Le recours aux chefs religieux, politiquement incorrect

Depuis les événements du 23 et 27 juin, le gouvernement ne cesse d'appeler les chefs religieux afin qu'ils parlent aux populations. C'est un acte politiquement incorrect d'autant que ce sont eux qui ont embrasé le pays, alors qu'ils assument leur responsabilité. C'est à eux de convaincre la rue sénégalaise.


Le recours aux chefs religieux, politiquement incorrect
La politique au sens propre du terme, c’est la gestion des affaires de la cité. Dans ce cas de figure, les guides religieux ont bien une partition à jouer. Mais, fait inacceptable : quand on se sert de la politique à des fins personnelles, pour bien garnir son compte au détriment d’un peuple qui va droit dans la fange, à cause des dérives des gouvernants et que ce même peuple, se sentant pris en otage, se révolte, c’est lâche de recourir aux chefs religieux pour colmater la brèche que vous avez, vous politiques et gouvernants, ouverte.

Vous comprendrez aisément que je m’indigne contre l’appel lancé par le ministre de l’Intérieur Ousmane Ngom aux chefs religieux, dimanche, lors de la cérémonie du 131è appel de Seydina Limamoulaye. Aux « guides et détenteurs de savoir », comme il les appelle, Ousmane Ngom lance une invite à parler aux citoyens, dans ces moments d’indignation qui font suite à la révolte du 23 juin contre le projet de loi qui voulait instituer le ticket président/vice-président avec seulement 25% des voix au premier tour des élections présidentielles.

Cette machination très en vogue sous le régime de Wade, qui consiste à se tourner vers les chefs religieux quand tout s’embrase ou à des fins électorales, n’est que politiquement incorrecte et irresponsable, si cela ne frise pas la lâcheté. Je m’explique. Si nos chefs religieux sont bien détenteurs de savoir et la plupart d’entre eux le sont, pourquoi ne pas les consulter en aval de vos projets de lois ? Mieux, pourquoi ne pas recueillir leurs avis et les utiliser à bon escient, dans la mise en œuvre quotidienne de votre politique. Que nenni ! Parce que derrière ce que vous, politiques, tramez dans les coulisses du palais, rien d’immaculé. Tout est entamé par de la fraude et de la manipulation à des fins personnelles.

Vous avez maintenant ravivez la flamme de la corruption, du népotisme et de la gouvernance à sens unique, alors éteignez vous-mêmes les braises de la contestation. Ce n’est pas aux chefs religieux d’assurer votre couverture. Et ce ne sont pas les millions du contribuable que vous leurs donnez pour les différents événements religieux qu’ils vous sont redevables. Vous le devez bien au peuple sénégalais…

Alors, vous gouvernants d’aujourd’hui, essayez de retrouver un peu de votre si peu politiquement correct et séparez la religion de l’Etat. Changez le cours de choses vous-mêmes avec ce peuple dans la rue et que j’invite à éviter la casse. Changez de cap sinon la rue continuera de se dresser en embûche, ou cédez le pouvoir si vous vous entêtez dans votre irresponsabilité d’arrivistes.

Et pour finir, convoquons Victor Hugo qui résumait la laïcité, que d’ailleurs le Sénégal à institutionnalisée en ces termes, en 1850 : « L’Eglise chez elle, l’Etat chez lui ». Alors d’autant qu’au Sénégal on est dans un Etat laïc, vous gouvernants faites preuve d’une once de responsabilité, sans recourir aux chefs religieux, répondez de vos actes devant le peuple. C’est à vous de parler au peuple, osez le pari en ces temps d’indignation contre votre politique ou dégagez le pallier. Constitutionnellement, vous devez cela au peuple sénégalais !
Mercredi 6 Juillet 2011
Kisito Ndour




Dans la même rubrique :

AIDA CHERIE - 22/05/2015