A l’heure du bilan, on imaginerait mal le candidat Macky Sall, sollicitant à nouveau le suffrage de ses compatriotes en 2017, leur tenir un discours du genre : "Durant mon magistère, je me suis bien acquitté des promesses que j’avais tenues. En effet, j’ai attrapé deux voleurs par-ci, trois pickpockets par-là…". Sans vouloir, le moindre du monde, sous-estimer le caractère hautement républicain et démocratique de la nécessaire réédition des comptes, principe premier de la bonne gouvernance, n’importe quel électeur serait légitimement tenté de lui rétorqué, tout de go : "Mais on ne vous a pas élu uniquement pour ça. Vous nous aviez parlé de la baisse des denrées de première nécessité, de mettre un terme aux délestages, à la pénurie de gaz, de résoudre le sempiternel problème des inondations, le chômage des jeunes… C’est sur tout cela que l’on vous attendait. Mais la Crei (Cour de répression de l’enrichissement illicite) avec laquelle vous nous tympanisez tous les jours, ça ne se mange pas !".
En seize mois de règne, le Président Macky Sall aura incontestablement été davantage assimilé, dans l’imagerie populaire sénégalaise, à un "traqueur professionnel de biens mal-acquis", doublé d’un impitoyable "bounty hunter" (chasseur de primes, au Far West), que comme le bon samaritain qu’il laissait généreusement apparaître dans ses discours de campagne électoral de la dernière présidentielle. Il paraissait avant tout soucieux de redonner du "yaakaar" (espoir) aux "goorgoorlus" que nous sommes, et de sortir notre pays de la morosité économique ambiante. Mais que nenni ! Macky, depuis le début de son magistère, conjugue tout par "Crei, ak teuth casso" (tracasseries judiciaires et embastillement). Et il en distribue généreusement, à tour de bras ! A-t-il pensé un seul instant qu’aucun régime, le sien y compris, n’est éternel ? Et que tôt ou tard ceux qui font présentement l’objet de cette battue politico-judiciaire pourraient parfaitement être tentés un jour, si la boule venait à tourner, de lui rendre, ainsi qu’aux siens, la monnaie de leur pièce ? Parce qu’il est évident que la réédition des comptes est une large avenue… à double-sens !
D’autant que les griefs susceptibles d’étayer un éventuel règlement de compte, qui ne dira pas son nom, ne manqueront pas : d’un Premier ministre présumé blanchisseur d’argent sale, aux marchés de gré à gré à la pelle, en passant par ce singulier député de l’actuelle majorité ayant avoué, en direct à la télévision, avoir tué de sang-froid, devant sa mairie, un homme désarmé, et dont un procureur intègre avait programmé sa traduction à la Cour d’Assises, avant d’être brutalement limogé ; le scandale du supposé de trafic de drogue au sommet de la Police nationale, qui a ternie, au-delà de nos frontières, l’image de notre pays, et que certains caciques du régime souhaiteraient voir passer par pertes et profits ; les emprunts obligataires qui ne se seront jamais autant abattus, telles des pluies diluviennes, sur la tête du pauvre contribuable sénégalais (6 emprunts en 16 mois de Mackyisme, contre 4 seulement en 12 ans de Wadisme) ; l’opacité sur la fortune fulgurante du nouveau chef de l’Etat, que d’aucuns estiment des dizaines de milliards, etc…
Il s’y ajoute qu’au plan social ça râle de partout, avec une jeunesse plus que jamais confronté aux affres d’un chômage endémique ; une insécurité galopante, avec son lugubre cortège de viols et d’agressions sanglantes, souvent en plein jour ; la grogne des étudiants qui soupçonnent des manœuvres de remise en question de la généralisation des bourses ; plus les sempiternels débrayages des enseignants, des greffiers, auxquels sont venus s’ajouter la fronde du regroupement des diplômés-chômeurs, qui en ont appelé, la semaine dernière au siège de la Raddho, à un soulèvement populaire, etc.
Curieusement, tous ces ingrédients semblent converger dans un parallélisme de destin politique entre le "défunt" président français Nicolas Sarkozy et son alter égo sénégalais Macky Sall. Le premier, à peine venait-il de boucler ses onze premiers mois à l’Elysée, avait vu sa cote de popularité entamer une chute vertigineuse, avec 64 % d'opinions défavorables, selon le baromètre Bva-Express, paru le lundi 28 avril 2008. C'était le plus mauvais sondage d'opinion présidentielle depuis l’élection de Sarkozy, qui devint ainsi le chef d’Etat français le plus impopulaire de la 5è République. Il est vrai que son pays subissait alors de plein fouet la fameuse récession économique, bancaire et financière, de 2007/2008, particulièrement caractérisée par une crise de liquidité sans précédent (tiens, tiens, qui répliquait, irrité, à des reproches sur l’immobilisme économique sénégalais, par un : "c’est plutôt l’argent sale qui ne circule plus" ?) ; une crise de confiance dans les milieux boursiers, consécutivement à un renchérissement du crédit, durement ressenti par les entreprises et les ménages… Mais, Sarkozy n’en continuait pas moins de s’entêter dans des politiques impopulaires, oubliant que l’ère des états de grâce post-électorale était bien révolue.
Pour l’aider à remonter la pente dans l’estime des français, les matières grises de l’Elysée envisagèrent même un moment de mettre en œuvre une de ces formules politiques magiques de "cohabitation", ingénieusement mis en œuvre par le Président socialiste François Mitterrand. Une solution politique, qui avait admirablement fonctionné depuis 1981, consistant en l’installation à Matignon d’un Premier ministre issu de l’opposition. Tout le monde a souvenance de ces célèbres duos Chirac-Mitterrand en 1986, Balladur-Mitterrand en 1993 et, dans le sens inverse, Jospin-Chirac en 1997. Trois cohabitations, ayant fortement marqué la 5e République, et qui se seront toutes curieusement soldées par des remontées surprenantes de la perception de l’image présidentielle dans l’opinion. ("L’électorat aime les chefs d’Etat consensuels et rassembleurs").
Battu à plate-couture par son challenger socialiste, François Hollande, après avoir poursuivi sa chute vertigineuse, dans l’opinion - laquelle dégringolade s’était d’ailleurs perpétuée jusqu’à son passage à la guillotine électoral le 6 mai 2012 -, Nicolas Sarkozy inaugurait ainsi la deuxième fracassante chute d’un président français, qui n’aura exercé qu’un seul mandat - Valérie Giscard d’Estain ayant ouvert la marche, le 10 mai 1981, en échouant face à François Mitterrand, au terme d'un seul et unique septennat (1974-1981).
Sortant peu-à-peu de sa torpeur, après sa débâcle historique, Sarkozy tente, depuis le début de cette année 2013, de reprendre du poil de la bête. Mais c’est compter sans l’inextinguible antipathie des 52% des français, qui s’étaient fait un point d’honneur de l’envoyer à une retraite anticipée, au second tour de la présidentielle de 2012. En effet, comme poursuivi par une malédiction, 59% des français interrogées viennent de récidiver, dans un sondage Ifop-Journal du Dimanche, de ce mois de juillet. Questionnés sur leur envie de voir l'ex-chef de l'Etat revenir au devant de la scène en 2017, ils se sont montrée hostile à toute forme de "comeback" de Sarkozy, qu’ils ne veulent même plus voir en photo !
Notre "cher président", Macky Sall, passé à son tour au crible d’Afrobaromètre (ce réseau de promotion de la bonne gouvernance politique, économique et sociale, présent dans 35 pays africains), se retrouve quasiment sous la même physionomie politique Sarkozienne, en ce mois de juillet 2013. Les résultats de la quatrième série d'enquêtes de cet institut de sondage, portant sur le thème de la "Reddition des comptes, perception du citoyen", ayant couvert un échantillon de 1200 citoyens majeurs, choisis aléatoirement, fait des révélations inquiétantes sur la perception qu’ont les citoyens de la qualité de la gestion de la demande sociale. En effet, Afrobaromètre révèle qu’après seulement seize mois de "Mackyisme", plus de la moitié des Sénégalais considèrent que l'économie est mal gérée ; que 8 Sénégalais sur 10 jugent négativement la politique gouvernementale en terme de réduction des inégalités sociales ; que 78% des sondés apprécient mal les stratégies de création d’emplois; pendant que 75% de la population désapprouvent la manière dont le gouvernement gère la problématique de la sécurité alimentaire, etc.
Macky face aux "Assisards"
Ayant été l’heureux bénéficiaire, au second tour de la présidentielle sénégalaise, du terrible slogan de ralliement "Tout sauf Wade", notre Sarkozy national, toujours «surpris» par sa victoire éclatante du 25 février 2012, ne s’en estimera pas moins redevable aux «Assisards», bien que n’ayant pas daigné parapher leur fameux Pacte, redoutant toujours d’être embarqué dans leur vague projet politique d’institution d’un régime parlementaire. Et Macky Sall de comprendre plus tard que ces derniers l’auront moins soutenu pour ses beaux yeux, que par pure opportunisme politique. Pour les "Assisards", ils ne s’agissait ni plus ni moins que d’«avoir la peau de Wade», pour dire les choses crûment. Ce fut donc bien contre mauvaise fortune bon cœur qu’ils auront appelé à "voter Macky au second tour". Ce qui était loin d’être le cas au premier tour, comme en témoigne encore leurs dazibaos et autres graffitis rageurs ("Macky le Plan B de Wade", "Macky, le traître du 23", etc.) encore frais sur certains murs de la capital et de la banlieue dakaroise. En allant malgré tout pactiser avec eux, Macky Sall cherchait-il à se donner le maximum de garanties pour damer le point à Wade ? Toujours est-il que nombre d’observateurs avertis sont d’avis que l’antiwadisme était tellement ancré dans l’opinion qu’avec ou sans ce conglomérat socialo-communisto-trotskysto-progressiste (ou "Coalition Soupou kandj", dixit Me Ousmane Séye), Macky l’aurait quand même emporté haut-la-main.
N’empêche qu’il devint par la suite aisé pour quiconque suit assidûment l’actualité de remarquer que certains ténors de la plus-que-défunte coalition "Benno Siggil Sénégal" auront longtemps rechigné à appeler Macky Sall, dans leur discours et interventions, par sa nouvelle fonction constitutionnelle. Ce n’est que bien récemment qu’ils ont daigné, s’exprimant dans les médias, lui reconnaître son prestigieux titre, pour (enfin !) lui concéder, comme tout le monde, un bien mérité : "Monsieur le Président de la République Macky Sall". Il est vrai qu’entre-temps les ors et lambris du pouvoir auront généreusement eu le temps de passer par là !
En effet, celui à qui l’on reprochait naguère, sous cape, de vouloir faire "du Wade sans Wade", continue toujours de servir généreusement ses alliés de circonstance, au point d’avoir monté les enchères en leur faisant à nouveau miroiter la résurrection du Sénat. Mais, anti-wadistes primaires dans l’âme, après avoir offert des "funérailles" de première classe à ce dernier, ils n’en continuent pas moins de dérouler stoïquement leur "Plan B" : creuser une autre belle tombe au "Mackysard", devenu par la force du Destin le "Président par défaut du Sénégal". Leur stratégie ? Elle n’a pas varié d’un iota : au terme des trois ans et demi de mandat - dont on peut d’ailleurs raisonnablement soustraire les douze derniers mois, en raison de la fameuse pré-campagne électorale "déguisée" -, fédérer leurs forces pour réinstaller au pouvoir le…Parti socialiste ! (Eh oui, des langues se délieront bientôt, relativement à la prolongation, en filigrane, de l’éternelle rivalité Tanor-Niass !).
Serait-ce un pressentiment que le président du Groupe parlementaire des Libéraux a voulu traduire, en anticipant la bataille autour du sacro-saint refrain de "retrouvaille de la grande famille libérale" ? Lors de "son Grand-Jury", il a affirmé tranquillement que : "La famille libérale doit se retrouver. Les libéraux doivent se mettre ensemble pour faire face au communisme et au socialisme. Ils doivent proposer des programmes alternatifs et travailler à la réalisation de la prédiction de Wade qui veut que libéralisme reste encore 50 ans au pouvoir". Dixit, l'ancien ministre libéral Modou Diagne Fada, au micro de Mamoudou Ibra Kane sur la Rfm, dimanche 07 juillet dernier.
Et, curieusement, le même jour, à quelques encablures de là, au Cices, où se tenait le Congrès de la Ligue démocratique (parti allié au président Sall) de Abdoulaye Bathily, la représentante du leader de l’Alliance pour la République (Apr), la Grade des Sceaux Aminata Touré (ex-militante du Aj de Savané), lançait un curieux mot d’ordre, du haut du présidium : "Le moment est venu de dépasser les coalitions d’origine électoraliste pour construire ensemble une véritable alliance de progrès, une alliance démocratique, une alliance républicaine. Les Sénégalais qui ont élu Macky Sall à 65% et qui nous ont donné une large majorité à l’Assemblée nationale en ont fini avec les consultations, ils attendent que nous nous mettions ensemble au travail".
Mais Macky Sall disposera-t-il d’assez de temps pour procéder aux réajustements idoines, afin de rebondir dans l’estime de l’opinion, dont il tarde toujours à satisfaire les légitimes attentes ? Dés lors, un second mandat est-il dans l’ordre du possible, au vu des plans secrets qu’échafaudent ses alliés de circonstance – tous potentiels candidats à la prochaine présidentielle -, et surtout du grand fossé qui le sépare toujours davantage de ses "vrais alliés naturels", ses frères libéraux? Encore une fois, "2017" c’est dans moins de trois ans et demi seulement !!
Bassirou Thioune
Enseignant à la Retraite
En seize mois de règne, le Président Macky Sall aura incontestablement été davantage assimilé, dans l’imagerie populaire sénégalaise, à un "traqueur professionnel de biens mal-acquis", doublé d’un impitoyable "bounty hunter" (chasseur de primes, au Far West), que comme le bon samaritain qu’il laissait généreusement apparaître dans ses discours de campagne électoral de la dernière présidentielle. Il paraissait avant tout soucieux de redonner du "yaakaar" (espoir) aux "goorgoorlus" que nous sommes, et de sortir notre pays de la morosité économique ambiante. Mais que nenni ! Macky, depuis le début de son magistère, conjugue tout par "Crei, ak teuth casso" (tracasseries judiciaires et embastillement). Et il en distribue généreusement, à tour de bras ! A-t-il pensé un seul instant qu’aucun régime, le sien y compris, n’est éternel ? Et que tôt ou tard ceux qui font présentement l’objet de cette battue politico-judiciaire pourraient parfaitement être tentés un jour, si la boule venait à tourner, de lui rendre, ainsi qu’aux siens, la monnaie de leur pièce ? Parce qu’il est évident que la réédition des comptes est une large avenue… à double-sens !
D’autant que les griefs susceptibles d’étayer un éventuel règlement de compte, qui ne dira pas son nom, ne manqueront pas : d’un Premier ministre présumé blanchisseur d’argent sale, aux marchés de gré à gré à la pelle, en passant par ce singulier député de l’actuelle majorité ayant avoué, en direct à la télévision, avoir tué de sang-froid, devant sa mairie, un homme désarmé, et dont un procureur intègre avait programmé sa traduction à la Cour d’Assises, avant d’être brutalement limogé ; le scandale du supposé de trafic de drogue au sommet de la Police nationale, qui a ternie, au-delà de nos frontières, l’image de notre pays, et que certains caciques du régime souhaiteraient voir passer par pertes et profits ; les emprunts obligataires qui ne se seront jamais autant abattus, telles des pluies diluviennes, sur la tête du pauvre contribuable sénégalais (6 emprunts en 16 mois de Mackyisme, contre 4 seulement en 12 ans de Wadisme) ; l’opacité sur la fortune fulgurante du nouveau chef de l’Etat, que d’aucuns estiment des dizaines de milliards, etc…
Il s’y ajoute qu’au plan social ça râle de partout, avec une jeunesse plus que jamais confronté aux affres d’un chômage endémique ; une insécurité galopante, avec son lugubre cortège de viols et d’agressions sanglantes, souvent en plein jour ; la grogne des étudiants qui soupçonnent des manœuvres de remise en question de la généralisation des bourses ; plus les sempiternels débrayages des enseignants, des greffiers, auxquels sont venus s’ajouter la fronde du regroupement des diplômés-chômeurs, qui en ont appelé, la semaine dernière au siège de la Raddho, à un soulèvement populaire, etc.
Curieusement, tous ces ingrédients semblent converger dans un parallélisme de destin politique entre le "défunt" président français Nicolas Sarkozy et son alter égo sénégalais Macky Sall. Le premier, à peine venait-il de boucler ses onze premiers mois à l’Elysée, avait vu sa cote de popularité entamer une chute vertigineuse, avec 64 % d'opinions défavorables, selon le baromètre Bva-Express, paru le lundi 28 avril 2008. C'était le plus mauvais sondage d'opinion présidentielle depuis l’élection de Sarkozy, qui devint ainsi le chef d’Etat français le plus impopulaire de la 5è République. Il est vrai que son pays subissait alors de plein fouet la fameuse récession économique, bancaire et financière, de 2007/2008, particulièrement caractérisée par une crise de liquidité sans précédent (tiens, tiens, qui répliquait, irrité, à des reproches sur l’immobilisme économique sénégalais, par un : "c’est plutôt l’argent sale qui ne circule plus" ?) ; une crise de confiance dans les milieux boursiers, consécutivement à un renchérissement du crédit, durement ressenti par les entreprises et les ménages… Mais, Sarkozy n’en continuait pas moins de s’entêter dans des politiques impopulaires, oubliant que l’ère des états de grâce post-électorale était bien révolue.
Pour l’aider à remonter la pente dans l’estime des français, les matières grises de l’Elysée envisagèrent même un moment de mettre en œuvre une de ces formules politiques magiques de "cohabitation", ingénieusement mis en œuvre par le Président socialiste François Mitterrand. Une solution politique, qui avait admirablement fonctionné depuis 1981, consistant en l’installation à Matignon d’un Premier ministre issu de l’opposition. Tout le monde a souvenance de ces célèbres duos Chirac-Mitterrand en 1986, Balladur-Mitterrand en 1993 et, dans le sens inverse, Jospin-Chirac en 1997. Trois cohabitations, ayant fortement marqué la 5e République, et qui se seront toutes curieusement soldées par des remontées surprenantes de la perception de l’image présidentielle dans l’opinion. ("L’électorat aime les chefs d’Etat consensuels et rassembleurs").
Battu à plate-couture par son challenger socialiste, François Hollande, après avoir poursuivi sa chute vertigineuse, dans l’opinion - laquelle dégringolade s’était d’ailleurs perpétuée jusqu’à son passage à la guillotine électoral le 6 mai 2012 -, Nicolas Sarkozy inaugurait ainsi la deuxième fracassante chute d’un président français, qui n’aura exercé qu’un seul mandat - Valérie Giscard d’Estain ayant ouvert la marche, le 10 mai 1981, en échouant face à François Mitterrand, au terme d'un seul et unique septennat (1974-1981).
Sortant peu-à-peu de sa torpeur, après sa débâcle historique, Sarkozy tente, depuis le début de cette année 2013, de reprendre du poil de la bête. Mais c’est compter sans l’inextinguible antipathie des 52% des français, qui s’étaient fait un point d’honneur de l’envoyer à une retraite anticipée, au second tour de la présidentielle de 2012. En effet, comme poursuivi par une malédiction, 59% des français interrogées viennent de récidiver, dans un sondage Ifop-Journal du Dimanche, de ce mois de juillet. Questionnés sur leur envie de voir l'ex-chef de l'Etat revenir au devant de la scène en 2017, ils se sont montrée hostile à toute forme de "comeback" de Sarkozy, qu’ils ne veulent même plus voir en photo !
Notre "cher président", Macky Sall, passé à son tour au crible d’Afrobaromètre (ce réseau de promotion de la bonne gouvernance politique, économique et sociale, présent dans 35 pays africains), se retrouve quasiment sous la même physionomie politique Sarkozienne, en ce mois de juillet 2013. Les résultats de la quatrième série d'enquêtes de cet institut de sondage, portant sur le thème de la "Reddition des comptes, perception du citoyen", ayant couvert un échantillon de 1200 citoyens majeurs, choisis aléatoirement, fait des révélations inquiétantes sur la perception qu’ont les citoyens de la qualité de la gestion de la demande sociale. En effet, Afrobaromètre révèle qu’après seulement seize mois de "Mackyisme", plus de la moitié des Sénégalais considèrent que l'économie est mal gérée ; que 8 Sénégalais sur 10 jugent négativement la politique gouvernementale en terme de réduction des inégalités sociales ; que 78% des sondés apprécient mal les stratégies de création d’emplois; pendant que 75% de la population désapprouvent la manière dont le gouvernement gère la problématique de la sécurité alimentaire, etc.
Macky face aux "Assisards"
Ayant été l’heureux bénéficiaire, au second tour de la présidentielle sénégalaise, du terrible slogan de ralliement "Tout sauf Wade", notre Sarkozy national, toujours «surpris» par sa victoire éclatante du 25 février 2012, ne s’en estimera pas moins redevable aux «Assisards», bien que n’ayant pas daigné parapher leur fameux Pacte, redoutant toujours d’être embarqué dans leur vague projet politique d’institution d’un régime parlementaire. Et Macky Sall de comprendre plus tard que ces derniers l’auront moins soutenu pour ses beaux yeux, que par pure opportunisme politique. Pour les "Assisards", ils ne s’agissait ni plus ni moins que d’«avoir la peau de Wade», pour dire les choses crûment. Ce fut donc bien contre mauvaise fortune bon cœur qu’ils auront appelé à "voter Macky au second tour". Ce qui était loin d’être le cas au premier tour, comme en témoigne encore leurs dazibaos et autres graffitis rageurs ("Macky le Plan B de Wade", "Macky, le traître du 23", etc.) encore frais sur certains murs de la capital et de la banlieue dakaroise. En allant malgré tout pactiser avec eux, Macky Sall cherchait-il à se donner le maximum de garanties pour damer le point à Wade ? Toujours est-il que nombre d’observateurs avertis sont d’avis que l’antiwadisme était tellement ancré dans l’opinion qu’avec ou sans ce conglomérat socialo-communisto-trotskysto-progressiste (ou "Coalition Soupou kandj", dixit Me Ousmane Séye), Macky l’aurait quand même emporté haut-la-main.
N’empêche qu’il devint par la suite aisé pour quiconque suit assidûment l’actualité de remarquer que certains ténors de la plus-que-défunte coalition "Benno Siggil Sénégal" auront longtemps rechigné à appeler Macky Sall, dans leur discours et interventions, par sa nouvelle fonction constitutionnelle. Ce n’est que bien récemment qu’ils ont daigné, s’exprimant dans les médias, lui reconnaître son prestigieux titre, pour (enfin !) lui concéder, comme tout le monde, un bien mérité : "Monsieur le Président de la République Macky Sall". Il est vrai qu’entre-temps les ors et lambris du pouvoir auront généreusement eu le temps de passer par là !
En effet, celui à qui l’on reprochait naguère, sous cape, de vouloir faire "du Wade sans Wade", continue toujours de servir généreusement ses alliés de circonstance, au point d’avoir monté les enchères en leur faisant à nouveau miroiter la résurrection du Sénat. Mais, anti-wadistes primaires dans l’âme, après avoir offert des "funérailles" de première classe à ce dernier, ils n’en continuent pas moins de dérouler stoïquement leur "Plan B" : creuser une autre belle tombe au "Mackysard", devenu par la force du Destin le "Président par défaut du Sénégal". Leur stratégie ? Elle n’a pas varié d’un iota : au terme des trois ans et demi de mandat - dont on peut d’ailleurs raisonnablement soustraire les douze derniers mois, en raison de la fameuse pré-campagne électorale "déguisée" -, fédérer leurs forces pour réinstaller au pouvoir le…Parti socialiste ! (Eh oui, des langues se délieront bientôt, relativement à la prolongation, en filigrane, de l’éternelle rivalité Tanor-Niass !).
Serait-ce un pressentiment que le président du Groupe parlementaire des Libéraux a voulu traduire, en anticipant la bataille autour du sacro-saint refrain de "retrouvaille de la grande famille libérale" ? Lors de "son Grand-Jury", il a affirmé tranquillement que : "La famille libérale doit se retrouver. Les libéraux doivent se mettre ensemble pour faire face au communisme et au socialisme. Ils doivent proposer des programmes alternatifs et travailler à la réalisation de la prédiction de Wade qui veut que libéralisme reste encore 50 ans au pouvoir". Dixit, l'ancien ministre libéral Modou Diagne Fada, au micro de Mamoudou Ibra Kane sur la Rfm, dimanche 07 juillet dernier.
Et, curieusement, le même jour, à quelques encablures de là, au Cices, où se tenait le Congrès de la Ligue démocratique (parti allié au président Sall) de Abdoulaye Bathily, la représentante du leader de l’Alliance pour la République (Apr), la Grade des Sceaux Aminata Touré (ex-militante du Aj de Savané), lançait un curieux mot d’ordre, du haut du présidium : "Le moment est venu de dépasser les coalitions d’origine électoraliste pour construire ensemble une véritable alliance de progrès, une alliance démocratique, une alliance républicaine. Les Sénégalais qui ont élu Macky Sall à 65% et qui nous ont donné une large majorité à l’Assemblée nationale en ont fini avec les consultations, ils attendent que nous nous mettions ensemble au travail".
Mais Macky Sall disposera-t-il d’assez de temps pour procéder aux réajustements idoines, afin de rebondir dans l’estime de l’opinion, dont il tarde toujours à satisfaire les légitimes attentes ? Dés lors, un second mandat est-il dans l’ordre du possible, au vu des plans secrets qu’échafaudent ses alliés de circonstance – tous potentiels candidats à la prochaine présidentielle -, et surtout du grand fossé qui le sépare toujours davantage de ses "vrais alliés naturels", ses frères libéraux? Encore une fois, "2017" c’est dans moins de trois ans et demi seulement !!
Bassirou Thioune
Enseignant à la Retraite
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