Campagne électorale 2012: Candidats, où sont vos programmes ?

Le duel Wade-Macky, du fait qu’il oppose « père » et « fils », est une affiche électorale inédite et alléchante qui fait couler, depuis quelques jours déjà, beaucoup d’encre et de salive. La confrontation s’annonce explosive.


Campagne électorale 2012: Candidats, où sont vos programmes ?
Avec son trop plein de promesses et ses dérives langagières empreintes de petites phrases assassines distillées ça et là, la campagne électorale du second tour semble ne pas encore tenir toutes ses promesses en termes d’idées innovantes et de grands projets susceptibles de sortir le pays de la grave crise politique, économique et sociale qu’il traverse. Dans cette course au moelleux fauteuil présidentiel, le « père » et le « fils » n’ont pas encore décliné de programmes qui proposent de véritables solutions aux maux dont souffre le pays.
Nos hommes politiques nous ont habitués, depuis l’indépendance, à un bavardage intempestif durant chaque période de campagne électorale. Leur verbiage, c’est connu, tient toujours lieu de programme et fait parfois rigoler. On se souvient, par exemple, des propos clownesques et malheureux d’un candidat qui, en 1993, n’avait rien d’autre à proposer aux paysans que des lits, armoires, réfrigérateurs à pétrole et charrettes. Ce candidat, pourtant grand intellectuel à l’époque, a poussé le ridicule jusqu'à demander aux Sénégalais de l’élire pour son… beau sourire.
Peu, en effet, se soucient réellement d’avoir un programme électoral cohérent, précis et immédiatement opérationnel. Les candidats n’ont généralement de visée que pour la station présidentielle. C’est le plus important pour eux, car le risque compte pour du beurre. Souvent, seul le charisme du chef de parti est mis en avant. Lui seul compte. Les électeurs, pour la plupart, s’identifient au leader mais ne le soutiennent pas nécessairement par rapport à un projet ou une pensée politique bien définis. Dans cet exercice, Me Wade semble être, de très loin, un champion imbattable. L‘homme, plus qu’un symbole, était un mythe pour des millions de Sénégalais, la jeunesse surtout. Son « Sopi », à la fois slogan et emblématique « programme » de campagne, pendant 26 ans, a secoué rageusement le cocotier socialiste, mais s’est révélé tout de suite inopérant lorsqu’il s’est agi de le mettre concrètement en œuvre en 2000.
Pendant un quart de siècle d’opposition et de luttes démocratiques acharnées, le « Sopi », qui avait fini de faire le tour du monde, n’eut été, semble-t-il, que de la poudre aux yeux. Rien de plus. Le seul véritable programme politique du PDS c’était la personne du secrétaire général, la seule constante du parti dit-on encore aujourd’hui. Le combat de Wade n’avait, visiblement, d’autres objectifs que de remplacer Diouf et son équipe. Autrement, comment expliquer, objectivement, depuis qu’il est au pouvoir, la trop grande instabilité institutionnelle et gouvernementale, les erreurs de casting dans le choix des hommes, le pilotage à vue, la prolifération d’agences de toutes sortes, les nombreux couacs et tous les manquements qui ont été notés dans la gestion des affaires de l’Etat ? Le défaut de programme y est peut-être pour quelque chose.
Dans les grandes démocraties occidentales, les différents programmes des partis politiques sont bien élaborés et s’intéressent, à peu près, à toutes les questions liées à la vie nationale et internationale : retraites, crise économique, politique étrangère, etc. A titre d’exemple, aujourd’hui en France, les débats tournent autour des problèmes de l’immigration, de l’emploi des jeunes, de la montée de l’islamisme et j’en passe. Nicolas Sarkozy, François Hollande et les autres candidats à la présidentielle s’emploient à convaincre vaille que vaille l’électorat français par des idées fortes, des programmes alléchants. En 2008, aux USA, Barack Hussein Obama avait fait son cheval de bataille le retrait des troupes américaines du bourbier irakien, la réforme du système de santé, la fermeture des camps de détention de Guantanamo, etc. Son programme a plu aux Américains qui l’ont porté au pouvoir brisant, ainsi, tous les tabous sur la race, l’origine ethnique.
Au pays de Kocc Barma Fall, par contre, on se focalise sur des détails sordides : alliances tous azimuts pour remporter rapidement l’élection, chasse effrénée et éhontée au « Ndigël », débauchage de militants d’autres partis, stigmatisation d’une partie de la communauté « pulaar », entre autres. Au premier tour, les 13 candidats n’avaient qu’un seul mot d’ordre : tout sauf Wade ! Personne n’a parlé de programmes. D’aucuns n’ont même pas jugé utile de battre campagne. Ils ne sont pas allés plus loin que la Place de l’Indépendance dans leur conquête de l’électorat. On a vu ce que cela a donné ! Aujourd’hui, encore, ils remettent la chansonnette au goût du jour. Autrement dit, le papotage, les quolibets, les invectives, la diffusion stridente de « singles » à la gloire d’un candidat, la pêche aux voix sont les seules vraies activités qui meublent la présente campagne électorale du second tour. Il n’y a point de débat d’idées entre les deux finalistes ou leurs camps respectifs.
Pour cette élection présidentielle, nous attendons du CNRA, de la RTS et des télés privées qu’ils organisent, au moins, pour la première fois dans l’histoire politique du Sénégal, un débat télévisé afin de permettre aux deux candidats de décliner leurs feuilles de route pour les sept années à venir devant les 14 millions de Sénégalais. Un tel procédé sera tout bénéfice pour le Sénégal. Un pays comme la Côte-d’Ivoire l’a fait. Pourquoi pas nous ?
En 2000, l’opposant Wade avait vivement souhaité la tenue d’un tel débat avec son challenger d’alors, Abdou Diouf. Malheureusement, cela n’a pas pu se faire à cause du renoncement, à la dernière minute, du candidat socialiste. Aujourd’hui que Wade est aux affaires, nous pensons qu’il ne refusera pas de se prêter à ce jeu démocratique. Personnage connu pour son extraordinaire loquacité, « papy » n’osera certainement pas « fuir » ce face-à-face historique avec Macky qui, depuis son incroyable percée électorale, le réclame à cor et à cri. L’homme Wade aime se donner en spectacle, car il veut, en toutes circonstances, être celui que tout le monde voit, celui que tout le monde écoute, celui que tout le monde entend. Même si, à chaque fois qu’il ouvre la bouche, c’est soit pour s’autoglorifier, soit pour ridiculiser, malmener ou jeter de l’opprobre sur ses adversaires. L’opposition en sait plus que nous. Occasion ne saurait alors être plus belle que celle-ci pour que le « grand-père » de la nation (alitée) retrouve toute sa verve et sa popularité largement entamée s’il veut tenir tête à son « fils » que tous voient mackymatiquement comme probable Président de la République dans deux… petites semaines.
Amadou SARR, saramadou2008@gmail.com
Lundi 12 Mars 2012
Amadou SARR




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