Les régimes politiques en Afrique subsaharienne sont de manière générale caractérisés par un « présidentialisme fort » même si beaucoup de pays ont connu la démocratisation à la fin des « années 90 ». Il serait difficile de loger tous ces régimes dans la même enseigne car il y’a des Etats qui s’efforcent tant soit peu de s’ériger en modèle de démocratie (Mali, Benin). Dans cette course, le Sénégal pionnier de l’aventure démocratique semble perdre sa posture de « laboratoire de démocratie ». Dans les nouvelles Constitutions africaines, un principe fondamental y est inscrit, celui de la clause limitative des mandats présidentiels à deux. Cette règle a vocation à mettre fin à la présidence à vie. Elle est considérée comme la « pierre angulaire du constitutionnalisme ». Ce mouvement né au 18e siècle tend à limiter l’absolutisme par la Constitution, à protéger les libertés et établir l’Etat de droit. La limitation des mandats favorise l’alternance. L’histoire politique du Sénégal montre que le principe de la limitation des mandats n’a jamais été la conséquence directe de la transition politique. En 1976, le Président Senghor choisit son propre successeur en usant des moyens constitutionnels, il modifie l’article 35 de la Constitution de 1963 pour instaurer le « Dauphinat ». Cette révision constitutionnelle déconsolidante prévoyait qu’en cas de vacance du pouvoir c’est le Premier Ministre qui assure l’intérim. En 1980, Senghor démissionna la présidence. Ce procédé permit à Diouf de venir au pouvoir sans la compétition électorale. Sous l’empire de la Constitution de 1963, la clause limitative des mandats présidentiels n’a pas été respectée. Elle a été introduite par la loi n° 70-15 du 6 février 1970. Cette limitation du mandat sera remise en cause par la loi n° 76-27 du 6 avril 1976. Elle sera réintroduite par la loi n°91-46 du 6 octobre 1991 portant révision de la Constitution. La limitation des mandats à deux sera supprimée à nouveau avec la révision du 10 octobre 1998. Cette révision reçue par acclamation par la majorité socialiste constituait une régression démocratique pour reprendre le mot du Professeur Ismaila Madior Fall. Cette attitude témoignait la volonté du Président Diouf de s’éternise au pouvoir. Cela aurait été intéressant que le Président sortant ne se présenta pas à l’élection de 2000.L’alternance au Sénégal ne résulte pas de la clause limitative du mandat mais d’une défaite électorale.
La Constitution du 22 janvier 2001 restaura le principe du double mandat dans le but d’éviter la longévité au pouvoir comme ce fut le cas de Senghor et Diouf (2Oans chacun). Désormais la nouvelle Constitution s’emploie à encadrer la fonction présidentielle dans le temps. Mais la tentative de sécurisation de la limitation du mandat présidentiel ne fut pas garantie à partir du moment où l’actuel Président manifesta son intention de briguer un troisième mandat. La Constitution de 2001 en ses articles 27 et 104 suscite une polémique. L e parti au pouvoir (PDS) estime que son candidat a la possibilité de se présenter à l’élection de 2012 car son premier mandat ne dérive pas de l’actuelle Constitution. Le président et ses partisans invoquent un principe général du droit selon lequel la loi ne rétroagit pas. A cet égard il faut apporter deux précisions :
La première est que le principe de non rétroactivité de la loi n’a de valeur constitutionnelle qu’en matière pénale. Ainsi la juridiction constitutionnelle française a limité les possibilités de rétroactivité de la loi. Dans une décision n° 98-404 DC du 18 décembre 1998, elle a jugé que « le principe de la non rétroactivité des lois n’a de valeur constitutionnelle qu’en matière répressive ». La seconde précision est que les lois constitutionnelles sont d’application immédiate. Dans ces conditions, l’argumentaire de la majorité présidentielle est difficilement admissible en droit constitutionnel. En revanche, la doctrine constitutionnaliste dans son ensemble démontre la non-conformité de la candidature du président sortant. C’est la querelle autour de l’inconstitutionnalité de la candidature. Les spécialistes de la science constitutionnelle (Professeurs Mbodj, Fall et autres) ont délivré une lecture des dispositions constitutionnelles controversées.
La thèse de l’inconstitutionnalité de la candidature prévaut à l’état actuel en attendant le point de vue du juge constitutionnel.
Le respect de la règle du double mandat aurait suffi pour que le Président Wade ne soit pas candidat en 2012. Certains Etats africains l’ont réussi, on peut citer le cas du Mali avec le Président Alpha Omar Konaré qui au bout de deux mandats il s’en va ; de la même manière John Kuffour du Ghana.
Au Sénégal, le principe n’est pas encore appliqué à la lettre, pour vu qu’il le sera. La limitation des mandats présidentiels facilite la circulation des élites et renforce la démocratie. Le chef de l’Etat a contribué à l’avancée de la démocratie sénégalaise durant ces deux mandats. C’est pourquoi il ne devrait pas démanteler ce travail rocambolesque à cause des délices du pouvoir. Albert Bourgi opine à juste titre que « tout pouvoir au bout de dix ans est frappé de l’usure ». Koffi Annan dans le même sillage évoque que « la grandeur d’un homme d’un d’Etat est de savoir quitter el pouvoir quand il le faut ».
L’inconstitutionnalité de la candidature ne devrait pas être l’origine d’une controverse. Les politiques font une observation politique du droit, or celui-ci n’est pas la politique. La parole des constitutionnalistes émanent de recherches et de travaux approfondis. Donc leur point de vue devait convaincre le Président Wade à revoir sa détermination à être candidat. Ce dernier, gardien averti et éclairé de la Constitution, dans une interview déclarait qu’il avait bloqué la Constitution et que désormais personne ne pouvait faire plus de deux mandats. Ces propos lient le chef de l’Etat comme l’a démontré I.M.Fall « la déclaration du Président est une source de droit constitutionnel ». C’est dire que sa parole vaut interprétation. Quand on est une haute autorité de l’Etat dont la représentativité est présumée on doit mesurer ses déclarations. Tout ce qu’on dit peut nous être opposable. C’est le cas du chef de l’Etat du chef du gouvernement et du ministre des affaires étrangères. Par exemple dans une affaire relative au « Statut du Groenland oriental » opposant le Danemark et la Norvège devant la Cour permanente de justice internationale (CPJI) en 1927. En effet le ministère des affaires étrangères norvégien du nom d’Ilhen avait fait une déclaration selon laquelle son pays reconnaissait la souveraineté danoise sur ce territoire. Quelques années plus tard la Norvège saisit la CPJI en arguant que son ministre était constitutionnellement incompétent pour faire cette déclaration. Mais la Cour refusa cet argument en précisant que l’Etat norvégien était lié par cette déclaration.
Au regard de ces considérations, il devient impossible d’écarter en l’espèce les propos du chef de l’Etat. Par conséquent la querelle de l’inconstitutionnalité est tranchée d’avance. En vertu de la Constitution du 22 janvier 2001 une possibilité d’un troisième mandat n’est pas envisageable.
Pour vu qu’il ait la primauté du droit.
Moustapha FALL
Etudiant en droit public et science politique
FSJP/UCAD
Falltapha88@yahoo.fr
La Constitution du 22 janvier 2001 restaura le principe du double mandat dans le but d’éviter la longévité au pouvoir comme ce fut le cas de Senghor et Diouf (2Oans chacun). Désormais la nouvelle Constitution s’emploie à encadrer la fonction présidentielle dans le temps. Mais la tentative de sécurisation de la limitation du mandat présidentiel ne fut pas garantie à partir du moment où l’actuel Président manifesta son intention de briguer un troisième mandat. La Constitution de 2001 en ses articles 27 et 104 suscite une polémique. L e parti au pouvoir (PDS) estime que son candidat a la possibilité de se présenter à l’élection de 2012 car son premier mandat ne dérive pas de l’actuelle Constitution. Le président et ses partisans invoquent un principe général du droit selon lequel la loi ne rétroagit pas. A cet égard il faut apporter deux précisions :
La première est que le principe de non rétroactivité de la loi n’a de valeur constitutionnelle qu’en matière pénale. Ainsi la juridiction constitutionnelle française a limité les possibilités de rétroactivité de la loi. Dans une décision n° 98-404 DC du 18 décembre 1998, elle a jugé que « le principe de la non rétroactivité des lois n’a de valeur constitutionnelle qu’en matière répressive ». La seconde précision est que les lois constitutionnelles sont d’application immédiate. Dans ces conditions, l’argumentaire de la majorité présidentielle est difficilement admissible en droit constitutionnel. En revanche, la doctrine constitutionnaliste dans son ensemble démontre la non-conformité de la candidature du président sortant. C’est la querelle autour de l’inconstitutionnalité de la candidature. Les spécialistes de la science constitutionnelle (Professeurs Mbodj, Fall et autres) ont délivré une lecture des dispositions constitutionnelles controversées.
La thèse de l’inconstitutionnalité de la candidature prévaut à l’état actuel en attendant le point de vue du juge constitutionnel.
Le respect de la règle du double mandat aurait suffi pour que le Président Wade ne soit pas candidat en 2012. Certains Etats africains l’ont réussi, on peut citer le cas du Mali avec le Président Alpha Omar Konaré qui au bout de deux mandats il s’en va ; de la même manière John Kuffour du Ghana.
Au Sénégal, le principe n’est pas encore appliqué à la lettre, pour vu qu’il le sera. La limitation des mandats présidentiels facilite la circulation des élites et renforce la démocratie. Le chef de l’Etat a contribué à l’avancée de la démocratie sénégalaise durant ces deux mandats. C’est pourquoi il ne devrait pas démanteler ce travail rocambolesque à cause des délices du pouvoir. Albert Bourgi opine à juste titre que « tout pouvoir au bout de dix ans est frappé de l’usure ». Koffi Annan dans le même sillage évoque que « la grandeur d’un homme d’un d’Etat est de savoir quitter el pouvoir quand il le faut ».
L’inconstitutionnalité de la candidature ne devrait pas être l’origine d’une controverse. Les politiques font une observation politique du droit, or celui-ci n’est pas la politique. La parole des constitutionnalistes émanent de recherches et de travaux approfondis. Donc leur point de vue devait convaincre le Président Wade à revoir sa détermination à être candidat. Ce dernier, gardien averti et éclairé de la Constitution, dans une interview déclarait qu’il avait bloqué la Constitution et que désormais personne ne pouvait faire plus de deux mandats. Ces propos lient le chef de l’Etat comme l’a démontré I.M.Fall « la déclaration du Président est une source de droit constitutionnel ». C’est dire que sa parole vaut interprétation. Quand on est une haute autorité de l’Etat dont la représentativité est présumée on doit mesurer ses déclarations. Tout ce qu’on dit peut nous être opposable. C’est le cas du chef de l’Etat du chef du gouvernement et du ministre des affaires étrangères. Par exemple dans une affaire relative au « Statut du Groenland oriental » opposant le Danemark et la Norvège devant la Cour permanente de justice internationale (CPJI) en 1927. En effet le ministère des affaires étrangères norvégien du nom d’Ilhen avait fait une déclaration selon laquelle son pays reconnaissait la souveraineté danoise sur ce territoire. Quelques années plus tard la Norvège saisit la CPJI en arguant que son ministre était constitutionnellement incompétent pour faire cette déclaration. Mais la Cour refusa cet argument en précisant que l’Etat norvégien était lié par cette déclaration.
Au regard de ces considérations, il devient impossible d’écarter en l’espèce les propos du chef de l’Etat. Par conséquent la querelle de l’inconstitutionnalité est tranchée d’avance. En vertu de la Constitution du 22 janvier 2001 une possibilité d’un troisième mandat n’est pas envisageable.
Pour vu qu’il ait la primauté du droit.
Moustapha FALL
Etudiant en droit public et science politique
FSJP/UCAD
Falltapha88@yahoo.fr
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