Les actes posés depuis quelques années par le Président Abdoulaye Wade n’ont fait que conforter l’opinion sur son intention de se faire succéder par son fils. Il lui a donné, après les chantiers de l’ANOCI, le ministère le plus monstrueusement grossi que le Sénégal ait connu. Les mères comme les pères de famille avaient fini par abhorrer cet enfant gâté tellement qu’ils étaient agacés et frustrés par l’attitude et les propos de son père qui, publiquement osa exprimer à haute voix, face au Sénégal, que son fils Karim Meïssa Wade était le meilleur et le plus compétent des enfants sénégalais. Les petits sénégalais, en dignes filles et fils d’Alboury Ndiaye, Ndatté Yalla, El Hadj Omar Foutiyou Tall, Lat Dior Ngoné Latyr Diop, Aline Sitoye Diatta, Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, se sont sentis, à juste raison, humiliés face à ce grand-père sourd et aveugle pour qui son fils et sa famille semblent être les élus de Dieu. Les jeunes sont nombreux à comprendre, cadres comme badauds, étudiants comme talibés, chômeurs comme apprentis, que le jour n’est pas loin où rien ne se fera au Sénégal sans l’approbation de la majorité démographique au nom de laquelle les autorités gouvernent.
Le Président Abdoulaye Wade est un joueur d’échecs dans l’espace politique. Comme Karpov devant Kasparov, il tenta « le coup du maître », aveuglé qu’il était par son intelligence passée, sa virtuosité éprouvée, son expérience réussie de prise de pouvoir. Il n’avait pas pris conscience que la vieillesse émousse l’esprit, hache le raisonnement, ralentit la compréhension des situations et enfin engourdit les gestes. Le coup fit flop, et l’échec et mat du peuple fut tellement brutal et inattendu qu’il en fut assommé, abattu et enfin de compte mis KO.
Le Président Abdoulaye Wade a perdu la main, il a raté l’occasion idéale de s’adresser aux Sénégalais au soir du 23 juin 2011 et de leur tenir le langage de la raison, le seul susceptible d’être écouté par les Sénégalais :
« - je vous ai compris !
- Je regrette le dépôt de ce projet de loi !
- J’ai décidé de ne pas me présenter aux élections présidentielles de 2012. Je me porte garant du processus électoral afin de rassurer toutes les parties, je prends les décisions suivantes :
- je dissous le gouvernement, je vais nommer aux ministères de l’intérieur et de la justice des personnalités consensuelles, je sors monsieur Karim Wade du gouvernement, j’invite l’opposition et la société civile à intégrer un gouvernement de transition de taille très restreinte en vue de m’aider à terminer mon mandat ;
- je traduis en justice toutes les personnes incriminées par l’IGE, la Cour des Comptes, les rapports d’Audit, les rapports du CENTIF, etc.
- Je demande aux instances du PDS de se réunir en vue d’élire un secrétaire général national et de choisir un candidat.
- Désormais, je me mets au dessus des partis politiques.
- J’appelle les Sénégalais à s’unir pour la paix, la bonne gouvernance et la démocratie ».
Le Président Abdoulaye Wade a perdu l’initiative, le Sénégal est désormais menacé par l’établissement d’un pouvoir militaire. D’ailleurs des forces politiques et de la société civile invitent ouvertement l’armée à intervenir afin de mettre fin à cette crise politique ! C’est le reflet d’une opinion publique qui en a assez de l’arrogance, de l’impunité, du népotisme et de l’incompétence des femmes et des hommes du régime en place. Face à l’échec patent des forces politiques organisées, leur absence de leadership et surtout leur timidité face au rouleau compresseur du pouvoir, les forces armées semblent être l’unique rempart. Le Sénégal est désormais en danger et en sursis. Il appartient au peuple sénégalais de résoudre la crise politique actuelle autour de la sauvegarde de la démocratie et de la pérennisation d’un régime civil légitime. La solution civile dépend d’abord du Président de la République car c’est lui et le pouvoir qu’il dirige qui sont le cœur du problème. Accepter volontairement de ne pas se présenter, retirer M. Karim Wade du dispositif étatique et prendre les décisions idoines pour une organisation consensuelle et transparente des élections, sont des décisions qui auraient dû permettre au Président de la République de créer les conditions les meilleures pour terminer son mandat et surtout, lui assurer une sortie à la hauteur de sa contribution au rayonnement de notre pays et de l’Afrique.
La pitoyable mise en scène théâtrale du 14 juillet 2011 a fini par démontrer que tout espoir d’un sursaut salutaire de la part du vieux leader s’est évanoui. Comme s’est envolée une sortie par le grande porte de Maître Abdoulaye Wade, à moins qu’en faisant le choix d’organiser des élections anticipées, il respecte scrupuleusement la Constitution en démissionnant pour permettre au Président du Sénat Pape Diop d’organiser ces élections. Le 14 juillet constitue désormais une de ces dates dont le souvenir est synonyme de honte, de consternation et d’inquiétude. Après la banalisation de l’Institution Présidentielle, du Palais Présidentiel, des Institutions de la République, le président de la République a tué la solennité du « Discours à la Nation » en « s’adressant aux Sénégalais » devant les militants du PDS et en déployant sous une tente aux couleurs du PDS les cinq principales autorités du pays citées en tant que Président de la République, Président du Sénat, Président de l’Assemblée Nationale, Premier Ministre et Président du Conseil Economique et Social. La République n’est plus seulement couchée, elle est désormais affalée !
La nomenklatura du PDS en organisant cette mise en scène du 14 juillet n’a fait que dévoiler ce que tout le monde savait, que « sa constante » est vieillissante et est à bout de souffle. Le Président Abdoulaye Wade s’est montré sous un mauvais visage, les rides exubérantes, la voie hésitante et, de temps en temps, mal assurée, la créativité dans les idées évanouie, des coups de gueules belliqueux et enfin une amnésie préoccupante. La seule idée « lumineuse » qu’il a pu énoncer est de donner « cent mille emplois aux jeunes » ! Tellement irréaliste qu’elle ne peut que passer très rapidement parmi les aspects anecdotiques de son discours. Le vieux Président est presque sourd et aveugle, il concède du bout des lèvres que lorsque les USA et l’Union Européenne insisteront, il reviendra sur le redécoupage administratif. Le « reste », l’élection présidentielle anticipée, le maintien de sa candidature et en wolof, pauvre langue nationale, la réaffirmation « de la dévolution monarchique du pouvoir ». Monsieur Karim Wade présent a eu droit à de gros plans agressifs au niveau de la RTS1. Le plus affligeant dans cette rencontre a été l’oraison funèbre prononcée par le Professeur Iba Der Thiam, tout au long de son discours redondant de superlatifs, face au silence d’une assistance pourtant venue pour applaudir, l’impression lourde et triste d’une cérémonie funéraire n’a cessé d’envahir les esprits, la mort de la carrière politique de Maître Wade et la fin prochaine du leadership politique du « Vieux ».
Le 14 juillet marque un tournant, l’entrée du Sénégal dans une zone de tourmente pouvant aboutir à la prise du pouvoir par l’armée, la désintégration progressive du PDS et la recomposition de l’espace politique. Le Président sait que le temps d’ici les élections, six mois, est pour lui trop long, il n’est pas sûr de garder le pouvoir d’ici là. Chaque jour qui passe montrera le vide que le Secrétaire Général National du PDS a créé au sein du PDS, son échec programmé et le syndrome du « sursaut du noyé » va se propager au sein des porteurs de voix du PDS qui iront à la recherche d’une bouée de sauvetage : Idrissa Seck, Macky Sall, Bennoo, Cheikh Abiboulaye Dièye, Cheikh Tidiane Gadio, Pr. Ibrahima Fall, Jacques Diouf, etc.
Le Sénégal est en danger, le discours du 14 juillet démontre que le pays n’est plus gouverné et notre Président de la République est dans l’attitude psychologique du grand père gâteux entouré de ses petits fils qui se jouent de lui et le mènent par le bout du nez.
Le Sénégal a tourné la page Abdoulaye Wade alors que le PDS ne voit pas encore son avenir en dehors du vieux leader Abdoulaye Wade.
La classe politique et la société civile sont placées face à leur responsabilité, il dépend en grande partie de leur maturité politique, de leur fermeté et de leur sens de l’intérêt national pour que le Sénégal réussisse la transition politique sans perdre le pouvoir civil qui dirige le pays depuis les indépendances.
Abdoulaye Coulibaly
Dakar, le 15 juillet 2011
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