Après la Déclaration de Politique Générale (DPG), l‘heure est à la mise en place des Débatteurs Pour le Gouvernement (DPG). La stratège et non moins chef du gouvernement, Aminata Touré, n’a pas tort de mettre progressivement en ordre de bataille – on peut multiplier à l’infini les variations autour de la traduction élastique du sigle – son détachement de Défenseurs Patentés du Gouvernement (DPG). En effet, le Premier ministre, femme politique devant l’Eternel, est persuadé qu’un gouvernement vaut ce que vaut le soutien qu’il trouve auprès de l’opinion. Une conviction qui colle à celle de Napoléon : « Trois journaux font plus mal que mille baïonnettes ». A cette aune-là, la toile ou le web fait, aujourd’hui, plus mal qu’un wagon de bazookas.
En vérité, la majorité – de facto dirigée au quotidien par Mme Aminata Touré – comble une lacune bêtement négligée, jusque-là. Sous tous les cieux démocratiques, les tenants du pouvoir et leurs alliés servent, à la fois, de boucliers et d’épées aux régimes établis. Car il est politiquement inadmissible que les membres de la Nomenklatura (bénéficiaires d’avantages prévus, de privilèges légaux et souvent de faveurs excessives) se taisent et se terrent, lorsque l’averse des critiques de l’opposition ou les rouspétances sonores de l’opinion accablent et acculent le gouvernement qui est justement la machine à distribuer les honneurs et…les honoraires.
En un mot : on sert un régime avec ardeur ou on le quitte avec grandeur. Toute autre attitude, notamment muette et amorphe, (du ministre comme du militant) transforme la mission exaltante en un méchoui succulent. Le Président Senghor avait ses janissaires toujours jetés dans l’âpre bataille pour la conquête de l’opinion publique. Le senghorisme triomphant avait ses gardes-chiourmes toujours gonflés à bloc : Bara Diouf, Djibo Ka, Mocktar Kébé, l’ambassadeur Seyni Mbengue, Abdou Salam Kane alias ASAK etc.
Et quand les commandos (socialistes) de la plume et du micro s’essoufflaient, les artilleurs de la trempe d’Habib Thiam, de feu Daouda Sow, de Jacques Baudin (tous présents dans la rédaction de la revue « Ethiopiques » et dans celle du journal « L’Unité Africaine ») prenaient le relais, en entrant vigoureusement dans la mêlée. On a encore, frais dans la mémoire, le souvenir des tirs bien ajustés et très dévastateurs du grand latiniste Kader Fall contre le cinéaste Ousmane Sembène et le chercheur Cheikh Anta Diop. Deux adversaires farouches de Léopold Sédar Senghor.
L’arrivée au pouvoir du Président Diouf, en 1981, a rajeuni l’équipe des débatteurs du Parti socialiste, avec la montée au front (médiatique) de jeunes voltigeurs, non moins pugnaces dans le débat, à l’image de Cheikh Tidiane Dièye, Abdoulaye Elimane Kane, Max Magamou Mbaye et Mouhamadou M. Dia. De son côté le quotidien national « Le Soleil » – organe officiellement non partisan, mais nourri budgétairement au biberon de l’Etat socialiste – jouait sa partition, avec des Directeurs Généraux triés sur le volet ; parce que capables de signer des éditoriaux au vitriol contre l’opposition. Et, bien entendu, de présenter la politique gouvernementale sous un jour trop favorable. Tâche redoutable durant cette période marquée par l’éprouvant Programme d’Ajustement Structurel (PAS). Après le monumental Bara Diouf, Alioune Dramé et ses successeurs s’y attelèrent avec ferveur, jusqu’en 2000, année de la première alternance démocratique.
Mais le débat public – pratique consubstantielle à la gouvernance démocratique – reste un exercice politiquement payant et… périlleux. Notamment dans les jeunes démocraties où la passion supplante la pertinence. Et ouvre la porte à l’excès. D’où un grand besoin de cadrage éthique et méthodique, singulièrement dans les rangs de la majorité où évoluent Ahmed Suzanne Kamara et ses émules. Initiatrice et marraine des débatteurs pour le gouvernement (DPG), Mme Aminata Touré doit donc veiller à ce que les défenseurs patentés du gouvernement (DPG) ne se transforment en Détachement des Panthères (du micro) au service du Gouvernement (DPG).
Le mauvais souvenir des articles de feu et de fiel du journal « Il est midi » – cofinancé par Wade et Macky – est toujours vivace. Dire ou rappeler que le père de tel opposant était un palefrenier, ce n’est pas débattre. C’est plutôt dérailler. Or, l’injure ne reflète pas la vitalité intellectuelle. Bien au contraire. Elle symbolise l’indigence voire le degré zéro de la pensée. Pour conjurer les dérapages et privilégier les arguments sains et sérieux, il n’existe pas de meilleure référence que le bréviaire de Jules Romains : « Les grands hommes discutent des principes ; les moyens discutent des idées ; et les médiocres discutent des personnes ». C’est le meilleur antidote aux attaques crypto-personnelles et à toutes les formes d’offense potentielle au chef de l’Etat.
L’autre écueil – susceptible de limiter puis de laminer le débat public et démocratique – se situe dans le segment politico-religieux de l’échiquier. En effet, deux ou trois marabouts – citoyens à part entière et non entièrement à part – ont fait irruption dans l’arène, à la tête de leurs partis. Mieux, le corps électoral leur a souverainement donné des députés. Jusque-là, tout est démocratiquement correct. Toutefois, la vigueur caractéristique d’un débat contradictoire pourrait offusquer voire choquer certains talibés (fanatiques) incapables de supporter, sans broncher violemment, des objections et des contre-arguments qui taillent en pièces les professions de foi ou les thèses de leurs guides inévitablement coiffés d’un turban et d’une casquette : l’un religieux et l’autre politique.
C’est là une situation forcément grosse d’orage ; puisqu’il est impossible de naviguer dans une mer démontée (la politique en est une) sans être frappé par les vagues rugissantes. D’où la nécessité, pour les marabouts entrés en politique, de forger une pédagogie de la décrispation en direction de leurs talibés qui, eux aussi, sont des citoyens à part entière, vivant dans un pays démocratique où le choc des idées est constant. En guise d’exemple, si un marabout émaille ses propos télévisés de bribes de sourates ou de fragments de khassaïdes, il va sans dire que le Laser du lundi ne les passera pas au crible. Faute de compétence. En revanche, les réflexions radiodiffusées du même marabout sur les inondations récurrentes ou sur le processus de paix en Casamance, seront promptement disséquées dans et par le Laser.
Bienvenue aux débatteurs pour le gouvernement qui seront incessamment présents, probablement pertinents et éventuellement percutants sur les plateaux de télévisions et dans les studios de radios ! L’opposition en charge du ministère de la Parole (réalité universelle), le reliquat de la société civile – ses ténors sont désormais silencieux sous les lambris dorés – et les « sans chapelle » ou intellectuels indépendants assumeront, comme d’habitude, leurs responsabilités respectives dans les débats.
Cependant, les débats – utiles soient-ils – restent un volet de la communication gouvernementale qui, elle-même, cherche encore les axes de la performance. Preuve supplémentaire que la communication et ses multiples dérivés ou éléments constitutifs, n’ont pas intrinsèquement valeur de panacée. En usant d’une métaphore, disons au Premier ministre que la DIRPA ne gagne pas la guerre. Ce n’est point sa vocation. Ce sont les unités combattantes qui triomphent. Autrement dit, les débatteurs doivent être armés et imprégnés d’un bilan (somme de résultats socio-économiques) plus convaincant que leur fertile dialectique et leur belle rhétorique.
Les avocats ou débatteurs des différents gouvernements de Senghor avaient le loisir de communiquer autour du Ranch de Doli – gigantesque laboratoire à l‘origine de l’essor de notre élevage – créé en 1969. Ils avaient également la latitude d’indexer avec fierté, la « Société Nationale des Terres Neuves », en tant que trouvaille anti-exode rural. Sans parler de l’Ecole Nationale des Cadres Ruraux de Bambey qui a largement satisfait au grand besoin de cadres intermédiaires (des ingénieurs au-dessous des agronomes) dans l’agriculture du Sénégal nouvellement indépendant.
Evidemment, il serait illogique d’établir un parallèle entre les 20 ans de pouvoir de Senghor et les 20 mois de Macky Sall. Assurément, il serait insensé d’exiger de ce dernier (un Président n’est pas un roi-mage en Galilée) des miracles qui n’existent pas sur le chemin du développement. Toutefois, il sera manifestement difficile, pour les DPG du Premier ministre, de communiquer avec bonheur sur l’Acte III de la Décentralisation (grande réforme sur le papier) dont l’impact progressif sur la vie des Sénégalais s’étirera sur une ou deux décennies. Choix discutable au regard d’autres priorités. Plus ardu encore de débattre, avec aisance, sur les réalisations du gouvernement actuel, au moment où la SUNEOR met la clé sous le paillasson, sans aucune suite judiciaire. Bref, une offensive de charme (sans charmes) ne charme pas. Sans jeux de mots.
En vérité, la majorité – de facto dirigée au quotidien par Mme Aminata Touré – comble une lacune bêtement négligée, jusque-là. Sous tous les cieux démocratiques, les tenants du pouvoir et leurs alliés servent, à la fois, de boucliers et d’épées aux régimes établis. Car il est politiquement inadmissible que les membres de la Nomenklatura (bénéficiaires d’avantages prévus, de privilèges légaux et souvent de faveurs excessives) se taisent et se terrent, lorsque l’averse des critiques de l’opposition ou les rouspétances sonores de l’opinion accablent et acculent le gouvernement qui est justement la machine à distribuer les honneurs et…les honoraires.
En un mot : on sert un régime avec ardeur ou on le quitte avec grandeur. Toute autre attitude, notamment muette et amorphe, (du ministre comme du militant) transforme la mission exaltante en un méchoui succulent. Le Président Senghor avait ses janissaires toujours jetés dans l’âpre bataille pour la conquête de l’opinion publique. Le senghorisme triomphant avait ses gardes-chiourmes toujours gonflés à bloc : Bara Diouf, Djibo Ka, Mocktar Kébé, l’ambassadeur Seyni Mbengue, Abdou Salam Kane alias ASAK etc.
Et quand les commandos (socialistes) de la plume et du micro s’essoufflaient, les artilleurs de la trempe d’Habib Thiam, de feu Daouda Sow, de Jacques Baudin (tous présents dans la rédaction de la revue « Ethiopiques » et dans celle du journal « L’Unité Africaine ») prenaient le relais, en entrant vigoureusement dans la mêlée. On a encore, frais dans la mémoire, le souvenir des tirs bien ajustés et très dévastateurs du grand latiniste Kader Fall contre le cinéaste Ousmane Sembène et le chercheur Cheikh Anta Diop. Deux adversaires farouches de Léopold Sédar Senghor.
L’arrivée au pouvoir du Président Diouf, en 1981, a rajeuni l’équipe des débatteurs du Parti socialiste, avec la montée au front (médiatique) de jeunes voltigeurs, non moins pugnaces dans le débat, à l’image de Cheikh Tidiane Dièye, Abdoulaye Elimane Kane, Max Magamou Mbaye et Mouhamadou M. Dia. De son côté le quotidien national « Le Soleil » – organe officiellement non partisan, mais nourri budgétairement au biberon de l’Etat socialiste – jouait sa partition, avec des Directeurs Généraux triés sur le volet ; parce que capables de signer des éditoriaux au vitriol contre l’opposition. Et, bien entendu, de présenter la politique gouvernementale sous un jour trop favorable. Tâche redoutable durant cette période marquée par l’éprouvant Programme d’Ajustement Structurel (PAS). Après le monumental Bara Diouf, Alioune Dramé et ses successeurs s’y attelèrent avec ferveur, jusqu’en 2000, année de la première alternance démocratique.
Mais le débat public – pratique consubstantielle à la gouvernance démocratique – reste un exercice politiquement payant et… périlleux. Notamment dans les jeunes démocraties où la passion supplante la pertinence. Et ouvre la porte à l’excès. D’où un grand besoin de cadrage éthique et méthodique, singulièrement dans les rangs de la majorité où évoluent Ahmed Suzanne Kamara et ses émules. Initiatrice et marraine des débatteurs pour le gouvernement (DPG), Mme Aminata Touré doit donc veiller à ce que les défenseurs patentés du gouvernement (DPG) ne se transforment en Détachement des Panthères (du micro) au service du Gouvernement (DPG).
Le mauvais souvenir des articles de feu et de fiel du journal « Il est midi » – cofinancé par Wade et Macky – est toujours vivace. Dire ou rappeler que le père de tel opposant était un palefrenier, ce n’est pas débattre. C’est plutôt dérailler. Or, l’injure ne reflète pas la vitalité intellectuelle. Bien au contraire. Elle symbolise l’indigence voire le degré zéro de la pensée. Pour conjurer les dérapages et privilégier les arguments sains et sérieux, il n’existe pas de meilleure référence que le bréviaire de Jules Romains : « Les grands hommes discutent des principes ; les moyens discutent des idées ; et les médiocres discutent des personnes ». C’est le meilleur antidote aux attaques crypto-personnelles et à toutes les formes d’offense potentielle au chef de l’Etat.
L’autre écueil – susceptible de limiter puis de laminer le débat public et démocratique – se situe dans le segment politico-religieux de l’échiquier. En effet, deux ou trois marabouts – citoyens à part entière et non entièrement à part – ont fait irruption dans l’arène, à la tête de leurs partis. Mieux, le corps électoral leur a souverainement donné des députés. Jusque-là, tout est démocratiquement correct. Toutefois, la vigueur caractéristique d’un débat contradictoire pourrait offusquer voire choquer certains talibés (fanatiques) incapables de supporter, sans broncher violemment, des objections et des contre-arguments qui taillent en pièces les professions de foi ou les thèses de leurs guides inévitablement coiffés d’un turban et d’une casquette : l’un religieux et l’autre politique.
C’est là une situation forcément grosse d’orage ; puisqu’il est impossible de naviguer dans une mer démontée (la politique en est une) sans être frappé par les vagues rugissantes. D’où la nécessité, pour les marabouts entrés en politique, de forger une pédagogie de la décrispation en direction de leurs talibés qui, eux aussi, sont des citoyens à part entière, vivant dans un pays démocratique où le choc des idées est constant. En guise d’exemple, si un marabout émaille ses propos télévisés de bribes de sourates ou de fragments de khassaïdes, il va sans dire que le Laser du lundi ne les passera pas au crible. Faute de compétence. En revanche, les réflexions radiodiffusées du même marabout sur les inondations récurrentes ou sur le processus de paix en Casamance, seront promptement disséquées dans et par le Laser.
Bienvenue aux débatteurs pour le gouvernement qui seront incessamment présents, probablement pertinents et éventuellement percutants sur les plateaux de télévisions et dans les studios de radios ! L’opposition en charge du ministère de la Parole (réalité universelle), le reliquat de la société civile – ses ténors sont désormais silencieux sous les lambris dorés – et les « sans chapelle » ou intellectuels indépendants assumeront, comme d’habitude, leurs responsabilités respectives dans les débats.
Cependant, les débats – utiles soient-ils – restent un volet de la communication gouvernementale qui, elle-même, cherche encore les axes de la performance. Preuve supplémentaire que la communication et ses multiples dérivés ou éléments constitutifs, n’ont pas intrinsèquement valeur de panacée. En usant d’une métaphore, disons au Premier ministre que la DIRPA ne gagne pas la guerre. Ce n’est point sa vocation. Ce sont les unités combattantes qui triomphent. Autrement dit, les débatteurs doivent être armés et imprégnés d’un bilan (somme de résultats socio-économiques) plus convaincant que leur fertile dialectique et leur belle rhétorique.
Les avocats ou débatteurs des différents gouvernements de Senghor avaient le loisir de communiquer autour du Ranch de Doli – gigantesque laboratoire à l‘origine de l’essor de notre élevage – créé en 1969. Ils avaient également la latitude d’indexer avec fierté, la « Société Nationale des Terres Neuves », en tant que trouvaille anti-exode rural. Sans parler de l’Ecole Nationale des Cadres Ruraux de Bambey qui a largement satisfait au grand besoin de cadres intermédiaires (des ingénieurs au-dessous des agronomes) dans l’agriculture du Sénégal nouvellement indépendant.
Evidemment, il serait illogique d’établir un parallèle entre les 20 ans de pouvoir de Senghor et les 20 mois de Macky Sall. Assurément, il serait insensé d’exiger de ce dernier (un Président n’est pas un roi-mage en Galilée) des miracles qui n’existent pas sur le chemin du développement. Toutefois, il sera manifestement difficile, pour les DPG du Premier ministre, de communiquer avec bonheur sur l’Acte III de la Décentralisation (grande réforme sur le papier) dont l’impact progressif sur la vie des Sénégalais s’étirera sur une ou deux décennies. Choix discutable au regard d’autres priorités. Plus ardu encore de débattre, avec aisance, sur les réalisations du gouvernement actuel, au moment où la SUNEOR met la clé sous le paillasson, sans aucune suite judiciaire. Bref, une offensive de charme (sans charmes) ne charme pas. Sans jeux de mots.
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