La promotion touristique au Sénégal: un must pour booster l’économie du voyage

Dans son discours à Saly-Portudal, le président de la république a annoncé la mise en place d’un plan d’urgence de relance du tourisme, qui soit capable de promouvoir le tourisme sénégalais en tant que deuxième levier économique sur lequel compte ce régime pour relever les défis du développement qui l’attendent. Ainsi, le chef de l’Etat a annoncé le retour de l’Agence de la Promotion Touristique ; ceci est en effet une bonne chose, une belle vision, bref, une décision salutaire.


La promotion touristique au Sénégal: un must pour booster l’économie du voyage
L’état du tourisme sénégalais et son manque d’élan chronique est consécutif à l’absence de volonté politique de l’Etat du Sénégal pendant plusieurs décennies mais aussi au manque de sérieux des acteurs du secteur aussi bien ceux qui sont chargés des décisions que ceux qui ont en charge leur exécution.
Le tourisme, c’est du sérieux ! C’est une science qui regroupe en son sein beaucoup d’éléments, beaucoup de branches, beaucoup de disciplines. L’industrie du tourisme incluant l’hospitalité (restaurants, hôtels), le transport, les agences de voyage, se distingue de la politique touristique laquelle requiert une visibilité experte allant du développement de l’attraction à l’assainissement de l’offre touristique.
Le tourisme est devenu la première industrie mondiale devant même celle du pétrole mais tarde à se donner une identité au Sénégal. Il y a plusieurs formes de tourismes mais j’ai du mal à identifier le Sénégal dans quelque forme touristique que ce soit. Le Sénégal est-il vraiment un pays touristique ? C’est là, la véritable question. Quelles sont ses attractions et offres touristiques ? Quels types de tourisme propose-t-il ? Quelle est sa clientèle-cible ?
À entendre les autorités parler, on se perd même parfois en conjecture . . . tantôt c’est le tourisme de découverte, tantôt, c’est le tourisme d’affaire ou encore le tourisme de loisir ; parfois c’est tous les tourismes alors qu’en réalité l’offre n’est pas magique. Pourtant le potentiel est là, il faut le maitriser, l’améliorer et surtout l’innover. Le tourisme est toujours particulier par endroit quand bien même, on pourrait intégrer toutes les formes de tourisme dans une destination. Il faut donc, à mon avis, définir ce qui fait la particularité du tourisme sénégalais avant d’intégrer d’autres domaines touristiques. Le Sénégal doit pouvoir vendre sa position géographique, ses belles plages, son beau soleil, sa culture, son histoire, sa cuisine, sa mode, sa stabilité politique, la lutte, etc. mais il doit définir sa spécificité touristique d’abord. La France promeut avant tout son historicité, sa mode et sa cuisine et c’est ce que font d’ailleurs la plupart des pays européens ; une bonne partie des pays asiatiques promeuvent le tourisme de découverte alors que les États-Unis sont plus dans le tourisme d’affaire et de modernité tout comme le Japon qui vend son attraction technologique. Le Canada avec sa nature glaciale tout comme la Russie ; et tout prés de chez-nous, le Kenya ou la Tanzanie avec leurs forets, leurs savanes, leurs montagnes, etc. peut-on dire la même chose du Maroc avec ces plaines, ces déserts etc. ?
Il me semble donc judicieux qu’on s’interroge sur la spécificité touristique du Sénégal qui, je le rappelle, a un potentiel mais pas forcément bien identifié. C’est en répondant à cette problématique et seulement en y répondant qu’on peut donner corps à cette vision du président de la république.
Par où l’on part du principe, la promotion touristique doit être échelonnée; la future Agence de Promotion Touristique doit d’abord s’occuper du tourisme local, il est important. Le tourisme local au Sénégal existe, a du corps mais n’est pas du tout organisé. Pourtant ce tourisme concerne bien des domaines : il est religieux, il est culturel, il est sportif, il concerne aussi plus ou moins le tourisme d’affaire. Mais comment peut on promouvoir cette culture du tourisme local, du (domestic tourism) ? Comment peut-on amener les dakarois et autres régionaux à aller visiter la Casamance en dehors des activités familiales et pour la découverte ? Comment faire de Saint-Louis une destination qui attire particulièrement les autres Sénégalais ? Voila un des rôles fondamentaux que doit jouer l’Agence de Promotion Touristique qui ne saurait être une coquille vide ne s’occupant que d’affichage et de publicité.
La promotion touristique est aussi une mission sous-régionale, il ne faut surtout pas sous-estimer l’apport touristique des voisins, c’est énorme si on en fait une préoccupation majeure. Les vols vers le Sénégal sont parmi les plus chers du monde ; le transport routier inter-état n’est que des plus lamentables avec l’absence totale de réseau ferroviaire sans parler de la non-existence de vols low-cost qui devraient être le premier moyen de promotion touristique.
Le grand défi reste le tourisme international et là, faut-il encore le dire, notre pays n’est pas, mais alors pas du tout compétitif. Et d’ailleurs, c’est là qu’une Agence de Promotion Touristique trouve toute sa pertinence. La grande cause de notre « non compétitivité » est à trouver dans la définition de notre clientèle-cible mais aussi dans la faiblesse de nos attractions touristiques et leur mise en œuvre; on ne peut pas orienter tous nos efforts de vente touristique vers la seule France et dans seulement quelques zones vers l’Europe et vouloir être compétitif. Ce n’est pas possible ! Il faut donc investir davantage dans l’attraction touristique, investir dans ce qu’on n’a pas et que les autres ont, investir également dans ce qu’on n’a pas et qui manqueraient chez les autres aussi. Enfin, il faut diversifier la clientèle-cible. De ce point de vue, la future agence doit se donner comme mission entre autres d’amener des touristes australiens, nouvelle-zélandais, japonais, brésiliens, sud-africains, indiens, et …… pourquoi pas cambodgiens etc.
En tout état de cause, le tourisme a deux missions principales : c’est toujours faire venir de nouveaux visiteurs et faire en sorte qu’ils aient de bons souvenirs et de nouvelles envies de revenir. En gros, il faut amener l’autre et susciter son envie de retour.
Pour le premier cas (la première mission), notre péché mignon réside dans la dissémination de l’information touristique. Dans ce cas précis, nous sommes inéluctablement les derniers de la classe ; je n’ai jamais vu un système touristique aussi pauvre en information que celui du Sénégal. Ici, nous n’avons vraiment pas profité de la puissance d’internet et pour vous en convaincre, taper n’importe quelle destination touristique sur Google et comparer les résultats obtenus avec ceux que vous aurez si vous taper le Sénégal (Par exemple : Tourisme Tunisie, tourisme Sénégal). Allez dans les agences de voyage au Japon, en Chine, à Dubai, au Canada vous aller trouver pleins de pamphlets, de brochures, de dépliants proposant des offres touristiques pour le Kenya, le Maroc ; je n’ai jamais vu une offre touristique dans les agences de voyage japonaises ni même une brochure d’information à l’ambassade du Sénégal à Tokyo.
Concernant la mission qui consiste à faire revenir les touristes qui ont déjà visité le Sénégal, à lire les forums et autres blogs d’anciens visiteurs, on sent nettement que c’est difficile. Notre premier et plus grand péché, c’est notre système de transport; disons que c’est l’un des moins bons du monde. Si on y ajoute notre indiscipline, la saleté de nos rues, notre incivisme, le manque d’information au niveau local, le manque de sécurité, alors là, il ne faut même pas rêver.
Revenant sur l’information touristique, je voudrais attirer l’attention des autorités sur la production d’images professionnelles (photos, dessins et vidéos) à disséminer sur la toile et ailleurs. Tous les pays vendent leurs destinations touristiques par des images, on en trouve peu pour le Sénégal. La plupart des images touristiques sénégalaises présentes sur internet ont été postées par d’anciens touristes avec des commentaires pas forcément favorables.
Voila pourquoi j’encourage le président de la république dans le sens d’une Agence de Promotion Touristique qui ne soit pas une planque de politiciens comme on a l’habitude de le voir mais qui soit plutôt dotée de mission ambitieuse, sérieuse et réaliste et qui soit en mesure de faire du Sénégal une incontournable nation touristique en Afrique.

Dr. Papa Elimane Faye, sociologue
PhD en sciences du tourisme
Consultant/formateur à la JICA
Nagano-Japon
E-mail: pefbiz@gmail.com
Mardi 3 Décembre 2013
Dr. Papa Elimane Faye




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