Existe-t-il encore des militants en ce pauvre monde ?

"Les grands hommes n'ont pas été ce qu'on appelle communément heureux. Ils n'ont pas voulu trouver le bonheur, mais atteindre leur but ; ils l'ont atteint par un labeur pénible. Ils ont su trouver la satisfaction, réaliser leur but, le but universel. Placés devant un but aussi grand, ils se sont audacieusement proposé de le servir contre toute l'opinion des hommes. Ce n'est pas le bonheur qu'ils ont choisi, mais la peine, le combat et leur travail. Leur but une fois atteint, ils n'en sont pas venus à une paisible jouissance, ils n'ont pas été heureux. Leur être a été leur action, leur passion a déterminé leur nature, tout leur caractère. Leur but atteint, ils sont tombés comme des douilles vides."Friedrich Hegel, La raison dans l’histoire


Existe-t-il encore des militants en ce pauvre monde ?
L’engagement militant pour défendre et voir se réaliser une cause, est la chose la moins naturelle qui soit. La nature humaine éprouve une tension presque constante vers la satisfaction des besoins terrestres ou terre à terre. « Les nourritures terrestres » ont toujours attirées l’homme. Or l’aspiration militante appartient au ciel, c’est une forme d’élévation vers les hauteurs idéelles, d’où le combat presque titanesque entre les forces dont la fonction est d’enchainer l’homme à la terre et cette volonté de l’âme de s’abreuver  à la source éthérée des nourritures spirituelles. Parmi ces nourritures il y a l’IDEE MILITANTE.
 En vérité seules les grandes âmes peuvent créer de grands militants. Ils sont morts assassinés pour la plupart : le Mahatma Gandhi, illustre apôtre de la non-violence assassiné par un fanatique Sikh, le pasteur africain-américain Martin Luther King tombé sous des balles tirées par des « noirs » manipulés par des « blancs »,  le célèbre résistant anti-impérialiste  Ernesto Che Guevara exécuté par l’armée Bolivienne sur ordre de la CIA, le fondateur du mouvement des frères musulmans Imam Hassan Al Banna assassiné par la police coloniale Britannique, le grand résistant à la colonisation française fondateur de l’Union des populations du Cameroun(UPC),  Ruben Um Niobé  dont le parcours militant est une véritable tragédie.
 A propos de ce dernier qui reste méconnu il convient de s’arrêter un peu : L’armée coloniale française a mené  entre 1948 et 1961 une guerre sauvage contre l’UPC, un parti nationaliste Camerounais qui ne revendiquait que l’indépendance. Une répression qui a fait cent mille morts, aujourd’hui niée par la France. Tous les leaders de l’UPC dont  Ruben Um Niobé ont été assassinés.  L’historien camerounais Achille Mbembe continue à réclamer symboliquement  aujourd’hui le crane d’Um Niobé. A ce sujet lisez « Kamerun, histoire d’une guerre cachée » de Jacob Tatsitsa, Thomas Delcomb et  Manuel Domergue.
La mort est la porte ultime du militantisme, la pointe acérée de l’engagement militant. La mort est la voie du militantisme. La mort n’est pas toujours physique, elle est souvent symbolique. Le combattant meurt  par le dépouillement volontaire de ses propres biens, le renoncement au bonheur mondain et à la vie de famille.  
Quant à Nelson Mandela et Yasser Arafat  voilà des militants d’un autre calibre. Même s’ils n’ont pas gouté à la mort dans la voie militante, ils n’en demeurent  pas moins  des résistants authentiques qui continuent à inspirer. Mandela est peut-être le dernier d’un tel calibre, un véritable homme du passé dont la disparition fermera le 20ème siècle africain. Il ya peu de personnages historiques. Nelson Mandela est un de ses rares qui ont fait l’histoire, la grande histoire. Ailleurs, l’opposant au régime monarchique de Hassan 2, Abraham Serfati, qui a passé plus de vingt-sept ans de prisons dans les bagnes marocaines est le symbole de ces grands militants méconnus et injustement effacés de l’historiographie contemporaine.
Au Sénégal, des hommes comme Mamadou  Dia qui a lutté par son corps et sa plume  jusqu’à son dernier souffle, Cheikh Anta Diop frappé par l’ostracisme senghorien et tous ces preux combattants de la gauche que sont Tidiane Baydy Ly et Lamine Senghor sont des exemples illustrant le caractère rarissime de l’esprit militant. Ces hommes ont  tous la particularité de n’avoir jamais renié leurs convictions. A une époque où le reniement des valeurs et le désarmement idéologique font partie des attitudes privilégiées dans notre pays, ces personnalités cités représentent un avis contraire à ceux qui pensent que l’esprit chevaleresque, l’engagement militant et désintéressé est impossible. Les preux conquistadores de l’ordre militant sont toujours debout.
 Le militantisme ne se donne pas de frontières idéologiques. On trouve des militants authentiques chez les communistes, les islamistes, les anarchistes, les altermondialistes, les écologistes, les monarchistes, les souverainistes et les droits de l’hommistes. Ce « pluralisme » s’explique par le caractère universel de l’esprit militant.
Le militantisme est donc un esprit universel qui s’origine dans la nature permanente de l’injustice fabriquée par les pouvoirs, toutes les formes de pouvoir qui organisent le monde. Mais le militantisme c’est plus qu’une réaction, c’est une déconstruction-construction, une volonté de bâtir un autre monde, « un monde meilleur » ; c’est la raison pour laquelle les grands militants apparaissent comme des rêveurs, des utopistes, des romantiques. Mais  l’on oublie souvent que toutes les grandes idées qui fondent aujourd’hui le monde sont des idées utopiques par essence : La démocratie, la république, la souveraineté, la liberté, l’égalité. Mais il existe des utopies qui sont réalisables et vérifiables.
Quant à la fameuse caste des intellectuels, ils regorgent de vrais militants mais aussi de vrais faux militants. En vérité un intellectuel est militant ou il ne l’est pas.
Tous les intellectuels, les vrais, sont des militants mais tous les militants ne sont pas des intellectuels. L’intellectuel est un militant qui se bat avec la force des concepts, la puissance des idées. C’est un combattant- forgeron d’idées. Ce fut le cas d’Emile Zola, Voltaire, Jean Jaurès, Franz Fanon, Jean Paul Sartre, Cheikh Anta Diop, William Dubois, Antonio Gramsci, Aimé Césaire, Jacques Derrida, Roger Garaudy, Andrei Sakharov. Mais tous les intellectuels ne sont pas du même calibre. Certains intellectuels sont plus hauts et plus puissants que d’autres. Leur puissance dépend du charisme que leur confèrent la force et la pérennité de leurs idées. Aujourd’hui le mot est tellement galvaudé que de petits diplômés ou de simples universitaires s’affublent de façon prétentieuse le titre d’intellectuel. L’intellectuel n’est d’ailleurs pas un titre. C’est une personne humaine dont la prise de parole est tellement haute qu’elle peut lui couter la mort, la prison ou l’ostracisme. Un intellectuel est un homme ou une femme qui se mêle de ce qui ne le regarde pas.
 
 Mais attention ! Il existe des « intellectuels faussaires », des intellectuels mercenaires et des intellectuels médiatiques mais aussi des intellectuels de droite, des intellectuels de gauche etc. Des intellectuels ont défendu les pires causes. La France a eu son Brasillaque qui a collaboré avec l’Allemagne Nazi, la cote d’ivoire son Faustin Kouamé, qui a « théorisé » l’Ivoirité. Des intellectuels ont défendu pendant des années, les pires régimes du monde arabe au nom de l’anti-islamisme. Dans le monde musulman, par exemple, il existe ce qu’on appelle « les Oulémas du pouvoir »qui fabriquent des fatwas taillés à la mesure des desiderata des pouvoirs les plus injustes. Au Sénégal les prises de position religieuse de certains enturbannés confirment leur allégeance au pouvoir dominant.
 Mais ce qui sévit surtout  au Sénégal, ce sont des « experts » médiatiques par forcément des intellectuels, grands spécialistes en tout, véritables « toutologues » qui se disent politologue et surtout sociologue. Leurs airs  loufoques sont d’un ridicule qui provoque l’hilarité et même la risée des humoristes qui eux-mêmes savent que les pseudos analyses qu’ils déblatèrent, sont d’une banalité à faire mourir de honte les véritables savants. Au Sénégal l’on dirait que tous les problèmes du monde sont d’ordre sociologique, politique ou juridique. La Philosophie, la Théologie, l’Ethnologie, la philologie, l’Anthropologie, l’Histoire, l’Economie politique,  la Psychologie, la Psychiatrie et la critique littéraire n’ont peut-être aucune fonction explicative pour ces drôles d’experts  encore moins pour un certain public avide d’explications simplistes.
 
Quelques brillants « savants » préfèrent se terrer dans le cocon douillet de l’anonymat et du désengagement laissant la place à de dangereux prétentieux qui dès qu’ils « décrochent » une émission de Télévision n’arrêtent plus d’apparaitre faisant d’ailleurs « l’affaire » des media qui se contentent d’analyses plus que tirées par les cheveux.
 
Sidi Mouhamed Khalifa
 
 
Dimanche 21 Juillet 2013




1.Posté par bob le 22/07/2013 02:17
Et vous? Vous êtes de quel type d'intellectuel? Mieux vaut suivre le pas de ces grands intellectuels que vous venez de citer, que de se contenter d'en être le simple historien.... Et puis un intellectuel n'est pas seulement celui qui se par la force des idées et des concepts, mais il est aussi celui qui descend sur le terrain pour agir concrètement quand il le faut.



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