Érection d’une statue de la Linguère Ndaté Yalla Mbodj à Sor (Saint-Louis) à l’occasion du bicentenaire de Faidherbe


Le 3 juin 2018, sera le bicentenaire de la naissance, à Lille du Général Louis Léon César Faidherbe, qui fut Gouverneur colonial français du Sénégal de 1854 à 1861 et de 1863 à 1865.
Une statue à son honntrès orne actuellement  l’esplanade de la gouvernance de  Saint-Louis, ancienne capitale de l'Afrique occidentale française. Sur le socle de la statue érigée en 1891 est écrit : "A son gouverneur L. Faidherbe, le Sénégal reconnaissant".  Comme beaucoup de sénégalais nous avons des sentiments ambivalents à l’égard  de ce personnage historique.

Pour certains  le Gouverneur Faidherbe  fut l’archétype du  conquérant colonial, du militaire sabreur des populations civiles  qui a eu à incendier des villages, des royaumes pré-coloniaux du  Waalo et du Cayor .

Et pour  tous ces massacres et tueries, on ne devait point lui faire autant d'honneur au Sénégal en lui donnant les noms d'un pont et d’une place publique.

En effet, le Royaume wolof du Walo, voisine de la ville de Saint Louis eut à subir les premières velléités coloniales expansionnistes du gouverneur Faidherbe.
 Le 31 janvier 1855, le Gouverneur Faidherbe partit de Saint-Louis avec une colonne de 1100 hommes pour atteindre le 25 février les environs de la capitale du royaume de Nder où il battit les troupes de la Reine Linguère  Ndaté Yalla Mbodj 

La capitale Nder ,fut prise et brûlée, ainsi que plus de 40  villages ,dont Ndombo, Thiago, Khouma et Mbilor. Plus de 100 résistants walo walo furent tués et près de 150 faits prisonniers. La Reine et ses partisans s’exileront à Niomré dans   la province  voisine du Ndiambour, où ils seront rejoints par le Gouverneur Faidherbe qui réduisit  en cendres le village Niomré dont il disait que « ce village de 5000 âmes était le plus beau et le plus considérable du pays. Ses habitants, Ouolof de race, sont des pasteurs et des cultivateurs musulmans ; ils jouissent d'une grande réputation de bravoure. »

Le Gouverneur captura le fils de la Reine Ndaté Yalla Mbodj le Prince Sidya Ndaté Yalla DIOP  qu’il amena à en otage a Saint-Louis.

Il annexa le royaume du Walo en fit la première colonie française d’Afrique noire.

Faidherbe ensuite s’attaqua au célèbre chef musulman toucouleur, El Hadj Omar TALL, dont l’ambition était de fonder un vaste empire ouest africain musulman englobant le Mali, le Sénégal et la Guinée par conséquent farouchement hostile à la présence française. Cette longue guerre d’usure s’acheva par la disparition du grand chef musulman.

Pendant tous ces combats les troupes du Général Faidherbe furent auteurs de plusieurs atrocités et autres crimes de guerre.

Dans une correspondance à sa mère, Faidherbe écrit « j’ai détruit de fond en comble un charmant village de 200 maisons et tous les jardins. Cela a terrifié la tribu, qui est venue se rendre aujourd’hui… »

Mais pour d'autres Sénégalais, le natif de Lille  peut être  perçu comme un "gouverneur bâtisseur", comme le créateur de l'État du Sénégal moderne et le libérateur des Noirs sénégalais de la rive gauche , face aux exactions des Maures"

Car, en effet parallèlement à cette attitude belliciste, le Gouverneur Faidherbe avait adopté une politique de pacification et de « civilisation »

Ayant  tissé beaucoup de  contacts avec les populations locales, il avait une curiosité profonde et une véritable passion pour les coutumes et us du pays .

Faidherbe se faisait appeler Ndiaye patronyme le plus courant du Sénégal. Il apprit les langues locales et rédigea des ouvrages dont des dictionnaires : wolof-français, peul-français, sérère-français…

Le gouverneur épousa, une jeune fille peule, qui lui donna un garçon qu’il nomma Louis Faidherbe qui deviendra un officier mais malheureusement mourut très jeune.

Faidherbe introduisit l’enseignement du français et l’instruction des jeunes du Sénégal. À cette fin, il fit venir de métropole des instituteurs et créa l’« École des Otages » pour former les élites indigènes.

Faidherbe fut aussi le fondateur du Sénégal Moderne à travers certaines de ses réalisations

Tout d’abord il construisit un pont qui portera son nom reliant l’ile de Saint-Louis au continent.

Comme Haussman pour Paris, le Gouverneur Faidherbe créa un cadre urbain moderne pour la ville de Saint-Louis qui devient la première cité moderne d’Afrique noire .

Dans sa politique de  mise en valeur de la colonie du Sénégal,Faidherbe y développa considérablement la culture de l’arachide. Il s’attela au développement des voies de communication ; créa les ports de Saint-Louis, Rufisque et de Dakar. Et créa la première Banque centrale de l’ouest africain

En conclusion, Faidherbe fut colon mais aussi un bâtisseur. Sa figure appartient à l’histoire moderne  du Sénégal malgré sa face sombre.

Ainsi autant Faidherbe mérite d’avoir une statue dans une ville comme Saint-Louis qu’il a façonnée à son image et aux idéaux colonialistes, autant dans une autre partie de la ville  surtout à Sor on devrait ériger une autre statue symbolisant la résistance des populations face à ses exactions et rapines coloniales, en la personne de la Reine Ndaté Yalla Mbodj qui fut la première à s’opposer les armes à la main, aux velléités expansionnistes de Faidherbe.

A travers toutes ces correspondances adressées à la colonie, elle ne cessait de réaffirmer sa volonté de défendre sa souveraineté sur toute l’étendue du Walo y compris la ville de Saint -Louis.

En 1847 elle imposa un blocus autour de l’île de Saint Louis  et revendiqua  ses droits aux îles de Boye et de Sor.
« Nous vous prévenons aussi que nous n’avons  vendu l’île de Sor à personne et que nous n’avons pas l’intention  de la vendre ; on aurait dit que les gens du Sénégal  y ont établi des lougans sans nous demander et sans notre consentement, nous vous demandons des explications à cet égard. » ANS 13 G 91 Lettre  n°95 parvenue   au gouverneur de Saint -Louis le 27 février 1851.
« Le but de cette lettre est pour vous faire connaître que l’île de Boyo m’appartient depuis mon grand père jusqu’ à moi aujourd’hui, il n'y a personne qui puisse dire que ce pays lui appartient, il est à moi seule .Je n’ai pas vendu ce terrain à personne, je ne  l’ai confié à personne ni à aucun blanc, » ANS  13 G 91 Lettre n° 85 parvenue au gouverneur de  Saint-Louis  le 23 Mai 1851.
 Elle s’opposa aussi au libre passage des « téfankés » Sarakolés qui  fournissaient l’île de Saint-Louis en bétail et adressa une lettre au gouverneur exprimant sa volonté de défendre le respect de sa souveraineté sur la vallée en ces termes : « c’est nous qui garantissons le passage des troupeaux dans notre pays ; pour cette raison nous en prenons le dixième et nous n’accepterons jamais autre chose que cela. Saint-t Louis appartient au Gouverneur, le Cayor  au Damel et le Waalo au Brack. Chacun de ces chefs gouverne son pays comme bon lui semble »(Boubacar Barry, le royaume du Walo)
Une statue devrait être érigée à l’entrée du pont Faidherbe, de celle qui fut la dernière Reine  du royaume du Walo La Linguére  Ndaté Yalla Mbodj qui se déclarait souveraine de l’Ile Sor.
Au bas du Socle de la Statue de Linguére  Ndaté Yalla Mbodj fumant sa pipe d’honneur  ,on pourra y inscrire ce texte :
En Mémoire de la Linguére Ndaté Yalla MBODJ du Walo et de tous les résistants  face au colonialisme.  
Diawdine  Amadou Bakhaw DIAW Notabilité  coutumière du Walo
 
Dimanche 3 Juin 2018




Dans la même rubrique :