Le pari de la justice
Il est frappant de constater que la demande de justice est actuellement au cœur de la société sénégalaise. Elle se traduit par une montée en puissance des juges, par une multiplication des actions en justice et par une réflexion renouvelée sur les valeurs de la justice.
De plus en plus, la revendication de la justice envahit l’opinion, son vocabulaire inonde le discours politique.
Le renouveau d’une justice plus libre et plus responsable devient une exigence citoyenne. Comme naguère la politique, la justice aujourd’hui est l’affaire de tous. Elle semble incarner cette rupture tant attendue par les Sénégalais.
Lors d'un séminaire de formation dispensée à l'Ecole Nationale de Magistratu- re (ENM) en FRANCE à la fin de l'année 2000, l’idée fut émise que le XXème siè- cle serait celui de la Justice (comme le XIXème celui du Législatif et le XVIIIème celui de l’Exécutif.)
Cette évolution de la justice coincide avec l'apparition d'une jurisprudence su- pranationale ou mondiale qui donne un rôle dominant aux Droits de l’Homme
Le Sénégal sur ce point ne fait plus exception. La classe politique, à travers «la traque des biens mal acquis», est la principale victime d’une suspicion judiciai- re accrue.
Il ne s'agit pas de jeter l'opprobre sur l'ensemble de ses dirigeants. Nous appe- lons à une certaine sagesse et à une appréciation prudente des choses.
La vérité du monde est aussi l'impermanence: savoir que tout change.
Nous ne devons céder ni à la clameur publique ni aux tentatives populistes. Le mépris, un jour ou l'autre, provoque le mépris.
Passionner inutilement le débat engendre les excès d’une surpolitisation. Certains esprits partis vite en besogne sombrent dans les simplismes. Ils croient déjà que les personnes concernées par les audits «sont judiciairement présu- mées innocentes et politiquement constatées coupables.»
La justice a ses temps, a ses rythmes.
Aux côtés de la presse, elle doit aujourd’hui être perçue comme un véritable pouvoir: pouvoir de décider du vrai et du faux, de faire ou de défaire,de fusti- ger ou de laver tout soupçon .
Au-delà de l’adhésion des citoyens dans une démocratie d’opinion comme le Sénégal à une forme de vérité sociale ou politique, il y a maintenant l’exigence d’une vérité judiciaire.
Et encore, le pouvoir judiciaire parfois peut-être excessif doit pour autant respecter les libertés individuelles, la présomption d'innocence, le principe d'impartialité qui exige une séparation stricte des fonctions de poursuites, d'instructions et de jugement.
Si nous voulons que la justice soit forte, il faut aussi que son pouvoir soit juste.
Mais le développement irrepressible du droit nécessite d’assurer l'égalité des justiciables qui commande que les puissants soient jugés comme des humbles. Dans un souci d'égalité, on ne peut soustraire quiconque à la justice.
Rien de plus méprisable que les chasses à l'homme. Rien de plus détestable aussi que le mensonge des responsables pour raison personnelle quand ils ont eu la charge de l'argent public en tentant d'abuser l'opinion avec tant de légè- reté.
Il y a souvent un risque à bâtir toute une carrière sur la morale, à agiter sans relâche cet étendard alors qu'on choisit en même temps de naviguer dans les méandres incertains de la politique, ce fleuve à l'eau inégalement claire
Quand il s’agit de l’argent public, le peuple, légitimement, hausse maintenant son niveau d’exigence
Pendant longtemps,le refus du dépassement moral et éthique s’est éloigné de nos comportements habituels, encouragé par l’affaissement de la rigueur, l’a- menuisement de l’effort et de la réflexion et l’épanouissement de l’impunité.
Le peuple ne se satisfait plus de cette irresponsabilité destructrice. Incontestablement, il apparaît en résonnance avec le mouvement initié dans le cadre de la moralisation de la vie publique.
A l’image de la société civile, il semble être une force de soutien et au mieux de proposition
Dans le pays, on entend ce murmure populaire qui annonce le frémissement du temps qui rappelle qu’il n’y a pas de vertu sans combat, de bonheur sans coura- ge.
«Chaque génération a ses combats à mener. Elle doit les assumer ou pas »,di- sait le professeur Cheick Anta DIOP.
Paradoxalement, au moment où les Sénégalais sont déterminés à combattre la sédimentation de l’inacceptable dans notre République surgit incroyablement l’idée d’une médiation pénale (la théorie du 80-20) .
Cette alternative à d’éventuelles poursuites ne peut reposer du point de vue légal et juridique que sur des infractions mineures (violences légères, troubles de voisinage).
De quoi parle-t-on donc? «Ne pas rire,ne pas détester mais comprendre» comme Spinoza. Comprendre la philosophie d'une telle démarche .
Imaginez un juge dire à un voleur de poules «rendez la poule mais gardez les œufs!». Ce sera sans doute le début d’une accession à une consistance ma- térielle pour ce délinquant.
Finalement, nous sommes rassurés .L’énergie des commencements ne s’étiole pas.Le triste parfum des années 80 enterrant un projet mort-né:la Cour contre l'Enrichissement Illicite ne ressurgira pas
Face aux critiques, le pouvoir a compris qu'une aboulie serait dévastatrice pour la parole politique et ne servirait que les extrêmes. Il a choisi d' être plus actif et affirmatif
Les protestations ont eu le mérite de démontrer que les Sénégalais préfèrent un vrai débat qui fait des vagues à la tranquillité de la bonne conscience.
Ainsi tout le travail d’investigation fort coûteux pour mettre en lumière toutes ces histoires d'enrichissement illicite colportées à tort ou à raison demeure.
D’ailleurs, les personnes concernées clament haut et fort vouloir défendre leur honneur que donner le sentiment de négocier une quelconque reddition
Si personne ne craint alors que le passé ne vienne submerger les bords du présent, l'exercice de lisibilité et de pédagogie ne serait pas vain
En état de cause, nous ne pouvons que regretter ce manque de confiance et de respect mutuel entre le monde politique et le corps judiciaire, entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire.
Il est urgent de restaurer la justice dans l’Etat. Accepter d'autre part que le Sénégal vit sa troisième révolution démocratique. Après le multipartisme inté- gral puis la banalisation des alterances politiques, voici l'ère de la bonne gou- vernance( institutionnelle,économique, financière...)
Il s'agit d'une nouvelle phase incontournable dans notre développement.Oc-cuper désormais une fonction à caractère public dans ce pays suppose de la part de l'intéressé une réflexion scrupuleuse puisqu'il aura à rendre compte de ses actes à la fin de son mandat.
En définitive, les Sénégalais souhaitent placer la responsabilité dans son sens éthmologique ( être responsable,c'est répondre ) au centre de la vie publique.
Il est surtout temps que le politique sache que la justice est un pouvoir qui aspire à une part de la souveraineté en entendant être indépendante, moderne (dans ses appareils,édifices, langage),accessible à tous les citoyens et répondre à leurs besoins dans des délais raisonnables
Il faut préciser que l’indépendance de la justice, un des fondements de l'Etat de droit avec l'autorité de la chose jugée, est une question classique, académique qui se pose dans tous les pays démocratiques, quel que soit leur niveau de dé- veloppement. .
Nous pouvons et devons croire qu’il existe au Sénégal,des magistrats c'est-à-dire des hommes et des femmes qui savent que nous luttons tous pour notre République, sa démocratie, sa liberté, car dans un pays qui n’est pas libre, il n’y a ni droit, ni morale.
La justice a changé et le juge est investi par d’autres missions de nature sociale, sociologique, environnementale et économique.
L’intérêt et le prestige du Sénégal, son désir de faire toujours école et excep- tion en Afrique, sa volonté d'attirer et de sécuriser les investissements et surtout son ambition de devenir un pays émergent, toutes ces conditions néces sitent ce besoin de vivre,d’exister et de grandir de notre Justice.
Nous avons aujourd’hui la conviction que nous avons-là une chance à saisir et qu’il nous appartient de projeter nos regards ,au-delà du temps présent, sur cette institution, pour être toujours plus novateurs, compétitifs et attirants.
Mamadou DIALLO
Avocat au Barreau de PARIS
Docteur en droit
Il est frappant de constater que la demande de justice est actuellement au cœur de la société sénégalaise. Elle se traduit par une montée en puissance des juges, par une multiplication des actions en justice et par une réflexion renouvelée sur les valeurs de la justice.
De plus en plus, la revendication de la justice envahit l’opinion, son vocabulaire inonde le discours politique.
Le renouveau d’une justice plus libre et plus responsable devient une exigence citoyenne. Comme naguère la politique, la justice aujourd’hui est l’affaire de tous. Elle semble incarner cette rupture tant attendue par les Sénégalais.
Lors d'un séminaire de formation dispensée à l'Ecole Nationale de Magistratu- re (ENM) en FRANCE à la fin de l'année 2000, l’idée fut émise que le XXème siè- cle serait celui de la Justice (comme le XIXème celui du Législatif et le XVIIIème celui de l’Exécutif.)
Cette évolution de la justice coincide avec l'apparition d'une jurisprudence su- pranationale ou mondiale qui donne un rôle dominant aux Droits de l’Homme
Le Sénégal sur ce point ne fait plus exception. La classe politique, à travers «la traque des biens mal acquis», est la principale victime d’une suspicion judiciai- re accrue.
Il ne s'agit pas de jeter l'opprobre sur l'ensemble de ses dirigeants. Nous appe- lons à une certaine sagesse et à une appréciation prudente des choses.
La vérité du monde est aussi l'impermanence: savoir que tout change.
Nous ne devons céder ni à la clameur publique ni aux tentatives populistes. Le mépris, un jour ou l'autre, provoque le mépris.
Passionner inutilement le débat engendre les excès d’une surpolitisation. Certains esprits partis vite en besogne sombrent dans les simplismes. Ils croient déjà que les personnes concernées par les audits «sont judiciairement présu- mées innocentes et politiquement constatées coupables.»
La justice a ses temps, a ses rythmes.
Aux côtés de la presse, elle doit aujourd’hui être perçue comme un véritable pouvoir: pouvoir de décider du vrai et du faux, de faire ou de défaire,de fusti- ger ou de laver tout soupçon .
Au-delà de l’adhésion des citoyens dans une démocratie d’opinion comme le Sénégal à une forme de vérité sociale ou politique, il y a maintenant l’exigence d’une vérité judiciaire.
Et encore, le pouvoir judiciaire parfois peut-être excessif doit pour autant respecter les libertés individuelles, la présomption d'innocence, le principe d'impartialité qui exige une séparation stricte des fonctions de poursuites, d'instructions et de jugement.
Si nous voulons que la justice soit forte, il faut aussi que son pouvoir soit juste.
Mais le développement irrepressible du droit nécessite d’assurer l'égalité des justiciables qui commande que les puissants soient jugés comme des humbles. Dans un souci d'égalité, on ne peut soustraire quiconque à la justice.
Rien de plus méprisable que les chasses à l'homme. Rien de plus détestable aussi que le mensonge des responsables pour raison personnelle quand ils ont eu la charge de l'argent public en tentant d'abuser l'opinion avec tant de légè- reté.
Il y a souvent un risque à bâtir toute une carrière sur la morale, à agiter sans relâche cet étendard alors qu'on choisit en même temps de naviguer dans les méandres incertains de la politique, ce fleuve à l'eau inégalement claire
Quand il s’agit de l’argent public, le peuple, légitimement, hausse maintenant son niveau d’exigence
Pendant longtemps,le refus du dépassement moral et éthique s’est éloigné de nos comportements habituels, encouragé par l’affaissement de la rigueur, l’a- menuisement de l’effort et de la réflexion et l’épanouissement de l’impunité.
Le peuple ne se satisfait plus de cette irresponsabilité destructrice. Incontestablement, il apparaît en résonnance avec le mouvement initié dans le cadre de la moralisation de la vie publique.
A l’image de la société civile, il semble être une force de soutien et au mieux de proposition
Dans le pays, on entend ce murmure populaire qui annonce le frémissement du temps qui rappelle qu’il n’y a pas de vertu sans combat, de bonheur sans coura- ge.
«Chaque génération a ses combats à mener. Elle doit les assumer ou pas »,di- sait le professeur Cheick Anta DIOP.
Paradoxalement, au moment où les Sénégalais sont déterminés à combattre la sédimentation de l’inacceptable dans notre République surgit incroyablement l’idée d’une médiation pénale (la théorie du 80-20) .
Cette alternative à d’éventuelles poursuites ne peut reposer du point de vue légal et juridique que sur des infractions mineures (violences légères, troubles de voisinage).
De quoi parle-t-on donc? «Ne pas rire,ne pas détester mais comprendre» comme Spinoza. Comprendre la philosophie d'une telle démarche .
Imaginez un juge dire à un voleur de poules «rendez la poule mais gardez les œufs!». Ce sera sans doute le début d’une accession à une consistance ma- térielle pour ce délinquant.
Finalement, nous sommes rassurés .L’énergie des commencements ne s’étiole pas.Le triste parfum des années 80 enterrant un projet mort-né:la Cour contre l'Enrichissement Illicite ne ressurgira pas
Face aux critiques, le pouvoir a compris qu'une aboulie serait dévastatrice pour la parole politique et ne servirait que les extrêmes. Il a choisi d' être plus actif et affirmatif
Les protestations ont eu le mérite de démontrer que les Sénégalais préfèrent un vrai débat qui fait des vagues à la tranquillité de la bonne conscience.
Ainsi tout le travail d’investigation fort coûteux pour mettre en lumière toutes ces histoires d'enrichissement illicite colportées à tort ou à raison demeure.
D’ailleurs, les personnes concernées clament haut et fort vouloir défendre leur honneur que donner le sentiment de négocier une quelconque reddition
Si personne ne craint alors que le passé ne vienne submerger les bords du présent, l'exercice de lisibilité et de pédagogie ne serait pas vain
En état de cause, nous ne pouvons que regretter ce manque de confiance et de respect mutuel entre le monde politique et le corps judiciaire, entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire.
Il est urgent de restaurer la justice dans l’Etat. Accepter d'autre part que le Sénégal vit sa troisième révolution démocratique. Après le multipartisme inté- gral puis la banalisation des alterances politiques, voici l'ère de la bonne gou- vernance( institutionnelle,économique, financière...)
Il s'agit d'une nouvelle phase incontournable dans notre développement.Oc-cuper désormais une fonction à caractère public dans ce pays suppose de la part de l'intéressé une réflexion scrupuleuse puisqu'il aura à rendre compte de ses actes à la fin de son mandat.
En définitive, les Sénégalais souhaitent placer la responsabilité dans son sens éthmologique ( être responsable,c'est répondre ) au centre de la vie publique.
Il est surtout temps que le politique sache que la justice est un pouvoir qui aspire à une part de la souveraineté en entendant être indépendante, moderne (dans ses appareils,édifices, langage),accessible à tous les citoyens et répondre à leurs besoins dans des délais raisonnables
Il faut préciser que l’indépendance de la justice, un des fondements de l'Etat de droit avec l'autorité de la chose jugée, est une question classique, académique qui se pose dans tous les pays démocratiques, quel que soit leur niveau de dé- veloppement. .
Nous pouvons et devons croire qu’il existe au Sénégal,des magistrats c'est-à-dire des hommes et des femmes qui savent que nous luttons tous pour notre République, sa démocratie, sa liberté, car dans un pays qui n’est pas libre, il n’y a ni droit, ni morale.
La justice a changé et le juge est investi par d’autres missions de nature sociale, sociologique, environnementale et économique.
L’intérêt et le prestige du Sénégal, son désir de faire toujours école et excep- tion en Afrique, sa volonté d'attirer et de sécuriser les investissements et surtout son ambition de devenir un pays émergent, toutes ces conditions néces sitent ce besoin de vivre,d’exister et de grandir de notre Justice.
Nous avons aujourd’hui la conviction que nous avons-là une chance à saisir et qu’il nous appartient de projeter nos regards ,au-delà du temps présent, sur cette institution, pour être toujours plus novateurs, compétitifs et attirants.
Mamadou DIALLO
Avocat au Barreau de PARIS
Docteur en droit
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