A l’heure où l’on célèbre avec faste le cinquantenaire de l’Union Africaine et où le débat politique dans l’hexagone se cristallise sur la dynamique de l’intégration de la Turquie dans l’Union Européenne permettant ainsi de rivaliser avec le géant américain d’une part et d’autre au pentagone, la tendance est à la confirmation de la détermination des faucons de la maison blanche à remodeler en profondeur la carte géostratégique au Moyen Orient, en même temps, le rouleau compresseur économique Asiatique est désormais en route permettant ainsi de bousculer le schéma traditionnel des relations économiques internationales dominées désormais par le multipolarisme, l’Afrique vient encore à nouveau de faire parler d’elle par l’entremise du dernier sommet d’Adis Abéba. La ronde des chefs d’états Africains, en de véritable faire valoir, prononçant des appels à l’aide démontrent visiblement l’incapacité du personnel politique Africain à pouvoir construire un modèle de société qui soit compatible avec les acquis de la modernité.
Comment expliquer cette situation ? Deux tendances s’opposent à l’heure actuelle. Pour une partie de l’opinion de la puissance colonisatrice d’obédience libérale, les Africains ont demandé leurs indépendances, il faudrait qu’ils prennent leurs responsabilités et la France ne peut à elle seule supporter toute la misère du monde. C’est une évidence, mais il est aussi important de rappeler que l’Afrique a connu l’esclavage, la colonisation, comme si cela ne suffisait pas, les grandes puissances n’ont jamais cessé de maintenir encore l’Afrique dans une situation de dépendance structurelle en proposant des montages financiers alléchants sous la barbes de certains systèmes des nations unies permettant ainsi de compromettre pendant des décennies son développement. Pour les modérés, les responsabilités sont partagées entre le Nord et le Sud donc place à une logique de Co-développement.
En effet, tout se passe comme si l’Afrique avait souscrit à un abonnement permanent forfait tout compris au registre du désordre politique avec une forte ramification internationale et que l’utilisation des rockets et des machettes est devenue désormais notre seul sport national sinon le mode digne d’expression politique.
L’Afrique a perdu sensiblement la cote à l’argus en termes d’attractivité dans le cadre des investissements directs étrangers. Elle apparaît à la tête du hit-parade des continents qui regorgent plus d’états voyous. De Moscou à Berlin en passant par Bruxelles ou à Washington, le sentiment d’impuissance est partout au bout des lèvres, le sentiment d’impuissance congénitale de l’homme noir ne cesse de resurgir dans les débats et les réflexions et vient donc alimenter l’afro pessimisme parisien.
Depuis l’accession de notre continent à la souveraineté internationale, l’Afrique ne cesse d’être un laboratoire d’expérimentions des stratégies de développement. Le plan quinquennal dans les années soixante, le Fonds de Stabilisation dans les années soixante-dix, le Programme d’Ajustement Structurel et le Programme d’Ajustement Renforcé dans les années quatre-vingt, le Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté dans les années quatre-vingt-dix, Le Nouveau Partenariat Pour le Développement et la Commission Blair pour l’Afrique en cours d’expérimentation.
Toutes ces mesures globales de relance économique ont eu à briller par leur inefficacité. En effet comment peut-on concilier politique de stabilisation budgétaire et développement économique ? Comment peut-on élaborer des stratégies de développement tout en délégitimant le rôle de l’Etat ? La vision minimaliste de l’Etat est-elle compatible aux exigences de développement durable ? Comment peut-on prévoir les espérances de développement consécutives aux réformes démocratiques ? Comment peut-on construire un Etat de droit dans un environnement socio-économique globalisé ? Telles sont quelques réflexions que j’aimerai qu’ensemble nous puissions apporter des éléments de réponses à travers une véritable réhabilitation du rôle de l’Etat au-delà de sa fonction régalienne, des politiques publiques plus volontaristes et le remodelage du schéma paternaliste de coopération dont la forme la plus caricaturale reste manifestement l’aide publique au développement.
En théorie, les prescriptions du Fonds Monétaire International et de la Banque Mondiale ont essentiellement pour vocation de corriger les déséquilibres structurels de l’économie. Dans les années quatre-vingt-dix la plupart des pays africains étaient plongés dans le cercle infernal des déficits budgétaires consécutifs à la dégradation de l’environnement économique international, les pertes excessives des entreprises publiques et surtout les ravages causés par le processus de libéralisation brutale de notre paysage politique et économique. La plupart d’entre eux ne pouvant pas supporter des niveaux excessifs de déficits publics sont contraints sur recommandation des Institutions de Brettons Wood de mette en œuvre des réformes structurelles fondées sur l’austérité budgétaire, la libéralisation et la privatisation qui constituent les trois piliers du consensus de Washington. Mais toutes ces batteries de réformes n’ont pas permis d’atteindre les objectifs escomptés en termes d’efficacité, car des profondes contradictions et des incohérences ont été repérées lors de la mise en œuvre de ces stratégies de développement. Par exemple, ils nous ont recommandé de brader les entreprises publiques et de livrer notre économie à la concurrence internationale alors qu’une entreprise d’Etat peut être efficace si elle est gérée selon les règles de l’art et que l’Europe s’était lancée dans une dynamique de développement dans les années soixante-dix grâce à une politique commerciale foncièrement protectionniste. Ils ont imposé la démocratie comme nouveau mode de gestion politique des Etats.
En effet, toute politique de privatisation doit être inscrite dans une logique globale qui prévoit des créations d’emplois, afin de limiter les effets dévastateurs sur la vie des populations, il en est de même pour une libéralisation rapide et brutale de notre économie à la concurrence internationale non associée à une réglementation appropriée est un facteur déclencheur de risque d’instabilité économique. Une politique de privatisation sans simulation de la concurrence peut aboutir mécaniquement à une hausse des prix de consommation, l’austérité budgétaire appliquée aveuglement et sans précaution et dans une situation inadaptée peut déclencher le chômage massif.
Le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale dans leur vision exagérément optimiste du marché ont sous-estimé le risque politique et le coût social de leurs prescriptions, il ne s’agit pas seulement de considérer le marché comme étant la seule source de légitimité économique que toutes réformes économiques nécessitent des étapes, un rythme et un cadre juridique et réglementaire bien définis afin de pouvoir corriger les dérives du marché. L’Etat et le marché doivent fonctionner dans une logique de complémentarité et son rôle doit être définitivement réhabilité car nul n’ignore que dans la pratique l’objectif des réformes structurelles version Fonds Monétaire International n’est pas de susciter une dynamique de développement mais seulement d’accroître la capacité de remboursement de la dette des pays africains ce qui est d’ailleurs contraire à sa vocation traditionnelle. Face donc à cette situation d’immobilisme et de rigidité, je me permets d’esquisser quelques pistes de solutions.
La réforme de l’architecture actuelle de la finance internationale me paraît d’une extrême urgence. Je ne suis pas partisan d’une augmentation automatique de l’aide publique au développement, certes c’est une nécessité pour nos finances publiques au même titre l’annulation de la dette multilatérale et bilatérale. Des nouveaux mécanismes de financement de développement doivent être élaborés afin de permettre d’atteindre les objectifs du millénaire en termes de développement (taxe sur les mouvements financiers internationaux, sur les ventes d’armes, l’émissions des droits de tirages spéciaux, taxation d’une partie de salaire des immigrés et sur les billets d’avion chère à la diplomatie française…). Ces nouveaux mécanismes de financement qui hier hermétiques ont fini par séduire tous les gourous de l’orthodoxie financière à l’exception des Américains. Ils doivent pour des raisons d’efficacité être mis à la disposition des pays africains sous forme de dons et non de prêt et n’être assortis d’aucune condition subjective préalable.
Les Banques Centrales en tant qu’autorités publique et dépositaire de pouvoir de création monétaire doivent désormais s’impliquer davantage dans le processus de développement des pays Africains. L’exemple des grandes banques centrales européennes peut faire cas d’école, car pendant la seconde guerre mondiale la Banque d’Angleterre et la Banque de France ont respectivement contribué à créer les conditions d’un réel décollage économique. Il ne s’agit nullement de recourir au mécanisme de planche a billet pour pouvoir financier le déficit public mais de créer les conditions optimales d’allocation des ressources.
La plupart des projets de désintermédiation financière en cours notamment au Sénégal s’inscrivent donc dans cette logique de sophistication et de modernisation de notre système financier, car ils permettent de créer les bases d’allocation de ressources dans des conditions de sécurité et de rentabilité optimale.
Les Banques Centrales en osmose avec les gouvernements peuvent aussi créer des mécanismes innovants de financement. Toutes les banques centrales disposent à leur actifs des stocks d’or qui sont censés garantir la quantité de la monnaie en circulation, il ne s’agit pas de les brader comme l’avait réalisé le Général De Gaule dans les années trente-huit ou Margaret Tchatcher en Grande Bretagne ou tout récemment Nicolas Sarkozy mais de les échanger sur le marché international contre une monnaie de notoriété internationale , par exemple le dollars , sur le marché des capitaux à un taux d’efficacité marginale du capital qui doit être nettement supérieur au taux de placement des actifs sans risques c’est-a-dire la rentabilité des obligations d’Etat. Ce mécanisme de financement pourrait apporter selon les hypothèses de base retenues plus de vingt milliards de francs à Etat.
Le système de fonctionnement actuel du Commerce International mérite d’être repensé afin d’une part de pouvoir mettre terme aux subventions agricoles qui ne cessent de causer des ravages économiques sans précédent et d’autre part de permettre aux pays Africain d’avoir libre accès aux marchés européens et américains car une augmentation de l’aide publique au développement sans moralisation des règles qui régissent le fonctionnement de l’Organisation Mondiale du Commerce débouchera inéluctablement sur une inflation du service de la dette ce qui pourra compromettre a son tour toutes stratégies de développement sur le long terme.
Sur le plan sous régional, afin de résister au « pandervisionnen » du mondialisme néolibéral consécutif à l’éclatement de l’ancien bloc soviétique et à la chute du mur de Berlin qui inaugure un nouvel ordre économique international, l’approfondissement de l’intégration économique permettra de créer des zones optimales de coopération économique et sur le long terme de déboucher sur une véritable intégration politique. Le problème est que la plupart des pays africains ont hérité au lendemain des indépendances d’une monnaie commune sans une véritable intégration économique. Or selon la théorie économique contemporaine pour pouvoir parvenir a une forte intégration politique , l’intégration économique doit être suivie d’une dynamique d’intégration monétaire et tout approfondissement d’intégration économique exige le respect scrupuleux des critères de convergences macroéconomiques par une réelle transcription des directives communautaires dans les législations nationales la création d’un mécanisme innovant de financement des fonds structurels et d’un programme communautaire de redressement économique susceptible de générer des synergies entre les différentes économies.
J’aimerais aussi préciser que le développement reste toujours un concept autocentré donc il faudrait tout naturellement mettre la diaspora à contribution dans le processus de développement. Supposant que par exemple c’est une simple hypothèse d’école qu’en France il y a mille ressortissants sénégalais. Si chaque sénégalais décide de contribuer à hauteur de 10 euros par mois, l’équivalent de trois bouteilles de vin bordeaux supérieur, cela pourrait rapporter à l’état sénégalais dix mille euros par mois c’est-a-dire presque sept millions franc mensuel qui pourrait permettre aux ONG de construire des écoles et des hôpitaux dans toute les préfectures et les sous-préfectures de la république sénégalaise. C’est ça l’auto centralisme de développement et ce n’est ni les européens ni les américains qui le feront à notre place, les relations internationales sont faites d’intérêt. Il faudrait que la diaspora cesse de se réfugier derrière une stratégie de diabolisation à outrance du personnel politique domestique, ce qui n’est d’autre qu’une véritable résignation sinon l’expression à plus haut niveau d’un instinct grégaire primaire. L’heure n’est plus à la passivité et à l’immobilisme. La France a une dette publique consolidée de mille milliards d’euros et un taux de chômage au-dessus de la moyenne européenne et les américains de leur côté sont entrain de mobiliser toute une armada de moyens pour parer aux menaces terroristes et aux catastrophes naturelles.
Au plan national, la bonne gouvernance, la construction d’un état de droit et de la démocratie doivent être au cœur du débat politique national car les bruits de bottes devant les palais, les barbaries, les incivilités et l’archaïsme politique sont indignes d’une nation moderne et les réformes démocratiques doivent être au centre de tout consensus national quelle qu’en soient les contradictions idéologiques dans le débat politique national. Nul n’ignore qu’on ne saurait développer un pays par délégation ni par simple processus de subrogation conventionnelle. De nos jours deux modèles politiques s’imposent en Afrique face aux carences démocratiques actuelles, faudrait-il pour nos pays africains d’opter pour une démocratie sans état ou d’un état fort sans démocratie ? Le débat est lancé et je crois pour ma part, seul un état fort c'est-à-dire capable d’assurer les fonctions régaliennes et de mater toutes velléités de déstabilisation endogènes ou exogènes respectueux des valeurs fondamentales droit de l’homme et des exigences démocratiques c’est ce modèle qui convient le mieux à l’Afrique et c’est aussi le modèle asiatique à l’exception près, car il permet avec un gouvernement responsable la capitalisation, la sécurisation et la rentabilisation des investissements, condition sinéquanante pour l’optimisation de l’efficacité.
Dans le domaine de la prospective, je peux certes me tromper dans mes réflexions et je serai prêt à l’assumer, car la capacité réelle de l’homme ne lui permet pas de cerner toutes les vérités scientifiques. Mais j’ai juste osé briser le tabou de l’immobilisme , bousculer des idées reçues ; rompre avec le schéma paternaliste de coopération avec le nord , battre en brèche et balayer brutalement d’un revers de main les prescriptions standards caduques et inadaptés des institutions de Bretton Wood , dépolitiser les règles de fonctionnement des institutions financières internationales, réhabiliter le rôle de l’état et responsabiliser davantage les africains car on ne saurait continuer assumer les fonctions à tous les niveaux de responsabilité de l’état si une bonne partie de la masse populaire vit en dessous du métabolisme de base c’est la logique de la culture de résultat et ce n’est de la démagogie politicienne mais une simple exigence de la raison et c’est au prix de ces réformes que l’Afrique pourrait saisir le train de la modernité et de développement.
Que Dieu bénisse l’Afrique en général et mon pays la République du Sénégal en particulier.
Dr BASSIROU NIANG
Docteur ès sciences de gestion
Université Montpellier 3 - France
Comment expliquer cette situation ? Deux tendances s’opposent à l’heure actuelle. Pour une partie de l’opinion de la puissance colonisatrice d’obédience libérale, les Africains ont demandé leurs indépendances, il faudrait qu’ils prennent leurs responsabilités et la France ne peut à elle seule supporter toute la misère du monde. C’est une évidence, mais il est aussi important de rappeler que l’Afrique a connu l’esclavage, la colonisation, comme si cela ne suffisait pas, les grandes puissances n’ont jamais cessé de maintenir encore l’Afrique dans une situation de dépendance structurelle en proposant des montages financiers alléchants sous la barbes de certains systèmes des nations unies permettant ainsi de compromettre pendant des décennies son développement. Pour les modérés, les responsabilités sont partagées entre le Nord et le Sud donc place à une logique de Co-développement.
En effet, tout se passe comme si l’Afrique avait souscrit à un abonnement permanent forfait tout compris au registre du désordre politique avec une forte ramification internationale et que l’utilisation des rockets et des machettes est devenue désormais notre seul sport national sinon le mode digne d’expression politique.
L’Afrique a perdu sensiblement la cote à l’argus en termes d’attractivité dans le cadre des investissements directs étrangers. Elle apparaît à la tête du hit-parade des continents qui regorgent plus d’états voyous. De Moscou à Berlin en passant par Bruxelles ou à Washington, le sentiment d’impuissance est partout au bout des lèvres, le sentiment d’impuissance congénitale de l’homme noir ne cesse de resurgir dans les débats et les réflexions et vient donc alimenter l’afro pessimisme parisien.
Depuis l’accession de notre continent à la souveraineté internationale, l’Afrique ne cesse d’être un laboratoire d’expérimentions des stratégies de développement. Le plan quinquennal dans les années soixante, le Fonds de Stabilisation dans les années soixante-dix, le Programme d’Ajustement Structurel et le Programme d’Ajustement Renforcé dans les années quatre-vingt, le Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté dans les années quatre-vingt-dix, Le Nouveau Partenariat Pour le Développement et la Commission Blair pour l’Afrique en cours d’expérimentation.
Toutes ces mesures globales de relance économique ont eu à briller par leur inefficacité. En effet comment peut-on concilier politique de stabilisation budgétaire et développement économique ? Comment peut-on élaborer des stratégies de développement tout en délégitimant le rôle de l’Etat ? La vision minimaliste de l’Etat est-elle compatible aux exigences de développement durable ? Comment peut-on prévoir les espérances de développement consécutives aux réformes démocratiques ? Comment peut-on construire un Etat de droit dans un environnement socio-économique globalisé ? Telles sont quelques réflexions que j’aimerai qu’ensemble nous puissions apporter des éléments de réponses à travers une véritable réhabilitation du rôle de l’Etat au-delà de sa fonction régalienne, des politiques publiques plus volontaristes et le remodelage du schéma paternaliste de coopération dont la forme la plus caricaturale reste manifestement l’aide publique au développement.
En théorie, les prescriptions du Fonds Monétaire International et de la Banque Mondiale ont essentiellement pour vocation de corriger les déséquilibres structurels de l’économie. Dans les années quatre-vingt-dix la plupart des pays africains étaient plongés dans le cercle infernal des déficits budgétaires consécutifs à la dégradation de l’environnement économique international, les pertes excessives des entreprises publiques et surtout les ravages causés par le processus de libéralisation brutale de notre paysage politique et économique. La plupart d’entre eux ne pouvant pas supporter des niveaux excessifs de déficits publics sont contraints sur recommandation des Institutions de Brettons Wood de mette en œuvre des réformes structurelles fondées sur l’austérité budgétaire, la libéralisation et la privatisation qui constituent les trois piliers du consensus de Washington. Mais toutes ces batteries de réformes n’ont pas permis d’atteindre les objectifs escomptés en termes d’efficacité, car des profondes contradictions et des incohérences ont été repérées lors de la mise en œuvre de ces stratégies de développement. Par exemple, ils nous ont recommandé de brader les entreprises publiques et de livrer notre économie à la concurrence internationale alors qu’une entreprise d’Etat peut être efficace si elle est gérée selon les règles de l’art et que l’Europe s’était lancée dans une dynamique de développement dans les années soixante-dix grâce à une politique commerciale foncièrement protectionniste. Ils ont imposé la démocratie comme nouveau mode de gestion politique des Etats.
En effet, toute politique de privatisation doit être inscrite dans une logique globale qui prévoit des créations d’emplois, afin de limiter les effets dévastateurs sur la vie des populations, il en est de même pour une libéralisation rapide et brutale de notre économie à la concurrence internationale non associée à une réglementation appropriée est un facteur déclencheur de risque d’instabilité économique. Une politique de privatisation sans simulation de la concurrence peut aboutir mécaniquement à une hausse des prix de consommation, l’austérité budgétaire appliquée aveuglement et sans précaution et dans une situation inadaptée peut déclencher le chômage massif.
Le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale dans leur vision exagérément optimiste du marché ont sous-estimé le risque politique et le coût social de leurs prescriptions, il ne s’agit pas seulement de considérer le marché comme étant la seule source de légitimité économique que toutes réformes économiques nécessitent des étapes, un rythme et un cadre juridique et réglementaire bien définis afin de pouvoir corriger les dérives du marché. L’Etat et le marché doivent fonctionner dans une logique de complémentarité et son rôle doit être définitivement réhabilité car nul n’ignore que dans la pratique l’objectif des réformes structurelles version Fonds Monétaire International n’est pas de susciter une dynamique de développement mais seulement d’accroître la capacité de remboursement de la dette des pays africains ce qui est d’ailleurs contraire à sa vocation traditionnelle. Face donc à cette situation d’immobilisme et de rigidité, je me permets d’esquisser quelques pistes de solutions.
La réforme de l’architecture actuelle de la finance internationale me paraît d’une extrême urgence. Je ne suis pas partisan d’une augmentation automatique de l’aide publique au développement, certes c’est une nécessité pour nos finances publiques au même titre l’annulation de la dette multilatérale et bilatérale. Des nouveaux mécanismes de financement de développement doivent être élaborés afin de permettre d’atteindre les objectifs du millénaire en termes de développement (taxe sur les mouvements financiers internationaux, sur les ventes d’armes, l’émissions des droits de tirages spéciaux, taxation d’une partie de salaire des immigrés et sur les billets d’avion chère à la diplomatie française…). Ces nouveaux mécanismes de financement qui hier hermétiques ont fini par séduire tous les gourous de l’orthodoxie financière à l’exception des Américains. Ils doivent pour des raisons d’efficacité être mis à la disposition des pays africains sous forme de dons et non de prêt et n’être assortis d’aucune condition subjective préalable.
Les Banques Centrales en tant qu’autorités publique et dépositaire de pouvoir de création monétaire doivent désormais s’impliquer davantage dans le processus de développement des pays Africains. L’exemple des grandes banques centrales européennes peut faire cas d’école, car pendant la seconde guerre mondiale la Banque d’Angleterre et la Banque de France ont respectivement contribué à créer les conditions d’un réel décollage économique. Il ne s’agit nullement de recourir au mécanisme de planche a billet pour pouvoir financier le déficit public mais de créer les conditions optimales d’allocation des ressources.
La plupart des projets de désintermédiation financière en cours notamment au Sénégal s’inscrivent donc dans cette logique de sophistication et de modernisation de notre système financier, car ils permettent de créer les bases d’allocation de ressources dans des conditions de sécurité et de rentabilité optimale.
Les Banques Centrales en osmose avec les gouvernements peuvent aussi créer des mécanismes innovants de financement. Toutes les banques centrales disposent à leur actifs des stocks d’or qui sont censés garantir la quantité de la monnaie en circulation, il ne s’agit pas de les brader comme l’avait réalisé le Général De Gaule dans les années trente-huit ou Margaret Tchatcher en Grande Bretagne ou tout récemment Nicolas Sarkozy mais de les échanger sur le marché international contre une monnaie de notoriété internationale , par exemple le dollars , sur le marché des capitaux à un taux d’efficacité marginale du capital qui doit être nettement supérieur au taux de placement des actifs sans risques c’est-a-dire la rentabilité des obligations d’Etat. Ce mécanisme de financement pourrait apporter selon les hypothèses de base retenues plus de vingt milliards de francs à Etat.
Le système de fonctionnement actuel du Commerce International mérite d’être repensé afin d’une part de pouvoir mettre terme aux subventions agricoles qui ne cessent de causer des ravages économiques sans précédent et d’autre part de permettre aux pays Africain d’avoir libre accès aux marchés européens et américains car une augmentation de l’aide publique au développement sans moralisation des règles qui régissent le fonctionnement de l’Organisation Mondiale du Commerce débouchera inéluctablement sur une inflation du service de la dette ce qui pourra compromettre a son tour toutes stratégies de développement sur le long terme.
Sur le plan sous régional, afin de résister au « pandervisionnen » du mondialisme néolibéral consécutif à l’éclatement de l’ancien bloc soviétique et à la chute du mur de Berlin qui inaugure un nouvel ordre économique international, l’approfondissement de l’intégration économique permettra de créer des zones optimales de coopération économique et sur le long terme de déboucher sur une véritable intégration politique. Le problème est que la plupart des pays africains ont hérité au lendemain des indépendances d’une monnaie commune sans une véritable intégration économique. Or selon la théorie économique contemporaine pour pouvoir parvenir a une forte intégration politique , l’intégration économique doit être suivie d’une dynamique d’intégration monétaire et tout approfondissement d’intégration économique exige le respect scrupuleux des critères de convergences macroéconomiques par une réelle transcription des directives communautaires dans les législations nationales la création d’un mécanisme innovant de financement des fonds structurels et d’un programme communautaire de redressement économique susceptible de générer des synergies entre les différentes économies.
J’aimerais aussi préciser que le développement reste toujours un concept autocentré donc il faudrait tout naturellement mettre la diaspora à contribution dans le processus de développement. Supposant que par exemple c’est une simple hypothèse d’école qu’en France il y a mille ressortissants sénégalais. Si chaque sénégalais décide de contribuer à hauteur de 10 euros par mois, l’équivalent de trois bouteilles de vin bordeaux supérieur, cela pourrait rapporter à l’état sénégalais dix mille euros par mois c’est-a-dire presque sept millions franc mensuel qui pourrait permettre aux ONG de construire des écoles et des hôpitaux dans toute les préfectures et les sous-préfectures de la république sénégalaise. C’est ça l’auto centralisme de développement et ce n’est ni les européens ni les américains qui le feront à notre place, les relations internationales sont faites d’intérêt. Il faudrait que la diaspora cesse de se réfugier derrière une stratégie de diabolisation à outrance du personnel politique domestique, ce qui n’est d’autre qu’une véritable résignation sinon l’expression à plus haut niveau d’un instinct grégaire primaire. L’heure n’est plus à la passivité et à l’immobilisme. La France a une dette publique consolidée de mille milliards d’euros et un taux de chômage au-dessus de la moyenne européenne et les américains de leur côté sont entrain de mobiliser toute une armada de moyens pour parer aux menaces terroristes et aux catastrophes naturelles.
Au plan national, la bonne gouvernance, la construction d’un état de droit et de la démocratie doivent être au cœur du débat politique national car les bruits de bottes devant les palais, les barbaries, les incivilités et l’archaïsme politique sont indignes d’une nation moderne et les réformes démocratiques doivent être au centre de tout consensus national quelle qu’en soient les contradictions idéologiques dans le débat politique national. Nul n’ignore qu’on ne saurait développer un pays par délégation ni par simple processus de subrogation conventionnelle. De nos jours deux modèles politiques s’imposent en Afrique face aux carences démocratiques actuelles, faudrait-il pour nos pays africains d’opter pour une démocratie sans état ou d’un état fort sans démocratie ? Le débat est lancé et je crois pour ma part, seul un état fort c'est-à-dire capable d’assurer les fonctions régaliennes et de mater toutes velléités de déstabilisation endogènes ou exogènes respectueux des valeurs fondamentales droit de l’homme et des exigences démocratiques c’est ce modèle qui convient le mieux à l’Afrique et c’est aussi le modèle asiatique à l’exception près, car il permet avec un gouvernement responsable la capitalisation, la sécurisation et la rentabilisation des investissements, condition sinéquanante pour l’optimisation de l’efficacité.
Dans le domaine de la prospective, je peux certes me tromper dans mes réflexions et je serai prêt à l’assumer, car la capacité réelle de l’homme ne lui permet pas de cerner toutes les vérités scientifiques. Mais j’ai juste osé briser le tabou de l’immobilisme , bousculer des idées reçues ; rompre avec le schéma paternaliste de coopération avec le nord , battre en brèche et balayer brutalement d’un revers de main les prescriptions standards caduques et inadaptés des institutions de Bretton Wood , dépolitiser les règles de fonctionnement des institutions financières internationales, réhabiliter le rôle de l’état et responsabiliser davantage les africains car on ne saurait continuer assumer les fonctions à tous les niveaux de responsabilité de l’état si une bonne partie de la masse populaire vit en dessous du métabolisme de base c’est la logique de la culture de résultat et ce n’est de la démagogie politicienne mais une simple exigence de la raison et c’est au prix de ces réformes que l’Afrique pourrait saisir le train de la modernité et de développement.
Que Dieu bénisse l’Afrique en général et mon pays la République du Sénégal en particulier.
Dr BASSIROU NIANG
Docteur ès sciences de gestion
Université Montpellier 3 - France
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