut dire que si tu n’es pas bon dans un domaine, tu ne vas pas y durer. Et les gens déterminent votre valeur par vos résultats. Cela veut dire que si vous arrivez à produire, à fournir de bons résultats, vous allez de l’avant. Donc, c’est dans ce système que j’ai été formé. Et dans ce système-là, surtout dans le secteur financier à Wall Street ; tu ne peux pas survivre si tu n’es pas… (elle hésite…)
Solide ?
Non, pas que solide, mais blindé. Parce que ce n’est pas un environnement fait pour les faibles. Il faut être très fort. Il faut être performant parce que ce sont tes résultats qui déterminent ta survie. Donc tu travailles très dur, on te forme de façon très stricte. Là où j’étais à la JP Morgan Bank, Lehmann Brother, c’est un environnement très masculin, très macho. Si tu n’es pas prête à être aussi forte qu’eux, tu ne survis pas.
Moulée donc dans un environnement masculin ?
Oui… Mais pour moi, ce n’est pas cela qui compte. Environnement masculin ou féminin, ce sont les compétences qui comptent. La question, c’est de savoir si tu peux évoluer dans un environnement donné et avancer. Et ce sont des résultats qui te propulsent. Ce n’est pas quelqu’un qui te connaît, ce n’est pas une histoire de famille. Ce sont tes propres efforts qui te propulsent de l’avant. Je pense que cela m’a bien formée. Et pour la politique, lorsque j’ai eu la chance d’avoir été sélectionnée, dans le cadre du White house fellowship, là j’ai vraiment appris à bien utiliser tout l’entraînement que j’ai reçu auparavant à Wall Street où j’ai appris à progresser dans un environnement très complexe, très intense, où tu n’as pas droit à l’erreur. Maintenant, je ne suis pas là pour défendre ce système. Ils ont beaucoup de failles. Que ce soit le système financier américain ou le système politique américain, je crois qu’il n y a pas de système parfait. Il faut quand même reconnaître qu’ils ont des qualités qui sont louables.
Parlez-nous un peu de votre cursus sur le plan académique…
J’ai fait mon bachelor, c'est-à-dire quatre ans après le lycée, à Bridge college qui est une école privée. J’ai mon diplôme en Economie. Et après avoir passé 7 ans à Wall Street, je suis allée à Harward qui se trouve à Cambridge où j’ai fait un master en business et en administration publique. Parce que le secteur public m’intéresse beaucoup. Mon cursus professionnel montre que j’ai fait le secteur privé, mais le secteur public reste un centre d’intérêt, à cause sans doute de mes parents.
Votre intérêt pour le secteur privé, c’est sans doute cela qui vous rapproche d’Idrissa Seck et vous éloigne de votre père ?
Oui, mais il y a beaucoup de choses qu’on peut emprunter au secteur privé pour l’adapter au secteur public, c’est-à-dire la bonne gouvernance, le fait de se baser sur les résultats pour déterminer les allocations de ressources, etc. Se fonder sur les compétences pour nommer les gens. Ne pas se fonder juste sur des raisons politiques. Cela, je pense que je le partage avec Idrissa Seck.
Mademoiselle Sène, plusieurs regards se portent sur vous. Sentez-vous le poids de ces regards, étant entendu que vous êtes encore célibataire…
Ecoutez ! vous savez (rires), on a un très grand boulot devant nous. Les trois mois et demi à venir seront très chargés.
On insiste, y a-t-il un homme dans la vie de Léna Sène ?
Je persiste. Là, en ce moment, je n’ai plus de vie privée. Ma vie entière est consacrée à la victoire de notre candidat.
Votre plat préféré ?
«Ceebu Jeen, yow tamit» !² (Rires).
Et votre musicien préféré ?
Youssou Ndour. C’est le meilleur
Léna Sène, on a du mal à croire que vous êtes si bonne sénégalaise que vous le dites. Prenez-vous par exemple part aux fêtes traditionnelles à la sénégalaise ?
Oui, même si chez nous, on célèbre toutes les fêtes, musulmanes ou chrétiennes. Mes parents sont très ouverts. Quand on a l’occasion de le faire avec les amis, on le fait.
Les Sénégalais ont sans doute envie de connaître votre religion. Léna Sène, musulmane, chrétienne, sans foi … ?
Je suis musulmane et je suis très spirituelle.
Avez-vous des amies au Sénégal. Des femmes ?
Vous savez, les femmes sénégalaises, c’est elles qui vont élire Idrissa Seck. Parce qu’elles ont de l’intuition et elles veulent pousser le pays de l’avant. Je ne dis pas que les hommes n’en ont pas, mais je suis convaincue d’une chose : si les femmes portent leur choix sur Idrissa, il sera le quatrième président du Sénégal…
Source : Enquête.
Vous êtes la directrice de campagne du candidat Idrissa Seck à la présidentielle de 2012. Vous aviez quitté le pays il y a très longtemps. Qu’est-ce qui vous a poussée à revenir au Sénégal ?
Cela fait 16 ans, en effet, que je suis partie du Sénégal afin de poursuivre mes études aux Etats-Unis. C’est vrai que ça fait longtemps ! Cependant, toute ma famille vit ici, donc j’étais physiquement absente, mais mon cœur est là car j’ai grandi au Sénégal. La réalité est que c’est mon pays et je suis toujours restée en connexion avec mes amis, mes parents, et j’ai tout fait pour rendre visite à ma famille au moins une fois par an. Cela dit, j’ai passé beaucoup de temps à analyser la situation de mon pays, surtout ces dernières années. Et ce qui m’a poussée à revenir, c'est qu'on a besoin de changement. Et il est temps que les choses se fassent de façon différente, il est temps qu'on aide nos compatriotes à avoir une vie meilleure.
N’empêche, des Sénégalais pensent que vous êtes déconnectée des réalités locales. Peut-on avoir une idée plus précise de votre enfance et jeunesse au Sénégal ?
J’ai grandi au Sénégal alors que je n’avais que trois ans. J’ai fréquenté l'école publique, du jardin à la classe de Terminale au lycée Seydou Nourou Tall. J'ai vécu à Kaolack, à Thiès, à Dakar. (En rigolant) Man fii laa cosaanoo dé (j'ai mes racines ici), même si je suis née aux Etats-Unis.
Comment avez-vous été amenée à faire toutes les régions que vous citez ?
Mon père et ma mère, qui est ukrainienne, sont des ingénieurs agronomes, et ils ont été affectés dans différentes régions. Donc, c'est dans le cadre du travail et des déplacements de mon père, qui était inspecteur de l'agriculture, que j'ai découvert et aimé ces régions, que j’ai découvertes toute jeune, le Sénégal des profondeurs.
Que répondez-vous donc aux critiques selon lesquelles vous ne maîtrisez pas assez les réalités politiques et socioculturelles du Sénégal ?
Quoi ! (elle hausse les épaules). C'est vrai que cela fait 16 ans que je ne vis pas en permanence au Sénégal, mais je suis une femme sénégalaise avant tout et, comme beaucoup de Sénégalais de la diaspora, je suis restée très attachée à ce qui se passe dans mon pays. En plus de cela, je vous rappelle que je ne peux pas être la fille d’Ibrahima Sène et ne pas savoir ce qui se passe politiquement dans le pays. Je ne dis pas que je maîtrise tout et dans tous les aspects et détails, mais je sais qu'il y a dans notre équipe des personnes qui ont ces connaissances. Et moi, j'apprends très vite. Les gens peuvent critiquer, penser ce qu'ils veulent, c'est leur droit. Mais si j'étais aussi naïve que le pensent certains, connaissant Idrissa, je ne pense pas qu'il aurait fait ce choix de me désigner directrice de sa campagne électorale.
N'appréhendez-vous que, comme Karim Wade qui est métissée, que l'on vous regarde un peu en étrangère ?
Ecoutez ! Ma famille est de Ngaaye Mékhé, on allait célébrer les fêtes traditionnelles là-bas. Man foo fu laa jogéé (ce sont mes origines). On voit beaucoup de métisses qui perdent leurs racines, moi je n'en fais pas partie parce que depuis tout petit, mes parents nous ont inculqué l'amour de notre patrie et de nos langues ; savoir qui tu es, ton identité. Cela dit, nous passions aussi des vacances en Ukraine, et donc, je parle le Russe, je comprends l'Ukrainien. C'est comme cela qu'on a été éduqué ; maintenant si d'autres le sont de façon différente, je n'y peux rien...
Votre père est un homme de gauche qui est politiquement engagé, alors qu’Idrissa Seck est plutôt libéral. Ne craignez-vous pas de gêner votre père qui est un des leaders du Parti de l'indépendance et du travail (PIT), engagé justement dans Benno Siggil Senegal, coalition concurrente au candidat Idrissa Seck ?
Vous savez, mon père et ma mère sont les personnes que j'admire le plus au monde pour leur intelligence, leur valeur éthique et morale. Ce sont mes modèles. C’est vrai, les gens peuvent avoir des difficultés à comprendre comment une personne éduquée par des parents comme les miens peut faire le genre de choix que j'ai fait. Mais comme mon père aime le dire, nous sommes une famille d'indépendants. Et depuis notre plus jeune âge, ma sœur, mon frère et moi avons été encouragés à prendre nos propres décisions. Ce n'est pas parce qu'on vit dans un environnement donné qu'on doit absolument être conditionné par cela. J'ai été éduquée à faire librement mes choix, que ce soit en politique ou dans le domaine professionnel. Quand j'ai décidé d'aller étudier aux Etats-Unis, d'aller travailler à Wall Street ou à la Maison Blanche, mes parents n'étaient pas toujours d'accord, mais ils respectent mes choix et je les admire pour cela. On peut avoir de longs débats en famille, ne pas tomber d'accord sur beaucoup de choses, mais en fin de compte, on est très unis. On respecte les choix individuels des uns et des autres. Je pense que dans une famille, c’est ce qui est le plus important.
Mais avez-vous vraiment consulté vos parents avant de prendre la décision d’être la directrice de campagne d'Idrissa Seck ?
Oui, j'ai demandé leur conseil, mais en fin de compte j'ai pris seule ma décision.
Ah oui ? Il semble quand-même que votre père n'était pas d'accord avec vous...
(Rires). Pour ceux qui connaissent mon père, vous pouvez imaginer que oui, ce n'était pas peut-être le choix idéal de son point de vue. Mais je sais qu'il respecte Idrissa Seck et mon choix.
Dites-nous en quoi consiste exactement votre travail de directrice de campagne ?
C'est vraiment un rôle de coordination. Je me vois en tant que facilitatrice, parce que l'équipe est faite de personnes extrêmement talentueuses et très expérimentées, qui ont combattu avec Idrissa, qui sont à ses côtés et qui ont vécu avec lui des épisodes très difficiles, mais ils lui sont restés loyaux. Il a des appuis de partout dans le monde.
Dans l’équipe de campagne, il semble qu’on vous appelle, la pacificatrice...
(Rires). Je me vois comme ça en fait, j'aime rassembler les personnes qui, peut-être, ont des opinions différentes, j'aime synthétiser et organiser. C'est comme cela que j'ai été formée : cueillir les meilleures idées, les meilleures stratégies, les meilleurs talents, aider dans l'organisation de tout cela pour aller vers une victoire pour notre candidat.
N'empêche, des grincements de dents ont été notés après votre installation en tant que directrice de campagne. Certains ont même parlé de parachutage alors qu'il y a d'autres membres de Rewmi et, même des femmes, engagés ces dernières années aux côtés de M. Seck.
Je les comprends parfaitement (elle se répète). Le premier acte que j'ai posé en tant que directrice de campagne, c'est de rassurer tout le monde dans l'équipe : je ne suis pas là pour prendre leur place. Je n'ai pas leur expérience, le parcours qu'ils ont eu avec Idrissa depuis des années. Donc je ne suis pas là pour remplacer untel ou untel, je suis là pour aider toute l'équipe pour qu'on puisse réussir ensemble. C'est vrai que c'est une position visible, mais je ne vois pas mon rôle comme quelqu'un qui est juste là pour promouvoir une image du candidat... Je suis quelqu'un de très pratique, plus technocrate que politicienne. Certes, sur le plan professionnel, j'ai plus évolué dans le secteur privé, n'empêche, ce qui se passe dans la politique m'intéresse beaucoup tant au Sénégal que dans le monde. On ne peut quand-même pas être la fille d’Ibrahima Sène et ne pas s'imprégner de politique (rires) ! Donc je veux apporter ces expériences d'organisation et de management vraiment pratiques combinées à mon expérience dans le secteur public comme support pour l'équipe que Idrissa Seck a déjà autour de lui, et qui a toute les compétences et l'expérience requises, pour aider à le faire élire président.
D’ailleurs on a commencé à vous glisser des peaux de bananes. Vous ne craignez pas de glisser et de tomber ?
(Rires). Non, mais j'entends la presse en parler, moi je ne les ai pas encore vues, ces peaux de bananes. Je peux vous dire que j'ai été accueillie chaleureusement par toute l'équipe et vraiment, c'est un plaisir d'apprendre à en connaître chaque membre. Et c'est en rencontrant l'équipe que je me suis rendue compte qu'elle est au top par rapport à tout ce dont on a besoin pour aider un candidat à réussir. Donc, j'entends parler de peaux de bananes, mais je n’ai pas eu connaissance de cela et je ne pense pas que cela arrivera, car on ressent déjà cet esprit d'équipe. On sait qu'on est là pour un seul but : élire Idrissa Seck comme quatrième président du Sénégal. C'est sur cela qu'on va concentrer tous nos efforts.
Etes-vous prête à prendre des coups, puisque ce n’est surtout pas cela qui manque en politique, surtout au Sénégal ?
Absolument ! Peut-être que les gens qui ne me connaissent pas peuvent en douter, mais le fait qu’Idrissa Seck m'ait choisie n'est pas un hasard.
Vous êtes métissée, pro-américaine et fille d'un homme politique de gauche. Ne pensez-vous pas que c'est un parallèle avec Karim Wade et une sorte de paravent qui vous prémunisse des attaques politiques puisqu’on aurait des scrupules par égard pour votre père, Ibrahima Sène ?
(Rires…). Mais c'est Idrissa Seck qui a fait le choix, il faudra lui demander...
Vous ne voyez pas qu'on vous a choisie pour jouer un rôle à la fois symbolique et politique ?
Écoutez, je prends le rôle de directrice de campagne très au sérieux. Et ce n'était pas un choix facile, car j'avais beaucoup d'autres engagements et responsabilités. J'ai pris la décision de tout abandonner pour venir aider Idrissa Seck, parce que je crois en lui, j'ai appris à le connaître pendant plusieurs années, et ce que j'ai vu en lui, c'est ce je vois pour l'avenir pas seulement du Sénégal mais de l'Afrique. C'est une nouvelle génération de leaders, il sait où il va, ce qu'il veut, c'est une des personnes les plus intelligentes que j'ai jamais rencontrée de toute ma vie. Il m'a inspirée et pour cela, j'ai été prête à quitter tout ce que je faisais pour le soutenir. Et quelles que soient les raisons pour lesquelles il m'a choisie, je les respecte. Moi, je pense que c'est la personne qui va pouvoir changer le Sénégal et mieux qu'aucun autre candidat qu'on a entendu.
Vous avez parlé d'engagements que vous avez laissés tomber, mais pour en arriver là, il faut que ce que l'on vous promette soit très intéressant. Certains parlent d'un poste de Premier ministre, par exemple ?
Vous savez, c'est ça qui est dommage en politique, les gens doivent plutôt penser aux personnes qu'ils représentent, aux personnes qui n'ont même pas de quoi se nourrir ou nourrir leurs familles. Quand ta première préoccupation, c'est ''qu'est-ce qui va me revenir, quel intérêt j'ai à soutenir un candidat ?'', c'est une politique qu'on doit éviter. C'est malheureusement ce qui se passe en ce moment au Sénégal et dans beaucoup de pays dans le monde. Je pense qu'il est temps pour notre génération de prendre nos responsabilités et d'arrêter juste de critiquer la façon dont la politique est faite en ce moment, et de s'engager à mouiller le maillot et montrer qu'il y a d'autres façons de faire la politique, où il s'agit de servir les autres et non son intérêt personnel.
Justement, si vous avez suivi le parcours de votre candidat depuis 2000, vous devez être au courant de ses démêlés avec la Justice, notamment l'affaire dite des Chantiers de Thiès. Ne craignez-vous pas que cela ne déteigne sur la campagne de votre candidat ?
Il faut que l'on soit clair, Idrissa Seck a été mis en prison sans avoir eu la chance d'avoir un procès. On l'a chargé de tous les crimes et malgré tout, on l’a remis en liberté, il a été blanchi de tout. Comment vous expliquez qu'une personne qui avait tout l'appareil de l'Etat contre lui ait été complètement blanchie ? Pensez-vous que si vraiment il avait fait toutes ces choses dont on l'accusait, il ne serait pas encore en prison ? Je pense que c'est des excuses pour ternir l'image d'Idrissa, et je crois également que les gens qui sont contre lui vont continuer à les utiliser.
Vous êtes en face de plusieurs grands appareils politiques. Le Président Wade, son parti et l’Etat ; Macky Sall, Benno, etc. Etes-vous vraiment préparée à affronter cette «jungle-là»? Vous, la financière de formation…
Je suis convaincue qu'avec l'équipe de campagne qu'on a en ce moment, avec notre coalition, on pourra différencier notre candidat parmi les vingt et quelques autres prétendants déclarés. On a une équipe en place, un candidat en qui on croit, qui a fait ses preuves et qui, malgré toutes les accusations contre lui, demeure très populaire et connu. Donc je pense qu'on peut faire la différence. Mais on respecte les autres candidats, car ce qui nous rassemble tous, c'est qu'on veut servir le Sénégal et le changer. Et comme Idrissa Seck l'a dit lui-même, au premier tour, ce sera la compétition, le peuple sénégalais va choisir qui il veut, et au second tour, on doit tous se rassembler derrière le candidat de l'opposition qui aura le plus de soutien des Sénégalais. Je pense que c’est très clair…
Comment percevez-vous des leaders politiques comme Moustapha Niasse, Ousmane Tanor Dieng, Macky Sall, etc. ?
Je respecte tous ces leaders et candidats... Toutes ces personnes qui se sont sacrifiées ou qui se sacrifient depuis de longues années pour servir le Sénégal méritent le respect de chacun, et je sais que c'est le cas avec les personnes avec qui je travaille.
Quelle appréciation faites-vous de la façon dont la politique se fait au Sénégal ?
Ecoutez ! si cela marchait, le Sénégal ne serait pas dans les conditions dans lesquelles il se trouve. On n’aurait pas les problèmes qu’on rencontre dans le secteur de l’électricité. Le Sénégal ne serait donc pas dans le gouffre où il se trouve depuis 2005, date à laquelle les choses ont vraiment commencé à se détériorer. Je viens du secteur privé et plus précisément des banques et donc, je sais ce dont je parle. Vous savez, on essayait tout le temps de convaincre le secteur privé aux Etats-Unis, à investir au Sénégal. Mais la réalité, c’est qu’ils ne voulaient même pas s’approcher du Sénégal. Ils ne faisaient pas confiance au climat des affaires au Sénégal. On est classé dans les rangs des derniers pays au monde par Transparency international dont l’index surveille le niveau de gouvernance dans les pays au monde. Et on est parmi les derniers. Ça, ce sont des faits, on ne peut pas le nier. C’est pourquoi je pense qu’il serait pertinent de mettre en place un gouvernement dont le premier but serait la bonne gouvernance et l’amélioration des conditions de vie des populations. Ce sont les deux axes majeurs. Il faut aussi améliorer les conditions de vie des populations à l’intérieur du pays et rendre plus performants les mécanismes de la bonne gouvernance au Sénégal.
Et vous pensez qu’Idrissa Seck a le meilleur profil pour ce programme ?
Absolument ! Absolument ! Il n'y a pas de doute. Dans ma tête, je crois en lui à 100%.
Vous avez travaillé dans l'équipe de campagne du Président américain Barack Obama. Idrissa Seck semble bien américanophile. Quel style de campagne allez-vous donc impulser ? Ne risquez-vous de mélanger la politique telle qu’elle se fait aux Etats-Unis et au Sénégal ?
La façon dont la politique se fait aux Etats-Unis n'a rien à voir avec ce qui fait au Sénégal. Donc, on ne peut importer ou transposer les choses même si ça marche ailleurs. Il faut s'adapter, connaître les réalités du pays, le contexte culturel et social... C'est vrai que j'ai eu l'opportunité de travailler pour la campagne d'Obama et j'en ai beaucoup appris. J'ai appris beaucoup de techniques de mobilisation que je compte partager avec notre équipe. Mais la décision relative à la façon dont la campagne va se dérouler, la stratégie donc, tout ceci se fera en équipe, avec les personnes qui ont par exemple eu à vivre cette expérience avec Idrissa en 2007. On va utiliser toutes ces connaissances pour forger une stratégie et on est en train de le faire. Soyez un peu patient ! Mais je peux vous assurer que ça ne sera pas du Made in America transposé au Sénégal, pas du tout.
On vous a présentée comme pacificatrice. En même temps, on sent une forte détermination derrière. On a l’impression que Léna Sène, c’est de l’eau qui dort…
En fait, ce que j’admire beaucoup aux Etats-Unis, c’est que c’est une méritocratie. Cela veut dire que si tu n’es pas bon dans un domaine, tu ne vas pas y durer. Et les gens déterminent votre valeur par vos résultats. Cela veut dire que si vous arrivez à produire, à fournir de bons résultats, vous allez de l’avant. Donc, c’est dans ce système que j’ai été formé. Et dans ce système-là, surtout dans le secteur financier à Wall Street ; tu ne peux pas survivre si tu n’es pas… (elle hésite…)
Solide ?
Non, pas que solide, mais blindé. Parce que ce n’est pas un environnement fait pour les faibles. Il faut être très fort. Il faut être performant parce que ce sont tes résultats qui déterminent ta survie. Donc tu travailles très dur, on te forme de façon très stricte. Là où j’étais à la JP Morgan Bank, Lehmann Brother, c’est un environnement très masculin, très macho. Si tu n’es pas prête à être aussi forte qu’eux, tu ne survis pas.
Moulée donc dans un environnement masculin ?
Oui… Mais pour moi, ce n’est pas cela qui compte. Environnement masculin ou féminin, ce sont les compétences qui comptent. La question, c’est de savoir si tu peux évoluer dans un environnement donné et avancer. Et ce sont des résultats qui te propulsent. Ce n’est pas quelqu’un qui te connaît, ce n’est pas une histoire de famille. Ce sont tes propres efforts qui te propulsent de l’avant. Je pense que cela m’a bien formée. Et pour la politique, lorsque j’ai eu la chance d’avoir été sélectionnée, dans le cadre du White house fellowship, là j’ai vraiment appris à bien utiliser tout l’entraînement que j’ai reçu auparavant à Wall Street où j’ai appris à progresser dans un environnement très complexe, très intense, où tu n’as pas droit à l’erreur. Maintenant, je ne suis pas là pour défendre ce système. Ils ont beaucoup de failles. Que ce soit le système financier américain ou le système politique américain, je crois qu’il n y a pas de système parfait. Il faut quand même reconnaître qu’ils ont des qualités qui sont louables.
Parlez-nous un peu de votre cursus sur le plan académique…
J’ai fait mon bachelor, c'est-à-dire quatre ans après le lycée, à Bridge college qui est une école privée. J’ai mon diplôme en Economie. Et après avoir passé 7 ans à Wall Street, je suis allée à Harward qui se trouve à Cambridge où j’ai fait un master en business et en administration publique. Parce que le secteur public m’intéresse beaucoup. Mon cursus professionnel montre que j’ai fait le secteur privé, mais le secteur public reste un centre d’intérêt, à cause sans doute de mes parents.
Votre intérêt pour le secteur privé, c’est sans doute cela qui vous rapproche d’Idrissa Seck et vous éloigne de votre père ?
Oui, mais il y a beaucoup de choses qu’on peut emprunter au secteur privé pour l’adapter au secteur public, c’est-à-dire la bonne gouvernance, le fait de se baser sur les résultats pour déterminer les allocations de ressources, etc. Se fonder sur les compétences pour nommer les gens. Ne pas se fonder juste sur des raisons politiques. Cela, je pense que je le partage avec Idrissa Seck.
Mademoiselle Sène, plusieurs regards se portent sur vous. Sentez-vous le poids de ces regards, étant entendu que vous êtes encore célibataire…
Ecoutez ! vous savez (rires), on a un très grand boulot devant nous. Les trois mois et demi à venir seront très chargés.
On insiste, y a-t-il un homme dans la vie de Léna Sène ?
Je persiste. Là, en ce moment, je n’ai plus de vie privée. Ma vie entière est consacrée à la victoire de notre candidat.
Votre plat préféré ?
«Ceebu Jeen, yow tamit» !² (Rires).
Et votre musicien préféré ?
Youssou Ndour. C’est le meilleur
Léna Sène, on a du mal à croire que vous êtes si bonne sénégalaise que vous le dites. Prenez-vous par exemple part aux fêtes traditionnelles à la sénégalaise ?
Oui, même si chez nous, on célèbre toutes les fêtes, musulmanes ou chrétiennes. Mes parents sont très ouverts. Quand on a l’occasion de le faire avec les amis, on le fait.
Les Sénégalais ont sans doute envie de connaître votre religion. Léna Sène, musulmane, chrétienne, sans foi … ?
Je suis musulmane et je suis très spirituelle.
Avez-vous des amies au Sénégal. Des femmes ?
Vous savez, les femmes sénégalaises, c’est elles qui vont élire Idrissa Seck. Parce qu’elles ont de l’intuition et elles veulent pousser le pays de l’avant. Je ne dis pas que les hommes n’en ont pas, mais je suis convaincue d’une chose : si les femmes portent leur choix sur Idrissa, il sera le quatrième président du Sénégal…
Source : Enquête.
Autres articles
-
Laser du lundi : Macky et Aliou Sall ont fort à faire entre l’amorce de la pompe à désagréments et la fermeture des vannes (Par Babacar Justin Ndiaye)
-
Laser du lundi : Ebullition au Sénégal, élection en Mauritanie et dislocation en cours au Mali (Par Babacar Justin Ndiaye)
-
Farba Ngom et Yakham Mbaye sont les voltigeurs de tête de Macky Sall (Par Babacar Justin Ndiaye)
-
Laser du lundi : Pourquoi le Sénégal s’installe dans la gouvernance émaillée de heurts et teintée de haine ? (Par Babacar Justin Ndiaye)
-
Laser du lundi : Les imprudences d’Aliou Sall et les erreurs de Macky Sall sont plus dévastatrices que les bazookas de l’opposition radicale (Par Babacar Justin Ndiaye)