Vivement ʺY en marreʺ !

La plupart des nations, havres de paix, du respect des droits et des libertés, ont, à un moment ou un autre de leur histoire flirté avec des révoltes......


Vivement ʺY en marreʺ !
Dire que les manifestations du peuple sénégalais n’en valaient pas la peine relève d’une légère et dilettante vision. La plupart des nations, havres de paix, du respect des droits et des libertés, ont, à un moment ou un autre de leur histoire flirté avec des révoltes qui ont mené vers des révolutions socio-politiques importantes. En effet,
- aux USA la constitution en vigueur depuis 1789, suite à la guerre d’indépendance de 1775, a fait 25000 morts et est actuellement vue comme une « bible » par les américains ;
- En février 1917, le tsar Nicolas II abdique suite aux puissantes manifestations populaires à Petrograd, qui réclament notamment du "Pain, la Paix et la Démocratie".
- En Octobre de la même année, les Bolcheviks, sous la houlette de Trotski et de Lénine, prennent le pouvoir par un coup d'Etat, en assiégeant le palais. Jamais une échauffourée de si petite envergure, une dizaine de victimes, n'a eu des conséquences aussi prodigieuses, et une fois de plus, le sort de la capitale décida de celui du pays tout entier.
- Non loin de chez nous en côte d’ivoire l’expression d’une farouche volonté populaire, amplifiée par la confiscation post-électorale du pouvoir par Laurent Gbagbo a fini par implanter après un bain de sang un environnement de paix et de dialogue, aux dépens de futiles et dangereuses questions identitaires.
- Le printemps arabe de 2011, avec ses retentissants soubresauts en Tunisie, en Egypte et en Lybie, a vraisemblablement démantelé les « monarchies despotiques » et enfin donner la voix aux peuples.
Ce sont autant d’exemples qui corroborent que les hommes d’en haut proposent, mais qu’en réalité ceux d’en bas décident. En tout cas le Sénégal n’est pas l’exception à la règle.
Le 23 juin 2011 à Dakar, le Chef de l’état Abdoulaye Wade qui voulut faire passer à travers une majorité parlementaire docile son projet de loi instituant un président et un vice-président, avec seulement 25% des suffrages exprimés à la présidentielle prochaine, fut pris au dépourvu par une opposition embusquée et des manifestants avertis dont l’engagement et le courage n’ont d’égaux qu’un réel patriotisme. La célèbre phrase de Victor Hugo « le roi ne lâche que quand le peuple arrache » a, en l’espèce, son pesant d’or. Un signal fort qui explique que le peuple sénégalais en a marre de la gestion solitaire et dévalorisant du pouvoir.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, la candidature de Wade validée par le conseil constitutionnel et récusée par le peuple, fit accroitre l’escalade de la protestation qui s’ensuivit par une répression inopportune et sanglante (une douzaine de morts à Dakar, à Podor, à Thiès, à Kaolack), et aveugle (avec la profanation de la Zawiya El hadji Malick Sy RA). Ce qui sera lourd de conséquences car le score enregistré par le pouvoir libéral lors du scrutin du 26 février 2012 soit 34%, sans précédent dans l’histoire politique du Sénégal, montre qu’il tangue et va probablement culbuter après le second tour présidentiel.
Aussi, les manifestants n’y sont pas allés avec le dos de la cuillère car la réforme du conseil constitutionnelle s’impose notamment au point de vue structural. Si le chef de l’état continue à lui seul de nommer les membres dudit conseil, ceux-ci vogueront toujours au gré de ses propres humeurs et le feuilleton se répétera sans cesse. D’où donc une super priorité de recomposer l’organe afin qu’il y ait plus de transparence au plan structurel.
En outre les vives tensions préélectorales avec ses nombreux morts et blessés ont beaucoup plus incité la commission électorale nationale autonome (CENA) et les observateurs internationaux à faire preuve de vigilance pour que le vote ne soit entaché d’aucune irrégularité qui pourrait faire basculer le pays dans le chaos. Hélas ce ne fut point le cas, le bon déroulement du scrutin a marqué d’un cachet manifeste une certaine maturité du peuple sénégalais car il dénote le bon sens, la responsabilité et un engagement sans précédent. Il a exposé le charme du peuple, actuellement gardien de sa propre constitution, mais surtout capable de concilier à sa juste valeur le spirituel et le temporel. Un peuple qui reste cependant redevable au mouvement citoyen « Y en a marre » sans la détermination et l’engagement duquel nous n’en serions pas là aujourd’hui. Vivement la détermination du peuple sénégalais !


Mercredi 7 Mars 2012
Mamadou FAYE




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