Rapport d’Amnesty : Au-delà de la clameur, le Sénégal sur la bonne voie (Mamadou NDIONE, APR)


Rapport d’Amnesty : Au-delà de la clameur, le Sénégal sur la bonne voie (Mamadou NDIONE, APR)
Nous commentons  ci-dessous certains aspects du rapport d’Amnesty Sénégal. Il est vrai qu’il y a eu beaucoup de bruits sans doute pour des raisons de marketing communicationnel  autour du rapport de cette organisation essentielle au respect des droits humains. Au-delà des effets marketing, que dit en dix points  le rapport ?
1-      TORTURES ET VIOLENCES POLICIERES
Le résumé du rapport d’amnesty Sénégal précise : « Au Sénégal, la justice a enquêté et jugé très peu de cas de torture, de décès en détention ou du fait d’un usage excessif de la force par la police et la gendarmerie qui ont marqué les 12 ans de règne du Président Abdoulaye Wade. Certaines enquêtes ont été classées sans suite sans que les familles et leurs avocats ne soient informés.
Plus loin Amnesty Sénégal précise : «  Depuis l’arrivée du Président Macky Sall au pouvoir, la gendarmerie a été mise en cause dans la mort de 2 personnes : Kécouta Sidibé le 12 août 2012 à Kédougou et Bambo Danfakha le 14 mai 2013 à Diyabougou dans le département de Bakel ».
Fort de ces deux citations, le régime du Président Macky Sall est-il sur la bonne voie ?
La réponse est sans doute oui. Amnesty Sénégal sait bien le processus irréversible de lutte contre les impunités (notamment venant de toutes les formes d’oligarchies) lancée par le Président Macky Sall qui n’interfère pas dans la logique judiciaire.
Sous ce rapport, le projet de réforme du code de la justice militaire lancé par le Président Macky Sall devrait régler le cadre d’exercice de l’action sécuritaire dans le respect des droits humains. Ces deux versants de la stabilité démocratique  ne sont pas incompatibles. Il faut juste trouver un cadre intelligent de stabilité.
2-      RASSEMBLEMENTS ET MANIFESTATIONS PACIFIQUES 
 
Dans son résumé Amnesty dit «  Le gouvernement a continué à interdire des rassemblements et des manifestations initiés par des partis politiques, des syndicats et des organisations de la société civile aussi bien à Dakar que dans les régions. Les motifs souvent invoqués : menaces de trouble à l’ordre public, insuffisance du service d’ordre, etc., ne sont point crédibles… En ce qui concerne la liberté de rassemblement et de manifestation pacifiques, la rupture attendue avec l’ère Abdoulaye Wade n’a pas eu lieu et cela constitue une véritable préoccupation pour Amnesty International. »
Les Sénégalais savent bien que l’appréciation d’Amnesty n’est pas juste. Les seules marches interdites l’ont été pour raison d’itinéraire ne garantissant pas l’ordre public.
D’ailleurs L’article 29 de la déclaration universelle des droits de l’homme dit clairement « L'individu a des devoirs envers la communauté dans laquelle seule le libre et plein développement de sa personnalité est possible. Dans l'exercice de ses droits et dans la jouissance de ses libertés, chacun n'est soumis qu'aux limitations établies par la loi exclusivement en vue d'assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés d'autrui et afin de satisfaire aux justes exigences de la morale, de l'ordre public et du bien-être général dans une société démocratique. Ces droits et libertés ne pourront, en aucun cas, s'exercer contrairement aux buts et aux principes des Nations Unies ».
L’abrogation demandée par Amnesty de l’arrêté du ministre de l’intérieur interdisant les manifestations dans le périmètre constituant le quartier du Plateau à Dakar est sans doute fondée, mais mis en relation avec les événements post interpellations d’un guide religieux en 2012, il est clair qu’une marche en centre ville est trop risquée pour l’ordre public comme stipulé dans l’article 29 de la déclaration des droits humains.
3-      REFUGIES ET DEMANDEURS D’ASILE
Amnesty nous dit : « Des réfugiés et demandeurs d’asile ont été expulsés du Sénégal pour avoir exercé leur droit à la liberté d’opinion et d’expression ». Amnesty cite les cas du tchadien Makaïla Nguebla et du  gambien Kukoye Samba Sagna,
Concernant le blogueur Makaïla Nguebla, la version officielle soutient qu’il vivait au Sénégal de façon irrégulière et tolérée. Si tel est le cas, il avait obligation de ne pas se lancer dans des déclarations de nature à mettre son pays d’accueil dans un situation inconfortable vis-à-vis du Tchad ».
Pour ce qui est de Kukoye Samba Sagna le Gambien, nous ne devons pas oublier le rôle sanglant et déstabilisateur  qu’il a eu à jouer lors des événements de 1981 avec des morts de soldats et gendarmes  Sénégalais. Kukoye aurait aussi  des connexions  avec la rébellion casamançaise. Dans une perspective de pacification de la région sud via l’incontournable  Gambie, il était politiquement irrationnel de s’accommoder de la présence en sol sénégalais d’un opposant non conventionnel au régime en place en Gambie. Kukoye n’a pas été extradé en Gambie mais il est juste qu’il soit non grata chez nous pour des raisons acceptables même si la lumière doit être faite sur sa supposée nationalité Sénégalaise.
La demande d’Amnesty  d’ouvrir la Commission Nationale d’Eligibilité au Statut de réfugiés à des représentants d’organisations des droits humains est juste et devrait trouver l’accord de l’Etat.
4-      TRAQUE DES BIENS MAL ACQUIS
Le résumé du rapport dit : « Amnesty International Sénégal soutient les actions en justice engagées par le gouvernement pour punir les auteurs de détournement de deniers publics et autres actes de mal gouvernance. Mais cette « traque » doit se faire dans le strict respect des droits humains des personnes mises en cause notamment leur présomption d’innocence. Nous renouvelons notre appel au gouvernement à respecter toutes les décisions rendues par la Cour de justice de la CEDEAO dont la levée de l’interdiction de sortie du territoire national des personnes qui ne sont pas inculpées ou poursuivies. » .
De la même façon qu’un citoyen a le droit d’interpréter la décision de justice, un Etat aussi en a le droit. Dans cette affaire l’État Sénégalais a pris acte de la décision de la cour de justice de la CEDEAO et a simplement fait notification aux intéressés de la mesure d’interdiction de sortie en lien avec les procédures en cours.
Doit-on refuser à un Etat de tirer profit pour son compte d’un flou dans la rédaction d’une décision de justice ? Le Sénégal n’est pas en défiance vis-à-vis de la CEDEAO. Le gouvernement a juste corriger la non notification de l’interdiction et l’affaire suit son cours. Si Amnesty se fait le portevoix de ceux qui, sous le couvert de droits humains, veulent se soustraire aux procédures judicaires, cela pourrait donner l’impression d’un amalgame politique.
Le droit de l’homme ne doit pas primer sur le droit du peuple Sénégalais d’être édifié rapidement mais surement sur ses biens spoliés.
5-      CASAMANCE :
Amnesty salue « la libération en décembre de huit (8) prisonniers de guerre par le Chef d’état major du MFDC Salif Sadio et sa volonté exprimée de travailler pour la paix en Casamance » et condamne «  la prise d’otage de travailleurs humanitaires opérée par César Atoute Badiate le 3 mai à Kaylou dans le Nyassia. »
Amnesty appelle « le gouvernement du Sénégal à engager des négociations sérieuses avec toutes les composantes du MFDC, civiles et militaires, sous l’égide d’un médiateur crédible, pour parvenir à une paix définitive en Casamance. »
Il faut objectivement reconnaître que le Président Macky Sall a pris en main la question casamançaise sans tambours ni trompettes et les acquis commencent à se faire voir. La sensibilité du dossier exige plus de discrétion de la part des acteurs et des médiateurs que l’État n’a pas besoin d’étaler au grand jour. Sous ce rapport, Amnesty aurait au moins pu reconnaître les avancées dans le dossier loin des postures vides et médiatisées de l’ancien chef d’État.
6-      AFFAIRE HABRE
 
Dans le résumé il est écrit : « Amnesty International se réjouit de la création des Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises pour la poursuite des crimes internationaux commis au Tchad durant la période du 7 juin 1982 au 1er décembre 1990 »
 
Le Président Macky Sall n’a pas opté pour la politique du faux-fuyant spécialité de l’ancien régime. Il est allé droit au but pour qu’un dirigeant africain ait la possibilité d’être jugée en Afrique en toute dignité. Toutes les parties doivent se réjouir de cela et Amnesty en premier.
 
7-      SANTE, EDUCATION, EMPLOI,  INONDATIONS
Aussi politiques semblent être  les appréciations d’Amnesty, les droits humains englobent bien ces sujets. Amnesty à salué la gratuité de l’hémodialyse décidée par le Président Macky Sall et la mise en œuvre de la couverture médicale universelle.
Amnesty aurait pu reconnaître le sauvetage de l’année scolaire et universitaire en 2012 par le gouvernement. Amnesty semble insister sur le respect des engagements du gouvernement vis-à-vis des enseignants en occultant le dialogue franc et sincère que le chef de l’État veut autour du système éducatif dans son ensemble.
Dans le domaine de l’emploi des jeunes et des femmes notamment, l’option de l’Etat pour un auto emploi irréversible avec des fonds mis en place. Cela  aurait pu être mis en exergue à coté des recommandations.
Dans le domaine de la lutte contre les inondations, il y a eu une révolution silencieuse avec la mise en place d’un ministère chargé de la question en lien avec l’inévitable question de la restructuration des zones d’inondations. Dix milliards au moins vont être injectés cette année dans le cadre du plan décennal élaboré de façon consensuelle par l’État. 
8-      INSTITUTIONS
Le résumé précise : « Amnesty International salue la décision du Chef de l’Etat de réformer en profondeur les institutions du pays dans le but de renforcer la démocratie, l’Etat de droit et la protection des droits humains et de confier ce travail à une commission présidée par Ahmadou Makhtar Mbow. ».
Le Président Macky Sall, vue la délicatesse de ce sujet s’est donné le temps sûr de la réflexion et de la concertation. Cela permettra de rompre avec les dispositions sur mesure en fonction des vainqueurs électoraux  du moment. Le Sénégal aura à coup sûr après les travaux de la commission Mbow des institutions fortes capable de traverser les générations.
9-      CODE DE LA PRESSE
« Amnesty International invite le gouvernement et l’Assemblée nationale à adopter au plus vite le projet de code de la presse ». lit-on dans le résumé.
Le Président a donné les instructions pour un code consensuel avec tous les acteurs.
10-  CONSULATS ET AFFAIRE  ALCALY CISSE
 
La demande d’Amnesty pour un « renforcement des  moyens financiers et humains des consulats pour  prendre en charge les préoccupations de nos compatriotes émigrés » rencontre la démarche de l’État.
Concernant le dossier Alcaly Cissé, l’État a sans doute fait jouer la diplomatie pour que ce compatriote ne soit pas extradé en Arabie Saoudite avec le risque d’application unilatérale de la peine capitale.
Demander son retour au Sénégal doit se faire dans le respect du droit international ce d’autant plus qu’il est emprisonné au Maroc (un État souverain) dans le cadre d’une affaire l’opposant à des saoudiens.
 
Au total, sur la base de ces dix points, il est insoutenable de vouloir faire croire que les droits de l’homme au Sénégal ont régressé sous Macky Sall.
Il est vrai que la question du droit de sortie du territoire par les pontes de l’ancien régime sur la base de la procédure d’enquête dans le cadre de  l’enrichissement illicite semble être le point focal relayé par la presse.
Amnesty qui est une organisation noble, n’a pas le droit de se faire trop l’écho unilatéral de ceux qui, après avoir bafoué les droits humains durant douze ans jouent aujourd’hui les victimes pour échapper au devoir de reddition  des comptes.
Au-delà de la clameur et des choses à parfaire, le Sénégal est bel et bien sur la bonne voie. Soutenir le contraire pourrait bien ressembler à un avis de politique politicienne qui n’honore pas Amnesty Sénégal.
J’ose croire que dans la nécessaire posture de vigilance civile, Amnesty ne tombera pas dans un jeu de politique politicienne  dans un Sénégal traversant une période délicate de son histoire. Cette période là qui doit voir l’homme politique obnubilé à jamais  par le devoir de rendre compte tôt ou tard doit être négociée sans tomber dans un nihilisme dévastateur.
Droit de l’homme oui. Droit des peuples aussi. Droit à la transparence dans la gestion des affaires publiques quel que soit le régime.
 
 Mamadou NDIONE
Cadre APR
Economiste, Ecrivain,
Spécialiste des questions portuaires et logistiques


Samedi 25 Mai 2013




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