Monsieur le Ministre Youssou Ndour, plus qu’une simple radio, nous voulons une véritable politique du livre (Tafsir Ndické DIEYE)


Monsieur le Ministre Youssou Ndour, plus qu’une simple radio, nous voulons une véritable politique du livre (Tafsir Ndické DIEYE)
Monsieur le ministre, dans le secteur du livre, les craintes sont énormes. Elles ne sont pas seulement perceptibles dans le domaine de la promotion. Elles sont tenaces dans les conditions presque inexistantes de diversité de la création qui interpellent, en première lieu, les écrivains. Pour une bonne politique du livre, il faut d’abord des écrivains de qualité… ce qui ne se décrète pas. Toutefois, en essayant d’encourager la découverte de talents cachés, dans un souci de les accompagner rigoureusement dans l’exercice de leur passion au plan didactique, promotionnel et logistique, sans les contraindre à être des lèches bottes ou des bras armés du prince, le Sénégal pourrait offrir davantage au monde des œuvres de qualité.
Monsieur le Ministre, il paraît que l’ « élite » vit de l’ignorance du peuple. L’existence de l’écrivain est assujettie à son devoir de lutter contre cette ignorance. D’où la noblesse de sa mission de passeur de savoir et d’éveilleur de conscience. Etre un larbin porte préjudice à sa vocation. Gérer des prébendes égoïstes, par le biais de certains lobbies qui prétendent parler au nom de sa corporation, l’abrutit. L’écriture ne doit pas être une sorte d’exutoire pour vaniteux préoccupé par un triomphe personnel. L’écrivain doit prendre ses responsabilités, à chaque fois que c’est nécessaire, pour alerter, mieux, se rebeller en faveur des véritables intérêts de sa mission pour son peuple. C’est pourquoi, le grand Maître Aimé Césaire, dans son bureau à l’ancienne mairie de Fort de France, nous donnait ce conseil : « Confiance ! Espérance ! Refus de toute forme de compromission ! Allez-y travailler pour ce qui vous survivra ! »
Monsieur le ministre, ne vous laissez pas enfermer dans les lobbies des écrivains affairistes qui battent des ailes autour de vous comme des charognards prêts à se régaler ! Ces lobbies ignobles, avec leur politique d’exclusion et d’accaparement, ne font que nous retarder. Sachant que vous n’êtes pas un homme qui se soumet aux désirs d’un maître chanteur, ils vont utiliser une autre voie pour faire entendre leurs voix transhumantes : vous chanter. Ils vont vous chanter, vous et votre président, comme ils ont eu à le faire avec vos prédécesseurs, sans y croire. Leur seul objectif est de se servir très rapidement. Refusez d’être leur complice !
Personne ne les a entendus quand le peuple avait besoin d’eux dans son combat contre l’arbitraire, l’injustice et l’impunité. Lorsqu’on tuait des sénégalais qui résistaient à l’oppression, ils vivaient dans les faveurs du prince. Lorsqu’on dilapidait nos ressources, ils s’occupaient ailleurs, dans les couloirs du palais, de la primature et des hôtels, chantant sans retenus le bourreau de notre peuple.
D’ailleurs, c’est en faisant confiance à certains d’entre eux que le Fesman du président sortant a finalement connu un fiasco lamentable. Il faut auditer le Fesman depuis ces débuts. C’est en écoutant ces tacticiens du gain facile, grands seigneurs de la duperie, que le régime de l’alternance n’a pas réussi une véritable politique du livre. Il faut auditer le Fonds d’ « aide à l’édition ». Certes, il a engraissé des bedaines très gourmandes, mais il n’a pas tout à fait soutenu l’émergence du livre apte à gagner sa place dans ce nouveau monde unifié par les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Nous n’accepterons pas que les mêmes béquilles reviennent au devant de la scène pour nous reproduire les mêmes bêtises. Nos bons écrivains écrivent sans tambours ni trompettes en bravant toutes les difficultés du monde. Mais ils savent que c’est un sacerdoce.
La mission régalienne que vous portez doit se hisser au dessus de toutes ces contingences, y compris les sentiments d’amitié qui vous lient à certains d’entre eux et que nous connaissons bien. Ce régime est un régime de rupture, c’est la volonté exprimée par son mentor ; alors, il faut rassurer le secteur en étant à équidistance des acteurs. Ne vous fiez pas aux apparences et aux autoglorifications de certains. C’est leur manière d’exister car beaucoup d’entre eux ont atteint la ménopause des idées depuis très longtemps. Certains n’écrivent plus. D’autres n’écrivent que pour chanter le prince ou s’auto-glorifier.
Monsieur le ministre, pendant douze ans, ils n’ont pratiquement fait que ça. Pire, beaucoup d’entre eux se sont reconvertis dans l’édition. Et ces éditeurs du dimanche polluent gravement l’espace. Ils ont détruit l’élan d’innombrables auteurs. Le fonds d’aide destiné à l’édition constitue pour eux une manne d’argent à bouffer en utilisant des montages financiers autours des manuscrits de ces auteurs néophytes. Il faut un audit de ce fonds depuis sa création jusqu’en 2010.
Certainement, les gouvernants du défunt régime, ayant finalement compris leur magouille, avaient préféré ne pas l’alimenter en 2011, ou bien, étant comme eux, des fossoyeurs de notre république, l’ont bouffé à leur place. Il faudra le réformer en enlevant tout d’abord le mot aide dans sa dénomination. C’est l’argent du contribuable sénégalais. Il doit servir l’écriture à travers un Fonds de promotion du livre, de la lecture et de l’écrivain, plus digne et plus transparent dans sa conception et sa gestion. Vos techniciens sont des professionnels. Nous en connaissons certains qui sont excellents. Faites leur confiance en mettant à leur disposition une véritable volonté politique visant à faire bouger les choses dans le bon sens ! C’est tout ce qui leur manquait dans le défunt régime : la volonté politique d’un régime qui veut travailler, sans tricherie, pour l’émergence culturelle du Sénégal loin des lobbies ignobles de destruction de notre patrimoine culturel.
Tafsir Ndické DIEYE
Auteur de polars et de poésie dont :
Odeur de sang (polar), Silence ! On s’aime poésie
Editions Le Manuscrit, Paris mars 2008
Horreur au Palais, Coédition NEI/CEDA Abidjan Novembre 2010
Membre du Pôle programme de Macky 2012
E-mail :ndickedieye@yahoo.fr

Mardi 24 Avril 2012
Tafsir Ndické DIEYE Ecrivain




1.Posté par kaltz le 24/04/2012 18:34
Tafsir !!!!!!! toi aussi!!! on ne peut pas tout avoir d'un coup il faut arrêter la politique du harcèlement envers les autorités et se féliciter de cette initiative en attendant Ta vraie politique du livre.Cette partie de votre texte "y compris les sentiments d’amitié qui vous lient à certains d’entre eux et que nous connaissons bien" me donne froid au dos parce que je me dis qu'à sa place tes relations personnelles auraient interféré dans ta mission parce que t'ai en train de faire de la projection.

2.Posté par Power le 24/04/2012 20:38
C'est pas méchant, le texte est excellent. Il faut juste le prendre comme un conseil d'un écrivain d'une autre race,ça peut tjrs servir comme alerte-alarme-conseil. N'est-ce pas Kaltz. Courage Ndické

3.Posté par Dura Lex le 25/04/2012 02:30
Au-delà de la promotion du livre et des ecrivains et des manifestations artistiques organisées ça et là au Senegal et a l'etranger, avons-nous réellement une politique culturelle nationale ? Une radio pour promouvoir le livre et encourager la collaboration et les echanges entre ecrivains, c'est une bonne chose. Mais ces effets d'annonce de la part du nouveau gouvernement sont loin de repondre aux attentes des acteurs culturels . La culture recouvre un ensemble d'activités qu'il convient de prendre en compte dans le cadre d'une strategie de developpement globale dont l'elaboration et la mise en oeuvre necessiteront au prealable un etat des lieux et une large implication des differents acteurs.

4.Posté par A.S le 25/04/2012 10:59
"Nous n’accepterons pas que les mêmes béquilles reviennent au devant de la scène pour nous reproduire les mêmes bêtises. Nos bons écrivains écrivent sans tambours ni trompettes en bravant toutes les difficultés du monde. Mais ils savent que c’est un sacerdoce.
La mission régalienne que vous portez doit se hisser au dessus de toutes ces contingences, y compris les sentiments d’amitié qui vous lient à certains d’entre eux et que nous connaissons bien. Ce régime est un régime de rupture, c’est la volonté exprimée par son mentor ; alors, il faut rassurer le secteur en étant à équidistance des acteurs." Toujours le même, courageux et pertinent!
Merci Tafsir!



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