Le linge sale de l’espace politique sénégalais

Congédier cette forme de clientélisme ploutocrate parue depuis 2000 et neutraliser les forces d’anéantissement de la capacité de discernement des masses.


Le linge sale de l’espace politique sénégalais
« Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? » Matthieu 14

Il est des moments dans l’histoire où le brin de chaos perceptible est un passage ténébreux au cours duquel toutes obscurités se dévoilent avant la réverbération.
Les élections présidentielles, à l’issue d’une échéance des plus déchaînées et incertaines de notre histoire ont paré à une nième forfaiture annoncée. Le deuxième tour, inéluctable a renvoyé les deux prétendants à la magistrature suprême à la rencontre du peuple. Le peuple, seul SAGE a su inculquer la sagesse au conseil constitutionnel. Il a officialisé la réalité d’une élection qu’aucun candidat ne pouvait gagner au premier tour et renvoyé les candidats qualifiés à un second round. Avant même cette annonce solennelle, les tractations et négociations y vont des manières les plus acharnées pendant que la panne du gouvernail d’un régime moribond n’a pas fini d’annoncer l’imminence du sabordage de son navire avant même le SOS, le « sauve qui peut » est la débandade à laquelle certains se livrent pour échapper à ce naufrage. Tandis que des véreux à l’esprit étroitement glauque tentent de justifier leur légitimité sous l’usurpation de la fonction de « guide religieux ». Voilà de quoi transformer le champ politique à la sauce sénégalaise en un stalag, dépotoir exécrable de légionnaires, chasseurs de primes, errant comme une horde d’hyènes qui se met à contresens du vent, poussant leurs sens olfactifs à l’extrême alerte pour flairer la moindre odeur puante de charogne et satisfaire leur condition biologique. Aussi, à l’instar de cette larve hermaphrodite, invertébrée, qui se colle à ses proies en ouvrant ses ventouses des deux extrémités pour sucer leur sang, c’est l’image de cette version que nous rendent les convictions politiques et sociales depuis 2000 : les sangsues de la République. C’est sans doute un des débats de fond à poser dans l’assainissement et la moralisation de nos rapports de « commun vouloir de vivre en commun » Rousseau).

Congédier cette forme de clientélisme ploutocrate parue depuis 2000

Il n’est d’allégorie extrêmement significative que de renvoyer l’image de la valse des politiciens toujours avides de privilèges au bétail sahélien. Le bétail politique. Dans le jargon des sciences sociales et humaines, il reste connu dans certaines zones notamment semi-arides à arides que le bétail, pour se nourrir, est sujet à un nomadisme constant en saison sèche. Il a besoin de transhumer à la recherche des verts pâturages. La transhumance politique est une réalité qui a connu un terrain fertile dans l’espace politique du Sénégal depuis les années 2000. Elle a fini par exacerber l’idée d’engagement, de convictions politiques pour un idéal de société au point que l’amélioration de la condition sociale ne puisse s’accomplir qu’en se prosternant sous les bureaux du pouvoir, ou devenir le porte flingue d’un pouvoir adepte du galvaudage, du torpillage, des coups bas, des forfaitures.
La transhumance est un pur produit de Wade. Sous son magistère, il aura réussi d’une dextérité de Maître à être le premier à appliquer une politique de développement durable : le recyclage. Sauf que, la matière récupérée est une carcasse que même les charognards ne voudraient. Les transhumants se sont voués à d’ardents Gloria, substituant l’exercice du pouvoir à un tabernacle communautaire de lâches individus déserteurs et fuyards, manquant à l’appel de l’honneur pour de lâches pratiques. Pour rappel, le peuple dit toujours « oui à l’appel de l’honneur ». En atteste le 26 février, première étape d’une déculottée menant à la débandade de turpides pétochards. Imaginons-nous une scène de fuite : c’est le bazar total, le foutoir. Il faudra s’attendre désormais à une transhumance virale dont la seule réponse qui reste valable pour le bien d’une nation assainie est la mise en quarantaine de ce bétail, lui enfoncer une intense séance d’injection curative et d’expurgation des toxines attrapées pendant leur collaboration. Drainer le bétail politique vers l’enclos de l’acquisition des convictions à la manière bergère.
Le peuple est le seul berger de lui-même, les vaches laitières, toujours récalcitrantes à la traite sont domptées par une série de cures dont la première est de foutre du sel dans leur fion (nos compatriotes éleveurs, ne nous diront pas le contraire). Pour notre bétail politique, on se passera de ce traitement animal pour lui réserver quelque traitement républicain : une ostracisation dans les bagnes dans l’idée de leur faire un confiteor. D’autre part, canaliser la transhumance par une réglementation, pour le mieux, constitutionnelle afin de renforcer la force de chaque parti politique, pour une opposition et un exécutif forts.
A ce moment là seulement, nous pourrons donner du crédit à Emile Michel Cioran : « pitié pour celui qui, ayant épuisé toutes ses réserves de mépris, ne sait plus quel sentiment éprouver à l’égard des autres et de lui-même ». C’est au sortir de cette cure que le peuple réintègre ce bétail égaré. Il lui est possible de « rentrer dans la demeure de leur maître ».
Cette étape réglée de rationalisation de la conduite chaque citoyen, désormais dictée par un comportement éthique dans la vie sociale et politique, doit nous mener à la fin des mythes du leadership que, seul, le peuple détient. Toute tentative de confiscation de leadership se voit dans les conflits de légitimité ou de légitimation par un caquetage folklorique et d’endormissement des masses. « Ce don de nous anéantir, de nous plonger dans une ivresse où se brouillent toutes les notions » {Desmarchais}, une tare que le peuple, dans une seconde phase de maturation en cours, a l’obligation de conditionner pour exfiltrer la morphine qui somme les consciences.

La neutralisation des forces d’anéantissement de la capacité de discernement des masses

Nous assistions au lendemain de la proclamation des résultats provisoires du premier tour à des prises de position des plus porteuses d’une volonté de rupture à celles des plus biscornues (à l’opposé des leçons à tirer avec raison). Force est de voir dans cette dernière une insolence hagarde non seulement à l’endroit d’une partie de la population, mais aussi sur la capacité de chaque citoyen à se prononcer de façon autonome sur des questions qui lui sont posées. C’est dire aussi l’enjeu que revêt ce second tour après les enseignements à tirer du premier. Il faut y voir deux phases de maturation du peuple. D’abord, l’appropriation de l’esprit et de la lettre de notre fondement. Cette phase est déjà acquise. Ensuite le second, un processus dont l’aboutissement est le conditionnement de nos dirigeants à ramer dans le même sens que les aspirations du peuple.
Cependant, une force d’anéantissement de cette capacité de discernement des masses est toujours là, se dresse en court-circuit, sérieusement obstruant à la libération des énergies en synergie. Toute cette force dont le dessein est de créer des mouvements asynchrones est à confondre à une force diabolique, qui tient en otage les aspirations de tout un chacun. Au stade actuel, seul un esprit obtus ne peut voir vers quoi tendent ces aspirations. C’est dans ce contexte qu’il est inimaginable de voir en une sortie médiatique, annoncée en « breaking news », un acte mal déplacé de vouloir indiquer au peuple le chemin du « salut », un Ndigueul sur le choix que doit faire le peuple. Si le peuple voyait en Wade le chemin du salut il l’aurait choisi dès le premier tour.
Je me pose des questions sur le rôle d’une force habituellement connue de tout sénégalais en période électorale : les régulateurs sociaux, comme on aime si bien les appeler. Les guides religieux et le pouvoir politique ! Mais au-delà, accordons nous un simple jeu de sémantique à ce sujet. Pour faire clair dans le fond, le guide spirituel s’occupe de la vie spirituelle d’une ou de plusieurs personnes en les conseillant et apportant des réponses aux problématiques de leur quête spirituelle.
Les Ndigueuls donnés par les guides religieux nous ont beaucoup fait réfléchir sur les problématiques du positionnement dans notre société. En nous remettant dans les différents contextes, en voici deux : en pleine manifestation de désaccord avec la visite de Ousmane Ngom à Tivavouane, c’est un marabout qui ordonne à la police de lancer des bombes lacrymogènes Qui est l’autorité étatique à ce moment ? En pleine course aux alliances politiques, un marabout annonce un vivier de 12 millions de disciples et les ordonne de voter pour le Président Wade au second tour. Dans quelle sphère se pratique la spiritualité ? Dans le domaine politique ? Nous n’avons pas pu trouver les réponses idoines, mais avec la ferme résolution de consulter un spécialiste du sujet pour avoir, ne seraient-ce que quelques éléments de réponse. En revanche cette réflexion à laquelle nous nous sommes livrés, n’a fait qu’ouvrir des séries de questions; c’est un bon début, nous semble-t-il. En tombant sur un ouvrage qui traite du poids des marabouts ou guides religieux, voici ce que nous apprenions dans la prolifération du phénomène : « plusieurs villages, quartiers urbains et villes sénégalaises portent l’empreinte d’hommes de religion ou de mouvements à base religieuse dont le mode d’encadrement se projette largement sur ces espaces conçus pour mesurer sa personnalité et son poids politique, mais aussi pour contrôler les personnes placées sous son autorité » (Cheikh Gueye, Touba capitale du mouridisme, Karthala 2002). A la lumière de cette analyse, nous ouvrons cette série de question. Le phénomène religieux au Sénégal traduit-il une crise de la pratique religieuse dans la mesure où l’affaire permet de mesurer un poids politique, pour ne pas dire finir par marchander ce poids ? Les conditions d’expression d’un Ndigueul ne doivent-elles pas prendre en compte la température des fronts sociaux et politiques ? Le Ndigueul exprime-t-il plus une soumission qu’une communion ? Dans l’hypothèse où la prolifération des mouvements religieux est avérée pour mesurer un poids politique, ne parlerait-on pas d’une instrumentalisation de la religion à des fins matérielles (« le marabout urbanisant »)? Que doit chercher le fidèle chez le guide ? Le marabout est-il un vecteur de marque plutôt que de valeurs ? Tout ce questionnement ne donne-t-il pas raison à l’idée d’un « opium du peuple » pour la bonne raison que le religieux a un fort potentiel d’endormissement ?
Toutes ces questions nous restent sans réponse et méritent examen dans le fond quand nous réalisons qu’en pleine velléité de crise électorale encore latente, le pouvoir religieux prend de revers l’air du changement. Est-ce de la régulation sociale. ? Non ! Une finalité électoraliste à retombées pécuniaires ? OUI ! Point de légionnaire politique ! Ni de sangsues ! A bas ce clientélisme religieux ! Non à cette immolation de l’esprit à l’ambiance Scarface ! C’est bafouer l’entièreté de l’être humain jouissant pleinement de ses droits civiques. Le Ndigueul n’y a de place que s’il va dans le même sens que la volonté inaliénable du peuple. Wade doit partir !
Cet acte ne peut être qu’une imposture et une dévotion de corrupteur à corrompu, vice et versa. Lequel est l’un et/ou l’autre ? On ne peut s’y avancer dans ce bal de dealers. Le peuple ne mange pas de ce pain. De cette position, on ne peut s’imaginer autre chose qu’un Cerbère tricéphale ou Orthos aux traits étrangement humains dont les seuls intérêts sont de veiller à ce que le Styx ne soit traversé par ceux que le peuple a vomis tant leur acte de défiance et de déviance est âcre pour la société.
L’on se permet ensuite de se couvrir sous la bannière du religieux pour revendiquer sa légitimité plus que ne s’en réclament les concernés. C’est du diabolisme, et en même temps un traitement à vil des fidèles qui ne demandent que respect et intimité dans leur spiritualité. C’est insulter la conscience de tout un sénégalais qui observe et pratique humblement les principes de sa spiritualité. Un des grands penseurs de la spiritualité concevait déjà la réserve que doit avoir l’homme dans une telle entreprise en ceci: « l’homme n’est autre chose qu’un élément de synthèse et l’humilité reste non seulement le fondement, mais la signification de sa grandeur. Il doit maîtriser le verbe de sorte qu’il reste le fondement du dialogue » (Ahmed Cheikh Tidjane SY) C’est la grande réalité ça ne peut être autrement : AL HAQAA-IQAL KOUBRA
Si le Nouveau Type de Sénégalais (NTS) doit émerger, ce doit être par un rassemblement collectif vide d'appartenances autres que celle d’une seule manière de vivre dans la « Sénégalité » qui nous unit tous, sinon toutes nos sensibilités nous diviseraient éternellement! Rupture n'est pas seulement politique, mais culturelle. Celle que nous ont léguée ces Vieux fantômes des vestiges médiévaux est pire que le colonialisme. « Le commun vouloir de vivre en commun » passera par là. La mise à plat et la réduction à néant de toute entreprise d’anéantissement d’une aspiration vers l’émergence. Seul le peuple est juge, et conditionne ceux qu’il a choisis à aller dans la même mouvance de ses aspirations. C’est alors, que NTS surgira de cette nuit cauchemardesque vers une onction floquée du symbole de la renaissance. A NTS de se l’approprier, cet idéal : « le canari ne porte que ses ailes, mais ses ailes le portent »(Wolé Soyinka). Pour terminer nous réitérons une CHAHADA et un CREDO qui sont la profession de foi d’un Sénégal lavé de toutes ces forces obscures et décadentes.

Oswald Sarr
Doctorant en Aménagement et Dynamique des Espaces
Université Paris-Sorbonne
Lundi 12 Mars 2012
Oswald SARR




1.Posté par paul le 14/03/2012 15:57
superbe article avec un niveau de français trés élaboré. La réflexion est bien foullée dioko ndial Mr SARR



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