Gambie : les inconséquences d’une chute inopinée ( Par Moustapha Mbaye)

Ce petit pays enfourné à l’intérieur du Sénégal, géographiquement insignifiant doit sa notoriété à son président mégalomane, connu pour ses coups portés à la liberté d’opinion, à la démocratie et à ses frasques ahurissantes. Après 22 ans de règne sans partage, Yahya Jammeh s’arc-boute au pouvoir et enclenche un bras de fer avec la communauté internationale : faire un revirement à 180 degrés après avoir félicité le Président élu Adama Barrow.


Encore un chef d’Etat qui écorne l’image de l’Afrique à l’étranger. Il a toujours été un président atypique qui dicte ses lois au peuple gambien, bâillonné par le régime dictatorial. Sa dictature repose sur la « jammehphobie » aucun citoyen n’ose parler de l’homme si ce n’est pas pour l’encenser parce qu’ils ont vu des compatriotes payer de leur sang pour avoir donné leurs opinions. Même son unique voisin, le Sénégal n’a pas été à l’abri des sorties maladroites de ce dictateur. De Wade à Macky, la relation entre les deux pays n’a jamais été au beau fixe.
L’élection des surprises…
Presque tout le monde croyait que Jammah va passer le doigt dans le nez, après avoir écarté tous ses rivales pouvant l’emmener au ballotage. L’homme de Kanilai était aveuglé par son
excès de confiance. Lorsque le responsable de la Commission électorale indépendante, Alieu Momarr Njai, annonçait que Jammeh a reconnu sa défaite, la surprise était le sentiment le mieux partagé chez les observateurs. Mais pour en avoir le cœur net, il fallait que le président sortant s’exprime publiquement, ce qu’il a fait: surprise! Une semaine plus tard, il revient au devant de la scène pour contester les résultats : Surprise ! Un fait inédit dans l’histoire des dictateurs. Ils nous avaient habitués à rejeter le verdict des urnes mais pas à faire une volte face.
Gambie, une armée ethnicisée
« C’est Yahya Jammeh qui me paye. Je fais ce qu’il me dit », déclare Ousmane Badji, le chef d’Etat Major de l’Armée qui avait décidé de se ranger derrière le président élu Adama Barrow. Les Djolas occupent tous les postes stratégiques de l’armée et pourtant, cette ethnie ne représente que 4% de la population gambienne. En plus des jeunes recrutés dans le maquis casamançais il y a  d’autres faire-valoir endoctrinés par le Président. Ce qui fait dire qu’en réalité, la Gambie a une milice militaire parce que toute armée républicaine fonctionne dans le respect des valeurs démocratiques. Par ailleurs, Barrow a été un Président sans pouvoir, ni sécurité. Il va s’en dire que le premier chantier du Président élu est la refonte de l’armée sans laquelle, la démocratie gambienne ne sera qu’unijambiste.
Une communication euphorique
A y regardez de près, on peut dire sans trop se tromper que le camp de Barrow ne s’était pas préparé à la magistrature suprême. La communication décousue et maladroite du président élu a sans nul doute influé sur le revirement de Jammeh. Ce dernier avait appelé Barrow pour le féliciter ce qui est un gage de stabilité non négligeable. Dans une pareille situation, le président Barrow devait être pondéré et prudent dans ses déclarations. En outre, il a trop fait dans la prospection avec des allégations parfois menaçantes envers l’ex chef d’Etat. Ces écarts constatés peuvent être tolérés dans la mesure où rien n’est encore structuré mais c’est un signal qu’il doit décortiquer en vue de savoir que le terrain de la communication est glissant.
Apres Jammeh…
Moultes questions sont posées sur les lendemains de la Gambie. Est-ce qu’ Adama Barrow n’est pas un président par défaut ? Est-il est en mesure de cerner l’opposition gambienne ? Est-ce que toute l’armée obtempérera ? Tiendra t-il sa promesse d’organiser une élection au bout de trois ans ? Force est de constater qu’un travail titanesque attend ce nouveau président élu, le peuple gambien se sent affranchi et veut humer l’air de la démocratie. Toutefois, il doit savoir qu’une démocratie mature est le produit d’un long processus qui a besoin du temps pour prendre forme.
Somme toute, la Gambie est dans l’œil du cyclone. Un peuple tétanisé par l’envahissement des hommes de Jammeh et la peur d’une intervention militaire. Ce faisant, le laxisme de ces populations sidère. Certes, le Président Yahyah jammeh est « puissant » mais « L’esclave qui n’est pas capable d’assumer sa révolte ne mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort. Cet esclave répondra seul de son malheur s’il se fait des illusions sur la condescendance suspecte d’un maître qui prétend l’affranchir. Seule la lutte libère… » dixit Thomas Sankata.
Moustapha Mbaye
Mardi 20 Décembre 2016




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