DAKARACTU.COM - Lancée sur le thème du « bennoo » (« l’union », en wolof), la plus grande alliance de l’opposition sénégalaise est aujourd’hui surnommée « tassaroo » (« la dispersion ») par ses détracteurs. Les divisions en son sein s’exacerbent à mesure qu’approche la présidentielle de février 2012. Réunis le 1er août, les leaders de Benno Siggil Senegaal ont affiché leurs différences sur des questions essentielles. L’alliance s’est scindée en deux pôles aux positions a priori inconciliables. Avec, d’un côté, les politiques (Moustapha Niasse, Ousmane Tanor Dieng, Abdoulaye Bathily…) qui estiment que le candidat de la coalition au futur scrutin présidentiel doit être issu de leurs rangs. Et, de l’autre, ceux qui pensent qu’il peut provenir de partout, y compris de la société civile. Les tenants de ce courant (Imam Mbaye Niang, Mamadou Lamine Diallo, Dialo Diop…) croient sans pouvoir le dire ouvertement que les politiques sont décrédibilisés. Et que seul un homme neuf, porteur de valeurs d’éthique et d’esprit d’innovation, peut faire gagner Bennoo. Ils n’ont pas fait que le penser. Ils ont déniché un homme à proposer : Mamadou Lamine Loum, dernier Premier ministre d’Abdou Diouf devenu, depuis la défaite de ce dernier en mars 2000, consultant pour des organismes comme la Banque mondiale. Celui qui fut directeur puis ministre du Budget est crédité de grandes capacités de gestion. Jusqu’où iront ses souteneurs pour l’imposer à Bennoo ? Ils ont d’ores et déjà créé une alliance dans l’alliance, un mouvement dénommé Alternative 2012. Est-ce l’embryon d’une dissidence ? Tout porte à le penser.
Vaste plateforme de l’opposition à ses débuts, Bennoo Siggil Senegaal s’effrite à vue d’œil. La première brèche a été ouverte dans l’armure de la coalition par Macky Sall, un ancien Premier ministre d’Abdoulaye Wade reconverti en opposant après sa défenestration du perchoir de l’Assemblée nationale. Le leader de l’Alliance pour la République (APR), qu’il a créée en décembre 2008, aussitôt après sa démission du parti présidentiel, veut se peser et n’a pas hésité à clamer haut et fort qu’il ne croit pas en une candidature unique de Bennoo. A l’entendre, la meilleure démarche consiste à ce que tous ceux qui le souhaitent se présentent au premier tour et votent au second pour le candidat de Bennoo le mieux placé. Joignant le geste à la parole, il a aujourd’hui réuni beaucoup de leaders de la coalition (Ibrahima Sall, Tété Diédhiou, Magatte Ngom, Assane Dia…) autour de sa candidature.
« Macky » n’est pas le seul à contribuer au « tassaroo ». Cheikh Bamba Dièye, leader du FSD/BJ, proclame officiellement sa volonté de se ranger derrière le candidat de Bennoo mais œuvre au quotidien dans le cadre de son agenda personnel. Il ne s’est jamais présenté à une conférence des leaders ni à un séminaire d’orientation de la coalition. Ce jeune loup aux dents longues, devenu maire de Saint-Louis à la tête d’une liste de Bennoo, se démarque de ce regroupement politique pour poursuivre sa route.
Que reste-t-il de l’idée du « bennoo » ? « L’idéal est intact et le noyau dur de la coalition est toujours en place, dédramatise Momar Samb, leader de RTA/S. Bennoo est avant tout le cadre des formations qui ont boycotté les législatives de 2007, impulsé et participé aux Assises nationales et cru en l’unité d’action de l’opposition depuis le Front Siggil Sénégal. »
Ces partis, qui étaient présents au séminaire du 28 mai, avancent sur les points de la feuille de route qui avait à l’occasion été fixée. Le projet de Constitution a été rédigé et adapté aux principes dégagés par les Assises nationales. Le programme de la transition de trois ans dit de la refondation institutionnelle du pays a été écrit et séquencé. La jonction avec la société civile acquise aux conclusions des Assises nationales est d’autant plus une réalité que Bennoo garde une unité d’action avec les mouvements citoyens de Bara Tall, Mansour Sy Djamil, Penda Mbow… Quant au pacte et au serment qui doivent sécuriser les accords au sein de la coalition, ils ont été définis avec plus de précision. Le projet de pacte circule entre les différents partis pour correction et perfectionnement. Les modalités du serment sont aujourd’hui arrêtées : il doit être prêté de façon publique et solennelle, devant un jury d’honneur qui peut être le bureau des Assises nationales. Reste la désignation du candidat unique. Et, à ce niveau, des critères présidant au choix sont entrain d’être dégagés.
Ce point de la feuille de route reste toutefois la question de la discorde, celle de tous les dangers pour Bennoo. Le leader de la LD/MPT, Abdoulaye Bathily, s’investit de toutes ses forces pour qu’un consensus soit trouvé sur un nom. Il a bien raison. L’union a permis à Bennoo Siggil Senegaal de remporter toutes les grandes villes du pays, y compris Dakar, à l’occasion des élections locales du 22 mars 2009.
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