21 ans. Soit 252 mois. Cela fait moins de 4 mois par victime tuée. C’est la peine à laquelle vient d’être condamné Jan Breivik en Norvège, le ‘‘tueur fou’’ qui a pose une bombe qui fit 10 morts, avant de procéder à une fusillade à l’aveugle qui en tua 59 autres. 21 ans, c’est la peine maximale dans le système judiciaire norvégien. Breivik encourt une peine incompressible de dix ans et pourra être libéré au bout de ce délai.
Il est sûr que le Sénégalais moyen trouvera cette peine bien légère pour la vie ôtée à 69 innocents.
Pourtant, toutes les incantations populaires au Sénégal, pour une plus grande dureté et une plus grande inhumanité à l’égard des délinquants, criminels et détourneurs n’est que le reflet de l’arriération mentale, de la misère sexuelle et des affres économiques d’un corps social qui a besoin de boucs émissaires comme catharsis permettant à la majorité de ses membres de supporter leur triste sort et leur absence d’horizon.
Le Coran n’est pas le code pénal du Sénégal, la charia n’en est pas la jurisprudence. Beaucoup de nos compatriotes invoquent des hadiths pour réclamer les sanctions les plus inhumaines contre les délinquants, les criminels et les ‘‘déviants sociaux’’, y compris la mise à mort. Pour cette dernière catégorie (homosexuels, drogués), nos coreligionnaires musulmans rappellent complaisamment qu’Allah préconise leur assassinat légal. Rappelons-leur que la Bible des Chrétiens établit aussi pour sanction de l’homosexualité la peine de mort. Cela fait pourtant bien longtemps que les Chrétiens ne se cachent plus derrière leur livre saint pour en appeler à cette barbarie qu’est la peine de mort, le lynchage et le bannissement à vie.
Le commun vouloir de vivre ensemble qu’est une nation demande de se débarrasser de pratiques qui relèvent de l’anthropophagie tribale et de la danse du scalp! La peine de mort est heureusement interdite et abolie dans notre pays depuis 2001. Même lorsqu’elle existait, la peine de mort n’a jamais été appliquée sous Abdou Diouf. Senghor ne l’a laissé s’appliquer que lorsque le contrevenant s’en était pris au corps sacré du Prince élu, c’est-à-dire à lui même (cas de Moustapha Lô) ou lors de l’assassinat du député de Mbour Demba Diop.
Dans les récents dossiers d’audit qui ont envoyé en prison les directeurs du Cosec et de l’ARTP, et fait défiler devant la police judiciaire Me Ousmane Ngom, Pape Ousmane Sy, Mbaye Jacques Diop et tutti quanti, la clameur populaire murmurait déjà très haut pour en appeler à leur écartèlement en place de Grève. A tout le moins, ‘‘qu’on les foute au gnouf !’’. Et qu’on les y maintienne. Sans autre forme de procès. Aujourd’hui, cette même société exhale sa rancœur, parce que les prévenus bénéficient d’une mise en liberté provisoire. Après un tour au pavillon spécial des prisonniers de l’hôpital Le Dantec, où les amènent des bobos et autres ennuis de santé dont l’opinion doute de la réalité. Or, le but du jeu, c’est qu’ils passent en procès. Et non pas de vie à trépas. Même si ce sont des malades imaginaires. Une justice équitable, c’est-à-dire conforme au droit positif du pays, c’est ce à quoi à droit tout malfaiteur présumé mis aux arrêts. Même en cas de flagrant délit, la présomption d’innocence et le droit à un procès demeurent. Mais ce sont là des conceptions que la représentation mentale du plus grand nombre de nos concitoyens ne leur permet pas d’atteindre.
De même, les sanctions d’emprisonnement d’une durée délirante n’existent pas dans notre droit positif. DSK encoure 70 années d’emprisonnement aux USA pour sa bagatelle dans la chambre 2708 du Sofitel de New-York. Le financier détrousseur Madoff a écopé dans ce pays de 183 années d’emprisonnement ! Et encore, dans ces deux cas, c’est parce qu’il n’y a pas de crime de sang. Les USA se retrouvent dans le camp des Nations les plus rétrogrades et les moins humanistes, qui maintiennent la peine de mort (même si ce n’est pas le cas dans tous les 50 Etats des USA), avec la Chine, l’Arabie Saoudite, la Corée du Nord ou encore notre voisine la Gambie. Il est vrai que les USA sont piégés par leur incapacité constitutionnelle à restreindre la libre circulation des armes à feu, héritage de l’époque du Far West où tout se réglait à coup de fusil, ‘‘d’homme à homme’’.
Au Sénégal, les textes de loi sont en avance sur les mentalités. Espérons que les garants de ces textes de loi, nos dirigeants politiques, restent également en avance sur les populations. Et ne cèdent pas à la démagogie et au populisme ambiant. L’égorgeur de Guinaw Rails s’est ainsi fait passer pour un voleur afin d’être conduit dans le havre de civilisation qu’est le commissariat de police de Thiaroye. Un autre voleur, à Pikine, lynché presque à mort par la foule, n’a dû son salut qu’à l’arrivée des gendarmes. Sur les forums numériques, les commentaires soulèvent la nausée, en attaquant ces gendarmes, dont les collègues de Kedougou ont brutalisé à mort le jeune Kecouta, pour leur denier tout droit à secourir les malfaiteurs.
Dans ces mêmes forums, les commentaires sont à vomir quand ils saluent l’annonce de Yaya Jammeh, le satrape soigneur de sida qui dirige la Gambie, lorsqu’il annonce la mise à mort de tous les condamnés à la peine capitale pour septembre prochain. Comme s’il s’agissait d’un spectacle des jeux du cirque de la Rome antique ! En lui demandant de ne pas mettre à exécution cette menace, le Président béninois de l’Union Africaine, Dr Yayi Boni, défend au moins notre dignité humaine collective. Le Président Macky Sall lui, ne pipera mot. Il est pourtant interpellé en sa qualité de voisin unique. Mais il tient trop à son pont sur le fleuve Gambie. On n’aura donc droit qu’aux râles de nos droits-de-l’hommistes stipendiés, conduits par Alioune Tine. Ce qui donne bonne conscience.
L’humanité collective d’une société est le socle qui fait une nation. Cette humanité collective se mesure à la manière dont la société traite les individus les plus ‘‘inhumains’’ en son sein. La Grande-Bretagne a libéré et renvoyé dans son pays l’auteur libyen de l’attentat de Lockerbie qui avait fait près de 200 morts, atteint de cancer, lorsqu’il s’est avéré que ce terroriste n’avait plus que 3 mois à vivre. Il est vrai qu’il a encore vécu deux ans avant de mourir.
Ce n’est pas la sanction abusive qui fera reculer les crimes de sang, c’est la prévention. Pour ce qui est des crimes économiques de nos bandits présumés à col blanc, l’Etat a l’obligation de les maintenir aussi en bonne santé, pour qu’ils se présentent devant un juge, soient sanctionnés justement et s’acquittent de leur dette envers la société. En allant en prison et/ou en remboursement ce qu’ils ont indument pris.
Ce qui est en procès, c’est la société sénégalaise elle-même.
Editorialiste
ogueye@global-afrika.com
Il est sûr que le Sénégalais moyen trouvera cette peine bien légère pour la vie ôtée à 69 innocents.
Pourtant, toutes les incantations populaires au Sénégal, pour une plus grande dureté et une plus grande inhumanité à l’égard des délinquants, criminels et détourneurs n’est que le reflet de l’arriération mentale, de la misère sexuelle et des affres économiques d’un corps social qui a besoin de boucs émissaires comme catharsis permettant à la majorité de ses membres de supporter leur triste sort et leur absence d’horizon.
Le Coran n’est pas le code pénal du Sénégal, la charia n’en est pas la jurisprudence. Beaucoup de nos compatriotes invoquent des hadiths pour réclamer les sanctions les plus inhumaines contre les délinquants, les criminels et les ‘‘déviants sociaux’’, y compris la mise à mort. Pour cette dernière catégorie (homosexuels, drogués), nos coreligionnaires musulmans rappellent complaisamment qu’Allah préconise leur assassinat légal. Rappelons-leur que la Bible des Chrétiens établit aussi pour sanction de l’homosexualité la peine de mort. Cela fait pourtant bien longtemps que les Chrétiens ne se cachent plus derrière leur livre saint pour en appeler à cette barbarie qu’est la peine de mort, le lynchage et le bannissement à vie.
Le commun vouloir de vivre ensemble qu’est une nation demande de se débarrasser de pratiques qui relèvent de l’anthropophagie tribale et de la danse du scalp! La peine de mort est heureusement interdite et abolie dans notre pays depuis 2001. Même lorsqu’elle existait, la peine de mort n’a jamais été appliquée sous Abdou Diouf. Senghor ne l’a laissé s’appliquer que lorsque le contrevenant s’en était pris au corps sacré du Prince élu, c’est-à-dire à lui même (cas de Moustapha Lô) ou lors de l’assassinat du député de Mbour Demba Diop.
Dans les récents dossiers d’audit qui ont envoyé en prison les directeurs du Cosec et de l’ARTP, et fait défiler devant la police judiciaire Me Ousmane Ngom, Pape Ousmane Sy, Mbaye Jacques Diop et tutti quanti, la clameur populaire murmurait déjà très haut pour en appeler à leur écartèlement en place de Grève. A tout le moins, ‘‘qu’on les foute au gnouf !’’. Et qu’on les y maintienne. Sans autre forme de procès. Aujourd’hui, cette même société exhale sa rancœur, parce que les prévenus bénéficient d’une mise en liberté provisoire. Après un tour au pavillon spécial des prisonniers de l’hôpital Le Dantec, où les amènent des bobos et autres ennuis de santé dont l’opinion doute de la réalité. Or, le but du jeu, c’est qu’ils passent en procès. Et non pas de vie à trépas. Même si ce sont des malades imaginaires. Une justice équitable, c’est-à-dire conforme au droit positif du pays, c’est ce à quoi à droit tout malfaiteur présumé mis aux arrêts. Même en cas de flagrant délit, la présomption d’innocence et le droit à un procès demeurent. Mais ce sont là des conceptions que la représentation mentale du plus grand nombre de nos concitoyens ne leur permet pas d’atteindre.
De même, les sanctions d’emprisonnement d’une durée délirante n’existent pas dans notre droit positif. DSK encoure 70 années d’emprisonnement aux USA pour sa bagatelle dans la chambre 2708 du Sofitel de New-York. Le financier détrousseur Madoff a écopé dans ce pays de 183 années d’emprisonnement ! Et encore, dans ces deux cas, c’est parce qu’il n’y a pas de crime de sang. Les USA se retrouvent dans le camp des Nations les plus rétrogrades et les moins humanistes, qui maintiennent la peine de mort (même si ce n’est pas le cas dans tous les 50 Etats des USA), avec la Chine, l’Arabie Saoudite, la Corée du Nord ou encore notre voisine la Gambie. Il est vrai que les USA sont piégés par leur incapacité constitutionnelle à restreindre la libre circulation des armes à feu, héritage de l’époque du Far West où tout se réglait à coup de fusil, ‘‘d’homme à homme’’.
Au Sénégal, les textes de loi sont en avance sur les mentalités. Espérons que les garants de ces textes de loi, nos dirigeants politiques, restent également en avance sur les populations. Et ne cèdent pas à la démagogie et au populisme ambiant. L’égorgeur de Guinaw Rails s’est ainsi fait passer pour un voleur afin d’être conduit dans le havre de civilisation qu’est le commissariat de police de Thiaroye. Un autre voleur, à Pikine, lynché presque à mort par la foule, n’a dû son salut qu’à l’arrivée des gendarmes. Sur les forums numériques, les commentaires soulèvent la nausée, en attaquant ces gendarmes, dont les collègues de Kedougou ont brutalisé à mort le jeune Kecouta, pour leur denier tout droit à secourir les malfaiteurs.
Dans ces mêmes forums, les commentaires sont à vomir quand ils saluent l’annonce de Yaya Jammeh, le satrape soigneur de sida qui dirige la Gambie, lorsqu’il annonce la mise à mort de tous les condamnés à la peine capitale pour septembre prochain. Comme s’il s’agissait d’un spectacle des jeux du cirque de la Rome antique ! En lui demandant de ne pas mettre à exécution cette menace, le Président béninois de l’Union Africaine, Dr Yayi Boni, défend au moins notre dignité humaine collective. Le Président Macky Sall lui, ne pipera mot. Il est pourtant interpellé en sa qualité de voisin unique. Mais il tient trop à son pont sur le fleuve Gambie. On n’aura donc droit qu’aux râles de nos droits-de-l’hommistes stipendiés, conduits par Alioune Tine. Ce qui donne bonne conscience.
L’humanité collective d’une société est le socle qui fait une nation. Cette humanité collective se mesure à la manière dont la société traite les individus les plus ‘‘inhumains’’ en son sein. La Grande-Bretagne a libéré et renvoyé dans son pays l’auteur libyen de l’attentat de Lockerbie qui avait fait près de 200 morts, atteint de cancer, lorsqu’il s’est avéré que ce terroriste n’avait plus que 3 mois à vivre. Il est vrai qu’il a encore vécu deux ans avant de mourir.
Ce n’est pas la sanction abusive qui fera reculer les crimes de sang, c’est la prévention. Pour ce qui est des crimes économiques de nos bandits présumés à col blanc, l’Etat a l’obligation de les maintenir aussi en bonne santé, pour qu’ils se présentent devant un juge, soient sanctionnés justement et s’acquittent de leur dette envers la société. En allant en prison et/ou en remboursement ce qu’ils ont indument pris.
Ce qui est en procès, c’est la société sénégalaise elle-même.
Editorialiste
ogueye@global-afrika.com
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