Depuis 24 heures, a éclaté à Touba l’une des plus grandes crises de la décennie. Elle oppose la police d’État à la police religieuse aujourd’hui essentiellement incarnée, depuis le déclin de Safinatoul Amann, par Xudamul Xadiim. Safinatul Amann a, en effet, perdu son lustre d’antan suite à une grosse bévue. Certains de ses éléments avaient brutalisé et grièvement blessé, le 30 juin 2022, un petit-fils de Serigne Abdou Lahad Mbacké et récolté la colère des populations et des chefs religieux. Les fauteurs avaient été jetés en prison et le Mbacké-Mbacké se prêtera à une opération chirurgicale au genou droit pour se tirer d’affaire.
Xudamul Xadiim est ainsi devenue la principale police religieuse chargée de veiller au respect des prescriptions du Khalife relatives au port vestimentaire indécent, à l’utilisation de l’alcool, de la cigarette et à l’organisation de manifestations populaires à caractère folklorique, etc… La structure recevra du Khalife Général des Mourides le ndigël de s’acquitter de la tâche sous réserve d’avoir une collaboration franche avec la police et la gendarmerie.
Un peu avant, le dahira avait reçu dans ses rangs un certain Modou Diop Diaobé, récemment démissionnaire de Safinatul Amann.
L’homme par qui cette crise est passée, est sans doute le plus célèbre des « policiers sans grade » de Touba et très certainement le nœud du différend. (Nous y revenons)
LA COLÈRE DE SERIGNE AMSA
Quelques heures après les mises au point du commissaire Thiombane rappelant à Modou Diop Diaobé qu’il n’était ni policier, ni gendarme, encore moins leur supérieur et que sa structure ne devait nullement procéder à des arrestations, interrogatoires filmés, check-points, réprimandes, violences … Serigne Amsatou Mbacké Ibn Serigne Abdou Lahad a préféré aussitôt effectuer une sortie au vitriol. Contre les policiers, le chef religieux, personne morale de Xudamul Xadiim, utilisera un vocabulaire atypique les traitant « d’incultes, d’impolis, d’ignorants se prêtant à des exactions ayant conduit au crime et à la désacralisation d’une mosquée et de la cité en général. » Le Mbacké- Mbacké se plaira même de citer le Président Abdou Diouf qui, dit-il, avait confié à son père que « la police n’était pas la meilleure option pour Touba ». Aujourd’hui, la position du chef religieux est claire. Il entame, à travers sa déclaration filmée partagée sur internet, un combat contre la police …
LE NŒUD DU DIFFÉREND
Pour appréhender le problème et mieux analyser la crise, il faudra le plus simplement possible identifier les personnes directement concernées par le quiproquo. D’abord Modou Diop Diaobé qui semble être l’élément central.
Modou Diop Diaobé du nom de « ce policier sans grade », généralement plongé dans une tunique sans barrette avec des parements verts, un visage dissimulé dans des lunettes fumées et une démarche digne des commandos, est un homme totalement spécial. Il dirige des équipes qui effectuent périodiquement des patrouilles et qui procèdent à des fouilles sur les passants à la recherche de produits interdits. Il est toujours présent lors des grandes cérémonies religieuses et participe même aux opérations de filtre devant les portes d’accès. C’est un homme « fort influent » à Touba.
Jeudi, alors qu’il était venu prendre part à la journée portes ouvertes organisées par la police de Ndamatou, l’homme a tenté un manège qui n’a pas réussi (ou plutôt qui a réussi). En effet, Diaobé s’est vertement attaqué à certains policiers qui seraient « jaloux » de lui et de ses « performances » et qui se démèneraient pour lui mettre les bâtons dans les roues. Et c’est sans transition qu’il saluera « le travail exceptionnel du commissaire Thiombane » différent de ses collègues commissaires « peu courtois » à son endroit. Des fleurs qui auront le don, malheureusement, d’agacer Thiombane.
Un policier, généralement habitué aux check-points confiera à Dakaractu que « le problème ce n’est ni Xudamul, ni Safinatul, mais Modou Diop Diaobé himself qui fait dans l’excès de zèle et qui s’arroge des compétences. »
Dans une vidéo qu’il a filmée à partir de son véhicule, 10 tours d’horloge après la raclée du commissaire, Diaobé a démenti l’histoire des check-points. Il dira clairement avoir fait l'objet d'un manque de respect par un policier de Ngouye - Mbind alors qu’il venait d’interpeller une dame au port vestimentaire incorrect.
LA POLICE
La police, face aux comportements de Modou Diop Diaobé est résolue à rester solidaire. Il n’est pas question, pour elle, de lâcher prise encore moins de prêter le flanc. Lors de leur conférence animée en partie par le commissaire Mbaye de Gouy - Mbind à l’occasion de la journée Portes Ouvertes, les limiers ont clairement dit qu’il ne sera jamais dans leur programme de bloquer ces polices religieuses dans le travail qu’elles sont supposées faire, mais souhaitent encadrer la collaboration et la résumer au renseignement. La police précisera comprendre le caractère spécial de la cité et œuvrer pour le respect de sa sacralité.
LA SITUATION SE DÉTÉRIORE
Dans la situation actuelle des choses, Xudamul Xadiim semble décidée à maintenir le cap face à une police qui ne souhaite pas manquer à ses obligations de maintien de l’ordre public. Les deux camps devront continuer à se côtoyer, mais la collaboration jusque-là salutaire a fini de recevoir un sacré coup. Xudamul va encore communiquer pour réveiller la fibre Mouride. La police va certainement devenir muette et se concentrer sur ses tâches. Dans ce contexte, une communication du Khalife Général des Mourides peut être envisageable. Affaire à suivre...
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