Il nous faut souligner dès l’entame, à l’attention des allergiques à un énième débat juridique sur la recevabilité de la candidature de Abdoulaye Wade, qu’il n’est pas question d’entretenir la polémique juridico-juridique. Il s’agit, ici, de rappeler un fait politique majeur et d’en tirer les enseignements juridiques et politiques et qui siéent.
Les praticiens et amoureux du droit, quant à eux, sont invités à une analyse aussi objective que possible des faits qui suivent.
C’est en revisitant l’histoire récente de la France que je suis tombé sur ce qu’il serait convenu d’appeler le cas Chirac.
Jacques Chirac a été élu Président de la République en mai 1995 pour un mandat de 7 ans. En octobre de l’an 2000, Il fit modifier la Constitution par un référendum. Cette réforme avait pour principal objet la réduction de la durée du mandat du Président de la République qui passait ainsi de 7 à 5 ans. Le double objectif réellement visé était, d’une part, d’organiser les élections législatives avant la Présidentielle pour éviter que le Président ne se retrouve en cohabitation – l’élection du Président devant, par un effet boule de neige, faciliter voire assurer l’obtention d’une majorité confortable au sein de l’Assemblée Nationale.
D’autre part et conséquemment, les députés ainsi élus, c’est-à-dire grâce à la légitimité et l’engouement encore vivace autour du Président de la République fraîchement installé, sont à l’évidence plus enclins à rester fidèles à la majorité présidentielle. Jacques Chirac avait donc organisé ce référendum de 2000 pour régler son cas propre : il a expérimenté l’exercice partagé du pouvoir car affaibli par une Assemblée Nationale en majorité à gauche dès 1997 et la présence envahissante d’un Premier Ministre évidemment socialiste. Il vivra 5 années d’une cohabitation difficile jusqu’au dénouement sismique du 21 avril 2002 qui voit l’élimination de Lionel Jospin, jusque-là Premier ministre, dès le premier tour.
Le sort en était jeté. Jacques Chirac est triomphalement réélu en 2002, face à l’extrémiste Jean Marie Le Pen, pour un mandat de 5 ans. L’ampleur du score, de type soviétique - 82°/ - était de nature à laisser penser à beaucoup d’observateurs que le Président Chirac briguerait … un Troisième Mandat. Il a, lui-même, laissé planer le doute sur la présentation de sa candidature à la présidentielle de mai 2007 jusqu’à ce soir de mars 2007 où il annonce qu’il ne se présentera pas. Ainsi, il déclare au cours d’un discours, le 11 mars 2007: « Je ne solliciterai pas vos suffrages pour un nouveau mandat ».* Il était donc clair que le droit de se représenter pour un troisième mandat lui était acquis.
Le lien est fait avec Abdoulaye Wade qui a été élu en 2000 pour un mandat de 7 ans. La révision constitutionnelle approuvée par référendum en 2001 fait passer, entre autres modifications, la durée du mandat de 7 à 5 ans. S’y ajoute une autre réforme de 2008 qui refait passer celui-ci de 5 ans à 7 ans.
Si l’on compare objectivement les mandats des présidents Wade et ceux de Chirac, ils sont identiques en tous points ; ils ont été tous les deux au pouvoir pour une durée de 12 ans avec des mandats de sept puis cinq ans entrecoupés de révision(s) constitutionnelle(s) visant au moins la durée et/ou le nombre de mandats . La différence, car il en existe une de taille, est que Jacques Chirac s’est désisté alors que Wade maintient encore sa candidature.
Les deux cas sont similaires, juridiquement s’entend. La candidature de Jacques Chirac déclarée mezza voce, finalement retirée ne souffrait aucune contestation, juridiquement s’entend. Aucune contestation ! Pas même celle de Guy CARCASSONNE** qui, produisant une consultance gratuite pour le compte de Idrissa SECK avait, semble-t-il, omis le cas Chirac au moment d’examiner le cas Wade. Candidatures recevables du fait de la non rétroactivité des lois; les dispositions du référendum d’octobre 2000 ne pouvant pas s’appliquer au mandat de Jacques Chirac courant de 1995 à 2002. Pas plus que les modifications constitutionnelles intervenues en 2001 ne peuvent prévaloir pour le mandat de WADE allant de 2000 à 2007.
Chez nous, ceux qui pensent que les dispositions de la Constitution de 2001 s’appliquent au mandat de 2000-2007 d’Abdoulaye WADE s’appuient sur la disposition transitoire 104 de notre loi fondamentale. Cet article stipule : «Le Président de la République en fonction poursuit son mandat jusqu’à son terme. Toutes les autres dispositions de la présente Constitution lui sont applicables « Nous comprenons bien que le Président de la République va au terme de son mandat de 7 ans et non 5 ans tel que stipulé par la nouvelle Constitution.
De plus un des rédacteurs de notre constitution a avoué qu’elle avait été écrite dans l’urgence. Nous pouvons certainement mettre l’article 104 sur le compte de cet empressement car il fait (in)consciemment fi du caractère impersonnel et général des Lois. Le Président élu en 2012 au Sénégal ne pourrait-il pas prétendre être ce « Président de la République en fonction » ?
Les juristes, au sens le plus large du terme, les spécialistes en Droit Constitutionnel – ceux qui se sont déjà prononcés ainsi que ceux que le PDS et ses alliés comptent mettre à contribution dans les jours à venir- tous sont interpellés. Pourquoi la candidature de J.Chirac était-elle juridiquement acquise alors que celle d’Abdoulaye est décriée par certains Professeurs sénégalais titulaires de la Chaire de Droit Constitutionnel ?
Pourquoi la ‘jurisprudence Chirac’ ne s’appliquerait-elle pas au Sénégal, à Abdoulaye Wade ?
.
Une autre interpellation, qui se veut tout aussi vive est celle faite à l’adresse de ceux que le chroniqueur politique Tamsir NDIAYE Jupiter appelle ironiquement « bloc bloqué »(sic) . Vous aurez compris qu’il s’agit de Benno Siggil Senegal qui est encore, aujourd’hui, paralysé par les discussions salonnardes. En 2007, ils y étaient déjà, convaincus que les élections ne se tiendraient pas à date échue. Leur réveil fut dur, ce matin du 26 février. La surprise conduisit aux contestations éloquemment molles qui s’ensuivirent.
Les mêmes causes risquant de produire les mêmes effets, les principaux leaders du BSS originel (Moustapha NIASSE, Ousmane T DIENG, Abdoulaye BATHILY, …) sont aveuglés aujourd’hui par la double œillère qu’est Non- Recevabilité de la candidature de A.WADE / Candidat de l’Unité et du Rassemblement. Pour le second point, le faux suspense, indigne même d’une série Z, auquel nous avons droit depuis plus de deux ans devait prendre fin ce lundi 31 Octobre. Ils ont une énième fois reporté le choix du dit CUR. Qu’il s’appelle Ousmane Tanor DIENG, qu’il se nomme NIASSE ou les deux en cas d’échec dans la recherche de ce CUR, aucun des deux ne pourra échapper à l’exercice de remobilisation des troupes militantes. En plus des convaincus, il leur faudra réenchanter les déçus de ce processus qui ont déjà tourné casaque. Ce qui risque de prendre du temps à quelque deux mois de l’ouverture de la campagne électorale. Ils devront, au pas de course, rattraper le retard concédé sur, respectivement et par ordre d’entrée dans la précampagne, Abdoulaye WADE, Macky SALL mobilisés depuis 2009. N’oublions pas non plus Ibrahima FALL ainsi que Idrissa SECK qui, lui, s’est engagé au lendemain du 23 juin 2011 dans une course contre la montre pour paraître aux yeux des comme le premier opposant au régime d’ici février 2012.
Abdoulaye Wade est donc conscient que sa candidature est recevable. Il sait aussi que les candidats les plus présents sur le terrain étaient de sa propre famille politique, à quelques exceptions notables. C’est probablement la raison de sa jubilation : « (…) l’un dans l’autre, j’ai bien peur d’être l’unique vainqueur «. Ainsi, le réveil risque d’être encore plus dur le 27 février 2012 pour les leaders du Benno Siggil Sénégal originel laissés, une fois de plus, groggy par le score de Gorgui et de ses « fils ». Voilà comment la ‘Jurisprudence’ Chirac mène lentement, quoique sûrement, vers la Jurisprudence Wade.
Abbas Baal Thiakiry
*Voir la vidéo ici http://www.dailymotion.com/video/x1f7v5_discours-jacques-chirac-11-mars-200_news
** Guy CARCASSONNE est un éminent Professeur de Droit Public également connu pour son expertise en Droit Constitutionnel
Constitution Sénégalaise : http://www.gouv.sn/spip.php?rubrique17
Constitution Française : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/la-constitution/la-constitution-du-4-octobre-1958/texte-integral-de-la-constitution-de-1958.5074.html
Les praticiens et amoureux du droit, quant à eux, sont invités à une analyse aussi objective que possible des faits qui suivent.
C’est en revisitant l’histoire récente de la France que je suis tombé sur ce qu’il serait convenu d’appeler le cas Chirac.
Jacques Chirac a été élu Président de la République en mai 1995 pour un mandat de 7 ans. En octobre de l’an 2000, Il fit modifier la Constitution par un référendum. Cette réforme avait pour principal objet la réduction de la durée du mandat du Président de la République qui passait ainsi de 7 à 5 ans. Le double objectif réellement visé était, d’une part, d’organiser les élections législatives avant la Présidentielle pour éviter que le Président ne se retrouve en cohabitation – l’élection du Président devant, par un effet boule de neige, faciliter voire assurer l’obtention d’une majorité confortable au sein de l’Assemblée Nationale.
D’autre part et conséquemment, les députés ainsi élus, c’est-à-dire grâce à la légitimité et l’engouement encore vivace autour du Président de la République fraîchement installé, sont à l’évidence plus enclins à rester fidèles à la majorité présidentielle. Jacques Chirac avait donc organisé ce référendum de 2000 pour régler son cas propre : il a expérimenté l’exercice partagé du pouvoir car affaibli par une Assemblée Nationale en majorité à gauche dès 1997 et la présence envahissante d’un Premier Ministre évidemment socialiste. Il vivra 5 années d’une cohabitation difficile jusqu’au dénouement sismique du 21 avril 2002 qui voit l’élimination de Lionel Jospin, jusque-là Premier ministre, dès le premier tour.
Le sort en était jeté. Jacques Chirac est triomphalement réélu en 2002, face à l’extrémiste Jean Marie Le Pen, pour un mandat de 5 ans. L’ampleur du score, de type soviétique - 82°/ - était de nature à laisser penser à beaucoup d’observateurs que le Président Chirac briguerait … un Troisième Mandat. Il a, lui-même, laissé planer le doute sur la présentation de sa candidature à la présidentielle de mai 2007 jusqu’à ce soir de mars 2007 où il annonce qu’il ne se présentera pas. Ainsi, il déclare au cours d’un discours, le 11 mars 2007: « Je ne solliciterai pas vos suffrages pour un nouveau mandat ».* Il était donc clair que le droit de se représenter pour un troisième mandat lui était acquis.
Le lien est fait avec Abdoulaye Wade qui a été élu en 2000 pour un mandat de 7 ans. La révision constitutionnelle approuvée par référendum en 2001 fait passer, entre autres modifications, la durée du mandat de 7 à 5 ans. S’y ajoute une autre réforme de 2008 qui refait passer celui-ci de 5 ans à 7 ans.
Si l’on compare objectivement les mandats des présidents Wade et ceux de Chirac, ils sont identiques en tous points ; ils ont été tous les deux au pouvoir pour une durée de 12 ans avec des mandats de sept puis cinq ans entrecoupés de révision(s) constitutionnelle(s) visant au moins la durée et/ou le nombre de mandats . La différence, car il en existe une de taille, est que Jacques Chirac s’est désisté alors que Wade maintient encore sa candidature.
Les deux cas sont similaires, juridiquement s’entend. La candidature de Jacques Chirac déclarée mezza voce, finalement retirée ne souffrait aucune contestation, juridiquement s’entend. Aucune contestation ! Pas même celle de Guy CARCASSONNE** qui, produisant une consultance gratuite pour le compte de Idrissa SECK avait, semble-t-il, omis le cas Chirac au moment d’examiner le cas Wade. Candidatures recevables du fait de la non rétroactivité des lois; les dispositions du référendum d’octobre 2000 ne pouvant pas s’appliquer au mandat de Jacques Chirac courant de 1995 à 2002. Pas plus que les modifications constitutionnelles intervenues en 2001 ne peuvent prévaloir pour le mandat de WADE allant de 2000 à 2007.
Chez nous, ceux qui pensent que les dispositions de la Constitution de 2001 s’appliquent au mandat de 2000-2007 d’Abdoulaye WADE s’appuient sur la disposition transitoire 104 de notre loi fondamentale. Cet article stipule : «Le Président de la République en fonction poursuit son mandat jusqu’à son terme. Toutes les autres dispositions de la présente Constitution lui sont applicables « Nous comprenons bien que le Président de la République va au terme de son mandat de 7 ans et non 5 ans tel que stipulé par la nouvelle Constitution.
De plus un des rédacteurs de notre constitution a avoué qu’elle avait été écrite dans l’urgence. Nous pouvons certainement mettre l’article 104 sur le compte de cet empressement car il fait (in)consciemment fi du caractère impersonnel et général des Lois. Le Président élu en 2012 au Sénégal ne pourrait-il pas prétendre être ce « Président de la République en fonction » ?
Les juristes, au sens le plus large du terme, les spécialistes en Droit Constitutionnel – ceux qui se sont déjà prononcés ainsi que ceux que le PDS et ses alliés comptent mettre à contribution dans les jours à venir- tous sont interpellés. Pourquoi la candidature de J.Chirac était-elle juridiquement acquise alors que celle d’Abdoulaye est décriée par certains Professeurs sénégalais titulaires de la Chaire de Droit Constitutionnel ?
Pourquoi la ‘jurisprudence Chirac’ ne s’appliquerait-elle pas au Sénégal, à Abdoulaye Wade ?
.
Une autre interpellation, qui se veut tout aussi vive est celle faite à l’adresse de ceux que le chroniqueur politique Tamsir NDIAYE Jupiter appelle ironiquement « bloc bloqué »(sic) . Vous aurez compris qu’il s’agit de Benno Siggil Senegal qui est encore, aujourd’hui, paralysé par les discussions salonnardes. En 2007, ils y étaient déjà, convaincus que les élections ne se tiendraient pas à date échue. Leur réveil fut dur, ce matin du 26 février. La surprise conduisit aux contestations éloquemment molles qui s’ensuivirent.
Les mêmes causes risquant de produire les mêmes effets, les principaux leaders du BSS originel (Moustapha NIASSE, Ousmane T DIENG, Abdoulaye BATHILY, …) sont aveuglés aujourd’hui par la double œillère qu’est Non- Recevabilité de la candidature de A.WADE / Candidat de l’Unité et du Rassemblement. Pour le second point, le faux suspense, indigne même d’une série Z, auquel nous avons droit depuis plus de deux ans devait prendre fin ce lundi 31 Octobre. Ils ont une énième fois reporté le choix du dit CUR. Qu’il s’appelle Ousmane Tanor DIENG, qu’il se nomme NIASSE ou les deux en cas d’échec dans la recherche de ce CUR, aucun des deux ne pourra échapper à l’exercice de remobilisation des troupes militantes. En plus des convaincus, il leur faudra réenchanter les déçus de ce processus qui ont déjà tourné casaque. Ce qui risque de prendre du temps à quelque deux mois de l’ouverture de la campagne électorale. Ils devront, au pas de course, rattraper le retard concédé sur, respectivement et par ordre d’entrée dans la précampagne, Abdoulaye WADE, Macky SALL mobilisés depuis 2009. N’oublions pas non plus Ibrahima FALL ainsi que Idrissa SECK qui, lui, s’est engagé au lendemain du 23 juin 2011 dans une course contre la montre pour paraître aux yeux des comme le premier opposant au régime d’ici février 2012.
Abdoulaye Wade est donc conscient que sa candidature est recevable. Il sait aussi que les candidats les plus présents sur le terrain étaient de sa propre famille politique, à quelques exceptions notables. C’est probablement la raison de sa jubilation : « (…) l’un dans l’autre, j’ai bien peur d’être l’unique vainqueur «. Ainsi, le réveil risque d’être encore plus dur le 27 février 2012 pour les leaders du Benno Siggil Sénégal originel laissés, une fois de plus, groggy par le score de Gorgui et de ses « fils ». Voilà comment la ‘Jurisprudence’ Chirac mène lentement, quoique sûrement, vers la Jurisprudence Wade.
Abbas Baal Thiakiry
*Voir la vidéo ici http://www.dailymotion.com/video/x1f7v5_discours-jacques-chirac-11-mars-200_news
** Guy CARCASSONNE est un éminent Professeur de Droit Public également connu pour son expertise en Droit Constitutionnel
Constitution Sénégalaise : http://www.gouv.sn/spip.php?rubrique17
Constitution Française : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/la-constitution/la-constitution-du-4-octobre-1958/texte-integral-de-la-constitution-de-1958.5074.html
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