Le Show politico-médiatique du Président Wade à Touba ne lui garantira pas le vote mouride

En difficulté politiquement depuis le 23 juin dernier, le Président Wade a cru pouvoir se relancer en se rendant à Touba pour s’assurer du soutien de l’électorat mouride.


Le Show politico-médiatique du Président Wade à Touba ne lui garantira pas le vote mouride
Mais qu’est ce que le Président a apporté avec lui à Touba, en dehors de ses « rêves » sur sa bague ? Des promesses, encore des promesses, toujours des promesses. Il a répété exactement la même promesse faite devant le Khalif Serigne Cheikh Sidy Moukhtar en Janvier dernier en s’engageant fermement à faire terminer les grands chantiers de Touba. Ces mêmes promesses il les avait tenues devant le Khalif précédent Serigne Bara. Et c’était la promesse qu’il avait donnée à Cheikh Saliou Mbacke avant sa disparation en 2007. Pourtant Le saint homme avait à l’époque réuni plus de 10 milliards sur fonds propres et avait la ferme intention de commencer lui-même les investissements. C’est le Président Wade qui lui avait demandé de patienter le temps que le Gouvernement puisse mettre en place un programme de 20 milliards par an, pendant 5 ans, car disait-il, la deuxième ville la plus peuplée du Sénégal méritait un investissement du même ordre que ce qui avait été fait à Thiès ou à Dakar. Serigne Saliou avait dû attendre en vain le démarrage des travaux du Président.

Le dernier prétexte à la non tenue de ses promesses à Touba, Wade est allé le chercher dans la crise énergétique et l’impatience des populations, obligeant à mettre tous les moyens financiers sur le plan Takkal. Ce que le Président de la République n’a pas dit, c’est que la crise de la Senelec dure depuis qu’il a été élu en 2000. Cette crise s’est aggravée depuis, mais ne l’a pas empêché de construire sa statue, d’organiser son Fesman à coup de milliards et même d’inaugurer récemment son grand théâtre, même si on doit cette dernière infrastructure à la coopération chinoise. Cette Chine spécialiste des panneaux solaires aurait pu nous faire une usine pour ces équipements de production d’énergie à moindre coût. Ce qui aurait pu faire diminuer la pression sur Senelec.

Mais comme le Président lui-même l’a dit récemment, les promesses n’engagent que ceux qui y croient, alors Touba est en droit d’attendre que le ¨Président Wade lui répète son « Ma Waxon Waxeet ».

Mais même si ces promesses étaient tenues, ce ne serait que le travail normal d’un Gouvernement digne de ce nom. Toutes les villes du pays méritent un investissent de milliards pour le bien-être des populations. A plus forte raison la deuxième ville la plus peuplée du Sénégal.

Si le bilan du Président Wade avait été positif à 100% à Touba, cela ne lui aurait pas garanti le soutien total des mourides, si dans le reste du pays ce bilan est négatif. Les mourides vivent partout dans le Sénégal. Mieux, ils sont de grands commerçants, entrepreneurs, agriculteurs etc. Comme tout le monde, ils ressentent la crise économique mondiale. Celle-ci est aggravée au Sénégal par la politique du régime libéral marqué par la montée de la corruption, un train de vie de l’Etat qui prend des proportions sans précédent et une dilapidation des deniers publiques dans des dépenses de prestige, loin des priorités des Sénégalais.

On ne peut, bien entendu pas dire que Wade n’a rien fait à Touba, mais son bilan dans la ville sainte est à l’image de son bilan dans l’ensemble du pays.

Pourtant lors de l’émission « Point de Vue » de Oumar Gningue sur la RTS , le Ministre d’Etat Madické Niang affirmait que l’élection Présidentielle prochaine ne se ferait pas par les chancelleries occidentales mais sur le terrain et qu’il y avait 100 000 nouveaux inscrits à Touba. Comme si ce chiffre était déjà dans la poche du Président Wade.

Les mourides sont, dans leur écrasante majorité, suffisamment intelligents pour ne pas baser leurs choix ou leurs préférences politiques sur l’appartenance à une confrérie ou une confession. Et ils l’ont démontré car, avec le khalif Serigne Fallou, ils ont soutenu le Chrétien Senghor et avec le Khalif Cheikh Abdou Ahad ils ont soutenu Abdou Diouf qui se déclarait appartenir à une famille Tidiane.

Pourtant, même si Wade se déclare ostensiblement mouride, le Khalif Cheikh Saliou Mbacke qui priait pour lui et pour d’autres, n’a jamais appelé aucun taalibé à voter pour lui. C’est dire que sur la question, les mourides n’ont de leçon de tolérance à recevoir de personne. Ils préféreront toujours un bon ministre non-mouride à un ministre mouride qui serait médiocre ou même un bon Président non mouride à un mauvais Président appartenant à leur Communauté.

Le Président Wade, ses amis, l’opposition à son régime et tous autres hommes politiques qui cherchent parfois à opposer les communautés religieuses pour des gains électoraux ne doivent pas se faire d’illusion sur les mourides. Se déclarer mouride par un politicien n’est absolument pas une garantie pour conquérir le vote de la communauté. Nous avons besoin d’hommes d’Etat de qualité avec les valeurs d’honnêteté, d’intégrité et de compétence quelle que soit leur appartenance religieuse, confrérique ou ethnique.

Si une forte majorité de Sénégalais de toutes obédiences, religieuse ou confrérique, avait élu Wade en 2000 et l’a réélu en 2007, les mourides sont certainement parmi les grands déçus des 11 ans du régime libéral. Outre la déception par rapports aux grands espoirs placés en lui, les mourides ressentent la honte de voir un Président qui se réclame de leur communauté, alors qu’il est sur le point de perdre la place qu’il aurait dû occuper dans l’Histoire, au titre de président le plus démocratiquement élu au Sénégal, de l’indépendance à 2000. Le plus grand dommage serait que Wade rate sa sortie en voulant solliciter un troisième mandant anticonstitutionnel.

Nous avons suivi les effets désastreux sur la crise ivoirienne, de l’instrumentalisation de la religion et des différences ethniques par les politiques. Nous ne voulons pas connaître la même chose au Sénégal.

Cheikh Fatma Mbacke,
Jeudi 4 Août 2011
Cheikh Fatma Mbacke




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