DAKARACTU.COM Un mastodonte créé de toutes pièces par d’incessantes lois et modifications de lois se dresse aujourd’hui sans qu’on sache d’où il vient, qu’est ce qu’il fait et où il va. L’Agence de promotion des investissements et des grands travaux (APIX), car c’est d’elle qu’il s’agit, est la plus grande curiosité économique du Sénégal. Détachée de l’administration générale et destinée, comme son nom l’indique, à attirer les investissements et à promouvoir les grands travaux, cette agence créée en juillet 2000 étend aujourd’hui ses tentacules à tous les secteurs stratégiques de l’économie nationale. Récemment désignée comme « véhicule des investissements du plan Takkal », elle va brasser à ce titre, rien que pour le compte de l’exercice 2011, pas moins de 365 milliards de francs cfa destinés à des opérations diverses : location de barges, acquisition de matériels d’équipement et de modernisation de centrales électriques, paiement de charges de fonctionnement…
Sur les quatre ans de durée de Takkal, l’Apix va être « le véhicule d’investissements » d’un montant global de 650 milliards de francs cfa. En clair, elle lèvera les fonds issus des partenaires étrangers, recevra les taxes parafiscales prélevées sur la Sonatel, les produits pétroliers et le Conseil sénégalais des chargeurs (Cosec), et recevra la part du financement supportée par le budget de l’Etat. Elle fera tout seule, en lieu et place des organismes normalement habilités (l’administration du ministère de l’Energie et la Senelec).
Ce n’est pas l’unique domaine dans lequel l’Apix jouit d’attributions normalement dévolues à un Etat. Désignée « Haute autorité » par « la loi portant création et fixant les règles d’organisation et de fonctionnement de la Zone économique spéciale intégrée », elle jouit de prérogatives régaliennes dans le cadre de la direction de ladite Zone. Aux termes de l’article 11 de la loi, qui cite ses pouvoirs, l’Apix est habilitée à « exercer tous les pouvoirs conférés aux préfets des circonscriptions urbaines afin de réglementer et contrôler tout développement, plan d’aménagement, et d’autres matières urbaines au sein de la Zone », « allouer et disposer librement par voie de bail des terrains de la Zone par tout moyen qu’elle considère nécessaire afin d’atteindre les objectifs de la présente loi ». Elle a également les pouvoirs pour « prohiber, à travers des Règlements d’application, des activités dans la Zone, pour des raisons de moralité publique, d’ordre public, de sécurité, d’hygiène et de santé publique », mais aussi pour exercer « la responsabilité et le contrôle administratifs des fonctionnaires dans la Zone. » Globalement, l’Apix dispose, dans le cadre de la gestion de la Zone économique spéciale intégrée, des pouvoirs dévolus aux préfets en matière d’aménagement urbanistique, de pouvoirs fonciers, de prérogatives de sauvegarde l’ordre public et d’autorité hiérarchique sur les fonctionnaires. De quelle attribution autres que celles-là l’Etat dispose-t-il ? D’aucune. Ces pouvoirs exorbitants sont accordés à une structure transformée en société anonyme depuis 2007. La loi n° 2007 – 13 du 19 février 2007, qui a opéré cette mutation, a subi une modification qui accorde un régime spécial à l’Apix et la soustrait au respect des règles régissant les marchés publics : « Les dispositions du décret n° 2007 – 545 du 25 avril 2007 portant Code des marchés publics ne s’appliquent pas aux marchés conclus par la Société [l’Apix] dans le cadre de sa mission de détermination et de réalisation des programmes et actions nécessaires au développement de l’investissement privé, notamment les actions de marketing et de communication et de services aux investisseurs ». Autant dire que la quasi-totalité des marchés de l’Apix peut être passée de gré à gré, vu que l’essentiel de l’activité de promotion de l’investissement repose sur les actions de marketing, de communication et de services aux investisseurs.
Ce n’est pas l’unique domaine dans lequel l’Apix peut passer des marchés de gré à gré sur des montants équivalant à des milliards voire à des dizaines de milliards de francs cfa. La loi 2004 – 13 du 1er mars 2004, relative aux contrats de construction – exploitation – transfert d’infrastructures (CET), a été modifiée pour permettre à l’Apix de passer par entente directe tout contrat complémentaire relatif à l’extension en cours d’exécution d’une infrastructure, quels que soient les montants en cause et le coût de l’extension. En clair, l’Apix a aujourd’hui la possibilité, dans le cadre de la conduite du projet de construction de l’autoroute à péage reliant Dakar à Diamniadio, conçu en CET (build operate tranfer – BOT – en anglais), de conclure à hauteur de centaines de milliards des contrats de gré à gré pour opérer des modifications ou extensions qui ne manquent jamais dans ce type de projet.
Au vu de tout ce qui précède, une question brûle les lèvres : Pourquoi accorder autant de libertés avec les lois à une entreprise intervenant dans les grands travaux, qui mettent en jeu des montants astronomiques d’argent ? La réponse est contenue dans la question : on ne s’y prendrait pas autrement si on décidait de couvrir une gestion opaque et le paiement de faramineuses commissions. L’opinion publique et les organismes de la société civile soucieux de transparence devraient s’intéresser davantage à cette agence qui brasse le plus de moyens financiers dans le pays et qui est dirigée par Aminata Niane, qui cumule sa fonction avec celle de ministre-conseiller du président de la République. L’Apix est devenue une société anonyme, avec 70% au moins des parts détenus par l’Etat et les collectivités locales. « Le reste du capital est détenu par une ou des personnes morales de droit public ou toutes autres entreprises du secteur parapublic intéressées à la promotion des investissements ou à la réalisation d’infrastructures. » Au vu des montants en jeu dans ces deux domaines visés ( investissements et infrastructures), dakaractu.com se préoccupe de connaître les entreprises qui sont entrées dans le capital de l’Apix, les intérêts qu’elles représentent ainsi que l’identité des porteurs mais aussi des vrais bénéficiaires des parts.
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