Lettre ouverte au Président de la Fiba/Afrique : Faire la différence entre binationalité et naturalisation ( Par Madame Timéra, Tall Mame Fatou )


Monsieur le Président, je viens par cette lettre ouverte attirer votre attention sur une règle discriminatoire visant à empêcher des jeunes filles et garçons de pouvoir apporter leur savoir-faire aux sélections nationales des pays d’origine de leurs parents. Selon cette disposition de Fiba, «Une équipe nationale participant à une Compétition de la FIBA ne peut en effet aligner qu'un seul joueur ayant acquis la nationalité légale de ce pays par naturalisation ou par tout autre moyen, après avoir atteint l'âge de seize (16) ans».
Elle brise ainsi le rêve de plusieurs joueurs de basketball de parents d’origine africaine établis un peu partout dans le monde et qui pour une raison ou une autre n’avaient octroyé à leurs enfants leur nationalité d’origine.
L’Afrique, ce n’est pas simplement les 54 états qui la composent. L’Afrique, c’est aussi sa diaspora. Ce sont aussi des filles et fils nés à l’Extérieur dont les parents n’ont ni renié, ni oublié d’où ils viennent.
C’est pourquoi, Monsieur le président, la Fiba/Afrique devrait porter un plaidoyer pour changer cette règle discriminatoire voire rétrograde, en mettant le curseur sur la différence fondamentale entre Naturalisation et Binationalité.
Personnellement, ma fille Lena Timera a été victime de cette disposition. Elle ne peut aucunement etre considérée comme une naturalisée, mais plutôt binationale. Oui, elle est à la fois française et sénégalaise.  Et pour cause, je suis sénégalaise de père, de mère et d’arrières grands-parents puisque je suis petite-fille de El Hadji Omar Foutiyou Tall, une figure emblématique dans la lutte contre la colonisation et l’oppression.
Mon époux egalement est Sénégalais bon teint, de père et de mère voire d’arrières grands-parents. Le seul pêché donc de ma fille, c’est d’etre née en France.
Monsieur le Président, même la morale la plus vénielle refusera de lui empêcher de réaliser son rêve : celui de jouer pour son autre pays, celui de son père et de sa mère. Le comble d’incongruité, c’est que c’est à cause d’une brillante joueuse américaine mais qui n’a aucun lien de sang avec le Sénégal qu’elle ne pourrait peut etre jamais arborée la tunique des Lionnes du pays de la Teranga. Vous ne pouvez pas imaginer sa déception, celle de sa famille, de ses proches et de ses amis. Comment est-ce qu’une instance aussi importante que la Fiba a-t-elle pu accepter une aussi discriminatoire disposition au 21eme siècle ?   
Pire, comment peut-elle autoriser a des Fédérations sportives de recourir à des naturalisations de complaisances dans le seul but de gagner ? Quid de l’equite sportive ? Continuer dans cette dynamique, c’est fausser les règles de jeu en octroyant un permis de tricher aux associations et en ouvrant les portes et portails aux chasseurs de prime. Pendant ce temps d’autres instances faitières sportives allègent les règles tout en veillant sur l’éthique du sport.
La jurisprudence de la FIFA
Monsieur le Président, pour mettre un terme à cette loi inique, scélérate et surtout mettre un terme à cette hémorragie afin qu’il n’y ait plus des Lena Timera, je vous propose de suivre la jurisprudence de la Fifa.
C’est une véritable révolution que l’instance suprême du football mondial a opéré au début des années 2000 en permettant à plusieurs joueurs dont les parents sont d’origine africaine de disputer une coupe continentale ou mondiale.  
Désormais, pour être éligible, au moins un de ces critères doit être rempli : a) le joueur est né sur le territoire de l'association concernée ; b) la mère biologique ou le père biologique du joueur est né sur le territoire de l'association concernée ; c) la grand-mère ou le grand-père du joueur est né sur le territoire de l'association concernée ; d) le joueur a vécu au moins deux années consécutives sur le territoire de l'association concernée.
Ce qui avait permis de régler plusieurs injustices pour plusieurs joueurs africains qui avaient juste joué quelques matches avec les petites catégories (U- 17, U-20 et Espoirs) avant d’etre jetés comme de vulgaires délinquants.
Cette évolution de la règlementation de la Fifa avait permis aux sélections africaines de se renforcer. On se souviendra toujours de Frédéric Kanoute, de Kevin Prince Boateng, de Kaba Diawara, de Habib Beye. Sans occulter Sofiane Feghouli, Ismaël Bennacer, Adlène Guedioura et Riyad Mahrez. Certains iront jusqu’à parler d’une Algérie «made in France». On pourrait en dire de même de la sélection marocaine demi-finaliste de la dernière coupe du monde de football au Qatar.
Monsieur, le Président, la Fifa est encore allée plus loin récemment. Lors de son 70eme Congrès l'instance internationale a voté un amendement assouplissant son règlement en la matière. Selon la nouvelle disposition, une sélection pour un match officiel avec l’équipe A d’un pays donné ne sera plus forcément un obstacle à une sélection avec celle d’un autre pays. Un changement de nationalité sportive est possible pour les seniors, à quatre conditions : avoir joué moins de trois matchs avec sa première sélection ; être âgé de moins de 21 ans lors de ces premières apparitions internationales ; ne plus avoir été appelé en sélection depuis au moins trois ans ; ne pas avoir disputé de phase finale d’une Coupe du monde ou d’un tournoi continental (Euro, CAN, etc.) avec la sélection en question.
Avec cette nouvelle disposition, elle met fin de la limite d'âge, un autre facteur bloquant de changement de nationalité sportive tout en veillant scrupuleusement a des nationalités de complaisance. Je vous exhorte à opérer des mutations. Il y va de l’intérêt du basketball. 
 
A
Anibal Aurelio Manave, Président de FIBA ​​Afrique
 
 
Madame Timéra, Tall Mame Fatou
Lundi 16 Septembre 2024
Dakaractu



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