Avec la cible Abdoulaye Baldé, quelques paramètres se sont vite mués en équations. Premier hic : même si la justice se meut à son rythme, un certain retard à l’allumage catalyse les mauvaises impressions et fortifient les pires soupçons. Co-patron de l’ANOCI aux côtés de Karim Wade, l’ex-ministre Baldé avait apparemment sa place dans la charrette des premiers clients de la CREI. Les lenteurs caractéristiques d’une enquête ardue justifient-elles l’ultime mise en demeure suivie de la visite inopinée des gendarmes, après son arrivée à la tête de la mairie ? En tout état de cause, le télescopage entre le succès électoral et le coup d’accélérateur donné à la procédure, notamment dans sa phase policière, installe le trouble. Et renforce le sentiment que les péripéties du calendrier électoral sont volontiers associées aux étapes politiquement planifiées de la traque des biens mal acquis.
La seconde haie qu’il a fallu sauter, renvoie au discours pro-Baldé et menaçant du Mfdc. Ici, on est en face d’un paramètre que la traque n’avait pas – à tort ou à raison – pris en charge. Une posture belliqueuse de la rébellion qui soulève un débat fébrile. Pour Jean-François Marie Biagui, Secrétaire général de l’autre Mfdc au programme purgé et remodelé (Mouvement pour le Fédéralisme et la Démocratie en Casamance), l’affaire Abdoulaye Baldé n’est pas un problème casamançais. Erreur ! La liberté prise en étau d’un édile fraichement réélu – donc populaire – secoue forcément le présent et assombrit l’avenir des habitants de Ziguinchor.
En revanche, la répression de l’enrichissement illicite (action judiciaire totalement légale) ne doit, en aucune façon, intéresser la branche armée du Mfdc dont l’idéal sécessionniste et indépendantiste se moque violemment des lois et règlements appliqués au Sénégal. Sous cet angle, le sort des finances publiques (pillées ou préservées) doit être le cadet des soucis des dirigeants d’Atika. Du reste, ce soutien sonore de la rébellion doit embêter et encombrer un pur produit et un grand serviteur de l’Etat comme Abdoulaye Baldé : commissaire de Police, ministre de la Défense etc. Donc longtemps épée et bouclier de la patrie.
Devant le mur réel ou psychologique que dresse le Mfdc, l’Etat a temporisé avant de s’élancer. Un journal bien informé des faits et gestes du Palais a sous-titré sur la Une : « Le cas Baldé est à l‘étude ». Une réflexion (déjà bouclée) qui a sûrement envisagé tous les scénarii potentiellement consécutifs à un emprisonnement du maire de la plus grande ville de Casamance. Le scénario d’emblée plausible et payant demeure une vive et coûteuse attaque à l‘issue de laquelle les rebelles consentiront volontairement la perte de 20 maquisards contre la capture de 3 soldats de l’armée nationale. Un redoutable moyen de pression – par familles de militaires interposées – sur le Président Macky Sall. D’où l’état d’alerte maximale qui doit être, d’ores et déjà, en vigueur dans les bases et autour des positions de l’armée. Selon une dépêche glanée sur un site du Mfdc basé en Europe, le trio Abdou Elinkine Diatta, César Atoute Badiatte et Edmond Bora s’est réuni, le dimanche 10 août, dans un Poste de Commandement (PC) du maquis.
En clair, le Procureur spécial a donné le coup d’envoi de la partie de poker. Sans nerfs solides ni cran robuste, le gouvernement craquera et ira à Canossa, c’est-à-dire à Rome, supplier les sacrés ferrailleurs de la paix que sont les membres de la communauté catholique de Sant’Egidio. Et le coup de décembre 2012 (libération de 8 prisonniers sénégalais sur le sol gambien) sera réédité. Une humiliation en perspective pour le Sénégal. Moralité autour du cas Abdoulaye Baldé : il faut se donner les moyens politiques et moraux d’une fermeté à la hauteur de l’épreuve de force qui s’annonce. En d’autres termes, les capacités de tenir, sans se lasser, la dragée haute. Car une offensive qui ne peut pas contrer une contre-offensive est une imprudence stratégique. Le Général de Brigade Saliou Ndiaye, CEMPAR de Macky Sall, ne me démentira pas.
Le second casse-tête de la traque des biens mal acquis se situe dans la colonne vertébrale de l’Etat. En effet, ceux qui ont réactivé la CREI après la défaite du Président Wade en mars 2012, n’avaient pas envisagé, un seul instant, que le livre d’un téméraire Colonel (bouquin d’informations et, surtout, avalanche d’accusations formulées par un officier de police judiciaire) les placerait devant un dilemme digne de Corneille : traquer ou ne pas traquer les anciens chefs de ceux qui ont, aujourd’hui, le monopole des armes et du…feu dans la nation. Toutefois, il convient de préciser qu’un Général d’armée ou de gendarmerie – bénéficiaire d’un privilège de juridiction conféré par le code de justice militaire – ne sera jamais trainé devant la CREI ; mais il pourra être jugé par une Cour d’Appel en formation ordinaire à composition spéciale. Autrement dit, une juridiction échevinée pour emprunter le jargon rébarbatif des spécialistes. Comme on le voit, cette fameuse traque des biens mal acquis catapulte le Sénégal à la croisée des chemins. Notre pays a le choix entre la route qui mène vers l’âge d’or des lois et le boulevard qui conduit au crépuscule des lois.
Globalement, la traque est desservie par une récente conjoncture nationale qui a, de manière récurrente, mis la loi en berne. Depuis les élections locales de juin dernier, la loi sur la parité dort dans sa tombe publiquement creusée à Touba. A Diourbel, les 19 présumés auteurs d’un incendie prémédité (crime annoncé par voie de presse avant sa commission) ont été allègrement sauvés de la Cour d’Assises par un Procureur mille fois plus gentil que Mahatma Gandhi. Deux capitulations d’autant plus préoccupantes qu’elles sont le double et exclusif privilège d’une région. Car, l’Etat garant du respect des lois, bande les muscles ou roule les mécaniques dans d’autres endroits comme Saint-Louis et Podor où les forces de l’ordre ont été mobilisées pour sécuriser des victoires, non pas sorties des urnes, mais obtenues aux forceps judiciaires.
Dans une ambiance aussi éprouvante pour l’Etat de droit, la crédibilité de la traque des biens mal acquis s’étiole à vue d’œil. Un phénomène de rétropédalage que seul un regain de vigueur insufflé aux lois – sans aucune exception – peut enrayer. Faute de quoi, l’opinion publique aura l’indestructible conviction que toute la vie judiciaire du Sénégal pivote autour de la loi réprimant l’enrichissement illicite et son corollaire : la traque des biens mal acquis. Pendant ce temps, d’autres lois, notamment celles régissant le domaine maritime, sont si constamment violées qu’elles tombent inexorablement en désuétude. Pourtant, la leçon de Georges Clémenceau défie le temps : « Une nation ne puise sa force que dans le respect des lois ».
La seconde haie qu’il a fallu sauter, renvoie au discours pro-Baldé et menaçant du Mfdc. Ici, on est en face d’un paramètre que la traque n’avait pas – à tort ou à raison – pris en charge. Une posture belliqueuse de la rébellion qui soulève un débat fébrile. Pour Jean-François Marie Biagui, Secrétaire général de l’autre Mfdc au programme purgé et remodelé (Mouvement pour le Fédéralisme et la Démocratie en Casamance), l’affaire Abdoulaye Baldé n’est pas un problème casamançais. Erreur ! La liberté prise en étau d’un édile fraichement réélu – donc populaire – secoue forcément le présent et assombrit l’avenir des habitants de Ziguinchor.
En revanche, la répression de l’enrichissement illicite (action judiciaire totalement légale) ne doit, en aucune façon, intéresser la branche armée du Mfdc dont l’idéal sécessionniste et indépendantiste se moque violemment des lois et règlements appliqués au Sénégal. Sous cet angle, le sort des finances publiques (pillées ou préservées) doit être le cadet des soucis des dirigeants d’Atika. Du reste, ce soutien sonore de la rébellion doit embêter et encombrer un pur produit et un grand serviteur de l’Etat comme Abdoulaye Baldé : commissaire de Police, ministre de la Défense etc. Donc longtemps épée et bouclier de la patrie.
Devant le mur réel ou psychologique que dresse le Mfdc, l’Etat a temporisé avant de s’élancer. Un journal bien informé des faits et gestes du Palais a sous-titré sur la Une : « Le cas Baldé est à l‘étude ». Une réflexion (déjà bouclée) qui a sûrement envisagé tous les scénarii potentiellement consécutifs à un emprisonnement du maire de la plus grande ville de Casamance. Le scénario d’emblée plausible et payant demeure une vive et coûteuse attaque à l‘issue de laquelle les rebelles consentiront volontairement la perte de 20 maquisards contre la capture de 3 soldats de l’armée nationale. Un redoutable moyen de pression – par familles de militaires interposées – sur le Président Macky Sall. D’où l’état d’alerte maximale qui doit être, d’ores et déjà, en vigueur dans les bases et autour des positions de l’armée. Selon une dépêche glanée sur un site du Mfdc basé en Europe, le trio Abdou Elinkine Diatta, César Atoute Badiatte et Edmond Bora s’est réuni, le dimanche 10 août, dans un Poste de Commandement (PC) du maquis.
En clair, le Procureur spécial a donné le coup d’envoi de la partie de poker. Sans nerfs solides ni cran robuste, le gouvernement craquera et ira à Canossa, c’est-à-dire à Rome, supplier les sacrés ferrailleurs de la paix que sont les membres de la communauté catholique de Sant’Egidio. Et le coup de décembre 2012 (libération de 8 prisonniers sénégalais sur le sol gambien) sera réédité. Une humiliation en perspective pour le Sénégal. Moralité autour du cas Abdoulaye Baldé : il faut se donner les moyens politiques et moraux d’une fermeté à la hauteur de l’épreuve de force qui s’annonce. En d’autres termes, les capacités de tenir, sans se lasser, la dragée haute. Car une offensive qui ne peut pas contrer une contre-offensive est une imprudence stratégique. Le Général de Brigade Saliou Ndiaye, CEMPAR de Macky Sall, ne me démentira pas.
Le second casse-tête de la traque des biens mal acquis se situe dans la colonne vertébrale de l’Etat. En effet, ceux qui ont réactivé la CREI après la défaite du Président Wade en mars 2012, n’avaient pas envisagé, un seul instant, que le livre d’un téméraire Colonel (bouquin d’informations et, surtout, avalanche d’accusations formulées par un officier de police judiciaire) les placerait devant un dilemme digne de Corneille : traquer ou ne pas traquer les anciens chefs de ceux qui ont, aujourd’hui, le monopole des armes et du…feu dans la nation. Toutefois, il convient de préciser qu’un Général d’armée ou de gendarmerie – bénéficiaire d’un privilège de juridiction conféré par le code de justice militaire – ne sera jamais trainé devant la CREI ; mais il pourra être jugé par une Cour d’Appel en formation ordinaire à composition spéciale. Autrement dit, une juridiction échevinée pour emprunter le jargon rébarbatif des spécialistes. Comme on le voit, cette fameuse traque des biens mal acquis catapulte le Sénégal à la croisée des chemins. Notre pays a le choix entre la route qui mène vers l’âge d’or des lois et le boulevard qui conduit au crépuscule des lois.
Globalement, la traque est desservie par une récente conjoncture nationale qui a, de manière récurrente, mis la loi en berne. Depuis les élections locales de juin dernier, la loi sur la parité dort dans sa tombe publiquement creusée à Touba. A Diourbel, les 19 présumés auteurs d’un incendie prémédité (crime annoncé par voie de presse avant sa commission) ont été allègrement sauvés de la Cour d’Assises par un Procureur mille fois plus gentil que Mahatma Gandhi. Deux capitulations d’autant plus préoccupantes qu’elles sont le double et exclusif privilège d’une région. Car, l’Etat garant du respect des lois, bande les muscles ou roule les mécaniques dans d’autres endroits comme Saint-Louis et Podor où les forces de l’ordre ont été mobilisées pour sécuriser des victoires, non pas sorties des urnes, mais obtenues aux forceps judiciaires.
Dans une ambiance aussi éprouvante pour l’Etat de droit, la crédibilité de la traque des biens mal acquis s’étiole à vue d’œil. Un phénomène de rétropédalage que seul un regain de vigueur insufflé aux lois – sans aucune exception – peut enrayer. Faute de quoi, l’opinion publique aura l’indestructible conviction que toute la vie judiciaire du Sénégal pivote autour de la loi réprimant l’enrichissement illicite et son corollaire : la traque des biens mal acquis. Pendant ce temps, d’autres lois, notamment celles régissant le domaine maritime, sont si constamment violées qu’elles tombent inexorablement en désuétude. Pourtant, la leçon de Georges Clémenceau défie le temps : « Une nation ne puise sa force que dans le respect des lois ».
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