Une certaine presse fait état de lobbies qui s’activeraient pour contraindre le président de la République à mettre purement et simplement un terme à la traque des biens dits mal acquis. Même si cette affaire ne relevait que de sa seule volonté, je ne crois pas qu’il soit prêt à risquer un nouveau « Mouvement du 23 juin », à se discréditer et à discréditer nos institutions. Pendant que les conjectures et les suppositions les plus folles vont bon train relativement à cette affaire qui empêche certains de nos compatriotes de dormir, voilà qu’un autre défi se dresse sur son chemin déjà parsemé d’embûches : le vote de la Loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013, portant Code général des Collectivités locales. Entre autres dispositions, la nouvelle loi consacre la suppression des conseils régionaux. Cette disposition fait l’effet d’une bombe chez certains autres compatriotes dont la réaction ne s’est pas du tout fait attendre. « On ne tue pas une chèvre sous un lit » avec l’espoir que, dehors, les gens ne se rendent compte de rien. Les présidents de régions ne se laisseront sûrement pas faire : « On les déshonore, on ne les tue pas. »
En tout cas, depuis quelques jours, le pays ne bruit donc que de cette fameuse loi. Partout, ce sont des levées de boucliers et des surenchères succèdent aux surenchères. On envahit les plateaux de télévision et les micros des radios. En direction du président de la République, la cible principale, ce sont des déclarations les plus belliqueuses et de terribles menaces à peines voilées. On menace même – curiosité – de porter l’affaire jusqu’en France, où une réunion est prévue. Avec qui ?
Qui sont-ils, ces compatriotes qui râlent et protestent avec autant de véhémence ? Quels arguments brandissent-ils et que valent ces derniers ? Ce sont généralement des chefs de collectivités locales (principalement les présidents de région) et les responsables des organisations syndicales des personnels desdites collectivités. Pour les premiers, la loi n° 2013-10 est une aberration, une hérésie. Elle est contre l’intérêt des populations, puisqu’elle va mettre fin immédiatement à la coopération internationale décentralisée (sic). Monsieur Moussa Mballo, conseiller municipal à Kolda et Secrétaire permanent de l’Association des régions du Sénégal, rejette formellement la suppression des régions qui « porte préjudice à la coopération internationale décentralisée avec un déficit de plus de 50 milliards ».
Ces milliards tirés de la coopération internationale décentralisée qui seraient perdus, c’est la trompette qu’embouchent tous les présidents de région. Ce serait là leur argument massue, leur principal cheval de bataille. Rien ne prouve d’ailleurs que ces milliards – si milliards il y a – seront automatiquement perdus. La coopération internationale décentralisée, c’est avec un pays, des structures et non avec des hommes en particulier. L’Etat étant une continuité, la coopération pourrait continuer de se faire avec les collectivités locales, existantes, en attendant la mise en place des nouvelles, notamment des conseils départementaux. Apparemment donc, leur argument massue ne tient pas la route. D’ailleurs, il convient de signaler, en passant, un aveu de taille de leur part : sans les fruits de la coopération internationale décentralisée, point de salut pour les régions. Dafa xawa melne, manalu ñu sèen bopp dara ! Leur viabilité poserait donc sérieusement problème.
Les présidents de région ne s’arrêtent d’ailleurs pas en si bon chemin : ils font feu de tout bois et, dans leurs surenchères, veulent faire croire aux populations qu’elles seront les dindons de la farce, qu’elles seront mises sur la touche de la nouvelle réforme. En réalité, ils prêchent pour leur propre paroisse. Leur principale préoccupation, c’est la perspective de perdre leurs immenses privilèges : salaire mensuel de deux millions de francs Cfa, logement cossu ou indemnité représentative de logement consistante, véhicule de fonction rutilant, possibilité de recruter parents, proches et militants, nombreux voyages (avec passeports diplomatiques) à travers le monde dans le cadre de cette fameuse coopération internationale décentralisée, etc. Sans compter la manière cavalière dont sont gérés les budgets dans la grande majorité de nos collectivités locales.
J’assume totalement cette dernière assertion. « Maître Wade et l’alternance : le rêve brisé du Soppi », c’est le premier livre que j’ai consacré, en janvier 2004, à la gouvernance libérale. Dans le chapitre VI (« L’opacité dans la gestion des affaires publiques : un dénominateur commun aux Socialistes et aux Libéraux, pp. 149-210), j’ai relevé et développé des cas de mauvaise gestion flagrante de collectivités locales, sévèrement épinglés par l’Inspection générale d’Etat (IGE) ou la Cour des Comptes. Les pages 155-170 en fournissent des exemples patents.
Pour revenir à la suppression des régions, elle pourrait faire perdre aux présidents de région, du jour au lendemain, des avantages exorbitants. Cette suppression est donc devenue pour eux une question de vie ou de mort, le sort des populations n’étant qu’un prétexte bien commode. Et puis, ne sont-ils pas suffisamment représentatifs, suffisamment populaires, pour se lancer dans la conquête des nouvelles collectivités locales ? Les élections locales, c’est dans seulement cinq mois, si elles ne sont pas encore renvoyées !
Les autres adversaires déclarés de la suppression des régions, ce sont les organisations syndicales dont l’un des responsables s’est distingué, ces temps derniers, par des déclarations incendiaires et des menaces tous azimuts. Il faut lui reconnaître qu’il est dans son rôle quand il défend les travailleurs de son organisation. Du moins, tel devrait être son principal souci. Le problème, c’est que, parfois, souvent d’ailleurs, il veut nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Il a bien le droit de poser d’ores et déjà sur la table le sort des travailleurs des régions qui vont être supprimées. Ce qu’il ne peut pas, et que les autorités n’accepteront sûrement pas, c’est de l’imposer comme raison suffisante, pour que la suppression des régions soit purement et simplement abandonnée. Ce serait trop facile et éviter de poser les vrais problèmes.
Les régions emploient de nombreux agents – 1700, semble-t-il. C’est en tout cas le nombre que j’ai entendu de la bouche d’un responsable syndical. Réformer, c’est viser une efficacité, une efficience bien plus importante. Si c’est le cas, faudra-t-il redéployer automatiquement ces 1700 agents – si c’est le bon nombre – dans les nouvelles collectivités locales ? Nous savons tous comment les recrutements se font dans ces structures, comme dans nombre de démembrements de l’administration sénégalaise d’ailleurs. Selon une anecdote, aux Etats-Unis, la question qui est automatiquement posée au demandeur d’emploi est celle-ci : « Que savez-vous faire ? ». En France, la question devient : « Quels sont vos diplômes ? » Chez nous, c’est : « Qui connaissez-vous ici ? » En langue nationale walaf : « Koo fi xam ! » En d’autres termes, les recrutements s’y font généralement sur des bases proprement subjectives, et les salaires, indemnités et autres avantages y sont attribués à la tête du client. C’est pourquoi, on y rencontre souvent des aberrations, des incohérences et des frustrations flagrantes, qui sont à l’origine des nombreuses secousses sociales. Des agents y sont bombardés à des promotions fulgurantes imméritées, au détriment de nombreux autres pourtant particulièrement compétents et consciencieux. Ces cas sont malheureusement loin d’être isolés ; ils tendent, au contraire, vers le général. Dans ces conditions-là qui sont bien réelles, peut-on se permettre de déployer comme à l’aide d’une baguette magique, tous les 1700 employés des 14 régions à dissoudre, sans savoir qui est qui et qui doit aller où ? Un audit préalable de ces personnels – apparemment, on n’aime pas ce mot chez nous – par l’IGE ou une autre structure de contrôle habilitée est donc strictement nécessaire. Sur la base du rapport, une solution, des solutions pourraient être envisagées, sur la base des recommandations dudit rapport.
Je ne suis pas, loin s’en faut, un spécialiste de ces questions-là. Je suis tout juste un vieil enseignant, qui a peut-être eu la chance de s’être toujours intéressé à la marche des affaires publiques du pays. Je ne peux pas me permettre donc de faire des suggestions aux contrôleurs. Si j’en avais le toupet, je leur suggèrerais d’accorder une place importante, dans leurs recommandations, à l’organigramme des nouvelles collectivités locales. L’idéal d’ailleurs serait d’aller jusqu’au profil des agents dans l’élaboration des organigrammes. Chaque commune, chaque conseil départemental devrait en être doté. En dehors de ces organigrammes, scrupuleusement respectés, aucun recrutement ne devrait être possible.
La situation dans les collectivités locales est, sur bien des points, la même que vivent nombre de nos structures hospitalières. Leur dénominateur commun est la pléthore de leurs personnels. Les ministres de la Santé, les directeurs d’hôpitaux qui passent, les responsables d’organisations syndicales recrutent des fils, des neveux, des épouses, des militants, des protégés de chefs religieux, sans tenir le moins du monde compte du profil qui n’a aucune espèce d’importance ici. De sorte que, à la longue, on se retrouve dans ces structures, avec un personnel particulièrement pléthorique, hétéroclite, un véritable melting-pot, avec un grand nombre d’agents sans aucune compétence, surtout sans utilité prouvée pour la structure, pratiquement payés à ne rien faire, avec parfois des salaires dont le niveau heurte la raison et la justice.
Toutes les ressources de ces structures servent essentiellement à payer des salaires, des indemnités et autres primes de motivation (il serait intéressant, pour les structures de contrôle, de faire un peu l’historique de cette fameuse prime). Dans une interview au journal « Le Quotidien » du lundi 27 janvier 2014, Madame le Ministre Éva Marie Coll Seck se plaint que l’Etat ne puisse pas recruter plus de 500 agents par an, ce qui est une goutte d’eau dans la mer par rapport aux besoins. Il aurait fallu, selon elle, au moins 1000 agents/an pendant deux ou trois années consécutives, ou 5000 en une seule fois. Le paradoxe crève donc les yeux : pendant que les besoins en personnels qualifiés sont pressants, on continue de payer des gens à ne rien faire. Comme je l’ai suggéré pour les personnels des collectivités locales, ceux des structures hospitalières doivent faire l’objet d’un audit profond et serré, qui désencombrerait, aérerait l’espace, en le débarrassant de tous les agents dont la présence n’a aucun impact positif sur le fonctionnement des services. A leurs places, des personnels qualifiés seraient recrutés.
Les structures de contrôle imposeraient aussi des organigrammes à respecter scrupuleusement. On connaîtrait ainsi le nombre d’agents (médecins, infirmiers, sages-femmes, personnels administratifs, agents de service, etc) nécessaire au fonctionnement de chaque service et on recruterait en conséquence.
L’application de telles mesures justes sortirait immédiatement de leur gond les organisations syndicales avec toutes griffes dehors. Il est quand même temps que l’État prenne ses responsabilités pour faire face, le temps qu’il faut, dans le respect strict du droit des uns et des autres. Nous ne pouvons pas continuer de nous payer le luxe de recruter à tour de bras des gens payés à ne rien faire ou à maintenir des structures dont la viabilité est loin d’être prouvée. Aujourd’hui, les présidents de région et certaines organisations syndicales exercent sur le président de la République d’énormes pressions, pour qu’il revienne sur la suppression des régions. Celles-ci ne sont pas viables – c’est connu – et n’ont pas répondu à l’une des missions essentielles pour lesquelles elles ont été mises en place : l’impulsion du développement à la base. Si la Loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 est porteuse d’alternatives à la faiblesse des régions, leur suppression doit être maintenue.
Nos autorités devront désormais veiller au recrutement des différents personnels de notre administration et de ses démembrements. C’est avec des ressources humaines de qualité que l’on peut entamer avec succès la marche vers l’émergence. Dans tout recrutement, les critères objectifs doivent largement prendre le pas sur tous les autres. A cet égard, le président de la République doit donner l’exemple, en faisant accélérer le pas à la Patrie, qui a accusé un grand retard sur le parti.
Dakar, le 30 janvier 2014
Mody Niang
En tout cas, depuis quelques jours, le pays ne bruit donc que de cette fameuse loi. Partout, ce sont des levées de boucliers et des surenchères succèdent aux surenchères. On envahit les plateaux de télévision et les micros des radios. En direction du président de la République, la cible principale, ce sont des déclarations les plus belliqueuses et de terribles menaces à peines voilées. On menace même – curiosité – de porter l’affaire jusqu’en France, où une réunion est prévue. Avec qui ?
Qui sont-ils, ces compatriotes qui râlent et protestent avec autant de véhémence ? Quels arguments brandissent-ils et que valent ces derniers ? Ce sont généralement des chefs de collectivités locales (principalement les présidents de région) et les responsables des organisations syndicales des personnels desdites collectivités. Pour les premiers, la loi n° 2013-10 est une aberration, une hérésie. Elle est contre l’intérêt des populations, puisqu’elle va mettre fin immédiatement à la coopération internationale décentralisée (sic). Monsieur Moussa Mballo, conseiller municipal à Kolda et Secrétaire permanent de l’Association des régions du Sénégal, rejette formellement la suppression des régions qui « porte préjudice à la coopération internationale décentralisée avec un déficit de plus de 50 milliards ».
Ces milliards tirés de la coopération internationale décentralisée qui seraient perdus, c’est la trompette qu’embouchent tous les présidents de région. Ce serait là leur argument massue, leur principal cheval de bataille. Rien ne prouve d’ailleurs que ces milliards – si milliards il y a – seront automatiquement perdus. La coopération internationale décentralisée, c’est avec un pays, des structures et non avec des hommes en particulier. L’Etat étant une continuité, la coopération pourrait continuer de se faire avec les collectivités locales, existantes, en attendant la mise en place des nouvelles, notamment des conseils départementaux. Apparemment donc, leur argument massue ne tient pas la route. D’ailleurs, il convient de signaler, en passant, un aveu de taille de leur part : sans les fruits de la coopération internationale décentralisée, point de salut pour les régions. Dafa xawa melne, manalu ñu sèen bopp dara ! Leur viabilité poserait donc sérieusement problème.
Les présidents de région ne s’arrêtent d’ailleurs pas en si bon chemin : ils font feu de tout bois et, dans leurs surenchères, veulent faire croire aux populations qu’elles seront les dindons de la farce, qu’elles seront mises sur la touche de la nouvelle réforme. En réalité, ils prêchent pour leur propre paroisse. Leur principale préoccupation, c’est la perspective de perdre leurs immenses privilèges : salaire mensuel de deux millions de francs Cfa, logement cossu ou indemnité représentative de logement consistante, véhicule de fonction rutilant, possibilité de recruter parents, proches et militants, nombreux voyages (avec passeports diplomatiques) à travers le monde dans le cadre de cette fameuse coopération internationale décentralisée, etc. Sans compter la manière cavalière dont sont gérés les budgets dans la grande majorité de nos collectivités locales.
J’assume totalement cette dernière assertion. « Maître Wade et l’alternance : le rêve brisé du Soppi », c’est le premier livre que j’ai consacré, en janvier 2004, à la gouvernance libérale. Dans le chapitre VI (« L’opacité dans la gestion des affaires publiques : un dénominateur commun aux Socialistes et aux Libéraux, pp. 149-210), j’ai relevé et développé des cas de mauvaise gestion flagrante de collectivités locales, sévèrement épinglés par l’Inspection générale d’Etat (IGE) ou la Cour des Comptes. Les pages 155-170 en fournissent des exemples patents.
Pour revenir à la suppression des régions, elle pourrait faire perdre aux présidents de région, du jour au lendemain, des avantages exorbitants. Cette suppression est donc devenue pour eux une question de vie ou de mort, le sort des populations n’étant qu’un prétexte bien commode. Et puis, ne sont-ils pas suffisamment représentatifs, suffisamment populaires, pour se lancer dans la conquête des nouvelles collectivités locales ? Les élections locales, c’est dans seulement cinq mois, si elles ne sont pas encore renvoyées !
Les autres adversaires déclarés de la suppression des régions, ce sont les organisations syndicales dont l’un des responsables s’est distingué, ces temps derniers, par des déclarations incendiaires et des menaces tous azimuts. Il faut lui reconnaître qu’il est dans son rôle quand il défend les travailleurs de son organisation. Du moins, tel devrait être son principal souci. Le problème, c’est que, parfois, souvent d’ailleurs, il veut nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Il a bien le droit de poser d’ores et déjà sur la table le sort des travailleurs des régions qui vont être supprimées. Ce qu’il ne peut pas, et que les autorités n’accepteront sûrement pas, c’est de l’imposer comme raison suffisante, pour que la suppression des régions soit purement et simplement abandonnée. Ce serait trop facile et éviter de poser les vrais problèmes.
Les régions emploient de nombreux agents – 1700, semble-t-il. C’est en tout cas le nombre que j’ai entendu de la bouche d’un responsable syndical. Réformer, c’est viser une efficacité, une efficience bien plus importante. Si c’est le cas, faudra-t-il redéployer automatiquement ces 1700 agents – si c’est le bon nombre – dans les nouvelles collectivités locales ? Nous savons tous comment les recrutements se font dans ces structures, comme dans nombre de démembrements de l’administration sénégalaise d’ailleurs. Selon une anecdote, aux Etats-Unis, la question qui est automatiquement posée au demandeur d’emploi est celle-ci : « Que savez-vous faire ? ». En France, la question devient : « Quels sont vos diplômes ? » Chez nous, c’est : « Qui connaissez-vous ici ? » En langue nationale walaf : « Koo fi xam ! » En d’autres termes, les recrutements s’y font généralement sur des bases proprement subjectives, et les salaires, indemnités et autres avantages y sont attribués à la tête du client. C’est pourquoi, on y rencontre souvent des aberrations, des incohérences et des frustrations flagrantes, qui sont à l’origine des nombreuses secousses sociales. Des agents y sont bombardés à des promotions fulgurantes imméritées, au détriment de nombreux autres pourtant particulièrement compétents et consciencieux. Ces cas sont malheureusement loin d’être isolés ; ils tendent, au contraire, vers le général. Dans ces conditions-là qui sont bien réelles, peut-on se permettre de déployer comme à l’aide d’une baguette magique, tous les 1700 employés des 14 régions à dissoudre, sans savoir qui est qui et qui doit aller où ? Un audit préalable de ces personnels – apparemment, on n’aime pas ce mot chez nous – par l’IGE ou une autre structure de contrôle habilitée est donc strictement nécessaire. Sur la base du rapport, une solution, des solutions pourraient être envisagées, sur la base des recommandations dudit rapport.
Je ne suis pas, loin s’en faut, un spécialiste de ces questions-là. Je suis tout juste un vieil enseignant, qui a peut-être eu la chance de s’être toujours intéressé à la marche des affaires publiques du pays. Je ne peux pas me permettre donc de faire des suggestions aux contrôleurs. Si j’en avais le toupet, je leur suggèrerais d’accorder une place importante, dans leurs recommandations, à l’organigramme des nouvelles collectivités locales. L’idéal d’ailleurs serait d’aller jusqu’au profil des agents dans l’élaboration des organigrammes. Chaque commune, chaque conseil départemental devrait en être doté. En dehors de ces organigrammes, scrupuleusement respectés, aucun recrutement ne devrait être possible.
La situation dans les collectivités locales est, sur bien des points, la même que vivent nombre de nos structures hospitalières. Leur dénominateur commun est la pléthore de leurs personnels. Les ministres de la Santé, les directeurs d’hôpitaux qui passent, les responsables d’organisations syndicales recrutent des fils, des neveux, des épouses, des militants, des protégés de chefs religieux, sans tenir le moins du monde compte du profil qui n’a aucune espèce d’importance ici. De sorte que, à la longue, on se retrouve dans ces structures, avec un personnel particulièrement pléthorique, hétéroclite, un véritable melting-pot, avec un grand nombre d’agents sans aucune compétence, surtout sans utilité prouvée pour la structure, pratiquement payés à ne rien faire, avec parfois des salaires dont le niveau heurte la raison et la justice.
Toutes les ressources de ces structures servent essentiellement à payer des salaires, des indemnités et autres primes de motivation (il serait intéressant, pour les structures de contrôle, de faire un peu l’historique de cette fameuse prime). Dans une interview au journal « Le Quotidien » du lundi 27 janvier 2014, Madame le Ministre Éva Marie Coll Seck se plaint que l’Etat ne puisse pas recruter plus de 500 agents par an, ce qui est une goutte d’eau dans la mer par rapport aux besoins. Il aurait fallu, selon elle, au moins 1000 agents/an pendant deux ou trois années consécutives, ou 5000 en une seule fois. Le paradoxe crève donc les yeux : pendant que les besoins en personnels qualifiés sont pressants, on continue de payer des gens à ne rien faire. Comme je l’ai suggéré pour les personnels des collectivités locales, ceux des structures hospitalières doivent faire l’objet d’un audit profond et serré, qui désencombrerait, aérerait l’espace, en le débarrassant de tous les agents dont la présence n’a aucun impact positif sur le fonctionnement des services. A leurs places, des personnels qualifiés seraient recrutés.
Les structures de contrôle imposeraient aussi des organigrammes à respecter scrupuleusement. On connaîtrait ainsi le nombre d’agents (médecins, infirmiers, sages-femmes, personnels administratifs, agents de service, etc) nécessaire au fonctionnement de chaque service et on recruterait en conséquence.
L’application de telles mesures justes sortirait immédiatement de leur gond les organisations syndicales avec toutes griffes dehors. Il est quand même temps que l’État prenne ses responsabilités pour faire face, le temps qu’il faut, dans le respect strict du droit des uns et des autres. Nous ne pouvons pas continuer de nous payer le luxe de recruter à tour de bras des gens payés à ne rien faire ou à maintenir des structures dont la viabilité est loin d’être prouvée. Aujourd’hui, les présidents de région et certaines organisations syndicales exercent sur le président de la République d’énormes pressions, pour qu’il revienne sur la suppression des régions. Celles-ci ne sont pas viables – c’est connu – et n’ont pas répondu à l’une des missions essentielles pour lesquelles elles ont été mises en place : l’impulsion du développement à la base. Si la Loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 est porteuse d’alternatives à la faiblesse des régions, leur suppression doit être maintenue.
Nos autorités devront désormais veiller au recrutement des différents personnels de notre administration et de ses démembrements. C’est avec des ressources humaines de qualité que l’on peut entamer avec succès la marche vers l’émergence. Dans tout recrutement, les critères objectifs doivent largement prendre le pas sur tous les autres. A cet égard, le président de la République doit donner l’exemple, en faisant accélérer le pas à la Patrie, qui a accusé un grand retard sur le parti.
Dakar, le 30 janvier 2014
Mody Niang
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