Demain, 25 Mai 2013, L’Union Africaine (UA) commémore les 50 ans de la création de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), sous la bannière du « Pan Africanisme » et de la « Renaissance Africaine ».
C’est cet évènement historique qui nous autorise à nous interroger sur le « Pan Africanisme », pour interpeller nos chefs d’Etat, et exhorter nos peuples à se réapproprier cet idéal dans les conditions de nouvelles opportunités que nous offre ce début du XXIème siècle.
Le terme « Pan africanisme » évoque à la fois un mythe historique et une aspiration réelle des noirs d’Amérique et d’Afrique pour leur émancipation.
C’est pour cela, comme toutes les grandes idées qui ont pu rassembler des peuples aspirant à plus de liberté et de dignité, le contenu du « Pan africanisme » a subi l’influence des bouleversements économiques, politiques et sociaux qui ont marqué le monde du XIXe et du XXe siècle, et les péripéties des luttes de libération politique, économique et sociale des peuples et classes sociales dominées et exploitées par le mode de production capitaliste, à tous ses stades de développement.
Il est donc utile, en parlant du « Pan africanisme », de procéder à un bref rappel historique de l’évolution de cette grande idée, pour ensuite évoquer les obstacles que ses adeptes ont dû rencontrer pour la matérialiser, avant de se pencher sur qu’elle peut devenir au début de ce XXIe siècle.
I) Bref rappel historique.
Le rappel historique du « Pan africanisme » révèle trois grandes étapes dans son évolution : sa naissance et son développement avant la première guerre mondiale (1914-1918), l’étape entre les deux guerres mondiales, et la période post indépendance des Etats d’Afrique à partir de 1960.
Cette guerre avait opposé le Nord, en début d’industrialisation et en quête de main d’œuvre bon marché , « libre de toute chaine », au SUD agricole, dont le système de production reposait encore sur l’esclavagisme, que tolérait la première Constitution américaine issue de leur guerre d’Indépendance, en contradiction avec son crédo proclamant que « les hommes naissent libres et égaux » qui est au fondement de leur « Déclaration historique des Droits de l’Homme ».
Dr DUBOIS et ses compagnons ne pouvaient plus accepter, que plus d’un siècle après les amendements portés à cette Constitution pour reconnaître l’égalité en droit des noirs et des blancs d’Amérique, les noirs ne pouvaient pas jouir de leurs droits civiques au même titre que les blancs.
Cette revendication des noirs pour la jouissance des mêmes droits civiques que les blancs d’Amérique a été la première forme historique du « Pan africanisme » qui a donné naissance aux USA à une puissante organisation, l’ « Association Nationale pour l’émancipation des peuples de couleur » ((NAACP).
Mais les succès encore timides de cette lutte, face aux nombreux obstacles, de type réglementaire et culturel, dans de nombreux Etats, particulièrement dans le SUD, ont suscité le besoin, chez une frange de noirs Américains, de retour à la « terre natale d’Afrique » pour réaliser leur aspiration à s’émanciper.
Ce besoin fut pris en charge par un Américain originaire de la Jamaïque du nom de MARCUS HARVEY, qui a donné naissance au mouvement « PAN Négriste », ou « Harveyisme », comme une variante de l’aspiration des noirs d’Amérique à plus d’émancipation par leur retour en Afrique.
C’est cela qui a donné le contenu hydride à la recherche pour l’émancipation des noirs d’Amérique : la conquête des droits civiques sur place, et le retour en Afrique pour construire des Etats libres et indépendants.
Ainsi, autant le « Pan Négrisme » de Harvey affaiblissait le rassemblement le plus largement possible des noirs d’Amérique pour la conquête de leurs droits civiques, autant il ouvrait des perspectives de connexion avec les luttes des peuples d’Afrique pour leur émancipation du joug colonial et pour leur unification au sein d’un Etat libre et indépendant.
Alors que le Pan Africanisme liait l’émancipation des noirs d’Afrique à la conquête de l’Indépendance de ces peuples au sein d’un Etat Fédéral, la Négritude limitait cette émancipation à l’affirmation de l’apport culturel spécifique des noirs à la civilisation de l’Universel.
C’est ainsi que le Pan africanisme fut politiquement incarné en Afrique par Dr DUBOIS et le Ghanéen Nkrumah pour créer de grands rassemblements des peuples d’Afrique pour l’indépendance et l’Unité des peuples du Continent, en solidarité avec la lutte des noirs d’Amérique pour la conquête des droits civiques.
Cette aspiration politique trouvait sa justification culturelle et économique dans les travaux du Pr Sénégalais Cheikh Anta Dop.
C’est ce Pan africanisme qui a donné naissance en 1945 au « Rassemblement Démocratique Africain » (RDA) dans les colonies françaises d’Afrique, alors qu’un tel rassemblement n’eut pas lieu dans les colonies Britanniques d’Afrique, malgré l’émergence, à côté de DUBOIS et de Nkrumah, de fortes personnalités politiques qui y incarnaient cet idéal, comme Jomo Kenyatta du Kenya, et Julius Nyerere de Tanzanie.
Par contre, les tenants de la « Négritude », incarnée par le Sénégalais, Léopold Sedar Senghor, et le Mauricien, Aimé Césaire, étaient opposés à l’Indépendance, et militaient pour une « Union avec la France », pour Senghor, ou le maintien des colonies comme partie intégrante de la France sous forme de « Départements d’Outre Mer », pour Césaire.
Ainsi, à la solidarité Pan africaniste entre les noirs d’Afrique, des Caraïbes et d’Amérique, pour l’indépendance des peuples colonisés et la conquête des Droits civiques aux USA, la « Négritude » opposait une solidarité entre les noirs d’Afrique et de la Diaspora pour la défense de l’apport culturel des noirs à la civilisation universelle.
Cette division du mouvement pour l’émancipation des noirs d’Afrique et de la Diaspora, empêchait l’avènement d’un vaste mouvement mondial des noirs pour matérialiser les objectifs du Pan africanisme.
La « Négritude » a donc prit, historiquement, le relais du « Harveyisme », dans l’évolution des luttes des noirs pour leur émancipation.
Cette division historique fut accentuée en Afrique, sous domination Française, par l’éclatement du RDA dans les années 50, comme conséquence de la « Loi Cadre » de 1956 que le Gouvernement colonial Français avait adoptée pour accorder l’autonomie interne à chaque territoire colonisé, à la place de l’autonomie interne dans le cadre des Fédérations de l’Afrique Occidentale Française (AOF) et de l’Afrique Equatoriale Française (AEF) qui constituaient la Colonie Française en Afrique.
A ce recul historique de l’organisation des peuples d’Afrique pour leur émancipation, avaient réagi les Marxistes Léninistes issus des Colonies françaises d’Afrique, pour créer en 1957, le « Parti Africain de l’Indépendance » (PAI), sous la direction du Sénégalais Majmouth Diop, avec des sections de territoire ; et la création de « l’Union Générale des Travailleurs d’Afrique Noire » (UGTAN), sous la direction du Guinéen, Ahmed Sécou Touré, dans le cadre des territoires de l’AOF.
Dans ce contexte, la démarcation du Pr Cheikh Anta Diop, pour construire, dans cette lutte pour l’indépendance et l’Unité des peuples d’Afrique, une alternative politique pour mieux refléter sa conception de l’émancipation des peuples d’Afrique, n’a pu dépasser les frontières étroites du territoire du Sénégal, malgré ses nombreux adeptes en milieu universitaire en Afrique et dans les Caraïbes.
Cette dispersion des forces acquises à l’émancipation des noirs incarnée par le Pan africanisme, a permis aux tenants de la « Négritude » à refuser l’indépendance que proposait la France lors du référendum de Septembre 1958, en appelant à voter massivement pour « l’Union avec la France » dans tous le territoires d’Afrique française, à l’exception notoire de la Guinée, sous la direction de Sécou Touré, qui accédait, à cette occasion, à l’indépendance nationale de ce territoire.
La Guinée sous Sécou Touré rejoignait ainsi le Ghana sous Nkrumah, pour incarner l’aspiration des peuples d’Afrique à l’émancipation sous le drapeau du Pan africanisme.
Mais, chassée d’Indochine par le mouvement de libération nationale sous la direction de Ho Chi Min, et confrontée à la lutte armée du peuple Algérien pour l’indépendance contre son statut de « Département Français d’Outre Mer », la France dût se résoudre, dans ses territoires d’Afrique noire, à transmettre en 1960, le pouvoir à ceux qui ne voulaient pas l’Indépendance, et qui, deux ans au paravent, avaient mobilisé leurs peuples pour la refuser.
En effet, les pays indépendants d’Afrique sont constitués de peuples noirs et de peuples arabo berbères, ce qui donnait au pan africanisme un contenu non exclusivement nègre.
Ces deux groupes furent :
- le groupe pan africaniste de Rabat, capitale du Maroc, qui proposait l’Unité Fédérale des Etats d’Afrique devenus indépendants,
- le groupe de Monrovia, capitale de Sierra Léone, qui militait pour une approche par « cercles concentriques », fondée sur la base d’une part, de l’intégration des économies des « Etats de la zone Franc », sous le contrôle politique et économique de la France, et celle, d’autre part, des économies des ex colonies Britanniques dans le cadre du « Common Wealth » sous l’égide de l’Angleterre. .
Mais le fondement véritable de cette divergence d’approche reposait sur l’attitude à adopter vis-à-vis des pays anciennement colonisateurs.
Cette divergence de fonds se retrouvait dans les différents qui opposaient Nkrumah, Nyerere, et Sécou Touré, d’une part, à Senghor et ses alliés, d’autre part.
C’est dans ce contexte, que le 25 Mai 1964, un compromis fut trouvé entre les deux groupes, pour créer « l’Organisation de l’Unité Africaine », (OUA), sur la base du respect de l’intangibilité des frontières issues du colonialisme, de la coopération entre les Etats, de la non ingérence dans les affaires intérieures des Etats, et la solidarité avec « l’Alliance Nationale Africaine » (ANC), contre l’ « apartheid » en Afrique du SUD, et avec les luttes de libération nationale dans les colonies portugaises , et en Afrique Australe.
Ce compromis a fortement contribué à l’indépendance des peuples sous domination coloniale portugaise, en Afrique Australe, et à la fin de l’ « apartheid » en Afrique du SUD, par l’aide politique et économique mobilisée par l’OUA à cet effet.
Le rêve du Pan Africanisme d’une Afrique débarrassée du joug colonial et de l’apartheid a été ainsi traduit en réalité.
Cette victoire politique de l’OUA a été facilitée par l’aide militaire et économique des pays Socialistes, particulièrement de l’Union Soviétique, de Cuba et de la Chine, aux mouvements de libération nationale et à l’ANC.
Cependant, l’OUA n’est pas parvenu à créer les conditions d’intégration économique des Etats d’Afrique ainsi libérés, même à travers une approche d’intégration sous régionale, particulièrement, dans la période de l’effondrement du camp socialiste d’Europe de l’Est.
En effet, l’existence et le renforcement de la « Zone franc » et du « Common Wealth » ont été, entre autres, les obstacles majeurs à la réalisation de l’Unité Africaine pour matérialiser les aspirations des peuples d’Afrique à l’émancipation économique et culturelle.
II) Les obstacles
D’autres circonstances ont aggravé ces obstacles majeurs pour vider le Pan africanisme de son contenu émancipateur.
Il faut citer sans être exhaustif :
Cependant, il n’a pas été possible d’enterrer l’idéal pan africaniste depuis l’accès au pouvoir de l’ANC en Afrique du SUD, et la transformation de l’OUA en « Union Africaine »(UA), avec le recentrage de la Lybie vers l’Afrique Subsaharienne, après l’échec de son Pan arabisme militant.
L’UA, construite à l’image de l’Union Européenne, s’est dotée d’une Commission exécutive et d’un Programme économique et social, le NEPAD, avec l’objectif déclaré de parachever, en s’appuyant sur cinq grandes organisations sous régionales, et la Diaspora considérée comme une sixième région, l’unité politique, économique et culturelle des peuples d’Afrique pour réaliser les objectifs du Pan africanisme historique.
Mais l’UA, n’ayant pas remis en cause les obstacles politiques, économiques et culturels contemporains ci-dessus identifiés, a, au contraire, accentué ces travers de l’OUA, et s’est même montrée incapable de préserver les acquis politiques de l’OUA.
En effet, le principe sacro saint de « l’intangibilité ses frontières issues du colonialisme » de l’OUA, repris par l’UA, a été remis en cause au Soudan, avec son approbation, sous la pression des Etats Unis et de la NAACP, qui ont exploité les dérives anti laïques du Gouvernement Soudanais qui a instauré un Etat islamique et érigé la « Charia » en loi d’Etat, pour faire reconnaître la partition de cet Etat en deux Etats souverains sur des critères religieux , entre un Nord musulman et un SUD chrétien.
Même son propre principe de « ne reconnaître aucun gouvernement non issu d’élections libres et transparentes » a été remis en cause en Tunisie et en Egypte, alors qu’elle a fait les « gros bras » lors de la crise politique à Madagascar et dans celle qui est en cours en Côte d’Ivoire. !
Cette « prétention démocratique » de la part de chefs d’Etat majoritairement autocratiques et despotiques, soumis aux Etats impérialistes, ne pouvait prospérer autrement que comme un « faire valoir démocratique » dont les puissances impérialistes avait besoin pour convaincre leurs peuples sur le bon fondé de leur coopération et de leur aide à ces Etats.
Pis encore, avec la crise Libyenne, la France, l’Angleterre et les USA, ont montré à l’UA, le peu de considération qu’ils ont envers elle, en privilégiant l’avis de la « Ligue arabe », sur les siens, pour décider de sanctions politique et économique, contre la Libye, et même, pour décider de bombarder cet Etat souverain afin d’ « aider les insurgés » contre le Président légitime de ce pays, qui venait à peine d’exercer les fonctions de « Président de l’UA ».
Ces grandes puissances impérialistes n’ont même pas hésité à interdire l’accès au territoire Libyen à une délégation officielle de l’UA, qui avait décidé d’exercer son droit, reconnu internationalement, de prendre en charge les conflits intérieurs dans ses Etats membres, pour y ramener la paix et la stabilité et faire respecter l’intégrité de leur territoire.
Les Etats impérialistes peuvent soutenir et même pousser l’UA à intervenir en Côte d’Ivoire pour imposer l’homme de Choix de la France et des Etats Unis, mais pas en Libye, pour y rétablir la paix intérieure et préserver la souveraineté et l’intégrité territoriale de ce pays !
Pis encore, l’UA est restée sans voix devant le vote, par l’Afrique du SUD et le Nigéria, de la résolution 1973 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, pour autoriser l’agression militaire des forces impérialistes contre la Lybie, sous prétexte, de protéger les civils, mais, en réalité, pour renverser le pouvoir de Khadafi en Lybie par des « insurgés » ,dont elles reconnaissent les dirigeants comme les « seuls représentants légitimes de leur peuple » !
Ainsi, par ce basculement de l’Afrique du SUD, l’UA a atteint ses limites politiques, économiques et sociales historiques, dans la réalisation de l‘objectif d’émancipation des peuples d’Afrique, tel que recherché par ceux qui ont incarné l’idéal du Pan Africanisme.
Cependant, en ce début du XXIe siècle, la crise énergétique, alimentaire, économique et financière de l’économe mondiale sous le joug des Etats du capitalisme monopoliste et financier, et leurs Firmes Transnationales, a jeté les bases objectives d’un renouveau du Pan Africanisme.
III) Quel Pan Africanisme pour le XXIe siècle ?
La crise actuelle du système capitaliste mondial a engendré trois types de contradictions en son sein.
Le premier type de contradiction, c’est d’abord celle qui oppose le capital et le travail qui a été exacerbée par les solutions d’austérité des Gouvernements des grandes puissances capitalistes sous le diktat de la Bourse et des marchés sous le contrôle des Firmes Transnationales.
Les « plans de sauvetage » concoctés par ces Etats sur le dos des contribuables et au prix de licenciements massifs et d’agression contre les acquis des travailleurs en matière de sécurité sociale, ont fait renaître de puissants mouvements sociaux, pour rejeter la soumission de leurs Etats à la volonté de cette caste de capitalistes monopolistes qui régente la bourse.
C’est ensuite, le deuxième type de contradiction, c’est celle qui oppose ces pays et ces entreprises avec les pays et les entreprises des Etats émergents pour le contrôle du marché mondial.
A cet égard, il est à noter l’avènement d’une nouvelle organisation de pays émergents autour du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du SUD, (BRICS), avec leurs économies en forte croissance malgré la grave crise économique et financière dans laquelle les grandes puissances impérialistes sont empêtrées, et l‘importance de leurs réserves financières, ont fait apparaître une nouvelle force mondiale, capable d’infléchir le cours de l’histoire, au début de ce XXIème siècle.
Ainsi, depuis la disparition du camp socialiste d’Europe, c’est la première forme de remise en cause du monopole exclusif des grandes puissances occidentales sur l’économie et la finance dans un marché totalement mondialisé.
Ce nouveau bloc qui les concurrence dans leur « chasse gardée » traditionnelle, poussent ces pays des grandes puissances vers l’émergence d’une « Droite raciste et xénophobe » pour contrer leurs mouvements sociaux qui ébranlent les fondements politique et économique du capitalisme dans ses Etats, et vers la reprise des guerres impérialistes dans les pays en développement où elles subissent une concurrence accrue de la part des pays du BRICS.
L’ère de « tournant fasciste » dans les grandes puissances occidentales, et de « nouvelles guerres coloniales » est ainsi ouverte.
Cela se traduit déjà par le renforcement de l’extrême droite, en Europe sous la bannière de la « lutte contre l’immigration et l’Islam » et « la mise en cause du multiculturalisme », et aux USA, depuis l’avènement d’un Noir à la tête du pays, et par leurs recours sans fard à la force brutale pour préserver ou reconquérir les marchés des matières premières et les marchés nationaux des pays en développement.
D’où, le troisième type de contradiction du système de domination du capitalisme mondial, est la renaissance des mouvements patriotiques et anti impérialistes dans les pays en voie de développement.
C’est ainsi, qu’après avoir théorisé « l’infériorité de la race noire » pour justifier la « Traite des nègres », puis la « mission civilisatrice de l’occident » pour justifier le « colonialisme », aujourd’hui, c’est le recours à un « Droit Humanitaire d’ingérence », ou au « de Droit d’ingérence démocratique », que ces puissances impérialistes se sont octroyés, pour justifier leur agression contre la souveraineté des peuples pour maintenir leurs Etats sous leur domination.
Dans cette perspective, le soulèvement des peuples de Tunisie et d’Egypte contre les conséquences sociales des politiques de libéralisation de leurs économies, de privatisation de leurs entreprises nationales, et de pillage de leurs ressources par les Firmes Transnationales et la caste de Bureaucrates civils et militaires qu’elles ont imposée ou maintenue au pouvoir, est savamment exploité par les Etats impérialistes, qui tentent de les présenter à l’opinion mondiale, avec l’aide de leurs puissants médias, comme des « révoltes politiques exclusivement dirigées contre des Dictateurs locaux ».
Cette tentative de confiner ces soulèvements populaires contre les politiques de libéralisation économique, dans les limites étroites de réforme des institutions politiques pour plus de démocratie, devrait être contrée vigoureusement, pour qu’elle cesse de servir d’alibi, comme en Lybie et en Syrie, pour réveiller « leurs cellules dormantes » à des fins de déstabilisation des Etats, pour motiver leur intervention militaire de reconquête de marchés qui ont échappé à leur contrôle ou qui risquent de l’être sous la menace des pays du BRICS.
De cette manière, ils comptent faire d’une pierre deux coups : étouffer dans ces pays, le mécontentement populaire contre le dictat des marchés boursiers au service des Firmes transnationales, et s’en servir comme prétexte pour déstabiliser des Etats insoumis, et reconquérir leurs ressources et leurs marchés.
L’ouverture de cette nouvelle ère de « conquête coloniale », exacerbe les contradictions entre les Etats des pays impérialistes et les peuples des pays en développement. Cela va enfanter l’émergence d’un « nouveau patriotisme » dans ces pays pour reprendre la lutte de libération nationale.
La conjugaison de ces trois types de contradiction du système de domination capitaliste du monde, ouvre de réelles perspectives pour le « renouveau » du Pan Africanisme.
Dans ce contexte, les forces patriotiques, républicaines et démocratiques en Afrique et dans la diaspora, ont, avec la révolution informationnelle, de meilleures perspectives pour reconstruire un puissant mouvement pan africaniste. Elles ont identifié les obstacles à surmonter, et les nouvelles opportunités d’alliance qui s’offrent à elles, pour réaliser cet objectif. Elles ont la claire conscience, que les forces anti impérialistes des pays du capitalisme monopoliste et financier, et les forces progressistes des pays émergents, peuvent leur servir d’alliées sûres pour la réalisation de l’idéal de « renouveau du Pan Africanisme » dans le XXIe siècle.
Fait à Dakar le 24 Mai 2013
Ibrahima Sene
PIT/SENEGAL
C’est cet évènement historique qui nous autorise à nous interroger sur le « Pan Africanisme », pour interpeller nos chefs d’Etat, et exhorter nos peuples à se réapproprier cet idéal dans les conditions de nouvelles opportunités que nous offre ce début du XXIème siècle.
Le terme « Pan africanisme » évoque à la fois un mythe historique et une aspiration réelle des noirs d’Amérique et d’Afrique pour leur émancipation.
C’est pour cela, comme toutes les grandes idées qui ont pu rassembler des peuples aspirant à plus de liberté et de dignité, le contenu du « Pan africanisme » a subi l’influence des bouleversements économiques, politiques et sociaux qui ont marqué le monde du XIXe et du XXe siècle, et les péripéties des luttes de libération politique, économique et sociale des peuples et classes sociales dominées et exploitées par le mode de production capitaliste, à tous ses stades de développement.
Il est donc utile, en parlant du « Pan africanisme », de procéder à un bref rappel historique de l’évolution de cette grande idée, pour ensuite évoquer les obstacles que ses adeptes ont dû rencontrer pour la matérialiser, avant de se pencher sur qu’elle peut devenir au début de ce XXIe siècle.
I) Bref rappel historique.
Le rappel historique du « Pan africanisme » révèle trois grandes étapes dans son évolution : sa naissance et son développement avant la première guerre mondiale (1914-1918), l’étape entre les deux guerres mondiales, et la période post indépendance des Etats d’Afrique à partir de 1960.
- a) Naissance et développement du Pan africanisme
Cette guerre avait opposé le Nord, en début d’industrialisation et en quête de main d’œuvre bon marché , « libre de toute chaine », au SUD agricole, dont le système de production reposait encore sur l’esclavagisme, que tolérait la première Constitution américaine issue de leur guerre d’Indépendance, en contradiction avec son crédo proclamant que « les hommes naissent libres et égaux » qui est au fondement de leur « Déclaration historique des Droits de l’Homme ».
Dr DUBOIS et ses compagnons ne pouvaient plus accepter, que plus d’un siècle après les amendements portés à cette Constitution pour reconnaître l’égalité en droit des noirs et des blancs d’Amérique, les noirs ne pouvaient pas jouir de leurs droits civiques au même titre que les blancs.
Cette revendication des noirs pour la jouissance des mêmes droits civiques que les blancs d’Amérique a été la première forme historique du « Pan africanisme » qui a donné naissance aux USA à une puissante organisation, l’ « Association Nationale pour l’émancipation des peuples de couleur » ((NAACP).
Mais les succès encore timides de cette lutte, face aux nombreux obstacles, de type réglementaire et culturel, dans de nombreux Etats, particulièrement dans le SUD, ont suscité le besoin, chez une frange de noirs Américains, de retour à la « terre natale d’Afrique » pour réaliser leur aspiration à s’émanciper.
Ce besoin fut pris en charge par un Américain originaire de la Jamaïque du nom de MARCUS HARVEY, qui a donné naissance au mouvement « PAN Négriste », ou « Harveyisme », comme une variante de l’aspiration des noirs d’Amérique à plus d’émancipation par leur retour en Afrique.
C’est cela qui a donné le contenu hydride à la recherche pour l’émancipation des noirs d’Amérique : la conquête des droits civiques sur place, et le retour en Afrique pour construire des Etats libres et indépendants.
Ainsi, autant le « Pan Négrisme » de Harvey affaiblissait le rassemblement le plus largement possible des noirs d’Amérique pour la conquête de leurs droits civiques, autant il ouvrait des perspectives de connexion avec les luttes des peuples d’Afrique pour leur émancipation du joug colonial et pour leur unification au sein d’un Etat libre et indépendant.
- b) La période entre les deux guerres mondiales.
Alors que le Pan Africanisme liait l’émancipation des noirs d’Afrique à la conquête de l’Indépendance de ces peuples au sein d’un Etat Fédéral, la Négritude limitait cette émancipation à l’affirmation de l’apport culturel spécifique des noirs à la civilisation de l’Universel.
C’est ainsi que le Pan africanisme fut politiquement incarné en Afrique par Dr DUBOIS et le Ghanéen Nkrumah pour créer de grands rassemblements des peuples d’Afrique pour l’indépendance et l’Unité des peuples du Continent, en solidarité avec la lutte des noirs d’Amérique pour la conquête des droits civiques.
Cette aspiration politique trouvait sa justification culturelle et économique dans les travaux du Pr Sénégalais Cheikh Anta Dop.
C’est ce Pan africanisme qui a donné naissance en 1945 au « Rassemblement Démocratique Africain » (RDA) dans les colonies françaises d’Afrique, alors qu’un tel rassemblement n’eut pas lieu dans les colonies Britanniques d’Afrique, malgré l’émergence, à côté de DUBOIS et de Nkrumah, de fortes personnalités politiques qui y incarnaient cet idéal, comme Jomo Kenyatta du Kenya, et Julius Nyerere de Tanzanie.
Par contre, les tenants de la « Négritude », incarnée par le Sénégalais, Léopold Sedar Senghor, et le Mauricien, Aimé Césaire, étaient opposés à l’Indépendance, et militaient pour une « Union avec la France », pour Senghor, ou le maintien des colonies comme partie intégrante de la France sous forme de « Départements d’Outre Mer », pour Césaire.
Ainsi, à la solidarité Pan africaniste entre les noirs d’Afrique, des Caraïbes et d’Amérique, pour l’indépendance des peuples colonisés et la conquête des Droits civiques aux USA, la « Négritude » opposait une solidarité entre les noirs d’Afrique et de la Diaspora pour la défense de l’apport culturel des noirs à la civilisation universelle.
Cette division du mouvement pour l’émancipation des noirs d’Afrique et de la Diaspora, empêchait l’avènement d’un vaste mouvement mondial des noirs pour matérialiser les objectifs du Pan africanisme.
La « Négritude » a donc prit, historiquement, le relais du « Harveyisme », dans l’évolution des luttes des noirs pour leur émancipation.
Cette division historique fut accentuée en Afrique, sous domination Française, par l’éclatement du RDA dans les années 50, comme conséquence de la « Loi Cadre » de 1956 que le Gouvernement colonial Français avait adoptée pour accorder l’autonomie interne à chaque territoire colonisé, à la place de l’autonomie interne dans le cadre des Fédérations de l’Afrique Occidentale Française (AOF) et de l’Afrique Equatoriale Française (AEF) qui constituaient la Colonie Française en Afrique.
A ce recul historique de l’organisation des peuples d’Afrique pour leur émancipation, avaient réagi les Marxistes Léninistes issus des Colonies françaises d’Afrique, pour créer en 1957, le « Parti Africain de l’Indépendance » (PAI), sous la direction du Sénégalais Majmouth Diop, avec des sections de territoire ; et la création de « l’Union Générale des Travailleurs d’Afrique Noire » (UGTAN), sous la direction du Guinéen, Ahmed Sécou Touré, dans le cadre des territoires de l’AOF.
Dans ce contexte, la démarcation du Pr Cheikh Anta Diop, pour construire, dans cette lutte pour l’indépendance et l’Unité des peuples d’Afrique, une alternative politique pour mieux refléter sa conception de l’émancipation des peuples d’Afrique, n’a pu dépasser les frontières étroites du territoire du Sénégal, malgré ses nombreux adeptes en milieu universitaire en Afrique et dans les Caraïbes.
Cette dispersion des forces acquises à l’émancipation des noirs incarnée par le Pan africanisme, a permis aux tenants de la « Négritude » à refuser l’indépendance que proposait la France lors du référendum de Septembre 1958, en appelant à voter massivement pour « l’Union avec la France » dans tous le territoires d’Afrique française, à l’exception notoire de la Guinée, sous la direction de Sécou Touré, qui accédait, à cette occasion, à l’indépendance nationale de ce territoire.
La Guinée sous Sécou Touré rejoignait ainsi le Ghana sous Nkrumah, pour incarner l’aspiration des peuples d’Afrique à l’émancipation sous le drapeau du Pan africanisme.
Mais, chassée d’Indochine par le mouvement de libération nationale sous la direction de Ho Chi Min, et confrontée à la lutte armée du peuple Algérien pour l’indépendance contre son statut de « Département Français d’Outre Mer », la France dût se résoudre, dans ses territoires d’Afrique noire, à transmettre en 1960, le pouvoir à ceux qui ne voulaient pas l’Indépendance, et qui, deux ans au paravent, avaient mobilisé leurs peuples pour la refuser.
- c) La période post Indépendance
En effet, les pays indépendants d’Afrique sont constitués de peuples noirs et de peuples arabo berbères, ce qui donnait au pan africanisme un contenu non exclusivement nègre.
Ces deux groupes furent :
- le groupe pan africaniste de Rabat, capitale du Maroc, qui proposait l’Unité Fédérale des Etats d’Afrique devenus indépendants,
- le groupe de Monrovia, capitale de Sierra Léone, qui militait pour une approche par « cercles concentriques », fondée sur la base d’une part, de l’intégration des économies des « Etats de la zone Franc », sous le contrôle politique et économique de la France, et celle, d’autre part, des économies des ex colonies Britanniques dans le cadre du « Common Wealth » sous l’égide de l’Angleterre. .
Mais le fondement véritable de cette divergence d’approche reposait sur l’attitude à adopter vis-à-vis des pays anciennement colonisateurs.
Cette divergence de fonds se retrouvait dans les différents qui opposaient Nkrumah, Nyerere, et Sécou Touré, d’une part, à Senghor et ses alliés, d’autre part.
C’est dans ce contexte, que le 25 Mai 1964, un compromis fut trouvé entre les deux groupes, pour créer « l’Organisation de l’Unité Africaine », (OUA), sur la base du respect de l’intangibilité des frontières issues du colonialisme, de la coopération entre les Etats, de la non ingérence dans les affaires intérieures des Etats, et la solidarité avec « l’Alliance Nationale Africaine » (ANC), contre l’ « apartheid » en Afrique du SUD, et avec les luttes de libération nationale dans les colonies portugaises , et en Afrique Australe.
Ce compromis a fortement contribué à l’indépendance des peuples sous domination coloniale portugaise, en Afrique Australe, et à la fin de l’ « apartheid » en Afrique du SUD, par l’aide politique et économique mobilisée par l’OUA à cet effet.
Le rêve du Pan Africanisme d’une Afrique débarrassée du joug colonial et de l’apartheid a été ainsi traduit en réalité.
Cette victoire politique de l’OUA a été facilitée par l’aide militaire et économique des pays Socialistes, particulièrement de l’Union Soviétique, de Cuba et de la Chine, aux mouvements de libération nationale et à l’ANC.
Cependant, l’OUA n’est pas parvenu à créer les conditions d’intégration économique des Etats d’Afrique ainsi libérés, même à travers une approche d’intégration sous régionale, particulièrement, dans la période de l’effondrement du camp socialiste d’Europe de l’Est.
En effet, l’existence et le renforcement de la « Zone franc » et du « Common Wealth » ont été, entre autres, les obstacles majeurs à la réalisation de l’Unité Africaine pour matérialiser les aspirations des peuples d’Afrique à l’émancipation économique et culturelle.
II) Les obstacles
D’autres circonstances ont aggravé ces obstacles majeurs pour vider le Pan africanisme de son contenu émancipateur.
Il faut citer sans être exhaustif :
- Au plan politique, c’est, essentiellement, le soutien des USA au Portugal
- Au plan économique, ce sont les programmes d’ajustement structurel , dans les 80 et 90, qui ont permis la confiscation de la souveraineté économique et alimentaire des Etats d’Afrique à travers les politiques de libéralisation et de privatisation, pour les intégrer davantage dans le marché capitaliste mondial ; cela a eu comme conséquence, une polarisation accrue des pays du Maghreb africain par les économies européennes du pourtour méditerranéen, au détriment d’une politique d’intégration avec le reste de l’Afrique.
- Au plan culturel, ce sont la persistance de la division de l’Afrique en Francophone, Anglophone et Arabophone, et l’émergence, dans la période, d’un Pan arabisme militant incarné par la Lybie.
Cependant, il n’a pas été possible d’enterrer l’idéal pan africaniste depuis l’accès au pouvoir de l’ANC en Afrique du SUD, et la transformation de l’OUA en « Union Africaine »(UA), avec le recentrage de la Lybie vers l’Afrique Subsaharienne, après l’échec de son Pan arabisme militant.
L’UA, construite à l’image de l’Union Européenne, s’est dotée d’une Commission exécutive et d’un Programme économique et social, le NEPAD, avec l’objectif déclaré de parachever, en s’appuyant sur cinq grandes organisations sous régionales, et la Diaspora considérée comme une sixième région, l’unité politique, économique et culturelle des peuples d’Afrique pour réaliser les objectifs du Pan africanisme historique.
Mais l’UA, n’ayant pas remis en cause les obstacles politiques, économiques et culturels contemporains ci-dessus identifiés, a, au contraire, accentué ces travers de l’OUA, et s’est même montrée incapable de préserver les acquis politiques de l’OUA.
En effet, le principe sacro saint de « l’intangibilité ses frontières issues du colonialisme » de l’OUA, repris par l’UA, a été remis en cause au Soudan, avec son approbation, sous la pression des Etats Unis et de la NAACP, qui ont exploité les dérives anti laïques du Gouvernement Soudanais qui a instauré un Etat islamique et érigé la « Charia » en loi d’Etat, pour faire reconnaître la partition de cet Etat en deux Etats souverains sur des critères religieux , entre un Nord musulman et un SUD chrétien.
Même son propre principe de « ne reconnaître aucun gouvernement non issu d’élections libres et transparentes » a été remis en cause en Tunisie et en Egypte, alors qu’elle a fait les « gros bras » lors de la crise politique à Madagascar et dans celle qui est en cours en Côte d’Ivoire. !
Cette « prétention démocratique » de la part de chefs d’Etat majoritairement autocratiques et despotiques, soumis aux Etats impérialistes, ne pouvait prospérer autrement que comme un « faire valoir démocratique » dont les puissances impérialistes avait besoin pour convaincre leurs peuples sur le bon fondé de leur coopération et de leur aide à ces Etats.
Pis encore, avec la crise Libyenne, la France, l’Angleterre et les USA, ont montré à l’UA, le peu de considération qu’ils ont envers elle, en privilégiant l’avis de la « Ligue arabe », sur les siens, pour décider de sanctions politique et économique, contre la Libye, et même, pour décider de bombarder cet Etat souverain afin d’ « aider les insurgés » contre le Président légitime de ce pays, qui venait à peine d’exercer les fonctions de « Président de l’UA ».
Ces grandes puissances impérialistes n’ont même pas hésité à interdire l’accès au territoire Libyen à une délégation officielle de l’UA, qui avait décidé d’exercer son droit, reconnu internationalement, de prendre en charge les conflits intérieurs dans ses Etats membres, pour y ramener la paix et la stabilité et faire respecter l’intégrité de leur territoire.
Les Etats impérialistes peuvent soutenir et même pousser l’UA à intervenir en Côte d’Ivoire pour imposer l’homme de Choix de la France et des Etats Unis, mais pas en Libye, pour y rétablir la paix intérieure et préserver la souveraineté et l’intégrité territoriale de ce pays !
Pis encore, l’UA est restée sans voix devant le vote, par l’Afrique du SUD et le Nigéria, de la résolution 1973 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, pour autoriser l’agression militaire des forces impérialistes contre la Lybie, sous prétexte, de protéger les civils, mais, en réalité, pour renverser le pouvoir de Khadafi en Lybie par des « insurgés » ,dont elles reconnaissent les dirigeants comme les « seuls représentants légitimes de leur peuple » !
Ainsi, par ce basculement de l’Afrique du SUD, l’UA a atteint ses limites politiques, économiques et sociales historiques, dans la réalisation de l‘objectif d’émancipation des peuples d’Afrique, tel que recherché par ceux qui ont incarné l’idéal du Pan Africanisme.
Cependant, en ce début du XXIe siècle, la crise énergétique, alimentaire, économique et financière de l’économe mondiale sous le joug des Etats du capitalisme monopoliste et financier, et leurs Firmes Transnationales, a jeté les bases objectives d’un renouveau du Pan Africanisme.
III) Quel Pan Africanisme pour le XXIe siècle ?
La crise actuelle du système capitaliste mondial a engendré trois types de contradictions en son sein.
Le premier type de contradiction, c’est d’abord celle qui oppose le capital et le travail qui a été exacerbée par les solutions d’austérité des Gouvernements des grandes puissances capitalistes sous le diktat de la Bourse et des marchés sous le contrôle des Firmes Transnationales.
Les « plans de sauvetage » concoctés par ces Etats sur le dos des contribuables et au prix de licenciements massifs et d’agression contre les acquis des travailleurs en matière de sécurité sociale, ont fait renaître de puissants mouvements sociaux, pour rejeter la soumission de leurs Etats à la volonté de cette caste de capitalistes monopolistes qui régente la bourse.
C’est ensuite, le deuxième type de contradiction, c’est celle qui oppose ces pays et ces entreprises avec les pays et les entreprises des Etats émergents pour le contrôle du marché mondial.
A cet égard, il est à noter l’avènement d’une nouvelle organisation de pays émergents autour du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du SUD, (BRICS), avec leurs économies en forte croissance malgré la grave crise économique et financière dans laquelle les grandes puissances impérialistes sont empêtrées, et l‘importance de leurs réserves financières, ont fait apparaître une nouvelle force mondiale, capable d’infléchir le cours de l’histoire, au début de ce XXIème siècle.
Ainsi, depuis la disparition du camp socialiste d’Europe, c’est la première forme de remise en cause du monopole exclusif des grandes puissances occidentales sur l’économie et la finance dans un marché totalement mondialisé.
Ce nouveau bloc qui les concurrence dans leur « chasse gardée » traditionnelle, poussent ces pays des grandes puissances vers l’émergence d’une « Droite raciste et xénophobe » pour contrer leurs mouvements sociaux qui ébranlent les fondements politique et économique du capitalisme dans ses Etats, et vers la reprise des guerres impérialistes dans les pays en développement où elles subissent une concurrence accrue de la part des pays du BRICS.
L’ère de « tournant fasciste » dans les grandes puissances occidentales, et de « nouvelles guerres coloniales » est ainsi ouverte.
Cela se traduit déjà par le renforcement de l’extrême droite, en Europe sous la bannière de la « lutte contre l’immigration et l’Islam » et « la mise en cause du multiculturalisme », et aux USA, depuis l’avènement d’un Noir à la tête du pays, et par leurs recours sans fard à la force brutale pour préserver ou reconquérir les marchés des matières premières et les marchés nationaux des pays en développement.
D’où, le troisième type de contradiction du système de domination du capitalisme mondial, est la renaissance des mouvements patriotiques et anti impérialistes dans les pays en voie de développement.
C’est ainsi, qu’après avoir théorisé « l’infériorité de la race noire » pour justifier la « Traite des nègres », puis la « mission civilisatrice de l’occident » pour justifier le « colonialisme », aujourd’hui, c’est le recours à un « Droit Humanitaire d’ingérence », ou au « de Droit d’ingérence démocratique », que ces puissances impérialistes se sont octroyés, pour justifier leur agression contre la souveraineté des peuples pour maintenir leurs Etats sous leur domination.
Dans cette perspective, le soulèvement des peuples de Tunisie et d’Egypte contre les conséquences sociales des politiques de libéralisation de leurs économies, de privatisation de leurs entreprises nationales, et de pillage de leurs ressources par les Firmes Transnationales et la caste de Bureaucrates civils et militaires qu’elles ont imposée ou maintenue au pouvoir, est savamment exploité par les Etats impérialistes, qui tentent de les présenter à l’opinion mondiale, avec l’aide de leurs puissants médias, comme des « révoltes politiques exclusivement dirigées contre des Dictateurs locaux ».
Cette tentative de confiner ces soulèvements populaires contre les politiques de libéralisation économique, dans les limites étroites de réforme des institutions politiques pour plus de démocratie, devrait être contrée vigoureusement, pour qu’elle cesse de servir d’alibi, comme en Lybie et en Syrie, pour réveiller « leurs cellules dormantes » à des fins de déstabilisation des Etats, pour motiver leur intervention militaire de reconquête de marchés qui ont échappé à leur contrôle ou qui risquent de l’être sous la menace des pays du BRICS.
De cette manière, ils comptent faire d’une pierre deux coups : étouffer dans ces pays, le mécontentement populaire contre le dictat des marchés boursiers au service des Firmes transnationales, et s’en servir comme prétexte pour déstabiliser des Etats insoumis, et reconquérir leurs ressources et leurs marchés.
L’ouverture de cette nouvelle ère de « conquête coloniale », exacerbe les contradictions entre les Etats des pays impérialistes et les peuples des pays en développement. Cela va enfanter l’émergence d’un « nouveau patriotisme » dans ces pays pour reprendre la lutte de libération nationale.
La conjugaison de ces trois types de contradiction du système de domination capitaliste du monde, ouvre de réelles perspectives pour le « renouveau » du Pan Africanisme.
Dans ce contexte, les forces patriotiques, républicaines et démocratiques en Afrique et dans la diaspora, ont, avec la révolution informationnelle, de meilleures perspectives pour reconstruire un puissant mouvement pan africaniste. Elles ont identifié les obstacles à surmonter, et les nouvelles opportunités d’alliance qui s’offrent à elles, pour réaliser cet objectif. Elles ont la claire conscience, que les forces anti impérialistes des pays du capitalisme monopoliste et financier, et les forces progressistes des pays émergents, peuvent leur servir d’alliées sûres pour la réalisation de l’idéal de « renouveau du Pan Africanisme » dans le XXIe siècle.
Fait à Dakar le 24 Mai 2013
Ibrahima Sene
PIT/SENEGAL
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