Y en a-t-il ? Y en a-t-il pas ? D’accusations en dénégations, la polémique sur la présence de mercenaires étrangers au Sénégal, qui seraient recrutés par le régime pour mater l’opposition et la société civile, enfle de jour en jour. Leader de l’Alliance pour la République (APR – Yaakaar, un des principaux partis de l’opposition), Macky Sall a déclaré le 1er juillet que quatre cents mercenaires venus de Côte d’Ivoire, de la Guinée et du Nigeria ont franchi la frontière sud du pays pour s’introduire dans le territoire national. Convaincu que « le pouvoir n’a plus que la terreur pour se maintenir », il a révélé que le gouvernement sénégalais « a fait appel à la France pour avoir des armes, du matériel de maintien de l’ordre. »
Ces déclarations ont été vivement contestées, d’abord par Moustapha Guirassy, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, qui les a jugées « très irresponsables et très dangereuses venant d’un ancien chef du gouvernement et d’un responsable politique. » Ensuite par le ministre de l’Intérieur, Ousmane Ngom, qui a fait dans le registre de la dérision : « Je crois que c’est une grande farce et une farce de mauvais goût. Tout le monde sait que le Sénégal n’a pas besoin de mercenaires ni même d’individus étrangers pour assurer sa sécurité. Nous avons des forces de sécurité qui sont d’excellente qualité. »
Qui a raison ? Qui a tort ? Dakaractu.com a mené une enquête qui lui permet aujourd’hui de conclure formellement qu’il n y a pas de mercenaires étrangers présents au Sénégal. Les Ghanéens et les Nigérians, cités par les premiers journaux qui ont donné l’alerte, n’ont jamais été connus pour être actifs dans le mercenariat. Ceux d’entre eux qui sont dans la criminalité sont généralement spécialisés dans le trafic de drogue, le trafic d’êtres humains et le proxénétisme. L’hypothèse que les mercenaires viennent de la Côte d’Ivoire est peu plausible. Ce pays a été totalement « nettoyé » par les Forces républicaines de Côte d’Ivoire qui ont porté Alassane Ouattara au pouvoir. Les mercenaires qui s’y trouvaient ont regagné leurs bases au Liberia et en Sierra Leone. Ils ne viennent pas non plus de la Guinée d’où ils sont partis dès que leurs affaires ont cessé de prospérer avec la chute de Moussa Dadis Camara.
D’où est donc sortie l’idée qu’ils sont dans notre pays ? Elle peut avoir été agitée par le régime qui s’est désistée ou qui ne l’a pas encore mise en œuvre. Tout comme elle peut être une arme de guerre psychologique imaginée par les durs de l’entourage présidentiel pour faire peur à l’opposition et à la société civile. Ou encore le fruit d’une intoxication savamment orchestrée pour déstabiliser la mobilisation sociale.
Si le régime n’a pas recruté de mercenaires, il envisage par contre d’organiser ses jeunes, ses « gros bras » et ses forces de répression contre les leaders et militants de l’opposition et de la société civile. Il cherche aussi à se procurer d’urgence des armes et du matériel de maintien de l’ordre au Maroc, en Arabie Saoudite, en France… Il est résolu à utiliser tous les moyens, y compris recourir à l’artillerie lourde de l’armée, pour ne plus être submergé par un soulèvement populaire. Abdoulaye Wade est déterminé à infléchir en sa faveur le rapport de force pour pouvoir terminer son mandat et se mettre dans les conditions de briguer un autre sans être bousculé vers la sortie. Cet homme prompt à aller au combat vit comme des affronts les revers des 23 et 27 juin.
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