Une plongée dans les entrailles du premier tour a déjà permis de pêcher et d’inventorier un stock de leçons charriées par le scrutin du 26 février. Maintenant, la nécessité de scruter l’horizon du 25 mars s’impose, à l’approche d’un second tour dont la l’âpreté n’aura d’égale que la palette des armes et des moyens (apparemment non restrictifs) que les deux candidats sont sur le point de déployer. Illustration patente d’une soif de triomphe dont les effets risquent de planter le décor d’une victoire à la Pyrrhus, c’est-à-dire un succès qui – par-delà les deux candidats – esquintera le pays.
Incontestablement, les chiffres publiés par la Commission nationale de recensement des votes puis validés par le Conseil constitutionnel catapultent les deux candidats au deuxième tour. Plus clairement encore, les résultats condamnent le Président sortant Abdoulaye Wade, à une remontée arithmétiquement impossible. Mais puisque impossible n’est pas politique – la politique relevant, d’ailleurs, plus de l’algèbre que de l’arithmétique – les Fal 2012 préparent fiévreusement les plans de l’ultime assaut, pour vaincre Macky Sall, sa coalition et sa longue rame de soutiens.
Ce besoin de victoire très visible, de part et d’autre, est en train d’éprouver voire de secouer le Sénégal, jusque dans les fondations et les pylônes porteurs de son demi-siècle de stabilité. En effet, les deux candidats ont, à des degrés divers mais incomparables, pollué l’élection présidentielle, par des faits et gestes dictés par des marabouts ou posés en faveur de ceux-ci, au détriment de l’orthodoxie républicaine et de la vigueur de l’Etat.
Le candidat Macky Sall a largué le M23, déserté la place de l’Obélisque et écumé le pays profond, à la demande de son marabout, selon ses propres aveux. Preuve que l’oukase électoralement payant du marabout (l’ex-Président de l’Assemblée nationale a franchi allègrement la haie du premier tour) prime sur tout engagement publiquement et solennellement pris. Les candidats Idrissa Seck et Ibrahima Fall – talibés moins soumis ou plus républicains – ont sûrement apprécié. Tout comme le socialiste Ousmane Tanor Dieng et le progressiste Moustapha Niasse, nouveaux alliés du chef de l’Apr dans la bataille du second tour, ont certainement du mal à refouler les doutes et les interrogations, par rapport aux lendemains de la défaite de Wade à laquelle ils oeuvrent d’ores et déjà. Et si demain, le même marabout demande au futur Président Macky Sall de déroger aux engagements pris dans le foncier ou dans le commerce ?
De son côté, Me Wade affiche ostensiblement son appartenance à la confrérie mouride, cajole ses hiérarques, s’empresse de satisfaire les condoléances exprimées et anticipe sur les besoins non encore formulés par Touba. Le tout avec un zèle jamais observé, en dehors de la région du Baol, qui fait du Président de la république, tantôt le Président de tous les Sénégalais, tantôt le conservateur – à l’instar d’un chef de forêt classée – d’un des plus gros bassins électoraux du Sénégal. Et surtout, davantage l’obligé d’une confrérie que le serviteur d’une nation. Un parti pris confrérique qui, bien entendu, n’a rien de philanthropique. Bien au contraire. Il s’agit d’une ferveur électorale, calculée et…enceinte de consigne de vote.
Les citoyens férus d’Histoire politique sont enclins à dire : « Rien de nouveau sous le ciel politique du Sénégal ». Effectivement, les marabouts forts de leurs masses d’adeptes n’ont jamais raté les rendez-vous cruciaux de la vie politique. Et toujours à l’invitation ou avec la bénédiction des hommes politiques ou hommes d’Etat de la colonie française comme du Sénégal indépendant. Parfois dans une posture fatale aux intérêts nationaux ; quelques fois dans une attitude favorable.
Dans son livre intitulé « Les carnets secrets de la décolonisation » publié à la fin des années 50, le journaliste Georges Chaffard raconte comment le Gouverneur Bernard Cornut-Gentil alias BCG a fait le tour des familles religieuses, à la vieille du référendum de 1958, et obtenu leur adhésion à la Communauté franco africaine proposée par le Général De Gaulle. Un basculement des marabouts influents qui a court-circuité les militants du PRA et autres porteurs de pancartes, tous partisans du NON dans le sillage de Sékou Touré. Et contraint Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia à s’accommoder de la réalité induite par le poids électoral des Khalifes de cette époque là.
Plus près de nous, en 1960, le trio Senghor, Dia et Waldiodio Ndiaye (ce dernier était ministre de l’Intérieur) s’est appuyé sur Sérigne Fallou Mbacké pour galvaniser, par un discours approprié, le patriotisme des Sénégalais, dans l’épreuve de force qui a opposé les dirigeants de Dakar à ceux de Bamako, lors de l’éclatement de la Fédération du Mali. Ce jour-là, les fortes paroles du marabout de Touba ont contribué à sauver le Sénégal de l’annexion consécutivement à l’écroulement de la Fédération, puis facilité la neutralisation et l’expulsion du Président Modibo Keita par le train.
Un demi-siècle après l’indépendance et au soir de quarante années de vie démocratique couronnée par une alternance, en mars 2000, vécue dans une ambiance de carnaval et non dans une atmosphère de vandalisme (signe d’une vitalité démocratique), il est à la fois rétrograde et périlleux d’injecter – par le discours ou les actes – une dose de ferveur confrérique, de crispations ethniques et de réflexes régionalistes dans un scrutin censé porter au sommet de l’Etat, le Président de tous les citoyens, sans distinction confessionnelle ni discrimination ethnique. Il est, en revanche, impératif de sauvegarder la performance politique et, également la cohésion sociale extraordinairement réalisée par le Sénégal, dans une Afrique où les constellations ethniques et les fractures religieuses constituent un barrage étanche à l’expansion du système démocratique et à l’ancrage des valeurs républicaines.
Ces rappels historiques sont utiles dans un contexte de second tour qui concomitamment autorise des inquiétudes et exige un sursaut aussi civique que salutaire, au vu des initiatives grosses de dégâts sur le tissu social ethniquement et religieusement bariolé sans être déchiré. Et surtout, lourdes d’hypothèques pour le couple « tolérance-consensus », longtemps gage de l’éclat et du rayonnement de l’expérience sénégalaise.
Aucune soif (légitime) de victoire ne peut justifier, comme s’y adonne le candidat Wade, une instrumentalisation forcenée de forces non seulement confrériques, mais redoutablement embrigadées et totalement soumises à l’autorité d’une personne n’incarnant guère – à l’instar des directeurs de la Police et de la Gendarmerie – une institution de l’Etat qui, selon Max Weber, possède « le monopole de la violence légitime » dans une société correctement régie par les lois.
A cet égard, la diffusion par la Rts, d’une manifestation au cours de laquelle des gourdins ont été brandis, constitue un mauvais service rendu au gouvernement (maître de la chaîne de télévision publique) et à la démocratie sénégalaise qui pouvait bien se passer d’images qui suggèrent plus le sang que le succès dans une compétition électorale. Car une victoire à la Pyrrhus est toujours et partout célébrée sur les décombres et au milieu des ruines. Donc sur la tombe de l’Etat de droit, en l’occurrence, l’unique garant et / ou le meilleur fertilisant de l’option démocratique.
Il existe bel et bien des marges de manœuvre et de rattrapage pour les deux candidats, loin de tout Rubicon explosif à franchir. Par exemple, l’importance du taux d’abstention enregistré au premier tour. Voilà un gisement de voix que les « archéologues » des deux directoires de campagne ont tout le loisir et toute la latitude d’explorer. Chose, d’ailleurs, en cours. C’est plus pacifique et plus conforme aux canons de la démocratie que la canalisation, par l’argent et par l’exacerbation, du vote confessionnel ou ethnique. Ce dernier type de vote ayant été bêtement recommandé en langue pulhar, sur les ondes de la station régionale Rts de Kolda, par un chef de station extrémiste qui se réclame de Macky Sall. Ce qui corrobore une tentante « ethnicisation » (non effective pour l’instant) qu’il vaut mieux conjurer méthodiquement que nier avec véhémence.
L’autre fracture qu’il faut empêcher, renvoie à la fâcheuse ligne de démarcation que le porte-parole des Fal 2012 et de Me Wade, Me Amadou Sall, trace entre une jeunesse estampillée « y en a marre » et une jeunesse arrimée aux daaras, donc soudée aux marabouts. Une élection passagère vaut-elle qu’on déchiquette le Sénégal, oppose et fractionne sa jeunesse, la relève de demain ? On ne se lassera jamais de répéter que la patrie est au-dessus des partis qui ne sont rien d’autres des associations privées appelées à naître, grandir et dépérir.
Question aux deux candidats : pour surmonter une difficulté du présent, doit-on durablement hypothéquer l’avenir ? Que vivement les deux directoires bourrés d’ambitieux, mais aussi de patriotes et d’intellos y méditent tout au long de la campagne ! C’est là une feuille de route et… de réflexion, au demeurant très compatible avec les deux programmes en émulation.
Incontestablement, les chiffres publiés par la Commission nationale de recensement des votes puis validés par le Conseil constitutionnel catapultent les deux candidats au deuxième tour. Plus clairement encore, les résultats condamnent le Président sortant Abdoulaye Wade, à une remontée arithmétiquement impossible. Mais puisque impossible n’est pas politique – la politique relevant, d’ailleurs, plus de l’algèbre que de l’arithmétique – les Fal 2012 préparent fiévreusement les plans de l’ultime assaut, pour vaincre Macky Sall, sa coalition et sa longue rame de soutiens.
Ce besoin de victoire très visible, de part et d’autre, est en train d’éprouver voire de secouer le Sénégal, jusque dans les fondations et les pylônes porteurs de son demi-siècle de stabilité. En effet, les deux candidats ont, à des degrés divers mais incomparables, pollué l’élection présidentielle, par des faits et gestes dictés par des marabouts ou posés en faveur de ceux-ci, au détriment de l’orthodoxie républicaine et de la vigueur de l’Etat.
Le candidat Macky Sall a largué le M23, déserté la place de l’Obélisque et écumé le pays profond, à la demande de son marabout, selon ses propres aveux. Preuve que l’oukase électoralement payant du marabout (l’ex-Président de l’Assemblée nationale a franchi allègrement la haie du premier tour) prime sur tout engagement publiquement et solennellement pris. Les candidats Idrissa Seck et Ibrahima Fall – talibés moins soumis ou plus républicains – ont sûrement apprécié. Tout comme le socialiste Ousmane Tanor Dieng et le progressiste Moustapha Niasse, nouveaux alliés du chef de l’Apr dans la bataille du second tour, ont certainement du mal à refouler les doutes et les interrogations, par rapport aux lendemains de la défaite de Wade à laquelle ils oeuvrent d’ores et déjà. Et si demain, le même marabout demande au futur Président Macky Sall de déroger aux engagements pris dans le foncier ou dans le commerce ?
De son côté, Me Wade affiche ostensiblement son appartenance à la confrérie mouride, cajole ses hiérarques, s’empresse de satisfaire les condoléances exprimées et anticipe sur les besoins non encore formulés par Touba. Le tout avec un zèle jamais observé, en dehors de la région du Baol, qui fait du Président de la république, tantôt le Président de tous les Sénégalais, tantôt le conservateur – à l’instar d’un chef de forêt classée – d’un des plus gros bassins électoraux du Sénégal. Et surtout, davantage l’obligé d’une confrérie que le serviteur d’une nation. Un parti pris confrérique qui, bien entendu, n’a rien de philanthropique. Bien au contraire. Il s’agit d’une ferveur électorale, calculée et…enceinte de consigne de vote.
Les citoyens férus d’Histoire politique sont enclins à dire : « Rien de nouveau sous le ciel politique du Sénégal ». Effectivement, les marabouts forts de leurs masses d’adeptes n’ont jamais raté les rendez-vous cruciaux de la vie politique. Et toujours à l’invitation ou avec la bénédiction des hommes politiques ou hommes d’Etat de la colonie française comme du Sénégal indépendant. Parfois dans une posture fatale aux intérêts nationaux ; quelques fois dans une attitude favorable.
Dans son livre intitulé « Les carnets secrets de la décolonisation » publié à la fin des années 50, le journaliste Georges Chaffard raconte comment le Gouverneur Bernard Cornut-Gentil alias BCG a fait le tour des familles religieuses, à la vieille du référendum de 1958, et obtenu leur adhésion à la Communauté franco africaine proposée par le Général De Gaulle. Un basculement des marabouts influents qui a court-circuité les militants du PRA et autres porteurs de pancartes, tous partisans du NON dans le sillage de Sékou Touré. Et contraint Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia à s’accommoder de la réalité induite par le poids électoral des Khalifes de cette époque là.
Plus près de nous, en 1960, le trio Senghor, Dia et Waldiodio Ndiaye (ce dernier était ministre de l’Intérieur) s’est appuyé sur Sérigne Fallou Mbacké pour galvaniser, par un discours approprié, le patriotisme des Sénégalais, dans l’épreuve de force qui a opposé les dirigeants de Dakar à ceux de Bamako, lors de l’éclatement de la Fédération du Mali. Ce jour-là, les fortes paroles du marabout de Touba ont contribué à sauver le Sénégal de l’annexion consécutivement à l’écroulement de la Fédération, puis facilité la neutralisation et l’expulsion du Président Modibo Keita par le train.
Un demi-siècle après l’indépendance et au soir de quarante années de vie démocratique couronnée par une alternance, en mars 2000, vécue dans une ambiance de carnaval et non dans une atmosphère de vandalisme (signe d’une vitalité démocratique), il est à la fois rétrograde et périlleux d’injecter – par le discours ou les actes – une dose de ferveur confrérique, de crispations ethniques et de réflexes régionalistes dans un scrutin censé porter au sommet de l’Etat, le Président de tous les citoyens, sans distinction confessionnelle ni discrimination ethnique. Il est, en revanche, impératif de sauvegarder la performance politique et, également la cohésion sociale extraordinairement réalisée par le Sénégal, dans une Afrique où les constellations ethniques et les fractures religieuses constituent un barrage étanche à l’expansion du système démocratique et à l’ancrage des valeurs républicaines.
Ces rappels historiques sont utiles dans un contexte de second tour qui concomitamment autorise des inquiétudes et exige un sursaut aussi civique que salutaire, au vu des initiatives grosses de dégâts sur le tissu social ethniquement et religieusement bariolé sans être déchiré. Et surtout, lourdes d’hypothèques pour le couple « tolérance-consensus », longtemps gage de l’éclat et du rayonnement de l’expérience sénégalaise.
Aucune soif (légitime) de victoire ne peut justifier, comme s’y adonne le candidat Wade, une instrumentalisation forcenée de forces non seulement confrériques, mais redoutablement embrigadées et totalement soumises à l’autorité d’une personne n’incarnant guère – à l’instar des directeurs de la Police et de la Gendarmerie – une institution de l’Etat qui, selon Max Weber, possède « le monopole de la violence légitime » dans une société correctement régie par les lois.
A cet égard, la diffusion par la Rts, d’une manifestation au cours de laquelle des gourdins ont été brandis, constitue un mauvais service rendu au gouvernement (maître de la chaîne de télévision publique) et à la démocratie sénégalaise qui pouvait bien se passer d’images qui suggèrent plus le sang que le succès dans une compétition électorale. Car une victoire à la Pyrrhus est toujours et partout célébrée sur les décombres et au milieu des ruines. Donc sur la tombe de l’Etat de droit, en l’occurrence, l’unique garant et / ou le meilleur fertilisant de l’option démocratique.
Il existe bel et bien des marges de manœuvre et de rattrapage pour les deux candidats, loin de tout Rubicon explosif à franchir. Par exemple, l’importance du taux d’abstention enregistré au premier tour. Voilà un gisement de voix que les « archéologues » des deux directoires de campagne ont tout le loisir et toute la latitude d’explorer. Chose, d’ailleurs, en cours. C’est plus pacifique et plus conforme aux canons de la démocratie que la canalisation, par l’argent et par l’exacerbation, du vote confessionnel ou ethnique. Ce dernier type de vote ayant été bêtement recommandé en langue pulhar, sur les ondes de la station régionale Rts de Kolda, par un chef de station extrémiste qui se réclame de Macky Sall. Ce qui corrobore une tentante « ethnicisation » (non effective pour l’instant) qu’il vaut mieux conjurer méthodiquement que nier avec véhémence.
L’autre fracture qu’il faut empêcher, renvoie à la fâcheuse ligne de démarcation que le porte-parole des Fal 2012 et de Me Wade, Me Amadou Sall, trace entre une jeunesse estampillée « y en a marre » et une jeunesse arrimée aux daaras, donc soudée aux marabouts. Une élection passagère vaut-elle qu’on déchiquette le Sénégal, oppose et fractionne sa jeunesse, la relève de demain ? On ne se lassera jamais de répéter que la patrie est au-dessus des partis qui ne sont rien d’autres des associations privées appelées à naître, grandir et dépérir.
Question aux deux candidats : pour surmonter une difficulté du présent, doit-on durablement hypothéquer l’avenir ? Que vivement les deux directoires bourrés d’ambitieux, mais aussi de patriotes et d’intellos y méditent tout au long de la campagne ! C’est là une feuille de route et… de réflexion, au demeurant très compatible avec les deux programmes en émulation.
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