L'avant et l'après 23 juin (Abdoul Aziz DIOP)


L'avant et l'après 23 juin (Abdoul Aziz DIOP)
Invoquant la démocratie, à la suite de la grande idée qu’il se fit de la république (émanation de la volonté générale), l’auteur Du contrat social (1762), Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), écrit qu’«un gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes». L’aspiration à la démocratie aurait donc pu s’arrêter depuis, éloignant le spectre de la guerre civile des sociétés humaines dont l’expression du besoin démocratique est l’épisode le plus significatif et le plus douloureux de l’Histoire. Et jamais la même aspiration n’a autant rythmé la marche du monde dans sa partie restée longtemps sous le joug de l’absolutisme politique. C’est qu’à travers sa sentence, Rousseau exprimait l’idéal d’un peuple souverain habilité à légiférer et à exécuter les lois. L’idée que ce peuple n’aurait donc jamais existé - et n’existerait toujours pas - explique à elle seule les luttes intellectuelles, politiques, sociales et culturelles tendant à rendre l’idéal démocratique conforme à la réalité. Au Sénégal, jamais l’affirmation de la souveraineté populaire – ferment de la démocratie - n’a été aussi effective que le 23 juin 2011. Mais plus intéressant encore est l’après 23 juin !
Il y eut naturellement un avant 23 juin 2011 quand la rue se dressa contre la «Grande silencieuse» - nom donné par le président Wade à la justice sénégalaise qui, disait-il, lui fit perdre toutes les élections entre 1978 et 2000. La même justice les lui fait donc gagner depuis mars 2000 ! Le 9 juillet 2004, le procureur de la République jeta Madiambal Diagne, directeur de la publication du journal Le Quotidien, en prison pour «diffusion de correspondances et de rapports secrets», «diffusion de fausses nouvelles» et «diffusion de nouvelles tendant à causer des troubles politiques graves». Stupéfiée, la presse sénégalaise organisa la riposte contre le «Montre». Se joignant à elle en très grand nombre pour la défense de la liberté d’expression et de la liberté de la presse, les patriotes et démocrates sénégalais eurent gain de cause au bout de 18 jours seulement : M. Diagne, jouissant d’une liberté provisoire, sort de prison le 26 juillet 2004. Il n’y retourna plus depuis ! L’un des trois pouvoirs – le judiciaire sous l’emprise de la chancellerie – céda sous la pression de la rue indignée. C’est, sept ans plus tard, une rue également indignée qui accula un autre pouvoir – le législatif sous le contrôle du parti au pouvoir – à renoncer, dans des circonstances humiliantes, au vote d’une loi scélérate destinée à ravir au peuple souverain le libre choix de ses dirigeants. Nous sommes le jeudi, 23 juin 2011 sur la Place Soweto noire de monde dès les premières heures de la matinée. Dans le premier cas comme dans le second, la vie politique, économique, sociale et culturelle reprit son cours normal. Et personne n’accusa la masse ou les porte-étendards qui se singularisèrent d’avoir affaibli la démocratie en contestant la décision de justice de juillet 2004 ou en empêchant une délibération de l’Assemblée nationale le 23 juin 2011. Une question vient alors à l’esprit : pourquoi la prochaine déferlante populaire contre la validation par le Conseil constitutionnel de la candidature inconstitutionnelle du président Abdoulaye Wade pour un troisième mandat serait moins légitime que les deux grandes vagues précédentes de protestations ? Au prétexte de la souveraineté de l’institution, seule habilitée à trancher le débat sur la recevabilité ou non de la candidature d’Abdoulaye Wade à l’élection présidentielle de février 2012, les nouveaux largués de l’espace public oublient la souveraineté populaire fondatrice du pacte républicain. Aussi un rappel des sources anciennes du pacte devrait-il leur rafraîchir la mémoire. Au début (XVIe siècle anglais) était l’absolutisme politique. Il n’y eut alors ni pacte de gouvernement, engageant la responsabilité du souverain, ni pacte d’association susceptible de remettre en cause l’Etat transcendant auquel se soumet le sujet de droit dès lors qu’il lui garantit la paix et la sécurité. Au siècle suivant, John Locke (1632-1704) introduisit l’idée de trust, c’est-à-dire l’acte de confiance grâce auquel le gouvernement est légitimement soumis au contrôle des sujets du roi. Locke déduisit de sa conception le droit à la résistance à l’oppression, rejoignant du coup les auteurs – dits «monarchomaques» - d’écrits subversifs de la fin du XVIe siècle. Auteurs de sermons centrés sur la paix le jour de l’Aïd El-Kebir, les imams sénégalais devraient méditer l’existence d’un contrat entre Dieu et le peuple dans l’esprit des protestants de la fin du XVIe siècle. Ce contrat fondamental autorisait le peuple à résister au roi se faisant persécuteur en violant la règle générale. Les récentes révoltes arabes et celles en cours sont suffisamment révélatrices d’une tradition arabo-musulmane dans ce domaine précis. «Nous ne nous soumettrons qu’à Dieu», clament, haut et fort, les insurgés syriens au sortir des mosquées. L’idée d’une force subversive atteignit son apogée en Europe avec la théorie du contrat social chère à Rousseau. En faisant de la liberté (inaliénable) la valeur essentielle, le philosophe contractualiste pourfend l’idée même de pacte de gouvernement assimilable, à ses yeux, à un pacte d’esclavage. Le seul pacte légitime est celui que chaque individu noue avec la république. Cet état de fait consacre et le sujet de droit, devant obéir à la loi générale, et le citoyen - membre du peuple légiférant. Chez Kant (1724-1804), le principe de la loi morale découle de cette grande idée.
Le 23 juin 2011, la voix du peuple législateur submergea celle du représentant corrompu. Le Mouvement du 23 juin (M23) – grand artisan de l’après 23 juin 2011 - est donc un pari sur la république véritable en tant qu’émanation de la souveraineté de la volonté générale. C’est la raison pour laquelle le M23 – adossé au peuple souverain - ne renoncera pas à la lutte quelle que soit la nature du verdict rendu par le juge des élections. Le fait que l’on ait osé dire de ce mouvement qu’il est «un bon accélérateur de la transhumance» est révélateur des limites objectives d’une lutte anti-corruption dont les activistes ne s’aperçoivent pas assez que l’accessibilité accrue du marché du travail confère l’autonomie financière, qui promeut les libertés publiques en détournant le citoyen de la tentation de l’aliénation. Le prisme sous lequel ces activistes analysent la société en mouvement est simplement obsolète. «Le réveil de l’Histoire» leur échappe.

Abdoul Aziz DIOP
Membre du M23
Mercredi 9 Novembre 2011
Abdoul Aziz DIOP




1.Posté par Mouvement Jambar le 10/11/2011 12:16
Nous attendons surtout du M23 qu'il travaille pour constituer la prochaine majorité parlementaire. Préparez une liste et allez au Parlement!

2.Posté par junior le 10/11/2011 13:35
aassaalamoualeykum chers compatriotes dnéwéénatii a tous surtout a vous abdoul aziz avec votre permission,j'ai toujours plaisir a vous suivre tele ou presse vos analyses toujours pertinentes transcendent les plus septiques votre texte est maagnniifiik"roosevelt"disait les grands esprrits discutent des idées,les esprits moyens des événements et les petits esprits des gens.
wassaalaam



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