Tentative de légitimation de la CREI :

Au cours de l’émission « Opinion » du dimanche 16 décembre 2012 animée par le journaliste Pierre Edouard Faye, sur Walf Tv et Walf Fm, les sénégalais ont dans leur grande majorité déploré la scandaleuse réflexion de Monsieur Mouhamed Mbodj, cet éminent membre de la société civile qui, pour justifier la création de la Crei a dit sans sourciller qu’une société à le droit d’instituer toutes les lois qu’elle estime nécessaire à sa conservation et à son épanouissement ! L’auteur de ce raisonnement oublie peut-être ce qui fonde la notion même de communauté internationale et celle de droit d’ingérence.


Tentative de légitimation de la CREI :
Tentative de légitimation de la CREI :
Désolé Mouhamed Mbodj, vous vous perdez entre légalité et légitimité !

Au cours de l’émission « Opinion » du dimanche 16 décembre 2012 animée par le journaliste Pierre Edouard Faye, sur Walf Tv et Walf Fm, les sénégalais ont dans leur grande majorité déploré la scandaleuse réflexion de Monsieur Mouhamed Mbodj, cet éminent membre de la société civile qui, pour justifier la création de la Crei a dit sans sourciller qu’une société à le droit d’instituer toutes les lois qu’elle estime nécessaire à sa conservation et à son épanouissement ! L’auteur de ce raisonnement oublie peut-être ce qui fonde la notion même de communauté internationale et celle de droit d’ingérence. Nous sommes à l’ère de l’interconnexion et de l’universalité des principes fondamentaux qui gouvernent la société humaine, parce que l’homme d’aujourd’hui est un citoyen universel d’un village qui s’appelle humanité.

A l’honorable Mouhamed Mbodj pour qui nous avons respect et considération, nous disons supposons simplement que la majorité Blanche aux Etats-Unis prétende que les Latinos et les Blancs sont devenus une menace pour la société américaine et décide de réinstaurer la ségrégation ! Imaginons que les hommes tombent d’accord sur le principe que la parité et les droits accordés à la femme dans le Code de la famille bloquent le développement du pays et décident d’abroger la parité, quelle serait la réaction de la société civile ? Imaginons encore que la société sénégalaise décide que l’excision est une pratique culturelle garante de l’intégrité des mœurs et fait voter une loi la rendant obligatoire, quelle serait la position de monsieur le droit-de-l’hommiste ? Imaginons que les gouvernants actuels se lèvent et disent que la société civile sénégalaise fait semblant de protéger les homosexuels au nom des droits de l’Homme alors qu’en réalité elle ne mène ce combat que pour les beaux yeux des pays Occidentaux, par conséquent, elle n’a plus voix au chapitre. Quelle serait votre réaction Monsieur Mbodj ? Imaginons que le ministère de la bonne gouvernance que dirige Abdoulatif Coulibaly lui aussi se lève un bon jour, dise que la société civile qui amasse des fonds au nom de la misère du peuple ne rend jamais des comptes aux sénégalais, ne publie pas dans la presse nationale l’état de ses comptes et le bilan exhaustif de ses activités et décide de sévir contre cette société civile ! Imaginons ! Imaginons Monsieur Mbodj…!

« L’affection ou la haine change la justice de face. Et combien un avocat bien payé par avance trouve-t-il plus juste la cause qu’il plaide ! ». Cet aphorisme de Pascal devrait bien être médité par ceux qui ont en charge le problème des biens mal acquis. Car on ne peut pas nier le fait que même si ce qui se passe (l’audition des anciens ministres : Samuel Amet Sarr, Me Ousmane Alioune Ngom, Me Madické Niang, Oumar Sarr, Abdoulaye Baldé) a une conformité extérieure à la morale, sur le plan politique, il fait aussi l’affaire du pouvoir actuel. Il suffit simplement de se poser la question de savoir ce que serait la situation politique actuelle si l’opposition n’était pas obligée de se débattre dans les arcanes précaires de la déculpabilisation auprès de l’opinion ?

Qu’ils soient coupables ou pas, que la procédure à laquelle ils sont soumis soit constitutionnellement valable ou pas, les enquêtes qui visent les opposants de Macky Sall les fragilisent et les incommodent. Assommés par la perte du pouvoir, les voilà encore sous la pesanteur de la vindicte populaire alimentée par l’incroyable abondance des procès d’audition dans la presse. De tenants du pouvoir, ils sont passés directement à la dégradante station de parias rejetés et persécutés par une société avide de coupables pour, à la fois, justifier sa misère et assouvir sa soif de vengeance.

Il faut reconnaître qu’il est plus aisé de gouverner face à une telle opposition que face à celle qui jouirait au moins de la présomption d’innocence dans la conscience populaire. L’insolente richesse dont certains pontes de la formation libérale ont fait montre dans un passé récent aidant, leur condamnation sur le plan moral est presque une évidence dès qu’il y a le moindre soupçon d’indélicatesse dans leur gestion du pouvoir. Il faut remarquer d’ailleurs que comme le dit Pascal, la haine n’est certainement étrangère à la rapidité et à la fureur avec lesquelles la Cour de répression de l’enrichissement illicite a été réactivée. Alors que le bon sens et l’esprit républicain auraient conseillé de prendre le temps requis pour collecter en douceur les indices nets de culpabilité avant de se hasarder dans une entreprise de publicité tapageuse, on a tout de suite largué les amarres dans les eaux troubles de la délation publique. C’est alors la première fois dans l’histoire politique d’un pays civilisé et d’un État de droit qu’on désigne des coupables avant la moindre investigation.

Toutes les Constitutions directement ou indirectement inspirées de la Révolution française sont par essence humanistes : elles ne sauraient par conséquent disculper le principe de l’Inquisition qui est justement ce contre quoi elles ont été instituées. Si une majorité, fut-elle écrasante, s’arroge le droit d’instituer une Cour dont le principe est en contradiction avec la Constitution et qu’on dise que c’est par nécessité, pourquoi un régime n’aurait-il pas le droit de voter une loi qui le perpétuerait ? Bref, le raisonnement « savant » de Mouhamed Mbodj qui a abouti à cette conclusion que chaque société a le droit d’instituer les lois qu’elle estime être indispensables à sa survie est non seulement fausse, mais aussi et surtout, absurde et dangereuse pour la survie de notre société, voire de notre espèce tout entière.

C’est seulement parce que le principe sur lequel est fondée cette Cour est un danger pour les valeurs cardinales que sont la liberté, l’égalité ; bref, un danger permanent pour les droits naturels, qu’on n’y songe même pas. On est conscient là-bas que, quelles que soient la bonne intention et l’urgence qui nécessiteraient une telle Cour, les abus qu’elle pourrait entrainer ou cautionner n’en valent pas la peine. Dans la Chine médiévale, les empereurs s’employaient souvent à créer automatiquement des dictionnaires et des encyclopédies dès qu’ils accédaient au pouvoir : c’est parce qu’hier comme aujourd’hui le pouvoir politique se fortifie et se consolide même parfois par l’intermédiaire des mots.

En communication politique, Monsieur Mouhamed Mbodj, on nous apprend que celui qui contrôle le langage contrôle les consciences. Une fois que certaine prémisses, même fausses, sont gravées dans les consciences, les déductions auxquelles elles mènent s’imposent d’autorité. Aussi, a-t-on subtilement ancré dans les consciences que les mis en cause dans la traque des biens supposés mal acquis sont des voleurs, qu’ils ne peuvent pas ne pas être que des voleurs, et il en résulte l’évidence de la nécessité de la sanction. Ainsi, a-t-on soigneusement voilé la laideur et la non constitutionnalité de la Cour contre l’enrichissement illicite par un flot de discours moralistes. Le résultat magique de ce tour de passe-passe est, comme en morale et en religion, on ne prêche que parmi les déjà convertis, c’est-à-dire ses propres fidèles. Dès lors qu’on est d’accord que les mis en cause sont anormalement riches et que c’est au détriment du peuple qu’ils le sont devenus, on ne peut ne pas que leur souhaiter la prison.

Alors même que la notion d’enrichissement illicite est une notion à la lisière entre la morale et le droit positif, on étouffe tout débat à son sujet dès lors qu’on l’imprime comme jargon paradigmatique d’une « rupture » (Ah ! qu’il est en vogue ce mot !) d’on ne sait d’avec quoi. Le problème avec cette Cour est qu’elle est au fond un gadget institutionnel au service des vainqueurs : c’est un appareil de domination en même temps qu’un instrument idéologique de légitimation d’un parti-pris pourtant manifeste.. Et au regard du zèle avec lequel les théoriciens de la traque des biens mal acquis déposent des plaintes un peu partout dans le monde sans aucune forme de précision, il y a lieu de faire preuve d’un extrême scepticisme sur leurs motivations profondes.

Comme si on appliquait dans les théories évolutionnistes en politique, « la fonction crée l’organe » ici : parce qu’on a mis du monde sur cette affaire elle devient du coup crédible. Toute cette énergie mobilisée et investie dans le processus de validation de cette Cour est, en dernière instance, une forme de prophétie auto-réalisatrice pour les requérants. À force de s’investir dans cette perspective on finira par convaincre tout le monde du bien fondé de la démarche. C’est encore Pascal qui donne une clef d’explication à cette énigme lorsqu’il parle de « grandeur nature » et de « grandeur d’établissement ». La première grandeur est artificielle et repose simplement sur les conventions : le pouvoir, les honneurs et la richesse peuvent conférer ce type de grandeur. Mais ce n’est pas une grandeur véritable, car en plus d’être artificielle, elle est précaire.

Comme un monstre drapé dans du velours, l’homme de la grandeur d’établissement sera toujours petit, quelle que soit l’étendue de sa majesté. Qu’est ce que seraient aujourd’hui les théoriciens de la traque des biens mal acquis sans la position qu’ils occupent présentement ? La seconde grandeur est « nature », de sorte que ceux qui en sont nantis incarnent quelque chose d’irrésistible qui fait qu’on ne peut pas ne pas leur donner le respect qu’ils méritent. Quelle que soit la situation de ces personnes, on est obligé de les admirer de façon indéfectible.

La leçon de morale qu’il faut tirer de cette maxime de Pascal et que doit méditer l’honorable Mouhamed Mbodj, c’est que ce n’est pas parce qu’on parle de la corruption qu’on la combat ; ce n’est pas parce qu’on traque des biens acquis qu’on en a de licites ; ce n’est pas parce qu’on manipule des grandes idées qu’on est grand ; ce n’est pas parce qu’on dévoile la laideur et la perversion des autres qu’on est immaculé ; ce n’est pas parce que les autres sont fautifs qu’on est innocent ; ce n’est pas parce que les autres sont rabaissés qu’on est grand. La grandeur est nature ou n’est pas !
Pape Sadio THIAM
Journaliste
Doctorant en science politique
thiampapesadio@yahoo.fr
77 242 50 18



Vendredi 21 Décembre 2012
Pape Sadio Thiam




1.Posté par Ngom le 22/12/2012 00:23
Je ne sais pas où est ce que vous êtes doctorant mais en tout cas la thèse sera laborieuse

2.Posté par Ndiaga le 22/12/2012 09:50
Réflexion pertinente. Tu nous as toujours habitué à ça. En avant mon frère!

3.Posté par Ndiaga le 22/12/2012 09:53
Analyse cohérente et bien structurée. Même si je ne partage pas vos idées.

4.Posté par Nogarette le 22/12/2012 09:54
Diadieuf waye Pape Sadio

5.Posté par sabgoné le 22/12/2012 09:57
Au sénégal, on et incapable d'apprécier mais si on né pas d'accord. Je suis de la majorité, mais l'analyse ce monsieur tien. Du courage et bien d'autres contributions!

6.Posté par sabgoné le 23/12/2012 09:27
analyse claivoyante

7.Posté par sarzo le 27/12/2012 12:28
A part le nom rien à dire. Mr THIAM votre analyse est d'une clairvoyance qui force le respect. La CREI est une aberration. Ce n'est pas qu'on défend ceux qui avaient géré mais ils ne doivent être jetés au vindicte populaire sans même que leur culpabilité soit établie par le pouvoir habilité à le faire.Le bon sens est la chose la mieux partagée au monde comme le soulignait un contemporain de Blaise PASCAL et c'est pourquoi que ceux qui s'agitent doivent savoir qu'il est impossible de gouverner par les mensonges. La lumière finira par jaillir. Si de l'argent a été volé il revient au pouvoir actuel de le récupérer en se montrant plus intelligent que les voleurs.Merci encore pour cette contribution.

8.Posté par Boy Dakar le 04/01/2013 18:11
rien que du charabia. Avec des affirmations qui ne sont fondees sur rien. Le texte surfe sur le postulat errone de l'inconstitutionnalite de la CREI. Et tout le reste s'ecroule avec. Il allait nous dire en quoi la CREI est anticonstitutionnelle, au lieu de nous inonder de citations de Pascal.



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