Au milieu du toboggan, on ne peut plus faire demi-tour. Le Rubicon n’est pas une rivière qu’on franchit en sens inverse. Le Président Macky Sall a compris tardivement que le Maire d’une capitale n’est pas un lapin qu’on tire par les oreilles et encage sans contrecoups ni retours de flammes. Même si Khalifa Sall et ses homologues de Casablanca, de Paris et de Kinshasa ne sont pas au-dessus des lois, l’épaisseur du manteau de « Premier magistrat de la première ville du pays » et la carapace de légitimité moulant l’élu suprême d’un Conseil municipal sans commune mesure avec les autres Conseils municipaux, font du Maire de Dakar, un mammouth impossible à glisser par la lucarne d’un cachot. Qui peut faire passer un chameau par le chas d’une aiguille ? Telle est l’équation insoluble que Macky Sall ne résout pas mais pulvérise par une démarche judiciaire au pas de charge.
D’où cette chevauchée judiciaire (effrénée course contre la montre électorale) qui se déroule dans un pays ressemblant de plus en plus à un désert de principes, à un cimetière de convictions et à un caveau du courage. En effet, la profusion des calculs politiciens, la pénurie des convictions, l’esprit de chapelle placée au-dessus de l’esprit civique et l’évaporation du courage devant la soif de confort, font le lit de tous les absolutismes et de tous les despotismes rarement éclairés. « Quand on peut faire tout ce que l’on veut, il devient difficile de faire ce que l’on doit » déplorait, dans un élan autocritique, un des Rois lucides de France. Macky Sall a régulièrement administré la preuve qu’il peut faire tout ce qu’il veut ; est-ce qu’il est entrain de faire ce qu’il doit ? Bien entendu, le présidentialisme constitutionnalisé – sans être synonyme de cécité constitutionnalisée – pousse vers l’absolutisme et le despotisme jamais éclairés. Le Roi Hassan II qui était plus cruel, plus puissant et plus génial que le Président Macky Sall, avait une posture empreinte de finesse et de sagesse à l’égard de tout ce qui le contrariait ou contrecarrait son pouvoir. Répondant à une question relative aux critiques dures et aux rapports sévères d’Amnesty International, le défunt Souverain chérifien déploya son esprit phosphorescent : « Amnesty International et les défenseurs des droits de l’homme me dérangent, me harcèlent et m’irritent. Mais ils pourraient être utiles aux jeunes Princes ».
Effectivement. Si le Général Mohamed Oufkir avait abattu le Boeing du Roi, si le Général Dlimi avait renversé la Monarchie, les jeunes Princes et la famille royale auraient fait appel à Amnesty International, aux Organisations et aux Institutions étrangères pour obtenir l’assouplissement de leurs conditions de détention. Aujourd’hui, la décision de la Cour de justice de la CEDEAO est un bâton mis dans les roues du procès, par les avocats de Khalifa Sall. Demain, un tel arrêt ne sera-t-il pas une bouée de sauvetage pour des responsables qui sont actuellement très éloignés des eaux et des rivages de tout naufrage ? Le Dalaï Lama secoue les mémoires en ces termes : « Quand un oiseau est vivant, il mange les fourmis, mais quand il meurt, les fourmis le mangent ». Moralité : les circonstances changent constamment. C’est pourquoi le parfait bouclier contre les aspects politiques, électoraux et judiciaires du césarisme rampant restent la protection (par les citoyens) des principes de bonne gouvernance, la fortification des convictions républicaines et le culte du courage. De la chute de Louis XVI à la fuite de Blaise Compaoré, l’approfondissement de la démocratie passe par le même chemin escarpé.
A cet égard, l’abattement et l’abdication des Sénégalais effarent les observateurs longtemps admiratifs de la vaillance et de l’ardeur (jamais en baisse) par et avec lesquelles les compatriotes d’Amadou Makhtar Mbow ont toujours assuré – sans allumer un brasier qui calcine leur pays – la sauvegarde des acquis récoltés de leur Histoire politique, parmi les plus démocratiquement pionnières du continent africain. Il importe alors et urge donc que l’élite – société civile comme technocratie – joue pleinement son double rôle de locomotive qui tire vers le haut ; et de sentinelle qui sonne le tocsin, dès l’apparition des dangers. Ce qui nécessite un courage sans lequel une élite devient un ramassis de larbins. Beaucoup d’affaires (PRODAC, CEDEAO, interdictions de marche, traque à géométrie variable etc.) ont prouvé que les conseillers, les collaborateurs et les alliés de premier plan au sein de BBY campent dans une passivité plus calculatrice que courageuse. Or, la collaboration sans le courage installe la collaboration dans l’antichambre de la déloyauté payée mais non payante pour le pays.
Ceux qui se souviennent des grandes secousses politiques de la Cinquième République, se rappellent bien de « l’affaire Jouhaud », un officier pied-noir, et chefs parmi les chefs de l’OAS. Une organisation antigaulliste qui a organisé plusieurs attentats sanglants et, surtout, monté une embuscade contre le cortège du Général De Gaulle. Numéro deux de l’OAS, le Général Edmond Jouhaud fut jugé et condamné à mort par le Haut-Tribunal Militaire devant lequel son chef et supérieur, le Général Raoul Salan a pu, auparavant, sauver sa tête. Bonjour l’imbroglio ! Furieux contre le Haut-Tribunal Militaire trop clément à ses yeux, le Général De Gaulle refusa la grâce à Jouhaud et ordonna son exécution pour le lendemain. Le Premier ministre George Pompidou monta à l’Elysée et affronta De Gaulle. Il lui dit : « Monsieur le Président, vous ne pouvez pas fusiller Jouhaud. L’Histoire vous collera cette abjecte erreur à la peau. Fusiller l’adjoint alors que son chef est déjà condamné à perpétuité, serait une injustice flagrante, même si votre colère est légitime contre cette haute juridiction militaire au sein de laquelle des gradés francs-maçons ont tout fait pour sauver la tête de leur frère Salan ». De Gaulle refusa de surseoir à l’exécution, Pompidou déposa sa démission. Finalement, De Gaulle recula devant la fermeté et, surtout, devant la vérité énoncée par son loyal et courageux Premier ministre. Chose inimaginable chez nous ! Bien au contraire, l’actualité brûlante révèle des réflexes bassement carriéristes parmi les hiérarques, les têtes pensantes ou les boites à idées du régime.
Chez les acteurs politiques, les calculs sont foncièrement cyniques et tactiques. Voire volontiers déstabilisateurs. En effet, si Abdoulaye Wade le voulait, le procès de Khalifa Sall ne conduirait pas à Abuja. Doyen d’âge des députés élus en juillet 2017, Abdoulaye Wade pouvait retarder sa démission de trois mois puis exiger et obtenir le respect de la loi (liberté provisoire pour le député-maire de Dakar, jusqu’à la levée de son immunité) dont la violation est, aujourd’hui, soulignée dans l’arrêt de la Cour de justice de la CEDEAO. Présence de Khalifa dans l’hémicycle ou paralysie de la vie institutionnelle du pays, car l’Assemblée nationale est la matrice des lois. Pourquoi le Secrétaire national du PDS n’a pas donné un coup de frein à la mise à mort politique de Khalifa Sall, au moyen de l’arme judiciaire ? La vengeance froide et le machiavélisme politique structurent la réponse et éclairent le comportement du vieux renard Wade.
Lorsque la CREI capturait et condamnait Karim Wade, l’influent Maire de Dakar était muet comme une carpe et sage comme un Bouddha. Il était bien en cour dans le camp des vainqueurs et des procureurs politiques des dignitaires libéraux et…vaincus. Les principes de justice étaient les cadets de ses soucis. Lorsque Maitre Wade bravait seul (à ses risques et périls et en dépit de sa vieillesse) les interdictions préfectorales et franchissait les cordons de policiers, jusqu’à la Place de l’obélisque, le Maire de Dakar et ses nombreux partisans dans la Médina, observaient la scène, sans le moindre geste de solidarité. A côté du plat qui se mange froid (j’ai nommé la vengeance) on trouve le calcul qui consiste à maintenir Macky Sall sur l’axe des erreurs politiques qui abrègent la vie de tout régime. Dans cette logique, Abdoulaye Wade n’est pas isolé. Au sein de Benno Bokk Yakaar, les concurrents et les rivaux déguisés en aimables alliés partagent la stratégie. Animal politique et stratège militaire, Napoléon recommandait vivement : « N’interrompez pas votre ennemi qui est entrain de faire des erreurs ! ».
D’où cette chevauchée judiciaire (effrénée course contre la montre électorale) qui se déroule dans un pays ressemblant de plus en plus à un désert de principes, à un cimetière de convictions et à un caveau du courage. En effet, la profusion des calculs politiciens, la pénurie des convictions, l’esprit de chapelle placée au-dessus de l’esprit civique et l’évaporation du courage devant la soif de confort, font le lit de tous les absolutismes et de tous les despotismes rarement éclairés. « Quand on peut faire tout ce que l’on veut, il devient difficile de faire ce que l’on doit » déplorait, dans un élan autocritique, un des Rois lucides de France. Macky Sall a régulièrement administré la preuve qu’il peut faire tout ce qu’il veut ; est-ce qu’il est entrain de faire ce qu’il doit ? Bien entendu, le présidentialisme constitutionnalisé – sans être synonyme de cécité constitutionnalisée – pousse vers l’absolutisme et le despotisme jamais éclairés. Le Roi Hassan II qui était plus cruel, plus puissant et plus génial que le Président Macky Sall, avait une posture empreinte de finesse et de sagesse à l’égard de tout ce qui le contrariait ou contrecarrait son pouvoir. Répondant à une question relative aux critiques dures et aux rapports sévères d’Amnesty International, le défunt Souverain chérifien déploya son esprit phosphorescent : « Amnesty International et les défenseurs des droits de l’homme me dérangent, me harcèlent et m’irritent. Mais ils pourraient être utiles aux jeunes Princes ».
Effectivement. Si le Général Mohamed Oufkir avait abattu le Boeing du Roi, si le Général Dlimi avait renversé la Monarchie, les jeunes Princes et la famille royale auraient fait appel à Amnesty International, aux Organisations et aux Institutions étrangères pour obtenir l’assouplissement de leurs conditions de détention. Aujourd’hui, la décision de la Cour de justice de la CEDEAO est un bâton mis dans les roues du procès, par les avocats de Khalifa Sall. Demain, un tel arrêt ne sera-t-il pas une bouée de sauvetage pour des responsables qui sont actuellement très éloignés des eaux et des rivages de tout naufrage ? Le Dalaï Lama secoue les mémoires en ces termes : « Quand un oiseau est vivant, il mange les fourmis, mais quand il meurt, les fourmis le mangent ». Moralité : les circonstances changent constamment. C’est pourquoi le parfait bouclier contre les aspects politiques, électoraux et judiciaires du césarisme rampant restent la protection (par les citoyens) des principes de bonne gouvernance, la fortification des convictions républicaines et le culte du courage. De la chute de Louis XVI à la fuite de Blaise Compaoré, l’approfondissement de la démocratie passe par le même chemin escarpé.
A cet égard, l’abattement et l’abdication des Sénégalais effarent les observateurs longtemps admiratifs de la vaillance et de l’ardeur (jamais en baisse) par et avec lesquelles les compatriotes d’Amadou Makhtar Mbow ont toujours assuré – sans allumer un brasier qui calcine leur pays – la sauvegarde des acquis récoltés de leur Histoire politique, parmi les plus démocratiquement pionnières du continent africain. Il importe alors et urge donc que l’élite – société civile comme technocratie – joue pleinement son double rôle de locomotive qui tire vers le haut ; et de sentinelle qui sonne le tocsin, dès l’apparition des dangers. Ce qui nécessite un courage sans lequel une élite devient un ramassis de larbins. Beaucoup d’affaires (PRODAC, CEDEAO, interdictions de marche, traque à géométrie variable etc.) ont prouvé que les conseillers, les collaborateurs et les alliés de premier plan au sein de BBY campent dans une passivité plus calculatrice que courageuse. Or, la collaboration sans le courage installe la collaboration dans l’antichambre de la déloyauté payée mais non payante pour le pays.
Ceux qui se souviennent des grandes secousses politiques de la Cinquième République, se rappellent bien de « l’affaire Jouhaud », un officier pied-noir, et chefs parmi les chefs de l’OAS. Une organisation antigaulliste qui a organisé plusieurs attentats sanglants et, surtout, monté une embuscade contre le cortège du Général De Gaulle. Numéro deux de l’OAS, le Général Edmond Jouhaud fut jugé et condamné à mort par le Haut-Tribunal Militaire devant lequel son chef et supérieur, le Général Raoul Salan a pu, auparavant, sauver sa tête. Bonjour l’imbroglio ! Furieux contre le Haut-Tribunal Militaire trop clément à ses yeux, le Général De Gaulle refusa la grâce à Jouhaud et ordonna son exécution pour le lendemain. Le Premier ministre George Pompidou monta à l’Elysée et affronta De Gaulle. Il lui dit : « Monsieur le Président, vous ne pouvez pas fusiller Jouhaud. L’Histoire vous collera cette abjecte erreur à la peau. Fusiller l’adjoint alors que son chef est déjà condamné à perpétuité, serait une injustice flagrante, même si votre colère est légitime contre cette haute juridiction militaire au sein de laquelle des gradés francs-maçons ont tout fait pour sauver la tête de leur frère Salan ». De Gaulle refusa de surseoir à l’exécution, Pompidou déposa sa démission. Finalement, De Gaulle recula devant la fermeté et, surtout, devant la vérité énoncée par son loyal et courageux Premier ministre. Chose inimaginable chez nous ! Bien au contraire, l’actualité brûlante révèle des réflexes bassement carriéristes parmi les hiérarques, les têtes pensantes ou les boites à idées du régime.
Chez les acteurs politiques, les calculs sont foncièrement cyniques et tactiques. Voire volontiers déstabilisateurs. En effet, si Abdoulaye Wade le voulait, le procès de Khalifa Sall ne conduirait pas à Abuja. Doyen d’âge des députés élus en juillet 2017, Abdoulaye Wade pouvait retarder sa démission de trois mois puis exiger et obtenir le respect de la loi (liberté provisoire pour le député-maire de Dakar, jusqu’à la levée de son immunité) dont la violation est, aujourd’hui, soulignée dans l’arrêt de la Cour de justice de la CEDEAO. Présence de Khalifa dans l’hémicycle ou paralysie de la vie institutionnelle du pays, car l’Assemblée nationale est la matrice des lois. Pourquoi le Secrétaire national du PDS n’a pas donné un coup de frein à la mise à mort politique de Khalifa Sall, au moyen de l’arme judiciaire ? La vengeance froide et le machiavélisme politique structurent la réponse et éclairent le comportement du vieux renard Wade.
Lorsque la CREI capturait et condamnait Karim Wade, l’influent Maire de Dakar était muet comme une carpe et sage comme un Bouddha. Il était bien en cour dans le camp des vainqueurs et des procureurs politiques des dignitaires libéraux et…vaincus. Les principes de justice étaient les cadets de ses soucis. Lorsque Maitre Wade bravait seul (à ses risques et périls et en dépit de sa vieillesse) les interdictions préfectorales et franchissait les cordons de policiers, jusqu’à la Place de l’obélisque, le Maire de Dakar et ses nombreux partisans dans la Médina, observaient la scène, sans le moindre geste de solidarité. A côté du plat qui se mange froid (j’ai nommé la vengeance) on trouve le calcul qui consiste à maintenir Macky Sall sur l’axe des erreurs politiques qui abrègent la vie de tout régime. Dans cette logique, Abdoulaye Wade n’est pas isolé. Au sein de Benno Bokk Yakaar, les concurrents et les rivaux déguisés en aimables alliés partagent la stratégie. Animal politique et stratège militaire, Napoléon recommandait vivement : « N’interrompez pas votre ennemi qui est entrain de faire des erreurs ! ».
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