Où donc est passée Sant'Egidio?...


Où donc est passée Sant'Egidio?...
«Il faut des négociations directes entre le gouvernement et ceux qui détiennent les armes. On négocie avec ceux qui ont les armes, ceux qui se battent… On fait la paix avec ceux qui font la guerre, on ne peut pas faire la paix avec ceux qui ne sont pas dans le maquis, (ou) qui ont quitté le maquis depuis longtemps…»

Cette déclaration était un «produit d’appel» des indépendantistes-cagoulards de la Casamance, sinon leur «marque de fabrique». Elle était produite, comme par enchantement, au moment même où l’abbé Augustin Diamacoune Senghor et moi procédions au rapatriement, au pays, de toutes les activités du Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC). Il s’agissait pour nous, en effet, de témoigner, d’une part, de notre volonté de domestiquer, chez nous, notre combat politique et, d’autre part, de permettre aux Casamançais de s’approprier le processus de paix alors en cours, quelles que fussent par ailleurs leurs opinions respectives.

Aussi, cette déclaration des indépendantistes-cagoulards, savamment réitérative, sonnait-elle comme une condamnation sans appel de notre vision et, notamment, de mon option autonomiste ou fédéraliste, en tant qu’alternative à la logique de l’indépendance pure et simple de la Casamance ; en même temps qu’elle passait pour une invite solennelle, à l’intention du maquis casamançais, à se détourner de la voie de sortie de crise que nous leur indiquions. A moins que l’objectif, ici, ne fût plutôt, et pour des raisons indicibles, d’affaiblir la personne même de Biagui, alors secrétaire général du MFDC contre toute attente (contre la leur propre, en tous les cas). Et la boucle était ainsi bouclée. Bien joué !

Seulement, le «poil à gratter» que représente Biagui est toujours là, imperturbable ; et plus que jamais. Y compris, surtout, malgré la création par ses soins, un 19 décembre 2011, du parti dénommé ‘‘Mouvement pour le Fédéralisme et la Démocratie Constitutionnels’’, comme aboutissement heureux du Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance. Mieux, ou pire, c’est selon, Biagui prône une dynamique endogène de gestion mutualisée du problème casamançais. Il faut alors se montrer autrement plus ingénieux ou plus astucieux, face aux velléités de cet autre enfant de Brin.

C’est alors que leur vint l’idée, de guerre lasse, de faire admettre à l’Etat, d’une part et, d’autre part, à certaines franges d’entre les populations et du maquis casamançais, la Communauté Sant’Egidio, basée à Rome, en Italie, comme le «médiateur indiqué» pour des négociations de paix ; tandis que les «troubadours de la République» vont enfourcher leurs trompettes pour exprimer leur joie à cet effet et, ainsi, en proclamer tous les «bienfaits».

Cette option ‘‘Sant’Egidio’’ n’en constitue pas moins, pour la pègre casamançaise, un piteux «cache-sexe» ou un «cache-misère» ou encore un bel effet de ruse, au moyen duquel cette dernière entend maintenir durablement et efficacement son incubation au cœur du problème casamançais. Et pour cause !

En effet, à peine Sant’Egidio est-elle annoncée, en l’occurrence pour son «entrée en fonction», que, déjà, une délégation auto-constituée se rendit, d’autorité, à Paris, en France, avec comme objectif : consacrer ce qui reste de l’aile extérieure du Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance comme l’interlocuteur de l’Etat, dans le cadre des négociations de paix, que l’on nous promet du reste à satiété, sous l’égide de la Communauté Sant’Egidio.

Parmi les membres de cette délégation auto-constituée, figurait un ex-maquisard, Louis Tendeng, qui a certes quitté le maquis casamançais depuis plus de vingt ans, notamment parce qu’il ne croyait plus à l’indépendance de la Casamance, mais qui passerait de nos jours pour un indépendantiste invétéré. Ainsi, donc, cette qualité supposée ‘‘d’indépendantiste invétéré’’ le prédisposerait comme un élément de jonction approprié entre, d’une part, les autres membres de ladite délégation et, d’autre part, ce qui reste de l’aile extérieure du MFDC basée à Paris.

Or, je ne sache pas qu’il y ait jamais eu, à Paris, dans quelque maquis parisien, des rebelles casamançais armés ; qui y détiendraient donc des armes ; et qui feraient alors la guerre à l’Etat sénégalais depuis la France, en vue de recouvrer je ne sais quelle indépendance nationale de la Casamance. Je ne sache pas, qui plus est, que de tels rebelles casamançais armés aient jamais existé en tant que tels ; et qu’ils soient aujourd’hui détenteurs de quelque légitimité que ce soit pour négocier quelque paix avec le gouvernement du Sénégal.

Alors, de qui se moque-t-on ? Du MFDC et de la Casamance, à coup sûr !

A la vérité, sous couvert de Sant’Egidio, ce sont les mêmes acteurs, aujourd’hui encore, et à quelque exception près, qui usent et abusent des mêmes méthodes et moyens qu’au temps du régime du président Abdou Diouf, prétendument pour trouver une solution durable au douloureux problème casamançais. Avec les mêmes méthodes et moyens, dis-je ! Car, en effet, sous le président Diouf, l’on avait œuvré, avec succès, hélas, à l’érection de deux factions quasi irréductibles au sein du MFDC, d’une part et, d’autre part, et à l’exacerbation de malentendus entre leurs chefs respectifs, en l’occurrence l’abbé Augustin Diamacoune Senghor et Sidy Badji ; alors que, de nos jours, avec pratiquement les mêmes acteurs, l’on procède à dresser, les uns contre les autres, les différents responsables du MFDC, avec cependant comme prétexte-vecteur alléchant : rassembler les différentes sensibilités du mouvement afin de lui permettre de parler d’une seule et même voix, face à l’Etat, et sous l’arbitrage de la Communauté Sant’Egidio. Conséquence : le maquis casamançais est à nouveau en ébullition, en dépit du calme apparent qui y prévaut.

Ainsi, donc, l’on se moque du MFDC et de la Casamance. Mais l’on se moque aussi, royalement, de la République. En effet, il est de notoriété publique que ces indépendantistes-cagoulards sont des «relais» de la République en Casamance. Ils tiennent, à ce titre, la République par la «barbichette», alors même que cette dernière croirait, de la sorte, les tenir en laisse. En réalité, ces «cagoulards de la République» disposent, là, de toutes les coudées franches pour faire la pluie et le beau temps en Casamance, au grand dam de populations éprises de paix et de bien-être social.

Pour autant, ces «rebelles de la république» ne sont pas au bout de leur peine, cependant que leur principale difficulté réside dans le fait qu’ils vont vite découvrir, pour déchanter aussitôt, que Salif Sadio est usé et qu’il est plus que jamais isolé, y compris notamment dans sa propre faction. Pis, Salif Sadio ne serait pas, finalement, assez rebelle à leurs yeux. Et ce, d’autant plus que le chef de guerre de ATIKA (branche armée du MFDC) est favorable à l’idée de négociations de paix, pratiquement sans conditions préalables. Qui plus est, parler ‘‘négociations de paix’’, n’est-ce pas, déjà, tourner le dos en l’occurrence à la logique d’indépendance de la Casamance ? Il faut alors trouver plus rebelle que Salif Sadio pour le lui substituer, tandis que le choix des «rebelles de la République» va porter naturellement sur Mamadou Nkrumah Sané, même si ce dernier ne représente plus que son ombre. A cet effet, Paris va abriter, à son corps défendant, le 26 janvier 2013, un conclave ayant pour objet de jeter les bases d’une hypothétique alchimie, en tant que le soubassement cardinal d’une entente, tout aussi hypothétique, où un Salif Sadio ferait allégeance à un Mamadou Nkrumah Sané. Toutes choses, en tout cas, que Biagui, avec ses amis, ne saurait tolérer sous aucun prétexte.

Au demeurant, est-il de bon ton de se souvenir que c’est sous une pression homéopathique des «rebelles de la République» que, jadis, l’on a obtenu, de l’Etat et du MFDC, qu’ils veuillent bien accepter l’idée d’un «arbitrage historique» dit de la France, dans le cadre du règlement de la crise qui les oppose mutuellement. Un expert, Jacques Charpy, nous est alors apparu, de nulle part, dont l’expertise sur le sujet accouchera, toutefois, d’une belle souris.

De nos jours encore, les «rebelles de la République» demeurent insatiables, dans l’accomplissement de leur besogne ; ce qui va les inciter, non sans arrière pensée, à désigner la Communauté Sant’Egidio comme le «médiateur indiqué» pour fournir, à l’Etat et au MFDC, une table de négociations de paix. Soit ! Mais alors, pourquoi diable ! Sant’Egidio se fait-elle si discrète après coup, au profit de l’activisme des «rebelles de la République», et ce, exactement au moment où les initiateurs de cette opération sulfureuse prétendent tous en chœur que l’Etat et le MFDC y seraient totalement disposés ?

Il faut être sérieux. La paix en Casamance, que nous n’avons de cesse d’appeler de nos vœux ; la paix définitive, maintenant ; la paix en tant que le prétexte par excellence de vie commune, du vivre ensemble, malgré nos différences, ou à cause même de cela ; cette paix-là est trop sérieuse – et elle l’est à l’infini ! – pour participer de quelque jeu de dupes que ce soit, sous aucun prétexte.

Lyon, le 31 janvier 2013.

Jean-Marie François BIAGUI
Président du Mouvement pour le Fédéralisme
et la Démocratie Constitutionnels (MFDC)

Jeudi 31 Janvier 2013
JMF BIAGUI




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