L’ancien ministre, actuel maire de Louga et président de la coalition Farlu, est cité dans une affaire de détournement de fonds pour financer sa campagne électorale. L'inspectrice du Trésor, Tabaski Ngom, a pompé plus de 734 millions de francs CFA des caisses de la Commission de Régulation du Secteur de l'Énergie (CRSE), dont une grande partie a été versée à Moustapha Diop par l'intermédiaire de son chauffeur, Mbaye Ngom, et de celui de la dame, Ibrahima Ndiaye. Mor Guèye, un proche collaborateur de Mme Tabaski Ngom, est actuellement en détention suite à une plainte déposée par cette dernière. Par ailleurs, l’Agent Comptable Particulier (ACP) de la CRSE a été traduit devant le parquet financier depuis le 11 décembre. Dans cette enquête du media PressAfrik, figurent des audios, des enregistrements, décharges et autres éléments très accablants.
Dans cette enquête, PressAfrik indique que l'affaire qui oppose Tabaski Ngom à Moustapha Diop trouve son origine dans une enquête faite sur l'Agence de Promotion des Sites Industriels (APROSI). Moustapha Diop aurait entretenu des relations étroites avec l'ex-ACP de l'agence, sous l'arbitrage de l'ancien directeur général Momath Ba. « Ces relations, d’abord professionnelles, auraient évolué vers des dimensions plus troubles après la chute du pouvoir de Macky Sall, concomitante au changement de poste de l’agent du Trésor public », révèle le confrère.
Selon la lettre de mise en demeure adressée à Moustapha Diop et envoyée par voie d’huissier au service courrier de la ville de Dakar le 13 décembre dernier, il est écrit que : « 50 000 000 F CFA vous ont été remis par Mme Ngom pour régler une urgence, avec la promesse du Directeur Général de l'APROSI de rembourser l'argent dans les 72 heures » ( pour le compte de l’ancien ministre de l’industrie). D’ailleurs, « cet argent a été l'objet d'un différend entre les parties, qui ont d'ailleurs demandé et obtenu votre intervention pour apaiser la situation ». Dans un enregistrement audio, informe PressAfrik, l'ex-patron de l'APROSI apaisait Mme Ngom, et un appel direct a été lancé au ministre de l’Industrie de l’époque, qui, avec prudence, a demandé un règlement de l’affaire tout en prétextant une audience pour se dérober.
Moustapha Diop au banc des accusés…
À l'approche de la campagne électorale pour les élections législatives anticipées du 17 novembre dernier, Moustapha Diop a réussi à impliquer l'agent du Trésor public dans son aventure électorale. Tabaski Ngom ne jure que par « Lat Dior », le surnom qu'elle lui attribue dans ses échanges liés à l'acheminement des fonds.
C’est à ce moment qu’intervient Mor Guèye, patron de l’entreprise « Sen Setal », une vieille connaissance et homme de confiance de Mme Ngom. Dans la même lettre de mise en demeure, poursuit le confrère, « l’ACP réclame à l’honorable député la somme de 210 millions de francs CFA. « À cette date, honorable, vous devez à Mme Tabaski Ngom les sommes suivantes : 210 000 000 F CFA, qui ont transité du compte de M. Mor Guèye (compte Sen Setal Web Com) vers vous pour un marché qui n'a jamais été exécuté. Nous notons, honorable, que pour éviter tout problème, l'ancien ministre des Finances avait décidé de rembourser l'argent, qui devait transiter par votre dépôt ouvert dans les livres du Trésor Général, puis par le compte de Mor Gueye pour être reversé dans la comptabilité de Mme Ngom. Malheureusement, cet argent n'a jamais été restitué », mentionne la requête de l’huissier Me Abdoulaye Faye, exploitée par PressAfrik.
À ce montant s’ajoutent « 300 000 000 F CFA qui ont également été remis au leader du parti FARLU par l'intermédiaire de M. Mor Guèye pour le paiement d'un marché qui n'a jamais été exécuté. Un montant qui devait servir à financer des fonds de campagne et être remboursé aussitôt après les élections. »
Mor Guèye et « sa société écran », dans de sales draps
Mor Guèye, un jeune habitant de Nguékhokh, dans le département de Mbour (à 70 km de Dakar), est connu dans sa localité comme le leader d’un mouvement en pleine expansion. Sa relation avec Tabaski Ngom remonte à 2021. Son entreprise, SEN SETAL WEB COM, est devenue le réceptacle de nombreux marchés fictifs, révèle PressAfrik qui rapporte que suite à une plainte de l’agent du Trésor déposée le 2 décembre et réceptionnée le 6 décembre sous le numéro 5838 du greffe du Tribunal de Grande Instance de Mbour, M. Guèye a été placé en garde à vue depuis le lundi 13 janvier à la section de recherches de Mbour, après trois auditions. Il a été déféré au parquet ce mardi 14 janvier.
À travers cette plainte, Mor Guèye est sommé de « restituer la somme de trois cent trente-neuf millions de francs (339 000 000Frs), il se complait dans des explications qui ont fini de la convaincre de ce qu'il a simplement abusé de sa fortune. » Il lui est reproché « du faux en écriture et usage de faux». Selon Tabaski Ngom : « il se faisait confectionner de faux reçus de versements de chèque. Non seulement il a commis un faux mais aussi, il abusé de sa confiance car il n'a pas reversé tout l'argent pour lequel il a reçu mandat de le déposer à la banque. »
En revanche, Mor Guèye, avec qui nous sommes entrés en contact, réfute toutes ces accusations. « Je reconnais avoir commis une erreur en acceptant d’endosser les chèques et de faire transiter l’argent par mes soins. Toutefois, j’ai la traçabilité de toutes les transactions et je suis témoin oculaire. Je ne suis fautif en rien. J’ai exactement fait ce qu’elle m’a demandé. J’ai remis tout l’argent qu’on m’avait chargé de convoyer. Elle m’accuse d’avoir détourné son argent alors que je ne lui dois rien. Si je suis défaillant dans l’exécution des marchés qui m’ont été confiés, c’est à l’agent judiciaire de l’État de me poursuivre. Elle a abusé des deniers publics et, prise de panique, cherche à entraîner d’autres personnes dans sa chute. »
Mor Guèye dit « avoir remis au chauffeur de Moustapha Diop 40 millions de francs CFA main en main »
Interpellé sur ses éventuels liens avec le député-maire de Louga, il rétorque qu’il n’y a jamais eu de contact entre eux. « Je ne le connais pas, c’est elle qui me parlait toujours de ses affaires, de sa campagne. Il lui aurait avancé, selon ses dires, « qu’il est très courtisé par Sonko et ses lieutenants et que s’il devient député ou revient aux affaires, il va s’employer à la promouvoir au sein de l’administration. Je lui ai parlé une fois au téléphone par l’entremise de la dame, via WhatsApp. L’objet de l’entretien téléphonique c’était pour que je batte campagne pour Farlu à Nguékhokh. De l’argent m’a été donné pour ça. Grâce à moi, Farlu a eu autour de 53 voix dans notre commune. » Mor Guèye qui s’est confié à PressAfrik à cœur ouvert, de lacher aussi : « un jour quand je me rendais chez la dame pour lui amener de l’argent, au téléphone, elle me dit que le chauffeur de Moustapha est en bas avec mon driver, Ibrahima et que je peux lui remettre directement les 40 millions ».
En conclusion, il confie selon PressAfrik : « je suis dans les liens de la prévention, j’ai pas besoin de mentir. J’ai rassuré mon épouse et ma mère. Je n’ai pris l’argent de personne. Ma faute c’est le fait que l’argent ait transité par moi. Mais cela se justifie par une relation de confiance qui date de longtemps. Il n’y a jamais eu de fausses quittances. Il y a eu des ordres de virement qui ne sont pas encore exécutés ou qui n’ont pu aboutir... »
L’origine réelle des fonds utilisés par Tabaski Ngom
En réalité, la dame est Agent Comptable Particulier (ACP). Elle dépend de la Direction Générale de la Comptabilité publique et du Trésor (DGCPI). Après l’APROSI, elle a été dernièrement en poste à la Commission de Régulation du Secteur de l’Énergie (CRSE) du 15 avril au 25 octobre 2024. Et pourtant cette structure n’a jamais eu d’ACP parce qu’étant une autorité administrative indépendante rattachée à la présidence de la République. À son arrivée, l’organe de régulation n’avait que deux comptes dans deux institutions bancaires réputées du pays. En tant que dépositaire des chéquiers, de la gestion des comptes, Tabaski Ngom a ouvert, en août, un troisième compte à la BGFI Banque qu’elle a approvisionné gracieusement.
D’août à octobre, il n’y a eu aucune action patibulaire. Mais c’est seulement a moins d’une semaine de l’ouverture de la campagne électorale, que l’ACP de la CRSE a fait un prélèvement de 400 millions. Avant de répéter la même opération en mi-novembre pour un montant supérieur à 449 millions. Entre la mi-octobre et le 5 décembre, Tabaski Ngom a frauduleusement soustrait plus de 734 millions du compte de BGFI.
L’ACP a commencé à piquer dans la caisse de l’organe de régulation après son limogeage. En effet, tous les prélèvements sans mandat du président de la CRSE sont effectués alors qu’elle n’occupait plus officiellement ses fonctions d’ACP. Sa passation de services a été retardée par des arrêts maladies matérialisés par deux certificats médicaux. Toutes les opérations sont dans l’intervalle des élections législatives.
CRSE porte plainte devant le parquet financier et saisit la présidence
Le pot aux roses a été découvert après un rapprochement bancaire de la comptabilité de la CRSE. Dans le procès-verbal de passation, Tabaski Ngom a recu les faits. Dans un l’intervalle de 72h avant sa passation, elle reverse à l’institution 45 millions en deux versements (15 millions et 30 millions).
Après concertation, le top management de l’organe de régulation du secteur de l’énergie dépose plainte le 11 décembre devant le parquet financier sous le numéro d’ordre « 099P». Elle a été, aussitôt, suivie d’une saisine de la présidence de la République et du ministre des Finances et du Budget.
Dans ses conversations avec Mor Guèye, Tabaski Ngom redoutait beaucoup ce scénario. L’éventualité de poursuite, d’un emprisonnement et d’une radiation de la fonction publique est à chaque fois évoquée. C’est pour cette raison qu’elle s’est beaucoup battue pour disposer de décharges, d’éléments de reconnaissance de dette et autres preuves qui pourraient diluer ou atténuer les sanctions.
Décharge, audios et enregistrements qui accablent l’ancien ministre Moustapha Diop
PressAfrik dispose d'une décharge, ainsi que d'audios et d'enregistrements prouvant l'implication de l'ancien ministre et actuel député-maire de Louga dans une machination visant Tabaski Ngom. L’honorable député s’est rigoureusement employé à ce qu'aucune trace écrite des sommes qui lui ont été versées ne subsiste. C’est son chauffeur, Mbaye Ngom, qui traitait directement avec celui de l’agent du Trésor et Mor Guèye.
Sur la décharge dont PressAfrik détient une copie, il est mentionné : « Je soussigné, Monsieur Moustapha Diop, ministre de l’Industrie, de la Petite et Moyenne Entreprise, reconnais avoir reçu la somme de deux cent dix millions (210 000 000) des mains de Tabaski Ngom, inspectrice des Trésors, dans le cadre de l’inauguration de la phase 2 de la P2ID. Le montant de ce prêt sera remboursé au plus tard le 15 décembre ». Ce document, daté du 29 novembre 2024, porte la signature de l’ancien ministre, le sceau du ministère de l’Industrie, son cachet nominatif, ainsi que la signature de Tabaski Ngom.
L’inspectrice des Trésors a lutté pour obtenir une preuve écrite des sommes versées. Dans une conversation avec Mor Guèye, elle déclare textuellement : « Aladji Mor, comment allez-vous ? Je suis sous pression du marabout et de Moustapha. L’un me dit de ne plus lui donner un sou, tandis que l’autre me met la pression. Je pense qu’il faut verser le chèque et récupérer l’argent, que je vais sécuriser ici jusqu’à ce qu’il accepte qu’on aille devant notaire pour une décharge. S’il accepte, je lui donne. Sinon, je bloque tout. Le marabout m’inquiète, et Moustapha a juré qu’il ne me trahirait jamais. Je vais donc couper la poire en deux : lui donner une partie des fonds et garder le reste dans mon coffre-fort. Quelle que soit la puissance de ses pratiques mystiques, il ne pourra pas me forcer à transporter le coffre. Je ne lui donnerai plus rien sans une décharge signée devant notaire ou huissier. Je vais consulter mon avocat pour savoir laquelle des deux options est la plus solide. », indique le confrère rappelant, au regard de tous ces faits, avoir tenté de joindre le député-maire de Louga, en vain. Son téléphone sonne dans le vide. Même chose pour son chauffeur, Mbaye Ngom.
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