- Intégration de la dimension des risques dans la conception, la planification, la mise en œuvre dans nos projets
La mise en œuvre des grands projets d’infrastructures du continent africain traduite dans divers plans, présente un haut degré de risques tant en ce qui a trait aux études de faisabilité partielle, qu’à la technologie. Ces risques sont souvent associés au caractère obsolète des équipements liés à des contraintes et défis posés par le déphasage industriel du continent ; au cadre réglementaire et géopolitique qui régissent aussi bien la mise en œuvre que la gouvernance des projets. La disponibilité d’infrastructures conforme aux normes, la main d’œuvre hautement qualifiée et les moyens de télécommunication performants sont les trois piliers indispensables et incontournables pour le développement de n'importe quel pays, notamment pour les pays africains qui tendent vers l’émergence mais, souffrant parfois d’un manque criard.
L’immensité des besoins est telle que la sous-région peine, aujourd'hui encore, à trouver des financements nécessaires pour la réalisation de ces projets et programmes d’infrastructures dont une grande majorité connait un dépassement de coûts et de délais. Face à ce défi, le Sénégal a très vite compris la nécessité d’entreprendre de vastes programmes traduits à travers le Plan Sénégal Emergent (PSE) afin de doter le pays d’infrastructures modernes susceptibles de soutenir le dynamisme d’une croissance compétitive, inclusive et solidaire. Ainsi, pour mieux réussir la mise en œuvre des 27 « projets prioritaires» déclinés dans le PSE, l’intégration des bonnes pratiques internationales et leur adaptation au contexte national ainsi que la prise en compte de la dimension des risques, s’avèrent indispensables pour pouvoir renforcer l'attractivité du pays pour les investissements internationaux par un apport consistant à forte valeur ajoutée.
Aujourd’hui, la dimension des risques constitue une variante pertinente à prendre en compte tant dans la conception, la planification que la mise en œuvre de ces projets car ils se présentent comme des événements ou des conditions possibles dont leur concrétisation aurait un impact sur un ou plusieurs objectifs des projets qui, eux, peuvent se rapporter aux contenus, aux délais, aux coûts et à la qualité. Un risque peut avoir une ou plusieurs causes avec un ou plusieurs impacts. Une cause peut être une exigence, une hypothèse, une contrainte ou une condition pouvant conduire à des résultats négatifs ou positifs. Ainsi, les risques de projets trouvent leur origine dans l’incertitude présente de tout projet et varient selon les types.
Les risques connus sont ceux qui ont été identifiés et analysés, permettant ainsi de planifier des réponses adéquates susceptibles d’amortir leurs impacts. Cependant, des risques inconnus spécifiques ne peuvent être gérés de façon proactive sans élaborer, au préalable, un plan de secours. Les risques constituant alors une menace pour le projet peuvent être acceptés (la tolérance aux risques) s’ils se situent dans les limites acceptés et acceptables sont contrebalancés par les bénéfices qui pourraient en être tirés suite à leur prise en compte. Par exemple, l’adoption d’un échéancier en exécution accélérée par chevauchement est un risque pris pour tirer profit d’une date d’achèvement anticipée.
Au total, une approche cohérente en matière de gestion de risques doit être mise au point pour chaque projet ; soutenue par une gouvernance des risques alliée à un plan de communication cohérent et pertinent permettant de mieux circonscrire, évaluer et traiter ces derniers afin de minimiser leurs impacts. Pour réussir, l’institution ou l’organisation doit s’engager à traiter le management des risques de façon proactive et cohérente tout au long du projet. Un choix raisonné devra être pris à tous les niveaux de l’organisation en vue d’identifier et de poursuivre activement un management efficace des risques pendant la durée du projet.
2. Des facteurs exogènes perturbateurs des prévisions : matériaux, matières premières et autres dérivés
Par ailleurs, la globalisation des opérations et les projets d’infrastructures de plus en plus complexes exigent des mouvements de capitaux considérables avec des flux financiers très intéressants. Avec la nouvelle génération de pays africains inscrits dans une dynamique d’émergence, la circulation de devises a donné naissance à un nouvel attrait des investisseurs étrangers et autres bailleurs pour ces marchés nouveaux, en dépit du fort taux de risques de marchés qu’ils présentent qui, par définition, restent axés principalement sur l’ensemble des matières premières et autres composantes indispensables pour la mise en œuvre des projets. Les risques du marché font référence aux risques liés à l’inexistence de certains matériaux et de matières premières ; ils peuvent aussi résulter de la difficulté d’obtenir ou de mobiliser des financements pour le projet et également s’apparenter à des risques financiers découlant directement des emprunts contractés pour financer les projets sous forme d’obligations ou des levées sur les marchés nationaux ou internationaux. En réalité, le risque de marché a trait à tout ce qui comprend les matières premières, les équipements et technologies dont le projet aura besoin pour son exécution du fait de la faiblesse technologique des pays Africains.
La pénurie éventuelle de certains matériaux, d'équipements technologiques et de grosses machines dont l’exportation de l’étranger vers l’Afrique s’avère compliquée et coûteuse liés à des risques potentiels de défaillance en terme énergétique à cause des coupures d’électricité récurrentes et permanentes. Le marché de la sous-région ouest africaine fait face à de potentiels risques, facteurs liés notamment à l’approvisionnement des gros projets en matières premières et équipements, en énergie mais aussi en main d’œuvre qualifiée. A cette liste, s’ajoute aussi le risque lié à la technologie ; certaines grosses machines en l’occurrence les grues de dernière génération y sont rares, leur déplacement de l’étranger s’avère être un véritable parcours du combattant. Ce risque de marché affecte en premier lieu l’activité même des projets, freinant ainsi leur développement et induit des surcoûts qui sont essentiellement dus à la volatilité des prix , aux ruptures de stocks et aux arrêts fréquents des chantiers.
Ce risque de marché génère de lourdes pertes dues aux variations induites de prix, aux ruptures de stocks, aux arrêts récurrents pouvant engendrer des retards avec des surcoûts qui plombent la rentabilité des projets. En effet, il est clairement établi que l’ensemble des composantes qui peuvent influer sur le projet constituent de potentiels facteurs de risques pouvant agir sur les prix prévisionnels et atténuer la rentabilité des projets et programmes menés dans cette zone précise de l’Afrique. A ce niveau, l’analyse met l’accent sur les potentiels facteurs qui sont fortement présents sur le marché africain allant de la matière première aux technologies disponibles, à l’énergie, à la main d’œuvre mais aussi à la législation, au manque d’information pertinente, au flou fournisseurs-clients, qui sont autant de potentiels facteurs pouvant agir directement et altérer la rentabilité des projets. Ces risques seront relatés et feront l’objet d’une analyse corrélative avec une tentative de mesurer l'interdépendance qui peut exister entre eux dans les prochaines parutions.
DEUXIÉME PARTIE
1. QUELLES SOLUTIONS ALERNATIVES ?
A présent, quelles solutions face à tant de facteurs limitant au développement de nos Etats ? Pour une prévention rigoureuse, la gestion des risques devrait être une partie intégrante du management surtout interculturel de projets et programmes en Afrique d’autant plus que ces derniers présentent de plus en plus une grande complexité tant en termes de montage qu’en termes de gestion. Qui plus est, les énormes besoins en infrastructures des pays de l’Afrique de l’Ouest ont été exhumés et posent d’énormes problèmes de gestion qui ont drainé de considérables risques ayant causé d’importants impacts négatifs du seul fait des manquements dans les systèmes. Dès lors, il est impératif, utile et urgent à la fois que les Etats africains, particulièrement ceux de l’Afrique de l’Ouest, mettent en place des modèles de gestion de risques appropriés, capables d’atténuer et d’amortir les impacts engendrés par ces risques. Une gestion rigoureuse des risques peut être un garant de succès et de réussite car il existe incontestablement une forte corrélation entre la somme d'efforts consacrés et identifiés pour pouvoir gérer les risques d’un projet donné et le niveau de succès escompté du projet. L’absence d’une cellule de suivi-évaluation composée de Spécialistes pluridisciplinaires issus des Administrations publiques et du Privé, de surcroît très avisés sur les problématiques précités , capables de travailler en mode « fast- tract » sur des « hypothèses de risques» fiables , constitue déjà un facteur d’échec potentiel.
2. QUELQUES RECOMMANDATIONS PHARES
Dans une perspective d’anticipation des risques d’échec, il urge de prendre en compte les aspects majeurs suivants:
L’instauration d’une collaboration dynamique dans le cadre d’un partenariat efficace entre les différentes parties prenantes des projets et réformer le système administratif pour atténuer la lourdeur administrative,
L’accroissement des chances de succès des projets grâce à une formation de qualité axée sur les résultats, par une mise en œuvre d’approches viables, fiables, de méthodes et de techniques d'évaluation à multiples critères; La conformité par les projets aux règles des plans d’exécution, en adéquation avec les réalités locales ;
L'acquisition par les équipes dirigeantes de projets de savoir-faire pointu en conduite de projets, d’outils et de techniques en matière de planification et d’exécution de projets et programmes;
Le choix d'une équipe pluridisciplinaire, basée sur des compétences reconnues et une solide expérience et expertise avérées, apte à conduire les projets à bon port ;
Un fort choix d’un leadership doté d'une solide et réelle capacité managériale et d’un véritable pouvoir décisionnel, capable de fédérer les différentes parties autour des grands objectifs des projets et programmes;
La mise en place d’un management performant basé sur de solides procédures de gestion, de suivi et de pilotage (indicateurs de performance, ratios, tableaux de bord, etc.) ;
L'instauration de véritables politiques de communication efficaces entre les différentes parties prenantes des projets (bailleurs, Etats, fournisseurs, clients, prestataires, populations concernées etc.).
La mise en place d'unités de gestion de conflits et de dispositifs d'arbitrage afin de prévoir et solutionner dans les meilleurs délais les confits, litiges et blocages inhérents aux projets et programmes ;
La mise en place de dispositifs de recueils et de traitement de données et d’indices issus des projets et programmes pour une capitalisation du savoir-faire et des savoirs locaux avec une consolidation du retour d’expériences ;
La forte intégration de l'ensemble des parties prenantes des projets et programmes dès le début des études de préfaisabilité et de faisabilité, basée sur une méthode participative qui prend en compte les intérêts des différentes parties (Etats, bailleurs, populations bénéficiaires, fournisseurs, clients, etc.).
Ainsi, la forte présence de certains potentiels risques énumérés dans ce document, dans la plupart des projets et programmes entrepris en Afrique de l’Ouest notamment ceux du PSE et pouvant avoir un degré d'impact assez élevé, exigent une gestion rigoureuse pour atténuer leurs impacts et garantir la rentabilité attendue de ces projets et programmes. Dans une approche préventive, la stratégie idoine pourrait se faire à travers une «culture de projet» que les différents Etats africains devraient adopter comme modèle afin de réussir les futurs challenges liés à la gestion des projets et programmes du vieux continent pour un meilleur retour sur investissement. Cette réflexion pourrait se traduire à travers de véritables politiques de renforcement de capacités dans toutes les équipes de projets et programmes afin que chaque intervenant puisse identifier et maitriser les risques induits.
3. HIERARCHISATION DES RISQUES EN TERMES DE DEGRE DE SEVERITE : cas des projets et programmes menés en Afrique
Dans une dynamique d’études et de recherches appliquées, conformément à sa vocation, LERISK_INSTITITUTE® du CASR 3PMest parvenu à combler un vide grâce à ses recherches exhaustives axées sur les risques des grands projets d’infrastructures en Afrique. Ces études et recherches permettant ainsi de mieux circonscrire l’impact des risques sur la performance des projets et programmes, contribueront finalement à réduire de manière conséquente les taux d’échecs. A titre illustratif, le tableau comparatif suivant est proposé.
RISK IMPACT/PROBABILITY: premier groupe de risques en termes d’importance | |||
CRITICAL RISK FACTORS | RISK IMPACT | RISK RANK | REFERENCE |
Etudes de faisabilité partielles | 0.382 | 1er | Projet |
Bureaucratie &lourdeur administrative | 0.359 | 2éme | Pays |
Erreurs de design & conception | 0.348 | 3éme | Pays |
Faibles taux de décaissements | 0.343 | 4éme | Projet |
Litiges et conflits | 0.341 | 5éme | Pays |
Surcoûts ou dépassements | 0.339 | 6éme | Projet |
Longues procédures d’approbation | 0.328 | 7éme | Projet |
Instabilité institutionnelle | 0.326 | 8éme | Pays |
Incompétences des managers des projets | 0.323 | 9éme | Projet |
Statistiques et indices insuffisants | 0.321 | 10éme | Marché |
CASR 3PM_ RISK INSTITUTE® :risk impact/probability second groupe de risques en termes d’importance | |||
Critical risk factors | Risk impact | Risk rank | Reference |
Lenteur dans les prises de décisions | 0,319 | 11éme | Pays |
Approbation complexe des contrats et permis | 0,311 | 12éme | Pays |
Changements récurrents de législation et de règles | 0,302 | 13éme | Pays |
Erreurs et retards dus aux sous-traitants | 0,296 | 14éme | Marché |
Spécification et conception technique défaillante | 0,292 | 15éme | Marché |
Ambigüité dans l’estimation du coût du capital | 0,286 | 16éme | Projet |
Différences culturelles et de communication | 0,283 | 17éme | Pays |
Expropriation et acquisitions inappropriée de terres | 0,280 | 18éme | Pays |
Interférence et influence gouvernementale | 0,275 | 19éme | Pays |
Budgétisation incohérente et inexacte des projets | 0,272 | 20éme | Projet |
CASR-3PM_RISK_INSTITUTE® :un pas vers une maîtrise des risques en Afrique | ||||
RISQUE IMPACTE | ||||
N° | RISQUES FACTEURS | COÛTS | DÉLAI | QUALITÉ |
1 | Indisponibilité et rareté des meilleures pratiques | | | |
2 | Manque de contrôle et de suivi dans l’exécution | | | |
3 | Mauvaises estimations etassomptions incorrectes | | | |
4 | Incompétence de l’équipe projet | | | |
5 | Faible qualité des matériaux | | | No |
6 | Design, conception et spécifications erronées | | | |
7 | Flou du contexte client-fournisseur | | | |
8 | Changement d’orientations au cours du projet | | | No |
9 | Mauvaise allocation des moyens | | | No |
10 | Communication et coordination - insuffisante | | | |
11 | Changement d’orientations au cours du projet | | | |
12 | Culturel - interprétation du risque erronée | | | No |
13 | Outil et système de gestion de risque – inexistants | | | No |
14 | Contexte de projet - manque de visibilité | | | No |
15 | Changement de gouvernement ou de responsable du projet | | | No |
16 | Sous-estimation des coûts | | | |
17 | Mauvaise définition des objectifs | | | |
18 | Retards dans la livraison des matériaux | | | No |
19 | Planification inadéquate et instable | | | No |
20 | Délais tendus et budget serré | | | |
NOTE : Ultérieurement, nous reviendrons plus amplement sur les impacts engendrés par un certain nombre de risques potentiels (plus de soixante déjà identifiés), classés et évalués qui couvrent, entre autres, les divers aspects suivants: étude de faisabilité incomplète, lourdeur administrative, erreurs de conception, coût du capital, volatilité, variations de change, politique, aspects culturels et cultuels, non –prise en compte de la Responsabilité sociétale ,communication, leadership, actionnaires, conflits, acquisition de terre, etc.
4. BILAN/ LEÇONS APPRISES
Avec une géopolitique souvent instable voire turbulente alliée à une complexité accrue des opérations, les projets d’infrastructures mis en œuvre en Afrique sont plus que jamais exposés à divers types de risques d’ordre financiers, conceptuels , contractuels, économiques, sociaux, politiques, juridiques, publics, logistiques, environnementaux, terroristes, épidémiques etc.).La quasi-totalité de ces facteurs de risques peuvent avoir une grande influence aussi bien sur le coût, sur les délais que sur la qualité des projets en les affectant négativement, rendant ainsi leur profitabilité faible ou pratiquement inexistante. En effet, de nombreuses études ont démontré qu’une majorité de grands projets conduits en Afrique se sont soldés par des échecs à cause du non-respect de la hiérarchie des risques précités.
L’analyse de la performance de ces grands projets d’infrastructures publiques révèle que bon nombre d’entre eux échouent en raison d’une absence de systèmes rigoureux de gestion de risques. Dès lors, les enjeux de la mise en place d’un système de management des risques «des projets prioritaires» du PSE viserait essentiellement à identifier, classer, évaluer, hiérarchiser et maîtriser ces potentiels risques encourus, afin de mieux garantir un réel taux de succès L’efficacité d’un tel système de management des risques dépendra largement en grande partie de la fiabilité des informations disponibles sur les risques. Dans cette optique, elle devra surtout s’appuyer sur la mise en place de procédures de circulation de l’information rapide avec une communication forte au sein de l'équipe-projet car l’information est la première condition pour réussir une action.
Prof. Hamdouraby SY, Ph.D., Professor of Risk Management (CASR 3PM ACADEMY®),
Ph.D., Doctorant Amadou BOCOUM, Expert & Chercheur en Décentralisation (CASR3PM)
Ph.D., Doctorant Colonel (er) Papa Momar Faye, Expert en Économie Verte, Chercheurs (CASR3PM)
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