onze ans d'alternance: le voeu désavoué


onze ans d'alternance: le voeu désavoué
Onze ans d’alternance : Le vœu désavoué !
Le 19 Mars 2000, le Sénégal marque un tournant décisif dans son évolution historique et politique en consacrant sa première alternance au sommet de l’Etat ; le Président Abdou Diouf et son Parti socialiste, au pouvoir depuis quarante ans, sont déroutés de la magistrature suprême au profit d’Abdoulaye Wade et son Parti Démocratique Sénégalais. Conscient de sa déroute portée particulièrement par une jeunesse dissidente et résolument déterminée, le président Diouf reconnait sa défaite au lendemain des élections en adressant ses félicitations à son adversaire, Maître Abdoulaye Wade, son opposant de « tous les temps ». Le baobab venait ainsi d’être déraciné, pour paraphraser Momar-Coumba Diop et al. , dans un contexte particulièrement hostile marqué par une exacerbation de la demande sociale qui aurait précipité l’effondrement du régime patiemment mis en place par Léopold Sédar Senghor et entretenu par Abdou Diouf. Le « contrat social sénégalais » , dans sa taciturnité complice comme dans ses manifestations les plus audacieuses, est ainsi brisé coupant le cordon ombilical qui a lié, pendant quarante ans, le régime socialiste et le peuple Sénégalais.
Ainsi, Abdoulaye Wade accède au pouvoir à la faveur d’un programme incitatif, stimulant et mobilisateur, destiné, à terme, à libérer le peuple, singulièrement la jeunesse et les femmes, des entrailles d’un régime agonisant qui n’a fait que trop étalé son impuissance devant les affres de la société sénégalaise (augmentation des denrées de premières nécessités, suppression d’emplois, coupures d’électricité, crise scolaire et universitaire…).
Aujourd’hui, après onze ans d’exercice du pouvoir par le régime libéral, on est en droit de porter un regard détaché de toute considération partisane sur le rétroviseur afin d’entamer l’avenir avec plus d’assurance, de lucidité et d’intelligence. Que retenir ?
Certes, des réalisations grandioses dans divers secteurs d’activité, particulièrement dans les infrastructures et l’éducation. Dakar brille et offre une charpente infrastructurelle inédite que le Président Senghor peinerait à reconnaître dans ses rêves les plus ensevelis.
Sur l’éducation, le Gouvernement a construit 11754 salles de classes, 225 cases des tout-petits, 62 nouveaux lycées, plus de 400 nouveaux collèges modernes, 2 lycées d’enseignement techniques et 3 nouvelles universités.
Mais la formation qui est déjà un coût très élevé n’est pas une fin en soi. Elle est plutôt un tremplin qui, soutenue par une bonne santé physique, mène vers un épanouissement social certain ; lequel ne pourra se réaliser sans un minimum de revenus.
Malheureusement, le chômage endémique et la précarité de l’emploi ont vite précipité le délitement social et explosé la grogne populaire. Le taux de chômage a presque doublé ces dernières années et des mesures d’accompagnement fiables peinent à émerger. Les jeunes diplômés ainsi que les marchants ambulants et autres « gorgorlou » vivent des ténèbres labyrinthiques sans espoir réel, ni même espérance délirante. Au même moment, des « incompétences » qui n’ont que le mérite d’être cajoleurs du régime sont promus avec fulgurance, arrogance et dédain au mépris d’un peuple profondément estropié, meurtri sans vergogne et vigoureusement dilapidé. A cela s’ajoute les extravagances inexplicables de l’électricité qui ont pour noms coupure et cherté des factures. De même, le niveau de vie a atteint des proportions intenables avec la flambée des prix des denrées de première nécessité ainsi que du prix moyen du loyer. Le citoyen lambda suffoque, complètement oppressé par la raideur d’une vie coriace au goût amer et exaspérant.
C’est dans cet état d’irritation que le peuple a décidé, en masse et de façon spontanée, d’exprimer sa colère dans la rue. Le projet de loi instituant un ticket présidentiel n’a donc été que la goute d’huile de trop qui a ravivé le feu déjà suffisamment attisé. La révolte populaire n’avait d’égale que la volonté du peuple d’en finir avec un régime qui n’a pas encore fini de le sucer dans sa chaire. L’engouement populaire de 2000 change d’écran et le sopi devient invariablement sapi. La sentence est dure à avaler mais se résume en deux mots : « Wade dégage ».
Nous situant en marge des débats de légalité constitutionnelle de la candidature de Me Abdoulaye WADE aux élections présidentielles de 2012 (les spécialistes se prononceront à date échue), nous pensons toutefois que la légitimité sociale de celle-ci est sujette à caution. En effet, désavoué par une population fidèle à ses exigences de résultats, WADE ne doit pas faillir à l’appel lancé par celle-ci qui exprime son ras-le-bol dans ce slogan devenu populaire : « Y’en a marre ».
Abdou Ndiaye
Doctorant en sociologie et diplômé en sciences politiques
Mardi 5 Juillet 2011
Abdou NDIAYE




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