L'Etat, la Dignité.....et la Colère (Amadou Fall)


L'Etat, la Dignité.....et la Colère (Amadou Fall)
Lorsqu’on arrive, par des moyens légaux et licites (de préférence), à s’emparer du pouvoir d’ÉTAT, de l’ÉTAT tout court, c’est en ce moment précis - c’est-à-dire à l’aune de notre expérience politique - qu’il ne faudra plus s’arrêter aux seules théories fallacieuses et friponnes du populisme politique mais plutôt commencer à mettre en place les moyens pratiques qui nous permettent de « s’approprier » à bon escient de cet Etat pour changer le monde, pour changer le monde de ses concitoyens et tout ceci dans le bon sens.
Cependant, et à plusieurs reprises, les rares alternances qui se sont produites jusqu’ici en Afrique, n’ont permis (pour les nouveaux tenants du pouvoir) qu’à écarter les élites traditionnelles au pouvoir depuis une éternité et à s’emparer des leviers de l’Etat dont elles tirent le plus grand profit pour soigner et/ou corriger l’ensemble des frustrations, des gènes et des indigences inhérentes aux durs combats vécus dans l’opposition.
Les Sénégalais qui firent confiance à l’An 2000 aux Libéraux, constatent amèrement aujourd’hui que Wade et ses partisans ont depuis longtemps fini d’entretenir à dessein la confusion entre « le pouvoir de l’Etat » et « l’Etat pour le pouvoir ».
En une décennie, le pouvoir de l’Etat qui, au demeurant aurait du être une entité neutre mais surtout un catalyseur de l’ensemble des énergies, des compétences, des espoirs et des ambitions du peuple, s’est petit à petit transformé en un Etat monstre cannibale (dol de terres, bradage du patrimoine foncier national, détournements des finances publiques , etc…), en un Etat bourreau qui sectionne et mâchonne la tête de ses propres enfants (n’est-ce pas Bara Tall ?), en un groupe de pression et d’affairisme opaque et nébuleux qui en ont fini d’asseoir un Etat pour le pouvoir, un Etat au service du pouvoir, un Etat pour leur seul pouvoir.
Chers Sénégalais, dans un « Etat du pouvoir » - comme c’est malheureusement le cas chez nous - toutes les dérives sont permises, tous les amalgames possibles, tous les crimes politico financiers y passent comme lettre à la poste. Bref, c’est le cercle restreint au pouvoir (ceux qui exercent le pouvoir) qui instrumentalise la force, la primauté et les rigueurs de l’Etat au service exclusif d’un clan, d’un lobby, d’un groupe capable de tout et qui peut tout se permettre. Cette infime fraction de haut juchés, de hauts perchés sur les arcanes du pouvoir snobent dans une arrogance et une insolence démesurées les populations exsangues et blêmes qu’ils ont l’impérieux devoir de soutenir. Une alternance, et c’est ma conviction dans le cas d’espèce, sait comment griser ses principaux acteurs s’ils n’arrivent pas à contrôler l’ivresse due à ce moment de folie contagieuse, s’ils ne se maîtrisent pas face à la popularité qu’elle sait conférer : on se croit aisément dépositaires des classes populaires qui mettent pour un temps en veilleuse leur capacité de résistance et de contestation parce que vous croyant, vous percevant comme « proche », comme un proche, comme le Messie venu vaincre le temps des vaches maigres. Un frémissement d’expectative et d’espoir populaire a toujours eu tendance à se manifester à l’occasion de ces alternances que le peuple considère (complètement à tort dans le cas Sénégalais) comme des victoires sur les oppresseurs de tout temps et une fenêtre donnant sur l’espoir retrouvé, sur la solution à son indigence et à son dénuement….
Chers gouvernants, prendre ou exercer le pouvoir d’Etat ne signifie en rien se servir du pouvoir de cet Etat, du pouvoir de l’Etat pour légitimer les inégalités que l’on voudrait faire passer comme « l’ordre naturel des choses » et se forger une diversion, un alibi pour instaurer des mesures d’assistanat qui débouchent forcément sur la juteuse politique de « naturalisation », de banalisation de la pauvreté ( inondations, délestages , chômage des jeunes, soins de santé primaires onéreux, inflation, raréfaction du gaz et des produits pétroliers….) et dont il faudrait finalement faire constater à tous l’impossibilité à éradiquer. L’exercice du pouvoir doit être plus profond que cette superficielle excuse pour ce donner une conscience ; ce fatalisme dans lequel on peut lire le poncif de toute la souffrance du plus grand nombre et qui n’inspire, qui ne provoque chez la minorité au pouvoir guère plus qu’un haussement d’épaules comme pour nous dire avec mépris que « c’était écrit ». Que c’est facile de nous servir ce funeste et simpliste « al maqtub » du fatalisme arabo-musulman ! L’inertie conservatrice du statu quo (autant les tenants du pouvoir deviennent de plus en plus riches, autant la majorité du peuple vogue dans un océan de privations et de gêne) nous indique que, sous nos cieux, depuis dix ans, le Pouvoir de Wade piétine la DIGNITE que ceux qu’il prétend servir. L’Homo-sénégalensis que ce dit pouvoir pousse inexorablement dans la catégorie des pauvres, des indigents (en somme l’écrasante majorité des citoyens) n’a jamais cessé de crier à la face du monde qu’il faut simplement « l’écouter » : chers gouvernants, on ne s’empare pas du pouvoir, des rouages de l’Etat pour faire des citoyens uniquement « des pauvres que l’on doit ensuite chercher hypocritement à aider » mais plutôt pour « les écouter ». Et alors vous les entendrez vous dire « je ne suis pas pauvre. Je suis en lutte : j’ai ma dignité ! ». Cette « écoute », que j’appelle la « politique de la dignité » changerait tout. Notamment la façon dont on agit avec les intérêts du peuple. Et puis ensuite, celle dont on n’agit pas avec les aspirations de ce même peuple. Mes chers gouvernants, toute action politique unilatérale encourt le risque d’aliéner ceux au nom de qui elle est menée car « non merci, dit la dignité des uns et des autres. S’il vous plaît, ne faites rien à ma place, je le ferai moi-même. ».
Il est vrai que derrière la question de l’Etat, il y a celle du pouvoir. Même l’étymologie nous apprend que l’ambition de tout pouvoir est de se garder, de se conserver le plus longtemps possible. J ose espérer maintenant que ceux qui ont la charge de nous gouverner et qui le font si lamentablement par les moyens de l’Etat du pouvoir PDS, sauront mesurer à sa juste mesure le refus, le courroux et la colère silencieuse des populations exténuées, des laissés pour compte, des sans- voix, des sinistrées de la banlieue dakaroise que l’on « pousse » inéluctablement dans les limites du supportable.
La COLERE est tout autre que la Violence aveugle et gratuite (épisodiquement vécue courant 2010 pour les nombreux délestages) même si tous les deux termes - dans une lecture simpliste - nous font penser à la médaille et au revers de la même médaille. La colère est l’extériorisation plus ou moins perceptible de toute la violence contenue dans les poitrines et que la décence, le sens du conciliabule, le « maslaa », le climat de paix sociale, les liens séculaires de parenté, de cousinage et de bon voisinage avaient empêché jusqu’ici de tonner. La colère ne charrie dans son sillage des scènes de violences inouïes que quand les décideurs ne se montrent plus respectueux envers les pauvres, les indigents, les sinistrés et qu’en plus, ils ne les considèrent que comme seulement des victimes. Car les traiter de victimes comme vous le faîtes mes chers Gouvernants, c’est faire preuve de condescendance abjecte à leur égard, c’est dénier leur « individualité », leur « personnalité », leur humanisme et leur humanité. Or vous devez tous vous convaincre que la majorité silencieuse de notre peuple, faite d’indigents et de besogneux, ces pauvres comme vous dites, ne sont pas des personnes en demande d’argent, de denrées alimentaires ou de privilèges (vos principales pratiques de magouilles et d’achat de consciences) mais plutôt des individus en demande, en quête de respect. Alors c’est votre attitude, vous qui nous gouvernez si médiocrement, à leur égard (et pas leur pauvreté relativisée ou exagérée) qui devient le problème à résoudre. En vérité, vivre dans la gêne, dans les frustrations et les privations, c’est d’abord vivre en colère. Il ne suffit alors que d’une moindre peccadille politico administrative, de la moindre arrogance dans le geste, d’une si petite bêtise verbale (Bécayeries), d’un simple bras de fer (mesure impopulaire) ou d’une promesse non tenue pour mettre le feu aux poudres.
« Je sais pour l’avoir appris, observé et vécu..., qu’un peuple qui souffre attend tout de son pays et met tous ses espoirs entre les mains des hommes auxquels il avait accordé sa confiance sur la foi de promesses dont il ne sait pas encore qu’avec nos vils boucaniers politiques, elles n’engagent que ceux qui y croient ».
Il est largement temps que les hommes politiques, nos gouvernants comprennent que leur motivation première aurait du être cette interrogation permanente, cette quête inlassable de ce qu’ils peuvent tirer du Pouvoir de l’Etat pour se mettre ensuite au service exclusif du seul peuple Sénégalais.
Entre sanctionner en colère le pouvoir (ou bien ce qu’on en a fait) ou s’en désintéresser dignement au risque de le subir un peu plus durement et un peu plus longtemps, le peuple souverain ne se posera pas la question deux fois : il est trop exténué, trop meurtri, trop avachi pour se le permettre.
AMADOU FALL Enseignant à GUINGUINEO
TEL : 775457544/ 766687279
Zemaria64@yahoo.fr / zemazia64@hotmail.fr
Jeudi 15 Septembre 2011
amadou fall




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