Me El Hadj Diouf, avocat de l’Etat dans l’affaire l’opposant à Karim Wade poursuivi pour biens mal acquis a dénié le droit aux Madické Niang, Amadou Sall et autre Souleymane Ndéné Ndiaye de plaider pour karim Wade contre l’Etat.
Pour justifier son exception, il a brandi un texte régissant la profession d’avocat. Qu’en est-il vraiment ? Un Ministre ayant récemment quitté ses fonctions peut-il plaider contre l’Etat pour le compte duquel il agissait il y a peu ?
Aux termes de l’article 11 de la loi relative à l’ordre des avocats du Sénégal : « Les avocats, anciens fonctionnaires ou agents quelconques de l’Etat ou d’une collectivité publique ou territoriale décentralisée, ne peuvent accomplir contre ou pour l’Etat, les administrations relevant de l’Etat et les collectivités publiques ou territoriales décentralisées aucun acte de la profession pendant un délai de trois ans à dater de la cessation légale et effective de leurs fonctions.»
Notez que ce texte très précis ne vise ici que les anciens fonctionnaires et agents quelconques de l'Etat et de ses démembrements.
La question qui mérite d’être posée ici est de savoir si un Ministre peut rentrer dans la définition d’un "agent quelconque de l’Etat".
Un Etat au sens large, faut-il le rappeler, fonctionne avec 3 pouvoirs : le pouvoir judiciaire, le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif.
Un ministre est un membre du gouvernement, en charge d'un domaine de compétence (un portefeuille), qui dirige un ministère ou un département ministériel constitué d'administrations et de services publics.
Un Ministre n’est ni membre du législatif ni membre du judiciaire. Il est un agent du pouvoir exécutif.
Le pouvoir exécutif se confond avec l’administration publique. Un Ministre membre du pouvoir exécutif est donc forcément membre de l’administration, du Département Ministériel qu’il dirige. Un Ministre est donc un agent de l’Etat au premier chef. C’est une possible interprétation du texte.
Mais au-delà de la juste interprétation du texte que nous laissons le soin au bâtonnier de l’ordre des avocats du Sénégal de faire (nous espérons à bon escient) ou au juge saisi de l’exception soulevé par Me El Hadj Diouf (il existe d'ailleurs un précédent jurisprudentiel bien connu de Ndené Ndiaye puisque l'agent judiciaire de l'Etat a déjà obtenu d'un Tribunal la récusation de l'ancien 1er Ministre par application de l'article 11 précité), il se pose un problème déontologique à permettre à un ex ministre, bien au fait de beaucoup d’informations et de secrets touchant à la chose publique et au fonctionnement de l’Etat, employé et payé par ce même Etat, de pouvoir se retourner contre l’administration étatique dans le cadre de procès publiques ou privés.
Un Ministre ou un agent de l’Etat en fonction ne peut en aucun cas plaider contre son Etat « employeur ». Cela s’apparenterait à ce qu’on appelle un conflit d’intérêt. Selon une définition communément admise, « un conflit d’intérêts naît d’une situation dans laquelle une personne employée par un organisme public ou privé possède, à titre privé, des intérêts qui pourraient influer ou paraître influer sur la manière dont elle s’acquitte de ses fonctions et des responsabilités qui lui ont été confiées par cet organisme ».
Il est normal et fréquent que cette interdiction court un temps après la fin des fonctions des personnes concernées (ici 3 ans).
Un Ministre, qu’il ait pu être considéré comme un agent de l’Etat ou pas, ne devrait pas pouvoir profiter de la position ou des informations récentes dont il a pu disposer au sein de l’appareil étatique pour les utiliser contre les intérêts de cet Etat qu’il était supposé servir il y a peu. C’est une logique d’interdiction et d’incompatibilité qui se retrouve dans plusieurs secteurs de la vie publique et privée sous la forme le plus souvent d'obligation de non concurrence.
En France, plusieurs Ministres et même des députés (qui ne sont pas agents de l’Etat) se refusent à plaider contre l’Etat et ses démembrements. Jean-François Copé, devenu avocat, dans un article du Monde (1) déclarait « refuser les dossiers dans lesquels il serait amené à se retrouver contre l'Etat, et ne s'occupe pas de problèmes fiscaux. En tant qu'ancien ministre délégué au budget, cela ferait désordre.
Par contre Me El Hadj Diouf, avocat parlementaire, peut très bien plaider pour le compte de l’Etat. En France (donc au Sénégal puisque c’est un copié collé des règles) hormis quelques restrictions comme l'interdiction de plaider contre l'État, le cumul de l'activité de parlementaire et d'avocat est pleinement licite.
D'ailleurs au Sénégal, le même article 11 renvoie pour l'avocat parlementaire en fonction (El Hadj Diouf) au Règlement intérieur de l'assemblée nationale le soin de fixer les incompatibilités. Or comme en France, le règlement intérieur de l'assemblée n'interdit que la plaidoirie contre l'Etat. Il n'y a aucune interdiction de plaider pour l'Etat. Or en droit il ne faut pas distinguer là où la loi ne distingue pas.
Au demeurant, au delà de ces questions de procédures, aucun avocat ne devrait pouvoir convaincre des juges de l'innocence d'un Karim Wade qui est rentré au Sénégal pauvre, incapable d'aider son père candidat fauché à la Présidentielle de 2000, et qui en est sorti multi milliardaire ...
Passons au fond i.e. aux choses sérieuses.
IBRAHIMA NDIAYE
Mouvement pour le Socialisme et la République
Pour justifier son exception, il a brandi un texte régissant la profession d’avocat. Qu’en est-il vraiment ? Un Ministre ayant récemment quitté ses fonctions peut-il plaider contre l’Etat pour le compte duquel il agissait il y a peu ?
Aux termes de l’article 11 de la loi relative à l’ordre des avocats du Sénégal : « Les avocats, anciens fonctionnaires ou agents quelconques de l’Etat ou d’une collectivité publique ou territoriale décentralisée, ne peuvent accomplir contre ou pour l’Etat, les administrations relevant de l’Etat et les collectivités publiques ou territoriales décentralisées aucun acte de la profession pendant un délai de trois ans à dater de la cessation légale et effective de leurs fonctions.»
Notez que ce texte très précis ne vise ici que les anciens fonctionnaires et agents quelconques de l'Etat et de ses démembrements.
La question qui mérite d’être posée ici est de savoir si un Ministre peut rentrer dans la définition d’un "agent quelconque de l’Etat".
Un Etat au sens large, faut-il le rappeler, fonctionne avec 3 pouvoirs : le pouvoir judiciaire, le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif.
Un ministre est un membre du gouvernement, en charge d'un domaine de compétence (un portefeuille), qui dirige un ministère ou un département ministériel constitué d'administrations et de services publics.
Un Ministre n’est ni membre du législatif ni membre du judiciaire. Il est un agent du pouvoir exécutif.
Le pouvoir exécutif se confond avec l’administration publique. Un Ministre membre du pouvoir exécutif est donc forcément membre de l’administration, du Département Ministériel qu’il dirige. Un Ministre est donc un agent de l’Etat au premier chef. C’est une possible interprétation du texte.
Mais au-delà de la juste interprétation du texte que nous laissons le soin au bâtonnier de l’ordre des avocats du Sénégal de faire (nous espérons à bon escient) ou au juge saisi de l’exception soulevé par Me El Hadj Diouf (il existe d'ailleurs un précédent jurisprudentiel bien connu de Ndené Ndiaye puisque l'agent judiciaire de l'Etat a déjà obtenu d'un Tribunal la récusation de l'ancien 1er Ministre par application de l'article 11 précité), il se pose un problème déontologique à permettre à un ex ministre, bien au fait de beaucoup d’informations et de secrets touchant à la chose publique et au fonctionnement de l’Etat, employé et payé par ce même Etat, de pouvoir se retourner contre l’administration étatique dans le cadre de procès publiques ou privés.
Un Ministre ou un agent de l’Etat en fonction ne peut en aucun cas plaider contre son Etat « employeur ». Cela s’apparenterait à ce qu’on appelle un conflit d’intérêt. Selon une définition communément admise, « un conflit d’intérêts naît d’une situation dans laquelle une personne employée par un organisme public ou privé possède, à titre privé, des intérêts qui pourraient influer ou paraître influer sur la manière dont elle s’acquitte de ses fonctions et des responsabilités qui lui ont été confiées par cet organisme ».
Il est normal et fréquent que cette interdiction court un temps après la fin des fonctions des personnes concernées (ici 3 ans).
Un Ministre, qu’il ait pu être considéré comme un agent de l’Etat ou pas, ne devrait pas pouvoir profiter de la position ou des informations récentes dont il a pu disposer au sein de l’appareil étatique pour les utiliser contre les intérêts de cet Etat qu’il était supposé servir il y a peu. C’est une logique d’interdiction et d’incompatibilité qui se retrouve dans plusieurs secteurs de la vie publique et privée sous la forme le plus souvent d'obligation de non concurrence.
En France, plusieurs Ministres et même des députés (qui ne sont pas agents de l’Etat) se refusent à plaider contre l’Etat et ses démembrements. Jean-François Copé, devenu avocat, dans un article du Monde (1) déclarait « refuser les dossiers dans lesquels il serait amené à se retrouver contre l'Etat, et ne s'occupe pas de problèmes fiscaux. En tant qu'ancien ministre délégué au budget, cela ferait désordre.
Par contre Me El Hadj Diouf, avocat parlementaire, peut très bien plaider pour le compte de l’Etat. En France (donc au Sénégal puisque c’est un copié collé des règles) hormis quelques restrictions comme l'interdiction de plaider contre l'État, le cumul de l'activité de parlementaire et d'avocat est pleinement licite.
D'ailleurs au Sénégal, le même article 11 renvoie pour l'avocat parlementaire en fonction (El Hadj Diouf) au Règlement intérieur de l'assemblée nationale le soin de fixer les incompatibilités. Or comme en France, le règlement intérieur de l'assemblée n'interdit que la plaidoirie contre l'Etat. Il n'y a aucune interdiction de plaider pour l'Etat. Or en droit il ne faut pas distinguer là où la loi ne distingue pas.
Au demeurant, au delà de ces questions de procédures, aucun avocat ne devrait pouvoir convaincre des juges de l'innocence d'un Karim Wade qui est rentré au Sénégal pauvre, incapable d'aider son père candidat fauché à la Présidentielle de 2000, et qui en est sorti multi milliardaire ...
Passons au fond i.e. aux choses sérieuses.
IBRAHIMA NDIAYE
Mouvement pour le Socialisme et la République
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