POURQUOI LA DEVOLUTION MONARCHIQUE EST IMPOSSIBLE AU SENEGAL ( Doudou MANE )


POURQUOI LA DEVOLUTION MONARCHIQUE EST IMPOSSIBLE AU SENEGAL ( Doudou MANE )
Contrairement à l’opinion largement exprimée, la dévolution monarchique du pouvoir est impossible au Sénégal dans le contexte politique et juridique actuel.

J’ai le sentiment que le Président était sincère quand il avait déclaré, aussitôt après sa réélection en 2007 qu’il n’avait pas droit à un troisième mandat. Il était même allé plus loin en soulignant qu’il avait verrouillé la Constitution, en prenant soin pour cela, de bloquer le nombre de mandats à deux. Le Président, en tant qu’éminent juriste, peut-il se tromper dans l’analyse de la Constitution de son pays et dont il a été l’initiateur. Je crois plutôt que, dès le début de l’alternance, briguer un second mandat était bel et bien inscrit dans son agenda politique, contrairement à ce qu’il aurait dit à Bathily et Dansokho et autres, qu’il était vieux et qu’il allait laisser aux plus jeunes après un mandat. Toutefois, aller au-delà d’un second mandat n’y était certainement pas envisagé, du moins au début.

Je crois que le Président WADE a toujours pensé à sa succession depuis son élection en 2000. Le problème, c’est qu’il a toujours voulu choisir lui-même son successeur comme l’avait fait le Président SENGHOR. Pour cela cependant, il lui fallait tout le pouvoir, ne pas le partager avec des alliés qui pourraient le gêner dans sa manière à lui de le gérer, ou bien y avoir des prétentions ou le réclamer à la fin de son ou ses mandats. A ce propos, le Président WADE aurait peut–être eu quelque peine ou gêne pour se débarrasser de lui-même de ses alliés qui ont rendu possible son élection, après, faut-il le rappeler, un long compagnonnage avec certains comme Dansokho, Bathily et Savané, etc. A t – il laissé à Idy le soin de se charger de faire débarquer ces compagnons ? En tout cas, on a vu que celui-ci s’était mis, très tôt peut-être, dans la position de successeur quasi naturel après le départ de ceux qui pourraient lui faire obstacle. Sur ce point, je pense que, avec le recul, Idy a commis l’erreur de rester seul avec WADE. En effet, si ces personnalités étaient à côté du Président WADE, Idy n’aurait certainement pas connu la situation qu’il a vécue après. Elles n’auraient tout simplement pas accepté.

La question est de savoir sur qui WADE avait-il jeté son dévolu pour sa succession. Idy ? On pouvait le penser, compte tenu de la position qu’il avait eu à occuper sur l’échiquier politique avec les responsabilités qui lui avaient été confiées. Mais WADE a t-il véritablement pensé à Idy pour sa succession, au vu de ce qui s’était passé entre eux. La préférence du fils biologique au fils putatif n’a-t-elle pas été à l’origine de leur brouille. Y a t –il eu d’autres en dehors de Idy ? Macky ? On connaît la suite avec celui-ci. Difficile donc de se prononcer sur ce point, puisque jusqu’à présent, personne n’a encore été pressenti dans le camp présidentiel en dehors de WADE lui-même. En tout cas on n’a pas vu quelqu’un d’autre émerger pour prétendre à sa succession. Pour Karim par contre, on peut être fondé à être moins dubitatif si l’on se base sur les faits et les actes que le Président a jusqu’ici posés par rapport à cette question sur sa succession.

Quand est – ce que le Président a-t-il commencé à penser au fils biologique pour sa succession ? On peut tenter de le dater en prenant comme repères deux périodes. Il y a d’abord l’organisation de l’ANOCI. C’était la porte d’entrée politique pour Karim. En même temps une manière de lui faire éviter, dans un premier temps, des difficultés, notamment les querelles de positionnement, inévitables pour le contrôle des fiefs. Ce serait peut-être trop compliqué pour Karim de faire son entrée politique par le bas. Il avait beaucoup de handicaps pour affronter une telle situation. Son père n’avait-il pas connu pareille situation pour le contrôle de Kébémer quand il était au PS (WADE, secrétaire général du PDS, n’a jamais géré un fief). Aussi, ne pouvant militer en commençant par la base, il lui fallait réaliser son entrée par le sommet. Rappelons – nous que bien avant la fin des travaux de la corniche, il était bien écrit à l’entrée des tunnels et passerelles le slogan « EN ROUTE VERS SOMMET ». Et c’est durant cette période qu’est né le mouvement « GENERATION DU CONCRET » dont la création a été une tentative de mise en place d’un système de vases communicants au sein du PDS (de celui-ci vers celui-là).

Le deuxième repère, c’est après la réélection de Wade. En 2007, le pouvoir de WADE était à son apogée, il était au sommet de sa puissance, il avait tous les pouvoirs. En déclarant à l’entame de son second mandat qu’il ne pouvait plus se présenter, il devait bien penser à quelqu’un pour sa succession. La référence à Bongo et à Eyadema n’était peut-être pas fortuite, quand le Président disait que ces homologues n’étaient pas plus intelligents que lui. Pourquoi ces deux - là, quand on sait qu’ils avaient réussi à se faire succéder par leur fils, même outre-tombe ? Et pourquoi pas lui aussi, à sa façon à lui, bien sûr, mais pourquoi pas lui ? A l’époque, on pouvait douter qu’il pensait à son fils, mais l’élimination de Macky quelque temps après a dissipé toute équivoque. En réalité, en faisant cette déclaration, il avait déjà son Plan A. Après avoir éliminé les fils putatifs, inhiber les ambitions et velléités autour de lui, WADE était fortement persuadé que sa succession par son fils biologique était désormais dans le domaine du possible, que rien ne pouvait empêcher la réalisation de son projet, en se basant sur les considérations suivantes :
- La quasi mollesse de l’opposition ou l’attitude républicaine de celle-ci face aux actes et décisions que WADE avait toujours réussi à prendre malgré les réactions de cette opposition. N’est-il pas est allé jusqu’à dire qu’il n’avait pas d’opposition, car il ne rencontrait pratiquement pas d’obstacles, sinon que des protestations, parfois après-coup ;
- La passivité des sénégalais qui avaient pris l’habitude de ne pas réagir, de laisser à l’opposition le soin de faire face seule aux décisions prises par le Président ;
- L’attitude du Conseil constitutionnel se déclarant souvent incompétent, se contentant de se conformer strictement aux textes le consacrant.

Ces facteurs ont dû rendre WADE trop sûr de lui. Ne l’ont-ils pas rendu imprévoyant et imprudent en même temps ? Il se croyait en état de grâce perpétuel comme il l’a confié lui-même. Or, en politique, la confiance en soi n’exclut pas la prudence dans l’action. Senghor avait presque tout eu des sénégalais mais cela ne l’avait pas empêché d’être prévoyant pour autant. WADE était tellement sûr de lui qu’il n’avait pas vu venir. De ce point de vue, on peut reprocher à WADE, homme politique, d’être plus un être de l’instant-t que celui des lointains. Sa démarche peut avoir des effets dont il a besoin dans l’immédiat, en y mettant les moyens comme il a l’habitude de le faire. Mais elle a souvent la faiblesse de ne pas produire des solutions à long terme. On peut étayer cela avec la manière de fonctionner de l’homme, notamment avec son approche pour sa succession. Qui ne semble pas encore avoir réussi puisque jusqu’à présent, c’est lui-même qui est candidat et non quelqu’un d’autre. Ce qui, à mon avis, n’est certainement pas ce qui semblait prévu. Pourquoi ce plan de succession n’a-t-il produit les effets souhaités ? On peut tenter d’y répondre au double plan politique et juridique. Des éclairages sont possibles dans d’autres domaines pour répondre de façon exhaustive à cette question. Ce n’est pas le cas dans ce document.

Sur le plan politique, il y a eu d’abord l’absence du parrainage de ce type d’opération au sein même de la mouvance présidentielle. Au Togo et au Gabon, les candidatures du Président Faure EYADEMA et du Président Ali BONGO ont été parrainées par le parti au pouvoir et rendues possibles grâce au système électoral à un tour à la présidentielle, en vigueur dans ces pays. Le PDS, principalement, ainsi que ses alliés ne semblent pas adhérer à l’idée de ce mode de succession. Pour des raisons qui leur sont propres. Si bien que le mécanisme des flux à sens unique n’a pas fonctionné entre les deux vases à l’intérieur du système. D’autre part, l’opposition a toujours dénoncé l’intention prêtée au Président WADE de se faire remplacer par son fils. Les conditions politiques et autres qui ont permis l’instauration d’un système électoral à tour unique dans ces pays sont très difficiles à réaliser au Sénégal, comme on l’a vu le 23 juin dernier. Enfin la défaite des WADE lors des locales de 2009 dans leurs propres bureaux de vote respectifs au Point E est comme une sorte de manifestation de réprobation de cette forme de succession au Sénégal, même si c’était à l’échelle d’un centre de vote. Le Président WADE n’avait jamais perdu au Point E depuis 1978. La mayonnaise à la togolaise ou à la gabonaise ne semble donc pas digeste au Sénégal. Encore qu’au Gabon, il n’y avait pas eu de dévolution monarchique à proprement parler.

Sur le plan juridique, WADE avait voulu régler le problème de la succession à la régulière en passant par le Parlement, comme le Président SENGHOR l’avait fait, en tentant de modifier la Constitution. Si le projet de modification du 23 Juin 2011 avait été adopté, on se trouverait dans un système politique où le pouvoir se transmettrait à l’intérieur du parti régnant. Ainsi, ce qui ne serait en réalité qu’une forme de succession politique aurait été légalement, donc juridiquement consacré par la Constitution elle-même. Ceci n’est d’ailleurs pas nouveau au Sénégal. Le parti socialiste l’avait fait et réussi sous SENGHOR. C’est ce qui a permis au PS de rester au pouvoir pendant longtemps. C’est pourquoi Abdourahime AGNE, alors Président du Groupe Parlementaire du Parti Socialiste à l’Assemblée Nationale, disait lors d’un débat télévisé à la RTS : « le pouvoir se transmet au sein du Parti Socialiste ». Ainsi la question de la succession serait réglée non par l’élection au suffrage universel mais par voie de démission, à la SENGHOR. Cependant, même le PS a abandonné ce mode de succession, que le régime actuel avait d’ailleurs farouchement décrié en son temps. Comment peut-il être accepté aujourd’hui ? Le contexte a changé depuis 2000.

Notre Société moderne globalisée, c'est-à-dire de plus en plus ouverte, n’est-elle pas réfractaire aux formes de succession de type monarchique, avec le phénomène de contamination démocratique, grâce aux moyens modernes de communication. En tout cas, ce type de succession monarchique est aujourd’hui rare dans les républiques aussi bien en Afrique qu’ailleurs dans le monde : Corée du Nord, Syrie, République Démocratique du Congo, Togo, Gabon, Cuba, etc.

Il faut noter cependant que le Président WADE paraît s’accommoder de cette idée de dévolution de type monarchique. Il me semble qu’il est en train de l’utiliser comme un épouvantail, une sorte de trompe-œil pour endormir la vigilance de l’opposition qui continue à se focaliser sur cette idée. WADE a eu suffisamment d’éléments par rapport à cette question. C’est une stratégie qui lui permet de dérouler les autres plans. Même s’il ne faut pas exclure une mise en œuvre éventuelle de ce Plan A.

Doudou MANE, Agroéconomiste
Master’s en Economie Agricole
Maîtrise ès Sciences Juridiques
Consultant
doudoumane@hotmail.com
Vendredi 14 Octobre 2011
DOUDOU MANE




1.Posté par ISMA GOMIS le 20/10/2011 19:06
MAIS PIS LA DÉVOLUTION ADMINISTRATIVE A ÉTÉ POSSIBLE ENTRE SENGHOR ET DIOUF EN 1980?
CESSEZ DE NOUS POMPER L'AIR AVEC CETTE HISTOIRE INSENSÉE DE DÉVOLUTION MONARCHIQUE



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