Tantôt haletantes, parfois palpitantes, souvent hallucinantes mais toujours préoccupantes, les facettes et les péripéties de la crise gambienne ruissellent de leçons, à la fois, affaiblissantes et enrichissantes pour le cahier des charges politiques, diplomatiques et sécuritaires de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest : CEDEAO. A cet égard, des canons de gros calibres ont été vus sur le théâtre des opérations (sans opérations), des canaux de contacts ou de négociations ont été intensément utilisés et largement diversifiés, enfin, des coups directs, obliques voire fourrés ont été portés par des acteurs venus de divers horizons dont deux (le marocain et le mauritanien) sont extérieurs au pourtour communautaire bien délimité par la CEDEAO.
D’un point de vue strictement militaire, la manœuvre a été impeccable. Le Général Cheikh Guèye, le Cemga, et son subordonné, le Général François Ndiaye, le Cemat, (deux fantassins chevronnés) ont discrètement renforcé les deux zones méridionales de défense (la 5e à Ziguinchor et la 6e à Kolda) par un contingent non dissout arrivé fraichement du Darfour. C’est la première et large mâchoire qui s’étend grossièrement de Kafountine (Bignona) aux abords de Bassé (face à Wélingara). La seconde dent de la tenaille est formée par la réserve générale des armées (cavalerie, commandos et parachutistes) qui, elle, a été ostensiblement positionnée sur l’axe Karang-Barakoung. Suffisant pour que Yaya Jammeh aille à Canossa qui a les couleurs et les senteurs de l’opulente Malabo. Bref, on a noté plus de gesticulations guerrières rapidement payantes que d’opérations militaires inévitablement sanglantes. Preuve que « Gambie n’est pas Gao » pour parodier une chanson qui a fait fureur dans les boites de nuit d’Abidjan. Et Yaya Jammeh, Président d’une république artificiellement islamique, n’est pas de la trempe du fanatique Mollah Omar d’Afghanistan.
Dans le domaine diplomatique, c’est la multiplication des canaux de contacts et l’apparition des médiations parallèles qui ont frappé et désarçonné les observateurs. Des médiations en série et en concurrence. Notamment celle entreprise par Rabat et celle conduite par Nouakchott. Deux gouvernements ayant de bonnes cartes à Banjul, mais qui ont – sur fond de méfiance et de tensions mal maquillées – dissocié leurs efforts. Président d’un Etat non membre de la CEDEAO, Aziz a porté une double casquette de franc-tireur et de sniper, pour tacler la diplomatie régionale (CEDEAO), continentale (UA) et onusienne (Conseil de sécurité). En collusion avec le Guinéen Alpha Condé, il a torpillé la médiation chérifienne, avant de ravir la vedette à Mohamed Buhari et, in fine, d’engranger les dividendes de la sortie pacifique de crise.
Des bénéfices diplomatiques équitablement partagés avec le locataire du palais Sékoutoureya qui est et reste ulcéré par l’attitude jugée non solidaire de cloisonnement du Sénégal (pays voisin, membre de la CEDEAO et de l’OMVG) durant l’épidémie Ebola, comparativement à la décision du Maroc (pays maghrébin) de maintenir les vols de la Royal Air Maroc, en direction de la Guinée-Conakry. En un mot, l’affaire gambienne a secrété deux médiations couronnées de succès mais truffées de calculs et de rancœurs. Deux médiations conjointes qui ont bien servi de paratonnerre ou de parafoudre à un Yaya Jammeh paniqué et, surtout, horrifié par la perspective d’un sort semblable au destin d’un Samuel Doe capturé et dépecé par son ennemi Prince Johnson. En appui d’une telle lecture, la déclaration, sans ambages, du Président Mohamed Abdelaziz diffusée par l’Agence Mauritanienne d’Informations : « L’accord de Banjul est une victoire pour les partisans de la paix contre les prêcheurs de la violence et contre ceux qui battent les tambours de la guerre, en croyant résoudre ce problème par l’option militaire ». Macky Sall appréciera ces coups fourrés et…avoués.
Au demeurant, la Mauritanie qui n’a pas lâché pas le morceau – en l’occurrence la Gambie – n’a pas dit son dernier mot. Jammeh passé à la trappe, Nouakchott fait, d’ores et déjà, un clin d'œil à Barrow. En effet, on apprend dans la presse arabophone de Nouakchott que le foyer originel de la famille d’Adama Barrow se situe dans le village de Sara-Ndougou, à 11 km de la ville mauritanienne de Boghé. Une présence familiale qui serait la résultante d’un mouvement migratoire en provenance du village de Haïré, le terroir natal du DG de l’APIX, Mountaga Sy. Avec une promptitude effarante et une habileté cynique, la Mauritanie réajuste sa politique gambienne. Décidément, Talleyrand est de toutes les nationalités.
Justement, les sollicitudes, les servitudes et les impératifs d’ordre politique sont légion dans l’ère post-Yaya. Le Sénégal en est visiblement assailli. Il lui revient urgemment d’élaborer une doctrine politique vis-à-vis de la Gambie. Car, plus rien ne devra être comme avant. Après l’opération accomplie « Fodé Kaba 2 », en juillet 1981, et l’opération entamée « Restaurer la démocratie », en janvier 2017, il s’agit de stabiliser définitivement la Gambie dont les secousses internes se répercutent au Sénégal, tant au plan humanitaire que sécuritaire. L’ingéniosité des conseillers du Président de la république doit être fouettée dans le sens de l’invention d’une formule institutionnelle qui emboite les deux Etats, sans déboucher sur un affreux protectorat ou une insupportable tutelle. Sous cet angle, le Président Sall devra – dans ses rapports avec le Président Barrow – éviter toute liaison étouffante et toute posture hégémonique qui alimenteront aisément les critiques contre le successeur de Yaya Jammeh. En d’autres termes, le Sénégal doit faire en sorte que l’opposant aidé dans les moments difficiles ne devienne le Président téléguidé dans l’exercice de ses responsabilités.
De son côté, Adama Barrow – candidat élu des gens en colère – ne doit pas être le Président des gens en colère. Après tout, Yaya Jammeh a collecté plus de 40% des voix, ce qui correspond à des milliers de citoyens devenus subitement des orphelins et des nostalgiques de son régime. Presque la moitié du corps électoral de la Gambie. Si la réconciliation est en panne, en Côte d’Ivoire, c’est parce que Laurent Gbagbo avait gagné à Abidjan, la très peuplée capitale, et avait réalisé un score avoisinant les 48 ou 49% à l’échelle du pays. Il s’y ajoute que les peuples sont versatiles, les coalitions victorieuses ont la vie courte et l’état de grâce n’escorte pas longtemps un gouvernement. Celui d’Adama Barrow n’échappera pas à la règle.
A la lumière des enseignements militaires et au vu des médiations entremêlées, la crise gambienne commande une revue exhaustive et dynamique des dispositions et des mécanismes qui encadrent l’action des fameuses Forces en attente de la CEDEAO. En la matière, un bréviaire élastique ou en caoutchouc n’est pas un vecteur de crédibilité. Question : pourquoi les fameuses Forces en attente de la CEDEAO furent précisément attentistes face au capitaine putschiste Sanogo qui assassina, en 2012, la démocratie malienne, en culbutant le Président ATT ? Entre un Yaya Jammeh qui conteste, aujourd’hui, sa défaite électorale et un capitaine Sanogo qui abrégea, hier, le mandat du Président Amadou Toumani Touré, lequel est plus coupable de forfaiture requérant une fermeté militaire ?
D’un point de vue strictement militaire, la manœuvre a été impeccable. Le Général Cheikh Guèye, le Cemga, et son subordonné, le Général François Ndiaye, le Cemat, (deux fantassins chevronnés) ont discrètement renforcé les deux zones méridionales de défense (la 5e à Ziguinchor et la 6e à Kolda) par un contingent non dissout arrivé fraichement du Darfour. C’est la première et large mâchoire qui s’étend grossièrement de Kafountine (Bignona) aux abords de Bassé (face à Wélingara). La seconde dent de la tenaille est formée par la réserve générale des armées (cavalerie, commandos et parachutistes) qui, elle, a été ostensiblement positionnée sur l’axe Karang-Barakoung. Suffisant pour que Yaya Jammeh aille à Canossa qui a les couleurs et les senteurs de l’opulente Malabo. Bref, on a noté plus de gesticulations guerrières rapidement payantes que d’opérations militaires inévitablement sanglantes. Preuve que « Gambie n’est pas Gao » pour parodier une chanson qui a fait fureur dans les boites de nuit d’Abidjan. Et Yaya Jammeh, Président d’une république artificiellement islamique, n’est pas de la trempe du fanatique Mollah Omar d’Afghanistan.
Dans le domaine diplomatique, c’est la multiplication des canaux de contacts et l’apparition des médiations parallèles qui ont frappé et désarçonné les observateurs. Des médiations en série et en concurrence. Notamment celle entreprise par Rabat et celle conduite par Nouakchott. Deux gouvernements ayant de bonnes cartes à Banjul, mais qui ont – sur fond de méfiance et de tensions mal maquillées – dissocié leurs efforts. Président d’un Etat non membre de la CEDEAO, Aziz a porté une double casquette de franc-tireur et de sniper, pour tacler la diplomatie régionale (CEDEAO), continentale (UA) et onusienne (Conseil de sécurité). En collusion avec le Guinéen Alpha Condé, il a torpillé la médiation chérifienne, avant de ravir la vedette à Mohamed Buhari et, in fine, d’engranger les dividendes de la sortie pacifique de crise.
Des bénéfices diplomatiques équitablement partagés avec le locataire du palais Sékoutoureya qui est et reste ulcéré par l’attitude jugée non solidaire de cloisonnement du Sénégal (pays voisin, membre de la CEDEAO et de l’OMVG) durant l’épidémie Ebola, comparativement à la décision du Maroc (pays maghrébin) de maintenir les vols de la Royal Air Maroc, en direction de la Guinée-Conakry. En un mot, l’affaire gambienne a secrété deux médiations couronnées de succès mais truffées de calculs et de rancœurs. Deux médiations conjointes qui ont bien servi de paratonnerre ou de parafoudre à un Yaya Jammeh paniqué et, surtout, horrifié par la perspective d’un sort semblable au destin d’un Samuel Doe capturé et dépecé par son ennemi Prince Johnson. En appui d’une telle lecture, la déclaration, sans ambages, du Président Mohamed Abdelaziz diffusée par l’Agence Mauritanienne d’Informations : « L’accord de Banjul est une victoire pour les partisans de la paix contre les prêcheurs de la violence et contre ceux qui battent les tambours de la guerre, en croyant résoudre ce problème par l’option militaire ». Macky Sall appréciera ces coups fourrés et…avoués.
Au demeurant, la Mauritanie qui n’a pas lâché pas le morceau – en l’occurrence la Gambie – n’a pas dit son dernier mot. Jammeh passé à la trappe, Nouakchott fait, d’ores et déjà, un clin d'œil à Barrow. En effet, on apprend dans la presse arabophone de Nouakchott que le foyer originel de la famille d’Adama Barrow se situe dans le village de Sara-Ndougou, à 11 km de la ville mauritanienne de Boghé. Une présence familiale qui serait la résultante d’un mouvement migratoire en provenance du village de Haïré, le terroir natal du DG de l’APIX, Mountaga Sy. Avec une promptitude effarante et une habileté cynique, la Mauritanie réajuste sa politique gambienne. Décidément, Talleyrand est de toutes les nationalités.
Justement, les sollicitudes, les servitudes et les impératifs d’ordre politique sont légion dans l’ère post-Yaya. Le Sénégal en est visiblement assailli. Il lui revient urgemment d’élaborer une doctrine politique vis-à-vis de la Gambie. Car, plus rien ne devra être comme avant. Après l’opération accomplie « Fodé Kaba 2 », en juillet 1981, et l’opération entamée « Restaurer la démocratie », en janvier 2017, il s’agit de stabiliser définitivement la Gambie dont les secousses internes se répercutent au Sénégal, tant au plan humanitaire que sécuritaire. L’ingéniosité des conseillers du Président de la république doit être fouettée dans le sens de l’invention d’une formule institutionnelle qui emboite les deux Etats, sans déboucher sur un affreux protectorat ou une insupportable tutelle. Sous cet angle, le Président Sall devra – dans ses rapports avec le Président Barrow – éviter toute liaison étouffante et toute posture hégémonique qui alimenteront aisément les critiques contre le successeur de Yaya Jammeh. En d’autres termes, le Sénégal doit faire en sorte que l’opposant aidé dans les moments difficiles ne devienne le Président téléguidé dans l’exercice de ses responsabilités.
De son côté, Adama Barrow – candidat élu des gens en colère – ne doit pas être le Président des gens en colère. Après tout, Yaya Jammeh a collecté plus de 40% des voix, ce qui correspond à des milliers de citoyens devenus subitement des orphelins et des nostalgiques de son régime. Presque la moitié du corps électoral de la Gambie. Si la réconciliation est en panne, en Côte d’Ivoire, c’est parce que Laurent Gbagbo avait gagné à Abidjan, la très peuplée capitale, et avait réalisé un score avoisinant les 48 ou 49% à l’échelle du pays. Il s’y ajoute que les peuples sont versatiles, les coalitions victorieuses ont la vie courte et l’état de grâce n’escorte pas longtemps un gouvernement. Celui d’Adama Barrow n’échappera pas à la règle.
A la lumière des enseignements militaires et au vu des médiations entremêlées, la crise gambienne commande une revue exhaustive et dynamique des dispositions et des mécanismes qui encadrent l’action des fameuses Forces en attente de la CEDEAO. En la matière, un bréviaire élastique ou en caoutchouc n’est pas un vecteur de crédibilité. Question : pourquoi les fameuses Forces en attente de la CEDEAO furent précisément attentistes face au capitaine putschiste Sanogo qui assassina, en 2012, la démocratie malienne, en culbutant le Président ATT ? Entre un Yaya Jammeh qui conteste, aujourd’hui, sa défaite électorale et un capitaine Sanogo qui abrégea, hier, le mandat du Président Amadou Toumani Touré, lequel est plus coupable de forfaiture requérant une fermeté militaire ?
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