La présidentielle vue du village

Au moment où la campagne électorale bat son plein et se concentre essentiellement dans les grandes villes,l'on oublie souvent la perception que la masse paysanne se fait de la chose politique...


La présidentielle vue du village
Tels des criquets pèlerins, ils sont arrivés les envahisseurs et les prédateurs ! Tourbillons au loin, ils sont arrivés les dinosaures de la politique sur nos terres en friches. Après un semblant de jachère de trois ans, les voici revenus les laboureurs, les semeurs et les moissonneurs de nos champs délaissés. Ils installent leurs bivouacs, les mains, la bouche vides ? Que non ! Leurs besaces sont pleines à craquer tels les greniers ancestraux ; leurs gourdes sont pleines à dégouliner de liqueurs et de nectar ; pleines à exhaler des senteurs et des saveurs jusque là insoupçonnées. C’est le temps des cadeaux somptueux à la belle du jour, le « jamale » où l’on rivalise de passion, de sollicitude et de galanterie. C’est la furtive valse des billets de banque dans les mains calleuses, le temps d’une saison, d’une traite politicienne ! Ou alors le temps des générosités ostentatoires devant ces publics professionnels qui se laissent volontiers charmer, par cars et convois entiers, par ces espèces sonnantes et trébuchantes. Entendez ceux-ci se glorifier de leurs mérites, de leur candeur politique, de leurs prouesses et de leurs ambitions pour ce pays ! Entendez ceux-là égrener leur élastique chapelet de réalisations, l’ordinaire devenant l’extraordinaire dans leur bouche experte en mégalomanie. Griots, que dans cette savane aux baobabs moribonds retentissent la romance à la paysanne, l’ode à la bergère ! Les messies sont arrivés et que prennent fin les jours de tristesse et de malheurs, les nuits de délestages inondées ! Voyez-les se pavaner dans leurs rutilantes voitures, enveloppant nos villages de poussière, apeurant et la marmaille nue et les bêtes exsangues. Ces villageois peuvent-ils d’ailleurs en soupçonner le prix : un poste de santé, une maternité, une ambulance, des moulins, un forage équipé ? Bref, ils arrivent déjà, de tous bords, de toutes les couleurs, à la rencontre programmée du monde rural, le point de mire à la mine hagarde et abêtie par tant d’égards subits. Et c’est la ronde, les courbettes et autres manières courtisanes vers les chefs religieux ou coutumiers ; une occasion inédite de se positionner en fils spirituels, en talibés, en parents, en admirateurs inconditionnels, le temps d’une rose tendue… Honneur à vous, vaillantes femmes de Nder, du Sud, du Fouta…Oubliez un moment vos senteurs d’oignon, vos corvées d’eau, de bois ou de gaz et dansez sur le rythme endiablé et coloré des tamtams et des décibels ; à vous les jeunes, espoir de la Nation, un avenir radieux est destiné, loin de ces pirogues de fortune dans les flots meurtriers ! Alors le miel de couler des lèvres politiciennes et le lait immaculé de serpenter à travers les sillons désertés de nos savanes. Le Sénégal des profondeurs deviendra une oasis, le temps d’une campagne ! Ils arrivent ces professionnels de la politique, sans scrupules, sans foi et sans honte dans leurs sourires d’emprunt, dans leurs boubous lourdement amidonnés de promesses à…promettre. Chacun voudrait bien convaincre qu’il détient l’unique clé, l’unique sésame pour nous sortir des entrailles du sous-développement. Ils sont arrivés les amants d’un soir, car l’élue sera éconduite au bout du petit matin du 26 mars 2012, comme un escabeau ou comme un escalier ou comme une serviette avec laquelle on a fini de se torcher…Ils disparaîtront et nous laisseront un décor de lendemain de bal poussière. Et nous les attendons de pied ferme, la tête alourdie de doléances inutiles, inutilement étalées devant ces charmeurs d’un jour. Seigneur, pitié pour notre peuple pris en otage ! Préservez-nous de cette race de chacals, de cette horde d’hyènes dont les parfums de cette campagne électorale ne sauraient faire oublier le vacarme pestilentiel .Et puisqu’il nous faudra un élu parmi les mastodontes et les petits poucets, parmi les favoris et les tocards, parmi les vendeurs de chimères et les patriotes serviteurs du peuple, faites –nous faire le bon choix, avec discernement et lucidité, dans la paix et la tolérance, pour une vraie rectification. En attendant, la PAIX reste le premier choix… Albert Faye Inspection d’Académie de Thiès
Lundi 12 Mars 2012
Albert FAYE




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