Macky Sall est, sans nul doute, la révélation de l’élection présidentielle du 26 février 2012. Pour une première participation, il a sensiblement contribué à mettre en ballotage le président sortant en se qualifiant au second tour. Macky Sall est donc susceptible de devenir le prochain Président de la République du Sénégal. Pour d’aucuns, il a bénéficié d’un vote réactionnaire suite aux injustices qu’il aurait subies de la part d’Abdoulaye Wade. Pour d’autres, son profil et son programme de gouvernement sont plus convaincants. Enfin, il est allégué un vote ethnique qui lui serait largement favorable.
Tous ces facteurs ont, semble-t-il, concouru à ce résultat car le comportement des électeurs procède, à la fois, de motifs objectifs et de considérations subjectives car le vote est d’abord l’expression d’un droit et d’une liberté de choix. Il est, toutefois, intéressant de s’interroger sur les modalités de mobilisation de son électorat car elles préfigurent des méthodes de gestion du pouvoir politique. Est-ce que le vote ethnique, si tant il existe, a été plus déterminant dans le choix des électeurs de Macky Sall ?
Il faut signaler que la question ethnique est un sujet sensible que nos élites ont toujours éludé au risque de passer sous silence une problématique qui a des incidences sur la consolidation de la Nation et sur la préservation de la paix. Il convient, donc, de l’analyser avec toute la prudence qui sied. Le risque d’exacerbation des identités ethniques constitue, en effet, la plus grande menace à la pérennité de nos Etats africains.
Concernant l’effectivité de ce vote, il convient de constater que Macky Sall n’a pas tenu un discours ethniciste ni effectuer un recrutement, à connotation identitaire. Mais force est de reconnaître qu’un groupe social s’identifie à lui du fait d’une manipulation identitaire dont notre société a été l’objet, particulièrement, avec l’accession au pouvoir d’Abdoulaye Wade. Il est tout aussi important de noter que le discours de propagande entretenu par les responsables de base, en contact direct avec les électeurs, est différent des postures politiquement correctes des leaders de premier plan. Le vote ethnique est, surtout, observable dans les zones rurales à composition ethnique homogène, dans les populations d’émigrés vivant en communauté et dans les banlieues des grandes villes.
Nos communautés de base sont réceptives à ce discours identitaire basé sur la parenté à cause d’un processus historique de fragmentation qui a eu pour incidence d’accentuer les rivalités entres les groupes socioéconomiques (agriculteurs, éleveurs, forestiers notamment) pour l’accès aux ressources dont, principalement, la terre. Plusieurs péripéties de conflits intercommunautaires intervenus ces dix dernières années au Sénégal ont renforcé le sentiment d’injustice et de vulnérabilité de certains groupes convaincus du déficit de considération du pouvoir central. A cela s’ajoute une accentuation du déséquilibre de l’aménagement du territoire et une inégalité criarde de la répartition des investissements publics. Cette perception d’une marginalisation de groupes socioéconomiques, incompréhensible dans un Etat républicain, est une réalité de notre société établis par les enquêtes de ces dernières années sur la situation économique et sociale du Sénégal effectuées par l’ANSD.
La cristallisation de ces frustrations a trouvé un terreau fertile du fait d’une situation sous-régionale favorable marquée par la persistance de tensions ethniques dans les pays frontaliers au Sénégal et par les séquelles du conflit sénégalo-mauritanien. La constitution des ethnies en réseaux internationaux en est une illustration, à l’exemple du Tabital poulagou. Ces organisations transcendent les Etats, appellent à l’unité de leurs membres et revendiquent une meilleure valorisation de leurs spécificités. Ces groupes sont adossés à des courants religieux parfois rigoristes. L’ethnie peut donc se révéler un formidable ressort de mobilisation à côté d’autres motivations moins identitaires et plus objectives.
Il convient, toutefois, de limiter les effets d’une telle affiliation primaire dans le cadre de la gestion du pouvoir. En effet la relation entre le candidat et son électorat n’est pas à sens unique car les électeurs assignent aussi un rôle au candidat qui devient ainsi un sujet passif. Il est donc urgent pour nos Etats de réaffirmer les valeurs de la Républiques, de parvenir à mieux rationaliser l’activité politique et de consolider le pouvoir institutionnel d’Etat susceptible de fédérer toutes les composantes de la société dans leur égale dignité. C’est donc heureux, dans le contexte sénégalais, que les conclusions des assises nationales soient remises sur la table afin de fixer des balises et des corriger des dysfonctionnements éventuels préjudiciables à la bonne marche de notre démocratie. Instruits par l’expérience, les sénégalais seront, de plus de plus, portés vers une vigilance permanente et ne devront plus décerner de blanc seing aux régimes politiques.
Moustapha Ndiaye
Fass Casier, Dakar
Tous ces facteurs ont, semble-t-il, concouru à ce résultat car le comportement des électeurs procède, à la fois, de motifs objectifs et de considérations subjectives car le vote est d’abord l’expression d’un droit et d’une liberté de choix. Il est, toutefois, intéressant de s’interroger sur les modalités de mobilisation de son électorat car elles préfigurent des méthodes de gestion du pouvoir politique. Est-ce que le vote ethnique, si tant il existe, a été plus déterminant dans le choix des électeurs de Macky Sall ?
Il faut signaler que la question ethnique est un sujet sensible que nos élites ont toujours éludé au risque de passer sous silence une problématique qui a des incidences sur la consolidation de la Nation et sur la préservation de la paix. Il convient, donc, de l’analyser avec toute la prudence qui sied. Le risque d’exacerbation des identités ethniques constitue, en effet, la plus grande menace à la pérennité de nos Etats africains.
Concernant l’effectivité de ce vote, il convient de constater que Macky Sall n’a pas tenu un discours ethniciste ni effectuer un recrutement, à connotation identitaire. Mais force est de reconnaître qu’un groupe social s’identifie à lui du fait d’une manipulation identitaire dont notre société a été l’objet, particulièrement, avec l’accession au pouvoir d’Abdoulaye Wade. Il est tout aussi important de noter que le discours de propagande entretenu par les responsables de base, en contact direct avec les électeurs, est différent des postures politiquement correctes des leaders de premier plan. Le vote ethnique est, surtout, observable dans les zones rurales à composition ethnique homogène, dans les populations d’émigrés vivant en communauté et dans les banlieues des grandes villes.
Nos communautés de base sont réceptives à ce discours identitaire basé sur la parenté à cause d’un processus historique de fragmentation qui a eu pour incidence d’accentuer les rivalités entres les groupes socioéconomiques (agriculteurs, éleveurs, forestiers notamment) pour l’accès aux ressources dont, principalement, la terre. Plusieurs péripéties de conflits intercommunautaires intervenus ces dix dernières années au Sénégal ont renforcé le sentiment d’injustice et de vulnérabilité de certains groupes convaincus du déficit de considération du pouvoir central. A cela s’ajoute une accentuation du déséquilibre de l’aménagement du territoire et une inégalité criarde de la répartition des investissements publics. Cette perception d’une marginalisation de groupes socioéconomiques, incompréhensible dans un Etat républicain, est une réalité de notre société établis par les enquêtes de ces dernières années sur la situation économique et sociale du Sénégal effectuées par l’ANSD.
La cristallisation de ces frustrations a trouvé un terreau fertile du fait d’une situation sous-régionale favorable marquée par la persistance de tensions ethniques dans les pays frontaliers au Sénégal et par les séquelles du conflit sénégalo-mauritanien. La constitution des ethnies en réseaux internationaux en est une illustration, à l’exemple du Tabital poulagou. Ces organisations transcendent les Etats, appellent à l’unité de leurs membres et revendiquent une meilleure valorisation de leurs spécificités. Ces groupes sont adossés à des courants religieux parfois rigoristes. L’ethnie peut donc se révéler un formidable ressort de mobilisation à côté d’autres motivations moins identitaires et plus objectives.
Il convient, toutefois, de limiter les effets d’une telle affiliation primaire dans le cadre de la gestion du pouvoir. En effet la relation entre le candidat et son électorat n’est pas à sens unique car les électeurs assignent aussi un rôle au candidat qui devient ainsi un sujet passif. Il est donc urgent pour nos Etats de réaffirmer les valeurs de la Républiques, de parvenir à mieux rationaliser l’activité politique et de consolider le pouvoir institutionnel d’Etat susceptible de fédérer toutes les composantes de la société dans leur égale dignité. C’est donc heureux, dans le contexte sénégalais, que les conclusions des assises nationales soient remises sur la table afin de fixer des balises et des corriger des dysfonctionnements éventuels préjudiciables à la bonne marche de notre démocratie. Instruits par l’expérience, les sénégalais seront, de plus de plus, portés vers une vigilance permanente et ne devront plus décerner de blanc seing aux régimes politiques.
Moustapha Ndiaye
Fass Casier, Dakar
Autres articles