Madame la Secrétaire exécutive de la Commission économique africaine des Nations unies, Dr Vera Songwe,
Mesdames, Messieurs les Ministres, je salue mon collègue Monsieur Amadou Ba Ministre de l’économie, des finances et plan du Sénégal,
Honorables invités en vos titres, rangs et qualités,
Mesdames, Messieurs,
Plan de la Conférence
I. Introduction
II. Atouts/ Contraintes
III. Un environnement à bâtir
IIII. Une ambition à construire
V. Les transformations structurelles
VI. La stratégie, la planification et le financement
VII. Le Numérique et les sciences émergentes : une opportunité pour l’Afrique
VIII. Conclusion : Être au rendez-vous du « donner et du recevoir », plus qu’un devoir, une nécessité impérieuse
Permettez-moi à l’entame de mon propos de remercier la Commission économique africaine des Nations unies (CEA), sa Secrétaire exécutive Madame Vera Songwe et ses membres pour l’honneur qui m’est fait de délivrer une conférence lors de ses prestigieuses « Leçon annuelle Adebayo Adedeji ». Je remercie la CEA pour toute l’attention dont je fais l’objet. Cette année est particulière car elle a pour parrains le Professeur Adebayo Adedeji et le Professeur Calestous Juma prématurément arrachés à notre affection. Je tiens à leur rendre un vibrant hommage pour leur contribution à la prise de conscience par l’Afrique de la place de l’éducation, de la formation, de la science, de la technologie et de l’innovation dans le processus de développement. Je prie Dieu de les accueillir dans Son Paradis Éternel.
Mesdames, messieurs les panélistes, je vous adresse mes plus vives et chaleureuses salutations.
I. Introduction
Une comparaison, aujourd’hui, entre les pays africains et certains pays asiatiques comme la Corée du Sud, Singapour, la Malaisie, le Vietnam, etc., indique clairement que les choix de politiques de développement des pays africains au début des indépendances étaient insuffisants ou n’avaient pas pu être appliqués. Aucun pays africain, sortant de la colonisation, n’a atteint l’émergence économique et encore moins, n’a résolu les conditions de base pour la satisfaction du bien-être de ses populations. Il est alors naturel de se poser la question : quels sont les choix politiques, de ces pays asiatiques, qui ont produit, entre trente et cinquante ans, une telle différence ? Le constat est accablant car beaucoup de pays africains, au début des années soixante, étaient plus avancés que ces pays asiatiques. Ces pays ont connu des croissances fortes et soutenues. Juste à titre illustratif nous pouvons noter que la Corée du Sud est passée en 1960 d’un PIB par tête d’habitant de 260 $ similaire à celui de beaucoup de pays africains à 36 532.5 $ en 2016 alors que le Sénégal est à 2 566.1 $, la Côte d’Ivoire à 3 693.4 $, le Ghana à 4 292.4 $ et l’Ethiopie à 1 734.5 $. Le constat est que les pays africains sont non seulement dépassés par ces derniers, mais le fossé est devenu tellement grand, que ces pays leur viennent en aide dans plusieurs secteurs, financent des projets et programmes, reçoivent leurs étudiants et renforcent les capacités de leurs cadres administratifs, scientifiques et techniques. Comme la Corée du Sud avec le Knowledge Sharing Program (KSP), un certain nombre de ces pays ont des programmes de partage de leur expérience avec les pays africains pour les accompagner dans les choix politiques et les stratégies pour aller vers l’émergence. Il y a sans doute de très grandes différences de choix politiques. Cependant, j’en retiendrai trois, qui à mon avis, ont fait la différence :
- la construction au niveau des populations et particulièrement au niveau de la jeunesse d’une conscience citoyenne porteuse d’une confiance en soi inébranlable et d’un engagement patriotique, à toute épreuve, à servir son pays ;
- le développement sans précédent de l’éducation, de la formation, en renouvelant complètement sa pédagogie et ses modalités de formation ;
- la construction d’une économie avec une forte intégration de la science, de la technologie et de l’innovation orientée par le choix stratégique du pays de devenir un leader mondial dans un certain nombre segments et dans un horizon déterminé.
C’est sans doute cette prémonition qui avait poussé très tôt le leader ghanéen Kwame Krumah et le savant sénégalais Cheikh Anta Diop à appeler la jeunesse africaine à ne ménager aucun effort pour maîtriser la science et la technologie. Si le Continent n’a pas, dans sa grande majorité, suivi les recommandations de ces deux éminentes personnalités, il est heureux aujourd’hui que l’Union africaine, en plus de l’adoption de l’Agenda 2063, ait posé plusieurs actes ( adoption du document Science, Technologie et Innovation pour l’Afrique, Stratégie pour 2024 (STISA 2024) ; création du Comité des Dix Chefs d’États pour la Promotion de l’Éducation, de la Science et de la Technologie ; création du Comité Technique spécialisé Éducation, Science et Technologie (CTS EST) ; etc.). L’Union africaine indique ainsi clairement aux pays africains que l’éducation, la formation, la science, la technologie et l’innovation sont les voies à suivre pour le développement. L’Union africaine est renforcée par l’adoption par les Nations-Unies des Objectifs du Développement durable (ODD) qui créent un cadre, accepté au niveau mondial, de promotion d’un développement bénéfique pour toutes les populations, dans l’équité, le respect et la préservation de notre environnement pour les générations actuelles et celles à venir.
Mesdames, Messieurs,
Le Continent se trouve donc face à un nouveau défi auquel n’ont pas fait face les pays européens, les États-Unis d’Amérique et même les nouveaux pays émergents d’Asie : construire son développement dans le respect des droits humains, dans la démocratie, la bonne gouvernance, dans le respect de l’environnement ! Aussi redoutable qu’est ce nouveau défi, parsemé d’obstacles, à vue d’œil difficile à surmonter, notre Continent, l’Afrique, a les moyens de conduire ce processus, humaniste et inédit, de développement grâce à l’éducation, la formation, la science, la technologie et l’innovation.
Il suffit pour s’en convaincre, d’examiner certaines particularités de l’expérience de développement accéléré en cours au Sénégal à travers son cadre de référence des politiques publiques, le Plan Sénégal émergent (PSE), et de mettre en exergue quelques-unes de ses réussites et ses réformes qui pourraient être partagées.
II. Atouts/ Contraintes
Pendant longtemps certaines caractéristiques du Continent sont apparues comme des contraintes voire des obstacles insurmontables pour le développement. Aujourd’hui il y a un éveil des consciences. L’Afrique pense de plus en plus par elle-même et découvre que ces particularités initialement considérées comme des contraintes sont plutôt des atouts favorables pour son développement ou tout simplement de nouveaux espaces à conquérir pour accélérer son rythme de développement. Les idées négatives et pessimistes sont de plus en plus chassées du Continent, une vision rationnelle et optimiste prend le dessus et le Continent, froid, face à tous ses atours beaux et laids, se tourne de plus en plus vers son développement, vers l’émergence économique, sociale et culturelle.
La jeunesse de la population africaine devient un atout certain, grâce au dividende démographique que l’éducation, la formation, la science et la technologie vont produire. Il en est de même pour l’accès des femmes à l’éducation, à la formation, à la science et à la technologie et des conséquences bénéfiques à toute la société de la promotion de l’équité de genre à tous les niveaux (études, accès au top management, positions politiques électives, économie et affaires, accès aux terres, etc.). Au Sénégal la Parité est instaurée sur les postes électifs, au niveau de l’enseignement supérieur une politique de discrimination positive est développée : accès au top management, subventions de recherche à travers le Projet d’Appui à la Promotion des enseignantes chercheures (PAPES), accès aux bourses pédagogiques pour les nouveaux bacheliers (51% pour les bachelières), etc.
Certaines contraintes deviennent des défis majeurs à réussir en même temps que le processus d’émergence économique est lancé :
- atteindre la scolarisation et l’alphabétisation universelles ;
- déployer la carte universitaire et de formation professionnelle pour assurer l’équité territoriale et donner la chance à tous les citoyens d’accéder à un métier ;
- promouvoir, vulgariser et diffuser la culture scientifique et technique ;
- accélérer l’accroissement de la production scientifique, technique et d’innovations par rapport au reste du monde ;
- démultiplier la création d’entreprises basées sur des innovations technologiques ou des transferts de technologie ;
- accélérer l’intégration des innovations dans les entreprises, la société et la culture ;
- etc.
A l’instar de l’accord créant la Zone de libre Échange africaine (ZLEC) signé en mars 2018 à Kigali, l’Afrique devrait instaurer une charte de libre circulation et de libre installation des cerveaux. Le Sénégal a franchi un premier pas en supprimant la condition de nationalité pour le recrutement au sein des universités, des enseignants chercheurs et des chercheurs, faisant de ce corps le seul dans la fonction publique sénégalaise où la nationalité n’est pas exigée. Une innovation, une avancée majeure qui permet de faire appel aux meilleures compétences et de les mettre au service du développement national.
III. Un environnement à bâtir
Évidemment, la construction d’un complexe scientifique et technique passe par la création d’un environnement favorable à son déploiement.
Nous aborderons beaucoup de ces aspects dans les parties suivantes c’est pourquoi je me limiterai ici à quelques principes fondamentaux incontournables pour espérer aller de l’avant :
- la stabilité du système scolaire et universitaire sans laquelle il n’est pas possible de former surplace des compétences de niveau international. Elle passe par de meilleures conditions de formation, de travail et de vie des personnels d’enseignement et de recherche ; un meilleur cadre d’étude et de formation pour les élèves, les apprentis, les étudiantes et les étudiants. Des mesures incitatives de maintien et d’attraction des enseignants de qualité dans des disciplines très demandées par les entreprises.
- le déploiement d’une infrastructure d’accès à l’Internet haut débit sur l’ensemble du territoire national et même au niveau régional et en fin de compte au niveau de tout le Continent. L’accès à l’Internet haut débit devrait désormais être un droit pour chaque citoyen et notre continent devrait saisir cette opportunité, comme les pays le font déjà pour l’eau, l’électricité, l’assainissement et le téléphone, pour l’exiger dans toutes les nouvelles infrastructures ou aménagements de lieux d’habitation.
- La démocratisation de l’accès à l’ordinateur portable, à la tablette, etc. et avec des coûts d’accès à Internet accessibles pour les élèves, les apprentis, les étudiantes et les étudiants et à tous les citoyens. Pour le système éducatif et de formation cela pourrait revêtir le format de forfaits Internet préférentiels mensuels, trimestriels ou annuels.
IIII. Une ambition à construire
La construction de ce complexe scientifique et technique, qui influencera de manière décisive l’économie, la société et la culture dans les pays, passe nécessairement par l’expression claire d’une ambition, à travers une vision parfaitement exprimée et mise en œuvre dans un plan de développement encadré par un agenda précis et disposant de moyens humains et financiers appropriés. Cela ne peut provenir d’actions conjoncturelles, spontanées ou isolées. C’est un choix politique conscient et délibéré qui s’appuie sur des ressources humaines locales, de la diaspora ou provenant de partenaires qui acceptent de soutenir le projet. Ce plan de développement crée les conditions de production rapide des ressources humaines manquantes et accélère la massification du capital humain dans les domaines prioritaires du projet de développement. L’ouverture au monde extérieur est un atout en même temps qu’elle peut exposer le pays à une mobilité des cerveaux qui lui est défavorable. Dans tous les cas, il y a une forte corrélation entre les priorités de développement du capital humain et celles de l’économie et les priorités sociales et culturelles. Peut-on soutenir de manière durable la priorité de développement de l’agriculture si elle n’est pas accompagnée du développement des ressources humaines de qualité sur toute la chaine de valeur et imprégnées d’une culture de développement durable, d’agro-écologie, de préservation de la biodiversité et de l’environnement ? Le Sénégal jusqu’en 2010, bien qu’affichant depuis les indépendances comme première priorité l’agriculture, n’avait comme établissements de formation agricole au niveau supérieur que deux écoles : l’École nationale supérieur d’Agriculture de Thiès (ENSA) qui forme des ingénieurs dans différents domaines de l’agriculture, elle recrutait des cohortes de vingt (20) étudiants et l’École nationale des Cadres ruraux de Bambey (ENCR) devenue Institut supérieur de Formation agricole et rural (ISFAR), elle avait également des cohortes d’une vingtaine d’étudiants. C’est à partir de 2010 que le tournant a été pris avec la création à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, que j’ai eu l’honneur de diriger, de l’Unité de Formation et de Recherche en Sciences agricoles, Aquaculture et Technologie agro-alimentaire (UFR S2ATA) qui, dès son démarrage, a recruté plusieurs centaines d’étudiants. La Réforme de l’Enseignement supérieur suite aux onze décisions prises par Son Excellence le Président de la République Monsieur Macky Sall a profondément transformé le tableau : création dans les cinq universités physiques (Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Université Gaston Berger de Saint-Louis, Université Alioune Diop de Bambey, Université Assane Seck de Ziguinchor, Université de Thiès) de nouvelles filières ou d’Unités de Formation et de Recherche dans divers domaines du secteur agricole comme l’agroforesterie, l’agro-écologie, les métiers verts, la production végétale, la production animale, la production laitière, l’aquaculture, la gestion des ressources halieutiques, l’irrigation, le machinisme agricole, la chimie appliquée à l’agriculture, la biotechnologie, etc. Quatre instituts supérieurs d’Enseignement professionnel (ISEP), dédiés à l’agriculture, sont créés pour former des techniciens supérieurs niveau Bac+2 avec une pédagogie innovante qui alterne étude et entreprise et qui, en classe, reproduit les situations de travail. Cette massification et spécialisation du capital humain s’accompagnent d’un effort sans précédent de recherche et d’innovation dans la production de semences de qualité par l’Institut sénégalais de Recherche agricole (ISRA), de fourniture d’engrais, de mécanisation de l’agriculture et de fourniture d’équipements pour la conservation des fruits, des légumes, du lait, de motorisation de la pêche artisanale, etc.. L’utilisation fine des prévisions météorologiques qui donnent le tableau de l’hivernage à venir, a permis d’accompagner les producteurs dans le choix des variétés à cultiver. Fort de l’accompagnement financier de l’État, le secteur agricole sénégalais connaît une embellie certaine qui se traduit par une augmentation sans précédent de la production agricole, halieutique, animale, etc.
L’agriculture pourrait bien servir de modèle de politique intégrée de transformation structurelle de l’économie via l’éducation, la formation, la science, la technologie et l’innovation.
V. Les transformations structurelles
Beaucoup de pays africains sont sur la voie de la transformation structurelle de leur économie, du développement des ressources humaines, du renforcement des politiques sociales et de santé, de paix sociale, de sécurité et de bonne gouvernance. Au Sénégal cette politique publique s’appelle le Plan Sénégal émergent (PSE), elle est composée de trois axes dont le pivot est l’axe 2 qui traite du capital humain. Le Sénégal a adopté une démarche participative, inclusive pour construire la réforme de son système d’enseignement supérieur, de recherche, de science, de technologie et d’innovations à travers 78 recommandations adoptées par consensus par les plénières de la Concertation nationale sur l’Avenir de l’Enseignement supérieur (CNAES) tenues à Dakar du 6 au 9 avril 2013. Elles furent suivies du Premier Conseil présidentiel dédié à l’Enseignement supérieur de l’histoire du Sénégal tenu le 14 août 2013. C’est au cours de ce Conseil que Son Excellence le Président de la République Monsieur Macky Sall a pris onze (11) décisions composées de 69 directives qui constituent la feuille de route décennale (2013 – 2022) de l’enseignement supérieur, de la recherche, de la science, de la technologie et de l’innovation. Elle part d’une vision qui se fonde sur le principe que c’est la société sénégalaise qui doit définir les politiques dans ces secteurs et que leur finalité est de servir, en retour, la société sénégalaise. Les filières d’enseignement supérieur doivent s’aligner sur les besoins du monde socio-économique. Je m’arrête sur cinq orientations phares de cette réforme qui est en cours d’exécution et qui a atteint un taux de réalisation de 61% après seulement quatre années de mise en œuvre.
Orientation 1 : La réorientation vers les sciences, les technologies, les sciences de l’ingénieur et les formations professionnelles courtes : elle se traduit par le développement des infrastructures de l’enseignement supérieur notamment par la création, la construction et l’ équipements de laboratoires de travaux pratiques (cent (100) dans les établissements publics d’enseignement supérieur) ; création du réseau de 14 Instituts supérieurs d’enseignement professionnel (ISEP) après une étude sur les potentialités de développement économique de chacune des quatorze régions du Sénégal, cinq ISEP sont en cours de création ; la professionnalisation de l’enseignement supérieur (plus de 260 nouvelles filières professionnelles sont créées entre 2013 et 2017). La mise à disposition aux populations des résultats mûrs de la recherche ou des technologies mûres qu’elles peuvent utiliser à travers les groupements d’intérêt économique (GIE) comme activités génératrices de revenus : c’est le rôle que jouent les Centres de Recherche et d’Essai (CRE), il y en vingt trois (23) à travers le pays.
Orientation 2 : L’intensification du développement du numérique facilitée par l’existence d’un réseau administratif en fibre optique qui couvre l’essentiel du territoire, l’interconnexion de toutes les universités publiques (bande passante à Internet de 2 X 155 Mo) est réalisée ; la création de l’Université virtuelle du Sénégal (UVS) avec un réseau de cinquante (50) espaces numériques ouverts (ENO) à l’horizon 2022 avec un ENO au moins dans chacun des quarante cinq (45) départements du Sénégal (vingt-et-un (21) ENO sont en cours de construction), l’UVS compte cette année 22 000 étudiants soit 20 % des effectifs de l ‘enseignement supérieur public avec une vingtaine de filières de formation de niveau licence et master ; la création d’une plateforme www.campusen.sn, primée par l’Union africaine, pour la dématérialisation de l’orientation des bacheliers, la gestion des bourses, le répertoire de toutes les formations supérieures publiques et privées offertes dans le pays ; le projet un étudiant un ordinateur dont bénéficie plus de 50% des étudiants du public, il est supporté par une subvention de l’Etat avec abandon de toutes les taxes sur l’ordinateur portable ; un forfait mensuel étudiant pour l’accès à Internet pour un volume de 5 Go et un tarif de 4 $ ; les bases de données Science Direct, CAIRNINFO, etc. sont à accès libre sur les campus pédagogiques des universités publiques ; la création en cours d’une bibliothèque virtuelle ; le Sénégal est un des rare pays d’Afrique à avoir acheté un super calculateur d’une puissance de calcul de 537,6 tera flops autour duquel seront adossées à la rentrée prochaine des formations et des recherches de niveau international en licence et master dans le numérique et les sciences émergentes ; etc. Il est important de souligner, à côté de l’Etat et des partenaires, le rôle de l’Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes (ARTP) dans le développement du numérique dans l’enseignement supérieur à travers les financement de son Fonds de Développement des Services universels des Télécommunications (FDSUT) : prise en charge de l’abonnement haut débit des établissements publics d’enseignement supérieur et financement de la construction et de l’équipements de 8 espaces numériques ouverts.
Orientation 3 : La gouvernance des institutions d’enseignement supérieur comprend désormais un Conseil d’administration dont le Président et le Vice-Président proviennent du monde socio-économique. Les missions des établissements d’enseignement supérieur sont aussi élargies à l’innovation, au service à la communauté et à l’accompagnement des étudiants pour leur insertion professionnelle.
L’Université est de plus en plus orientée vers l’économie et la société, elle entame la mue qui la conduira sur la position d’acteur économique indéniable.
Orientation 4 : L’accès universel à l’enseignement supérieur devient une nécessité pour renforcer le capital humain spécialisé et la production de connaissances et de savoir-faire dont l’économie a besoin. Depuis novembre 2012, tout titulaire du baccalauréat sénégalais bénéficie, s’il le demande, d’une orientation à la charge de l’Etat dans un établissement public ou privé de l’’enseignement supérieur. Le développement de l’enseignement supérieur passe par l’élargissement de la carte universitaire en renforçant l’équité territoriale, l’équité de genre, en prenant en compte les populations en situation de handicap, en professionnalisant les filières de formation, en développant au niveau pédagogique un certain nombre de « soft skills » (entreprenariat, leadership, développement personnel, communication, citoyenneté, environnement, développement durable) qui vont contribuer à forger chez les jeunes un engagement patriotique à servir leur pays. Au Sénégal plusieurs universités, centres universitaires, ISEP en plus de l’UVS sont en cours de construction : Université Amadou Mahtar Mbow (UAM) dans la nouvelle ville de Diamniadio (30 000 étudiants, STEM et Santé) ; Université du Sine Saloum El Hadji Ibrahima Niass (USSEIN) ( 30 000 étudiants ; agriculture ; cinq sites d’implantation) ; deux centres universitaires délocalisés (Kolda au Sud et Guéoul au Nord) ; cinq ISEP ( Thiès au Centre-Ouest ; Diamniadio à côté de Dakar ; Matam au Nord ; Richard Toll au Nord-Ouest ; Bignona au Sud-Ouest) ; les 21 ENO et le siège de l’Université virtuel du Sénégal .
Orientation 5 : La promotion de la création d’entreprises à travers des projets innovants d’étudiants. En plus de l’introduction systématique de l’entreprenariat dans les curricula, les établissements d’enseignement supérieur ont créé des incubateurs et des centres d’innovation. Les trois écoles et instituts polytechniques (École supérieure polytechnique de Dakar (ESP), l’École polytechnique de thiès (EPT) et l’Institut polytechnique de Saint-Louis (IPSL)) ont mis en place des Fablabs équipés d’imprimantes 3D. Un programme national de formation à l’entreprenariat a été lancé, il s’agit du Programme sénégalais pour l’Entreprenariat des Jeunes (PSE-J). Il dispose aussi d’un incubateur.
VI. La stratégie, la planification et le financement
Ces trois questions sont intimement liées. Leur bonne prise en charge garantit la livraison des résultats attendus à la date prévue et en assure le succès. C’est aussi la clé de voûte pour convaincre les Gouvernements et les différents partenaires pour financer les projets du programme et surtout dans des conditions douces, acceptables et supportables par l’économie. L’expérience sénégalaise, au niveau macro du Plan Sénégal émergent (PSE) et micro de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, démontre que lorsque la vision est claire, la stratégie bien définie, la planification adéquate, dans un pays stable et en paix, le financement n’est plus une contrainte ! La contrainte devient la capacité d’endettement du pays ! Pour l’enseignement supérieur, la recherche, la science, la technologie et l’innovation les sommes levées en cinq ans ont dépassé les prévisions en 2013 en investissement en infrastructures et équipements qui étaient de 302 milliards de FCFA (604 millions de dollars US) tandis qu’à la fin de l’année 2017 elles étaient de 436 milliards de francs CFA (872 millions de dollars US). Ces financements proviennent : du public, des partenaires techniques et financiers, de dons, de banques publiques d’investissement, de Fonds souverains, de partenariats publics privés (PPP), de banques commerciales, etc.
VII. Le Numérique et les sciences émergentes : une opportunité pour l’Afrique
Le numérique et les sciences émergentes sont une chance pour l’Afrique et particulièrement pour sa jeunesse. Le dividende démographique prend ici tout son sens : la jeunesse, le nombre et la rencontre avec les technologies du nouveau siècle constituent un ferment, un catalyseur pour démultiplier la créativité, l’esprit d’innovation et la création d’entreprises basées sur ces nouvelles technologies. De partout, en Afrique, surgissent spontanément des inventions, des innovations faites très souvent par des jeunes. Ils sont des techniciens, des titulaires de licences ou de masters, des ingénieurs, des titulaires de doctorat ! Des politiques doivent être élaborées pour que ces mares, ces étangs, deviennent des ruisseaux impétueux qui alimentent les rivières qui à leur tour se déverseront dans des fleuves dont les crues impétueuses arroseront tout le Continent. Un continent qui alors pourra se mettre à l’abri de la calamité de l’ignorance et entamer une ère de prospérité fondée sur sa jeunesse, une jeunesse bien formée, consciente de son rôle et de sa place dans la société.
Le rêve est permis mais il ne s’agit pas ici seulement d’un rêve mais d’une réalité aussi dramatique que fantastique. L’Afrique passive qui observe, sera l’Afrique asservie des temps modernes, une partie du Ghetto du village planétaire. A l’image des années soixante, où empêtrée souvent dans un dilemme existentiel, certains ont consciemment refusé de s’approprier la science et la technologie qu’ils considéraient comme une compromission conduisant à une dilution dans la civilisation de l’Universel. Ils ont cru que c’était la meilleure manière de sauvegarder son identité, d’exister et de rester soi-même, mais au final, après plusieurs décennies d’indépendance, ils ont abouti à une désillusion : non seulement ils ne sont plus eux-mêmes mais ils n’ont pas aussi eu un gain substantiel dans leur idéal de bien-être.
Mesdames, Messieurs,
Nous n’avons pas le choix : « to be or not to be » ! Le numérique dans ses multiples composantes et les sciences émergentes comme l’intelligence artificielle, le Big Data, la cyber sécurité, la robotique, l’Internet des Objets, la réalité augmentée, la simulation numérique, le calcul scientifique, la modélisation, la génétique moléculaire, la biotechnologie, la bioinformatique, la nanotechnologie, les sciences et techniques spatiales et la télédétection, la physique nucléaire et ses applications, le changement climatique, etc. constituent un immense gisement d’inventions et d’innovations sur lesquelles l’économie mondiale est en train de se renouveler. Ce sont des millions d’emplois, des milliers de nouveaux métiers, des sommes astronomiques qui sont en jeu : l’intelligence semble pour longtemps avoir pris le pas sur le matériel dans la production et le contenu des marchandises. Ce nouveau mode de production et ces nouveaux produits sont en train de changer notre vie, nos manières de vivre, nos rapports avec les personnes et les biens, nos besoins et en fin de compte nos manières de penser, notre culture et posent la lancinante question: ferons-nous partie de cette nouvelle économie par conséquent de cette nouvelle civilisation ? Un pays, le Japon anticipe. Il construit le Japon Société 5.0, pour prendre toute la mesure des opportunités de transformation économique et sociétale que le numérique et les sciences émergentes offrent à un pays et à sa population vieillissante.
Tout le Continent doit s’engager dans le numérique et les sciences et technologies émergentes par une réorientation du système éducatif (du préscolaire au secondaire), du système de formation professionnelle, de l’enseignement supérieur, du système de recherche et d’innovation, vers les STEM, vers ces nouvelles sciences et technologies et contribuer ainsi à leur intégration dans les priorités de développement contenues dans les plans d’émergence économique, sociale et culturelle des pays africains. Le Sénégal a pris la mesure des défis que le numérique et les sciences et technologies émergentes posent. Il dispose d’un Centre d’Excellence en mathématiques, informatique et TIC (le MITIC à Saint Louis) et est en train de construire la Cité du Savoir, dont certaines composantes seront fonctionnelles dès juillet 2018, et qui constituera la base de formation de compétences de haut niveau et de production d’innovations dans le numérique, les sciences et technologies émergentes. Son Excellence le Président de République Monsieur Macky Sall a pris les décisions de créer le parc technologique dans la nouvelle ville en construction de Diamnadio à 30 km de Dakar et vient d’allouer comme dotation initiale d’un milliard de francs CFA ( deux millions de dollars US) pour supporter les startups numériques dans le cadre de la création d’emplois rapides pour les jeunes et les femmes.
VIII. Conclusion : Être au rendez-vous du « donner et du recevoir », plus qu’un devoir, une nécessité impérieuse
Ce qui se joue sous nos yeux, c’est l’avenir de la jeunesse africaine, le futur de notre Continent. Nous avons la possibilité de construire une économie qui nourrit les êtres humains et les animaux, qui fait travailler l’écrasante majorité de la population africaine, qui donne à chaque africaine et à chaque africain un sentiment de haute estime de soi et de bonheur correspondant à l’idée qu’il se fait de son bien être. Ainsi les africains ne viendront-ils plus alors grossir les rangs des naufragés de la Méditerranée et la famine ne sera plus qu’un vieux souvenir que les livres d’histoire rapporteront aux enfants.
Mesdames, Messieurs,
Les africains, particulièrement les intellectuels africains, ont souvent l’habitude d’agir comme Hamady Kandi dont parle le dicton peul : « Hamadi Kandi ala welo soodi korne », littéralement « Hamady Kandi n’a pas de bicyclette, il a acheté un klaxon ». Cette attitude a le désavantage de ralentir fortement les prises de décisions ou carrément de les interdire. Ce fut le cas pour l’exploitation pacifique des retombées du nucléaire ! Et le bruit des klaxons fut tellement fort que beaucoup de pays ne se sont pas engagés dans la recherche en biotechnologie ou ont voté des lois tellement contraignantes que la recherche et l’innovation sont devenues impossibles.
Tirons les leçons de ces erreurs du passé, portées par des intellectuels souvent de bonne foi, mais perdus par leur attachement à la préservation de l’identité africaine qui n’existe que comme une idée métaphysique.
Madame la Secrétaire exécutive,
Mesdames, messieurs les ministres en charge de l’économie, du développement, des finances et de la planification,
Mesdames, Messieurs les invités
N’hésitez pas, faites le choix d’engager le Continent dans l’utilisation intensive de la Science, de la Technologie et de l’Innovation et, surtout, osez clamer, à voix audibles et en symphonie, votre manifeste pour que les Chefs d’États engagent résolument et obstinément les pays du Continent dans le numérique, dans les sciences et les technologies émergentes !
Je vous remercie de votre aimable attention.
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