Chroniques d’injustice, Jour 3 et 4 : Avocats d’office ou auxiliaires d’injustice


Chroniques d’injustice, Jour 3 et 4 : Avocats d’office ou auxiliaires d’injustice
Je suis médusé, pas mort de rire, médusé, ce matin. L’un des avocats d’office se lève et indique à la Cour avant d’interroger Alingui, conseiller du Président Deby, que s’il y a des questions qui peuvent embarrasser le témoin de part son statut, il est disposé à les retirer !!

Avocat d’office ou auxiliaire d’injustice, preuve s’il en fallait encore du deal qui unit tout ce petit monde, protéger Déby, financier des CAE, plusieurs fois convoqués par les juges, toujours absent et aujourd’hui visé par une plainte…..pourquoi tuer la poule aux œufs d’or ?

Alingui, vieux crocodile de la politique tchadienne, qui décline son ethnie avant son domicile, est sans doute encore dans les sphères d’un pouvoir, vieux de 25 ans de crimes, pour mieux reconstruire la nation tchadienne ?? Ben voyons !

Je me réveille encore. L’un des juges, celui qui avant-hier avait remercié l’expert en trucage d’histoire, interpelle le témoin à charge sur un témoignage émaillé de « considérations générales »…..Mais n’est ce pas Monsieur le Juge l’œuvre de l’agenda de l’accusation que la Cour a en définitive validé qui vous oriente vers ce constat.

Situer le contexte, refaire l’histoire, la tronquer, mieux cadrer une condamnation avant de s’aventurer sur des faits pour mieux suppléer une absence d’enquête et d’investigations…..

La Cour va-t-elle se transporter sur les lieux, comme le ferait n’importe quelle Cour d’assises, pour vérifier les faits afin d’entendre ceux que Déby cache ou tous ceux qui ont peur de parler en faveur du Président Habré…..mais apparemment les CAE ne sont pas en situation d’assurer la protection des enquêteurs de personnalité…..Un budget complémentaire demandé à Deby pour enquêter sur ses responsabilités au Tchad ? Why not ?

Relisez Monsieur Kam, l’article 265 du CPP sénégalais : « le président, si l’instruction lui semble incomplète…..peut ordonner tous actes d’information qu’il estime utiles…… ».

Amnesty, entre droits de l’homme et manipulations ou comment défendre les droits de l’homme, sauf ceux de l’accusé, en devenant un témoin à charge

Une chose est sûre, ce témoin de l’accusation n’a reçu que des informations, non vérifiées sur le terrain pendant les années Habré et n’a pu entendre certains des plaignants qu’une fois Déby au pouvoir…il reconnaît d’ailleurs que certaines informations ont pu se révéler inexactes….le témoin parle au conditionnel et cela lui sera d’ailleurs rappelé par l’accusation qui semble insatisfaite de ces approximations……

Ce lundi, le représentant Amnesty ajoute quelques précisions à son témoignage, citant notamment des pages de l’ordonnance de renvoi……

Ah ça ! Mais qui vous a communiqué l’ordonnance de renvoi ? Est-ce Reed Brody ? Non direz vous, elle est sur le site des CAE……Avez-vous rencontré les avocats des parties civiles ? Comment avez-vous préparé cette présentation vous qui n’avez pas été entendu par les CAE et qui avait quitté Amnesty il y a plus de 20 ans ?? Vous qui apparemment errez dans Dakar depuis quelques temps, suffisamment en tout cas pour avoir accès aux pièces du dossier comme vous finirez par le reconnaître, PV, auditions, et suffisamment pour établir un rapport courant août, septembre 2015 et revoir votre vieil ami Abakar le Président de la Commission Déby chargé d’enquêter sur les crimes du Président Habré et par sur les siens, et que vous avez heureusement conseillé…..

Docteur Amnesty or Mr MIKE ?

Mais voilà que votre témoignage auréolé du capuchon d’Amnesty vendredi dernier se transforme en audition d’un simple consultant qui a dressé son propre rapport et qui est revenu dans l’affaire à la demande de Reed Brody !! Consultant gratuit ? Les questions de l’avocat d’office sur vos relations avec Brody s’achèvent bien vite…nos auxiliaires d’injustice feront-ils citer comme témoin notre petit procurateur qui s’agite dans l’ombre et contrôle le déroulé de la condamnation à venir… 

Avant hier vous nous parliez d’autres exactions commises sous Mobutu ; c’est étrange…où étaient les français, Reed Brody et Kadhafi quand Mobutu torturait comme vous dites? Comment n’avaient-il pas pensé aux CAE à cette époque où il se promenait tranquillement sur la Côte d’Azur ? Une françafrique qui choisit ses « victimes » et ses accusés ? Cela ne vous dérange pas

Khadafi, Deby, les codos, ah ! ces mots M….le représentant des droits de l’homme, si difficiles à prononcer tellement on vous a bien « préparé » dans votre audition….c’est curieux, sur la banque de Gaza, ce sont les israéliens qui commettent des crimes de guerre et le Hamas ; au Tchad, une seule partie au conflit….Quand vous parlez de cet évènement qui est devenu au fil des audiences comme l’évènement majeur reproché au Président Habré, Septembre noir, vous avouez que c’est un des seuls cas où Amnesty a pu établir les responsabilités personnelles de 2 chefs militaires ? Mais silence, pas de nom….surtout pas Déby !!! Qu’il fut difficile ce moment où après 2 jours d’audition, vous avez finir par relire un rapport d’octobre 84 d’Amnesty visant directement Deby, mais que le consultant que vous êtes avait oublié de citer ?? C’était pas dans le contrat ?

Amnesty, vous-mêmes, couvrez vous les crimes de Khadafi ? de Déby ? des codos ? Demandez à Brody s’il a signé une tribune dans le New York Times indiquant que le Président américain ne pouvait ignorer l’usage d’enlèvements, de tortures par la CIA ?

Combien de messages urgents Amnesty a-t-elle adressé à Khadafi, Goukouni, Déby en relation avec les tortures, massacres, viols commis contre les partisans militaires ou civils du Président Habré ? Et vous n’en avez retrouvé aucun dans les archives de la DDS ? N’est ce pas étrange ? Faux dossiers de la DDS, dossiers truqués par Deby ?

Ce matin, en vous écoutant, je relis la jurisprudence rendu par la CPI dans l’affaire Gbagbo qui indiquait au procureur que l’on ne peut pas se contenter de coupures de presse et de rapports d’ONG…..

Mr Mike bosse pour Deby 

Ainsi donc, contrairement à ce que suggère le Parquet, vous n’avez pas eu accès au dossier, au terrain pendant toutes les années Habré, mais aujourd’hui vous choisissez votre camp !! Vous indiquez même que vous n’avez pas souhaité à partir de 1991 approfondir vos constatations puisque la Commission d’enquête nommée par Deby était en charge de vérifier les violations des droits d’homme ??

Alors là ! Vous n’avez pas relu vos propres rapports…avant de venir.

Le rapport de la Commission d’enquête tchadienne a pourtant été largement contesté par ceux là même qui l’invoque aujourd’hui devant les Chambres Africaines ( !!), Procureur et ONG…..

Amnesty international soulignait ainsi : « En avril 1996, lors de sa visite au Tchad, Amnesty International a soulevé la question de la non-traduction dans les faits du rapport de la Commission d'enquête avec les autorités gouvernementales et a également demandé aux autorités si des enquêtes allaient être menées quant aux violations commises depuis l'arrivée au pouvoir du général Déby. Un des ministres rencontrés par la délégation d'Amnesty International a répondu que le rapport de la Commission d'enquête était très contesté au sein du gouvernement et que si des sanctions devaient être prises, ce serait tout le Tchad qui devrait être jugé. » (Amnesty International : Document-Chad : The Habré Legacy). Mais vous ce qui vous intéresse n’est pas tout le Tchad, puisque l’accusation vous invite a chargé le Président Habré..

Violation des droits civils et politiques ou crimes ?

En définitive, vous finirez par indiquer devant l’assistance médusée que votre enquête ne pouvait être dirigée sur d’autres parties au conflit parce que le mandat d’Amnesty ne concernait que les prisonniers politiques ! Mais pourtant, comme consultant, cela ne vous empêchera pas de qualifier, sur questions des avocats des parties civiles, ces violations de crimes massifs….les exactions commises par d’autres parties ne vous intéressent pas mais vous venez vous aujourd’hui valider les qualifications juridiques de l’accusation sur la base d’informations non vérifiées avant vos rencontres avec le Président Déby après son arrivée au pouvoir et votre généreuse assistance à la Commission Abakar.

Vous n’avez pas d’informations sur la chaîne de commandement, (malgré les suppliques des avocats des parties civiles), sur des responsabilités directes du Président Habré, aucune preuve, que des probabilités, de propos tenus au conditionnel……Tout est possible, tout n’est pas probable….mais vous balancerez à mi voix que c’était votre impression car on vous a dit que ceux qu’on a extrait de prison la nuit pour les conduire à la Présidence n’en sont pas revenus…c'est-à-dire ? Eh bien oui ils ont disparu ! Pour moi c’était clair ajouterez vous ! Super Mike ! Pourtant vous indiquerez « en passant »  que vous reconnaissez que certains agents de la DDS ont pu agir par intérêt personnel !

Liaisons dangereuses, enquêtes téléguidées

Ainsi donc, vous avez rencontré Idriss Déby dès 1991, vous avez travaillé avec le Président de la Commission d’enquête chargé de dresser un rapport à charge contre le Président Habré, vous l’avez orienté vers un médecin français, en relation avec les autorités françaises et qui travaillait déjà ses rapports avec des opposants tchadiens, mais vous souhaitez confirmer des milliers de disparitions devant les Juges alors que vos entretiens après la chute du régime du Président Habré seront très limités, come vous l’avez reconnu, et ce puisque la Commission Abakar était chargé de faire le boulot !

Escroquerie judiciaire

De fait, tous nos témoins à charge ont une feuille de route simple qui repose sur un postulat, celui de la nature répressive du régime qu’il convient de meubler comme on peut à défaut d’enquêtes approfondies ; le Tchad n’est pas en conflit, il n’y a pas de guerre, aucun massacre d’une partie envers une autre ; le Tchad n’est qu’une oasis de paix livré à un homme qui voulait massacrer son peuple !! Responsabilité collective ! Plus besoin d’examiner les faits, ni d’entendre leurs auteurs ? Monsieur Kam va -t-il ordonner que la Cour se rende au Tchad pour entendre tous ces témoins exfiltrés en 45 jours par le Parquet et les autorités tchadiennes ?

Avant que le rideau ne se ferme, on apprend que non seulement Déby est impliqué jusqu’au cou dans l’affaire de Septembre noir ; la lecture du rapport d’Amnesty a l’air si pénible pour Mbacke Fall ; mais plus encore, on apprend que le Président Habré a sanctionné sévèrement en 2005 les auteurs de violences graves commis dans le Sud ; c’est curieux, c’était pas dans l’ordonnance de renvoi ? Un oubli Monsieur Kam ?         
 
Guerre propre ou sale Justice ?

Il n’y a pas de guerre propre a-t-on dit aujourd’hui ? Et la justice que vous présidez, Monsieur Kam, c’est propre ?

ME FRANCOIS SERRES
AVOCAT DU PRESIDENT HABRE


Mardi 15 Septembre 2015




Dans la même rubrique :